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L'iuftres orateurs de la Grèce qu'il devoît bientôt
furpafiTer. Apollonius Molon, l ’un des plus célèbres
d’entr’eux , le fentit fi bien , que l’ayant,un
jour entendu déclamer , il parut fe refufer aux
louanges que tous ceux qui etoient préfens donnaient
à Cicéron, 8c demeura quelque temps penlif.
Cicéron lui en ayant demandé la caufe : ««'Eh, lui
» répondit-il, je vous loue fans doute 8c vous ad-
» mire j mais je plains le fort de la Grèce. Il ne
» lui reftoit plus que la gloire de l'éloquence,
» vous allez la lui enlever 8c la tranfporter aux
■»> romains ».
«* O Cicéroni dit un auteur ancien, Démofthè-
» nés t'a ravi la gloire d'être le premier orateur, 8c
» tu lui ôtes celle d'être l'unique ».
Cicéron avoit dans le gefte 8c dans la prononciation
, cette grâce infinuante, qui, en prévenant
l'auditeur, femble donne? plus de force au dif-
çours. Quelques hiftoriens anurent qu'il avoit perfectionné
fon aCtion par le fecours de Rofcius 8c
d'Efope, les deux aCteurs les plus accomplis de
leur fiecle. Son fentiment néanmoins étoit que l'école
du théâtre ne convenoit point à un orateur,
parce que les geftes en font trop détaillés, trop
efféminés, 8c plus proportionnés à l ’exprelTion des
mots qu'à la nature des chofes. Il railloit quelquefois
Hortenfius de fon aCtion trop badine 8c trop
théâtrale.
( Vie de Cicéron. )
Verrès avoit été préteur en Sicile, ou il s'étoit
rendu coupable de plulîeurs exactions confidéra-
bles. Il fut cité en jugement j 8c pour engager l'orateur
Hortenfius à prendre fa défenfe, il lui avoit
fait préfent d'un fphinx d'ivoire , qui étoit une
ftatue de grand prix. Cicéron plaidoit contre ce préteur
: Hortenfius, fon défenfeur, feignoit de ne
rien comprendre aux difcours de Cicéron. Je m'en
étonne, lui répliqua malignement cet orateur j car
•vous ave% cke% vous le fpkinx.
Publius C o t ta , qui fe dontfoit pour habile ju-
rifconfulte, quoiqu'il fût fort ignorant dans cette
fcience, étant cité en témoignage par« Cicéron,
répondit qu'il n'avoit aucune connoiliance du fait :
Vous vous imagine^ peut-être que j e vous , parle du
droit , lui répondit Cicéron ?
Métellus Nepo s , un autre de fes adverfaires,
lui reprochapt qu’il étoit un homme nouveau,
c'eft-à-dire, un homme peu connu, lui faifoit fou-
vent cette queftion : Quis eft pater tuus ? Quel eft
votre père ? Votre mère , répliqua Cicéron fatigué
de fes redites , a rendu cette queftion difficile à réfoudre.
La conduite de cette dame , comme on ne
l'ignorbit point, n'étoit pas des plus régulières.
C e même Métellus lui reprochoit un jour qu'il
avoit fait plus mourir- de gens, en les accufant,
£u'il n'en aYoitfauvé en les défendant. Je levoue.
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lui répondit Cicéron ; car i l y a en mol encore ptd$
de bonne fo i & de vérité que d‘éloquence.
Un jeune homme qui étoit accufé d’avoir env*
poifonné un de fes parens dans un gâteau, s'em-
portoit 8c faifoit des menaces à Cicéron. Courage,
mon ami , lui dit cet orateur , j'aime encore mieux
tes menaces que ton gâteau.
Il y avoit un certain OCtavius, à qui on repro—
choit d'avoir été efclave en Afrique : o r , c'étoit
l'ufage dans c e pays de percer les oreilles aux
efclaves, pour marque de leur fujétion. *Un jour
que Cicéron plaidoit, cet homme s'avifa de dire
qu'il ne l'entendoit point. Tu as pourtant l'oreille
percée , lui dit Cicéron.
Marcus Appius plaidant ufte grande caufe, dit
dans fon exorde, que fon ami pour lequel il plaid
o i t ,! ’avoit fupplié d’apporter dans cette affaire
beaucoup de foin, d'exaétitude, d’érudition 8c de
bonne foi. As-tu bien le coeur afte£ dur, lui dit
Cicéron en l'interrompant, de ne rien faire de ce que
tu as promis à ton ami.
Céfar ayant fait ordonner par un décret, que
toutes les terres de la Campanie feroient diftri-
buées aux foldats, la plupart des fénateurs qui y
étoient intéreffés, s'en plaignirent 5 8c Lucius Gel-
lius, qui étoit très-âgé , s'emportant plus que les
autres, dit que cette diftribution ne fe feroit jamais
pendant qu'il feroit envie. « Nous pouvons
» attendre , répartit Cicéron ,* car Gellius ne de-
» mande pas un long terme ».
Cicéron ayant, par fa vigilance 8c fon activité é
ruiné les defleins pernicieux de Catilina, reçut de
fes concitoyens des témoignages de reconnoifiance
qui durent combler fes defirs. L. Gellius, qui'avoit
été conful 8c cenfeur , déclara dans un difcours public
, que l'état lui devoit la couronne civique ,
pour l’avoir fauvé de fa ruine. Catulus lui donna
le titre de père de la patrie-dans une affemblée du
fénatj 8c Caton l'ayant honoré du même nom, à
la tribune aux harangues , le peuple répondit par
des acclamations redoublées.
Ceux qui étoient reliés fecrétement attachés au
parti de Catilina 8c de fes complices, trouvèrent
par la fuite le moyen de foire exiler Cicéron, fous
prétexte que dans les condamnations contre les
conjurés, il n'avoit pas rempli les formalités pref-
crites par la loi $ mais il fut bientôt rappellé par
les fuffrages unanimes du peuple affemblé. On lui
rendit par-tout, lors de fon palfage, les honneurs
publics : chacun s'emprefioit de Te voir , de le féliciter,
de lui marquer fa.joie. Cicéron n’exagère
point, dit Plutarque , quand il affine que « Rome
» entière fembla s'ébranler de deflus fes fonde-
» mens, pour venir embralfer fon confervateur ».
Un triomphe, non moins éclatant pour Cicéron
eft celui dont Plutarque fait mention. Céfar ayaat
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en main la fouverainepuilfance, 8c réfolu de perdre
Ligarius, accule d’avoir porté les armes contre lui,
s'étoit rendu au Forum le jour que la caufe de
cet officier devoir être plaidée : Cicéron s'en
étoit chargé. Il n’eut pas plutôt commencé à
parler, qu'il fit naître-des fentimens de compaf-
fion dans le coeur de Céfar. L'ame de ce dictateur
fembloit fuivre les mouvemens de l'orateur
, 8c fon vifage changea plufieurs fois de
couleur. Enfin, lorfque Cicéron vint à parler"
des circonftances de la bataille de Pharfale qui
regardoient Ligarius, Céfar fut fi ému , fi troublé
qu'il lailfa tomber quelques papiers qu'il
tenoit a la main pour les oppofer à l'accufé,
8c il avoua par-là en quelque forte fa défaite.
C e triomphe paroît encore plus extraordinaire,
lorfqu'on fait que Céfar auroit pu lui-même dif-
puter à Cicéron le prix de l’éloquence, s'il n'a-
voit pas préféré d'être le maître de la république.
Lorfque les fatellites envoyés par Antoine à la
maifon ae campagne de Cicéron, pour l’afiaffiner,
furent arrivés, ils apprirent qu'il venoit d'en fortir
pour chercher fon falut dans une terre étrangère.
Ils marchèrent promptement fur fes traces, 8c
joignirent bientôt fa litière dans un bois écarté.
Les domeftiques de Cicéron n'eurent pasplutôt ap-
perçu ces affaffins , qu'ils fe rangèrent autour ae
leur maître, réfolus de le défendre au péril de
leur vie > mais Cicéron les empêcha de faire la moindre
réfiftance. Il jetta fur fes ennemis un regard fi
tranquille 8c fi ferme, qu'il déconcerta leur audace
i 8c préfentant la tete hors de la litière, il
leur dit qu'ils pouvoient prendre ce qu'ils deman-
doient, 8c finir leur ouvrage. Ils lui coupèrent
aufli-tôtla tête 8c les mains. Lorfque l’on apporta
ce cruel préfent à Antoine > Fulvia, fa femme,
prit cette tête , 8c en perça la langue avec un
•poinçon d’o r , pour fe venger de ces Pkilippiques
fi véhémentes que Cicéron avoit prononcées contre
fon mari. Ainfi mourut ce grand homme , viétime
de fes fervices 8c de fes projets falutaires pour
fa patrie. Sa mort caufa une douleur amère à tous
ceux à qui il reftoit encore quelques fentimens
d honnêteté.- On rapporte même ^qu’Augufte le
regretta plus d’ une fois. Cet empereur ayant fur-
pris un jour un traité de cet orateur entre les
mains de fon petit-fils qui le cachoit fous fa robe
dans la crainte de lui déplaire, prit le livre, le
parcourut, 8c le rendit à ce jeune homme., en
lui difant : C’était un grand homme, mon fils , un
amateur %élê de la patrie.
C IE U T À T , gouverneur de Villeneuve.
Marguerite de Valois faifoit la guerre à Henri
III , fon frère, 8c au roi de Navarre fon mari.
Elle avoit campé fa petite armée devant Ville-
neuve d’Agénois. Elle ordonna à trente ou quarante
foldats, de conduire Charles de Cieutat aux
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pieds des murailles, 8c de le tuer, fi fon fils, qui
'commaridoit dans cette place, refufoit d’ouvrir les
portes. Cieutat, après qu’on eut fait cette indigne
fommation à fon fils , lui cria : » Songe d
» la fidélité 8c au devoir d'un françois, 8c que -fi
» j'étois capable de te décider à te rendre, ce
» ne feroit plus ton père qui te parleroitj mais
» un traître, un lâche , un ennemi de ton hon-
» neur 8c de ton roi.« Ses gardes avoient déjà
le bras levé 8c alloient le frapper : le jeune CieutatTeur
fit un ligne î on ouvrit la porte, il fortit
avec trois ou quatre hommes, feignit de parlementer,
8c mettant tout-à-coup l'épée à la main,
il fondit avec tant d'impétuofité fur ceux qui te-
noient l ’épée nue fur fon père, 8c fut fi foudai-
nement fécondé par plufieurs foldats de fa garnifon
qu'il le délivra.
CIMETIERE. Un célèbre anatomifte de Louvain
recommanda, dans fon teftament,de mettre
cette épitaphe fur l'endroit ou il feroit enterré :
Philippe Verteger a choifi ce cimetière pour le
lieu de fa fépulture , dans la crainte de profaner
téglife & de l’infefter par des vapeurs malfaifantes.
C IM O N , général des Athéniens, étoit fils de
Miltiade, dont il fui vit les traces glorieufes. La
vie de cet homme célèbre , qui fe montra aufli
grand dans la paix que dans la guerre, ne fut
pas exempte de revers $ car après avoir feryi longtemps
fa patrie, il fe vit banni parToftracifme.
II fut enfuite rappellé pour commander la flotte
des Grecs alliés. L'orateur Gorgias difoit de lui,
qu'il amaffoit des rickêjfes pour s'en fervir , & qu’il
s'en fervoit pour fe faire aimer & eftimer. Cimott
mourut l'an 449 avant J. C .
C IM O N , vieillard romain, condamné à mourir
de faim , fut allaité par fa fille, qui avoit la per-
miftion de venir voir fon père dans fa prifon. Cette
çharité fi refpe&able toucha les juges, 8c fut fuivie
de la grâce du coupable. C et aéte de charité romaine
a été confacré par les peintres les plus célèbres.
C IN C IN N A T U S ( Lucius QuincVus ) , d a teur
romain , vers l'an 4^8 avant J._C. Comme il
étoit fans ambition, ilpréféroit les douceurs de la
vie champêtre à tout l’ éclat de la dignité confu-
laire j néanmoins l'amour de la patrie l'emportant
fur celui de la retraite , je crains bien, ma chère
Racilia » dit-il à fa femme, que nos champs ne
» foient mal cultives cette année. » On le revêtit
en même-temps 'd'une robe bordée de pourpre,
8c les li&eurs avec leurs faifceaux, fe préfentè-
rent pour l'efcorter 8c pour recevoir fes ordres.
C IN Q -M A R S . Henri Coiffier dit Ruzé, marquis
de Cinq-Mars, fut redevable de fa fortifne
au cardinal de Richelieu. En 1639 il fut nommé