
L'habitude répand de la douceur jufques dans i
le mépris de la volupté'.
Ayes , difoit il encore , les bons pour amis,
afin qu'ils t'encouragent à faire le bien; & les
mechans pour ennemis , afin qu’ils t'empêchent de
faite le mal.
Traite les grands comnie le feu, 8c n’en fois
jamais ni trop éloigné , ni trop près.
II n’y a point de fociété fans loi. C'eft par la
loi que le citoyen jouit de fa ville, & le républicain
de fa république. Mais fi les loix font mau-
vaifes, l'homme eft plus malheureux 8c plus méchant
dans la fociété que dans la nature.
Lorfque ce philofophe fut fur le point de mourir
, on le confulta fur ce qu'on fèroit de fon coips
après fa mort : V^ous le taijfere£, dit-il , fur la terre ;
8e: fur ce qu'on lui repréfenta qu’il demeureroit
eXpofé aux bêtes^ féroces 8c aux oifeaux de
proie: eh bien, répliqua t-il, vous n’aurez qu’à
me tre mon bâton à côté de moi afin que je les
chaffe. Et comment pourrez vous le faire j repon-
doieî.tfes difcîples? Que m'importe donc , reprit
Diogène que les bêtes me déchirent?
Les amis de ce philofophe nreurent point d’ égard
à fon indifférence' pour les honneurs funèbres.
Il fut inhumé vers la porte de Corinthe qui
condüifbit à Tifthme. On éleva fur fon tombeau
une colonne de marbre de Paros , avec le chien ,
fÿmbole de la feéte, & plufieurs autres figures
allégoriques. La vide de Srnope, fa patrie3 s’em-
prefla de lui ériger des liâmes de bronze. Diogène
Laerce parle d'un monument plus digne de ce cy-
rrique 3 mais vertueux philofophe : ce font diffé-
rens traités qu’il compoîa , mais qui ont été perdus.^
. : 5
.D IO N , ,chaffé de Syracufe, apres avoir rendu
les plus fignaïés fervice à fon ingrate patrie 3 alla
chercher iinYfyle â Mec are où Préadate remplif-
foit alors la fuprêiiie dignité. Dion eut un jour be-.
foin de fes fefviceS, il fe rendit1 dans fon palais $
mais lé foùverain fnagiftrat accablé d’affaires , étoit
d'un accès fort difficile. On fit long-temps attendre
l'exilé de Syracufe y fans ; àvoiY aucun égard
pour fa grandeur paffée. Ses amis ét-oiénü indi-;
gnés de,voir traiter de la foric un.homme autrefois
fi crâmt & fi rèipeété :.« ,Confolops-nous,
»s mes amis, leur dit tranquillement Dion{ n’ai-
35 je pas fouvent fait la même chofe lorfqüe j,é-
ae tois à Syracufe »».
DISCRÉTION-, Beau talent que celui de parler
peu, ôn fe Fait fefpeéïer comme, un homme myfié-
rieux,aimer comme un homme discret,co’ffùltercp^ri-^
me un homme prüdent 'crdiridrè eôrHmé un hdhfme
qui d^ns fon filence, médite avec 'attention ee qft’iL
doit faire contre fes ennemis, 8c qui ne fe ïatff®
point aveugler par la paftion qui précipite tout.
Quatre puiffans monarques ont prononcé chacun
une maxime remarquable à peu-près fur le
même fujet.
% roi de Perfe : <*„ jamais je ne me fuis
33 repenti de m’ être tu, mais j’ai dit beaucoup
33 de choies dont j'ai eu lieu de me repentir 33,
Un empereur Grec: »a mon pouvoir éclate bien
39 davantage fur ce que je 11'ai pas dit, que fur ce
>3 que j'ai dit, mais je ne puis cacher ce que j'ai
» une fois prononcé >3.
Un empereur de la Chine : « il eft beaucoup
3> plus fâcheux de dire ce qü’on ne doit pas dire »
33 qu'il n’cft aifé de cacher le repentir de l'avoir
» dit 33.
Enfin un roi des Indes: ee je ne fuis plus maî-
33 tre de ce que j'ai une fois prononcé, mais je
»> difpofe de tout ce que je n’ai pas avancé par
»3 mes paroles. Je puis le dire ou ne le pas dire,
»’ fuivanc ma volonté »3.
Quand v ôu s méditez un projet
Ne publiez point votre affaire ».
On fè repenti toujours d’u n . langage indiferet
Et prefque jamais du myftére.
Le caufeur dit tout ce qu’il- fait»
. L’étourdi ce qu’il ne fait gu ère,
Les jeunes ce qu’ils fon t, les vieux ce qu’ils ont fait>
Et les fots ce qu’ils veulent faire.
DISGRACE. Le cardinal de Retz s’ étant
jeté aux pieds du roi après fon rappel : 33 M. Le
>» cardinal, lui dit le roi en le relevant : Vous
>3 avez les cheveux blancs. — Sire, lui répon-,
»3 dit *le cardinal , on blanchit aifément, lorf-
» qu'on a le malheur d’être dans la difgrâce de
» votre majefté. 3>
DISPUTE. Si on avoit toujours foin de s’af-
furer de la vérité d’un fait avant de difputer fur
fa caufe, on éviteroit, dit M. de Fontenéile,
le ridicule d’avoir trouvé la caüfè de ce qui
n’eft point. Il rapporte à ce fujet l'anecdote
fuivante,. En 1593 , le bruit courut que les dents
étant tombées à un enfant de Sjléfie, âgé de
fept ans, il lui en étoit venu une d’or a la
place d’une de fes groffes dents. Horftius, pfo-
fdfeùr eft médecine dans l’univèrfité de Helmftàd ,
écrivit en i f 9 f l’hiftoîre de cettè dent, 8c prétendit
qu’ elle étoit en'partie naturelle, en partie
miraeffeufe & qu’elle avoir été envoyée de Dieu
à.'cec enfant, pour confoler les chrétiens affligés
par lesi3Turcs. Figurez-vous quelle confo-
lation 8c quel rapport de cette dent aux Chrétiens
Ou aux Turcs- ’En la même année j afin
que etttè tient d-àï né manquât pas d'hiftofiéhs,
Rullandus en écrit encore i’hiftoire.^ Deux ans
après, Ingoîfteterus » autre favant, écrit contre
le fentiment que Rullandus avoit de la dent
d’o r , & Rullandus fait auffi-tôt une belle &
dodtc réplique. Un autre grand homme, nomme
Libaviüs, ramaffe tout ce qui avoir été dit de
la dent, & y ajoute fon fentiment particulier.
I l ne manquoit autre chofe à tant de beaux ouvrages,
finon qu'il fût vrai que la.dent étoit
d’or. Quand un orfèvre l’eut examinée, il fe
trouva que c'étoit une feuille d’or appliquée
à la dent avec beaucoup d'adreffe j mais on
commença par faire des livres, 8c puis on con-
fulca l'orfévre.
M . le cardinal de Remis, entouré de gens
de lettres qui s'échauffôient dans la difpute à
qui mieux mieux, & fe rendoient trait pour
trait : « Meilleurs, meilleurs, leur d it - il, il.
» ne faut jamais, autant qu’on peut, donner
*> la mefure de fon efpnt. =>
DISSE CTIO N. On lit dans le mercure de
France, année 1731» que le cadavre du fameux
Cartouche fut porté.aux écoles de chirurgie,
8c fervit à- la femaine d'anatomie du fïeur Meunier
Callac fils.
II eft d’ ufage en Angleterre, lorfqu’un criminel
a été condamne â mort, qu’on ajoute dans
certains cas à la fenterice,que fon cadavre fera dif-
fequé.C'eft sme formule que les légiflateursont cru
propre à effrayer ceux qui ne feront pas endurcis
dans le crime. Voici à ce fujet une lettre
que l'on a trouvée dans les papiers d’un chirurgien
de Salisbury.
Monfieur, on m’a informé que vous étiez
le feul chirurgien de cette ville 8c du comté
qui difféquât dès corps humains. Me trouvant
dans une cvrconftance malheureufe, 8c étant
d’une condition fort médiocre, je défirerois au
moins vivre joyeufemenr auffi long-temps qu'il
me.fera poffible. Mais comme, félon toute apparence
, je ferai exécuté au mois de mars prochain,
parce que je n’ ai p.vs un ami qui veuille
employer fes bons offices pour moi, & que
pe,rfonn.e ne m’envoie un morceau de pain pour
foutenir mon corps 8c mon efprit jufqu'à l'inf-
tant fatal, je vous prie de paffer ici : je vous >
vendrai mon corps qui eft fain 8c entier , 8c
qu’on livrera à votre diferétion , perfuadé qu’au
moment de la réfurre&ion générale, je le retrouverai
dans votre laboratoire auffi bien que dans
le tombeau. Votre réponfe, monfieur;, obligera
fenfiblement votre très-humble ferviteur, James
jBrooke.
Le nombçe de ceux qui avant de mourir ont
légué leurs çorp? çh tout qu çn partie, pour
le profit des furvivans, n’eft pas fi rare qu’on
le penfe. Vaugelas en a donné la preuve dans
fon teftament. Après avoir difpofé de tous fes
effets pour acquitter fes dettes, il ajoute :
« mais comme il pourroit fe trouver quelques
30 créanciers qui ne feroient pas payés, quand
3» même on auroit reparti le tout, dans ce cas
» ma dernière volonté eft qu’on vende mon
» corps aux chirurgiens, le plus avantageufe-
» ment qu'il fera poffible, 8c que le produit en
33 foit appliqué à la liquidation des dettes dont
» je fuis comptable à la fociété j en forte que
33 fi je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie,
3» je le fois au moins après ma mort. »
Un citoyen revêtu d’une charge importante,
fit à Paris, il y a plufieurs années, un legs à
peu près femblable.
Louis, duc d’Oléans, grand père du duc d’Orléans
d’aujourd’hui, mourut à l’abbaye Sainte-
Genevieve, le quatre février 1752, où ce prince,
auffi pieux que favant, s’étoit retiré depuis plu-
' fleurs années. Par fon teftamént il légua fon
côrps à l’école de chirurgie, afin qu’ il put fer-
vir à l'inftruftion des élèves.
Guillaume Rondelet, fameux médecin de l’U-
niverfité de Montpellier, avojt un zèle outre
pour les différions. On affure qu'yn de fes en-
fans étant mort, il en fit lui-fnêrre la diffeélion.
C ’eft pouffer fnrieufement loin l’enthoufiafme de
l'anatomie. Pofthius fon difciple nous apprend
auffi que Rondelet voyant Fomanus fon ami, 8c
fon collègue très-dangereuferrent malade, il le
pria inftamment d’ordonner par fon teftammenç
qü’après fa mort on lui remît fon corps pour
le difféquer.
Riôlan n’a pas craint d’agiter dans fon Anthro*
pographie la queftion fi l’on peut difféquer des
hommes vivans 5 8c ce'qu’ il y a encore de plus
furprenant , c ’eft qu’ il conclût que dans quelque
: cas on peut entreprendre cette diffe'étion : il appuyé
fon fentiment de divers exemples , qui
femblent le confirmer. Les moeurs font donc bien
changées depuis- le fiècle dernier 5 car nous ne
: croyons pas qu’on trouvât maintenant darfs toute
l l ’Europe un feul chirurgien qui eût la bâibarie
i d’ouvrir encore vivant fon femblable.
Les plus famçux amphithéâtres de dlffèStion,
font ’ décorés d’infcriptior.s qui annoncent les
travaux dont on"s’y occupe, & le buç utile-qui
en réfulte.
On lit au frpntifpice de l’amphithéâtre de
Tôuloufe ;
Hic locus ejl ubi mors gaudet fuecurrere vitæ\ j
1 Içi la mort apprepd à fecourir la vie.
B b b z