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façon pour le pas. M. Languet à la fin leur dit :
*• Mes .pères, ç ’elt à vous de palier les' premiers,
»» vous êtes de rancien teftament, 8t je ne fuis que
a» du nouveau. »
M. 4e Montefpan jouoit un jour au lanfquenet ;
fa carte 3 qui étoit un roi de coeur, fut la première
prife > & comme il peftoit un peu, une préfidente ,
voulant faire le bel çfprit, lui dit ; ah ! moniteur 3
ce n’eft pas le roi de coeur qui vous a fait le plus
de mal. M. de Montefpan, aigri par fa perte, &
par la réflexion de cette prélidente, lui répondit :
S i ma femme eji à un Louis, vous êtes a. trente
fous•
Le roi faifoit compliment à un feigneur de la !
cour fur le bel habit qu’il avoit pour le gala du
jour des noces de M. le duc de .Chartres : il en ad-
miroit le goû t, l'élégance & la richeffe. — Ah J
f r e , « ceila fe doit t répondit-il. »
Dans un ballet exécuté au Louvre, foqs le règne
d’Henri IV , parurent neuf dames conduites
par la reine, & , parmi ces neuf dames3 la femme
de d’O , furiBtendant des finances. Toutes avoient
des •ocffures plutôt chargées qu'enrichies de pierreries
, mais ftir-tout la furintcndante. Un fuiffe
ivre tomba de fon haut, près de la porte de la falle :
le roi , qui le vit tomber , en demanda la caufe.
Sire , lui dit on , il ne faut pas s'en étonner : il avoit
un pot de vin fur la tête. — - Ah ! ce n’eft point là
Vne bonne raifon, dit iç roi > voyez comme madame
la furintendante eft droite & ferme fur fes pieds ;
cependant elle a plus d'un pot de yin fur la tienne.
On louoit exceflivement refprit d’un homme qui
oecupoit un pofte important dans la fociétë civile,
St qui pourtant n’étoit pas un grand génie. Un
railleur qui étoit préfent, dit d’ up gir froid St malin
: « Quand on ell en place ^ on a tout l’efprit
du monde , parce qu’on a quelquefois du mon-
P de qui a de l’ efprît. »
Le prince Henri, frère du roi de J-hruffe, étant
allé voir mademôifelle la chevalière d’E on , on
offrit à fon alteffe royale des rafraîchiffemens. La
mère de notre héroïne lui préfenta de magnifiques
prunes. Le prince la pria de le difpenfer d’accep?
ter ce fruit. « Que faites-vous donc là , ma mère,
» s’écria mademôifelle d’Eon ? monfeigneur n’efl
.»-pas venu dans ce paysrci pour des prunes. *»
ERASME ( Didier ) , favant écrivain, né à Ror
terdam, fan , mort à Bâle en 153^.
On doit à Erafme les premières éditiqns dç plusieurs
pères de Téglife , différens ouvrages de
grammajre, de rhétorique St de philofophie, des
écrits remplis de bonne critique, quelques autres
femes du fel piquant de l’jronrç.
11 a écrit en latm. Il s’étoit fait un ftyle par^
ticulier, inférieur à celui des bons auteurs de l’antiquité
y mais préférable au ftyle bourfoufflé &
pédantefque des écrivains de fon fiècle. Il avoit
une mémoire prodigieufe, une érudition immenfe
St un efprit capable de s’appliquer à toutes fortes
de fciences.
H étoit dans la fociété complaifantj humain,
généreux, St prévenoit en fa faveur par la douceur
de fon regard, par l’agrément de fa voix ,
par l’affabilité de fes manières. Il étoit très-fen-
iîblç à la critique , & lui-même n’avoit pas toujours
le courage de facrifier un bon mot, lorfqu’il
fe préfentoit,
l i a çompofé une fatyre de tous les états de la
vie , depuis le'^Toc; jufqu’à la tiare ; mais l’irohie
dont il a fait ufage dans foq E,loge de la Folie,
a-t-elle toujours cette fineffe de pointe, ce dolce
piccantt, néçeffaire pour plaire aux gens de goût ?
Ses dialogues ou fes colloques,comme Qn les'appelle
, font écrits d’un ftyle pur & facile > mais
on Içur préférera toujours les dialogues de Lucien
Sç ceux du philpfçtphe pontenelle.
Il eft aflez extraordinaire qu*Erafme qui a paffé
une partie de fa vie à voyager en Angleterre, en
France, dans les Pays-Bas, ait pu compofer autant
d’ouvrages que nous en avons de lui, On en
a fait une dernière édition çn 1 7 0 3 , en onze volumes
in-fol. Il eft vrai qu’il s’y trouve plufieurs
traductions du grec , St quelques ouvrages de
compilation.
Il fut l’ami de Thomas Morus, chancelier d’Angleterre
, St logea chez lui pendant fôn féjour à
Londres. La première connoiffance quFrafinç fit
de cet homme célèbre, a quelque chofe de particulier.
Morus voyageoic dans les Pays-Bas i il
rencontra un hqmme v if Sç preffant dans fes rai—
fonnemens, & qui s!énonçoit avec beaucoup de
façilité. Après l’avoir entendu quelque temps , il
s’écria : Ou vous êtes tin démon 3 qu vous êtes
Erafme. Il fe trouva que c’étoit effectivement,
Erafme. lui-même.
C e fut à cet illuftre chancelier qu’Erafme dédia
fofî Eloge de la Folie. Lgs différens états de la vie ,
| les moines fur-tout St les mauvais théologiens y
font tournés en ridicule. Perfonne n’yj :\t épargné a
les évêques , lés cardinaux & le pape même y
jouent leur rôle. Lépn X lut cette fatyre 5 & loin
de s’en offenfer , il dit en pUUa’ntant : Notre.
Erafme a aujji fa marotte.
Quel fineiilrer fpeCtacIe, s’écrie Erafme dans
fon Eloge de la Folie , pour celui qui placé au-
deffus de notrq fphère, découÿrirpit les agitations
infinifs des hommes [ur le petit tas dç (?ou§ q
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habitent ! On verroit pîufîeurs nuées de petits ani
maux à deux pieds qui fe querellent, fe battent ,
fe tendent des pièges, s’élèvent, tombent. & meurent.
C ûx qui liront cette fatyrè , eri concluront
fans doute avec un auteur italien ^ que la pajqia
e la regina del mondo , la folie eft la reine du
monde.
Les moines St les théologiens qu’ il railla cruellement
, cherchèrent à fe venger. Ils ehoifirent
dans fes ouvrages quelques propofîtions qui s é-
loignoient desjentimens reçus ; & la faculté de
théologie de Paris, excitée par fon fyndic, Noël
Beda, homme aufli ignorant que paflionné, en fit
une cenfure où les qualifications de fou, d’ïnfenfé '
& même d’impie ne font point épargnées. Erafme
n’en eft pas moins Regardé comme un. des hom- :
mes-les plus éclairés de fon fiècle î & on ne doit
pas*oublier ce mot du cardinal Ximenès à un des
cenfeurs à*Erafme qui peut trouver tous les
jours fon application : Ou fa ite s mieux 3 ou laijfe%
faire ceux a qui D ieu en a donné le talent.
Les petites lettres bien connues fous le titre
d EpiJloU obfcurorum virorum 3 où l’ ignorance ,
la préemption des moines St des théologiens de
ce temps là , eft dépeinte avec tant de naïveté &
d’enjouement., parurent du temps d*Erafme. Ce
favant prit tant de plaifir-à la leélure de ces lettres
écrites dans le jargon barbare des théologiens
fcholaftiques > qu’un jour ayant Un abcès au vifige
qu’on étoit près de percer, il fit de fi grands efforts
en riant fur certains endroits, que l’abcès
cçeva de lui même. Bayle , qui rapporte cette
anecdote, demande fi on ne la mettra point entre
les exemples du profit de la leélure.i ^ •
Erafme finit fes jours à Balle où il fut honoré
de la qualité de reéleur de l’univerfité. Sa mémoire
y eft en vénératiQn 3 auflî-bien qu’à Roter-
dam fa patrie. On voit encore aujourd’hui dans
Ja grande place de cette dernière ville, fa ftatue
de bronze qui eft fur un piédefta! orné d’inferip-
tions, & entouré d’ une baluftrade de fer. Les ma-
giftrats ordonnèrent que fa maifon où l’on croit
qa’eft né cet illuftre écrivain, fût décorée de cette
infeription :
Hoec eji parva domus magnus quâ hatus.Erafmus.
On montre encore a Balle dans un cabinet qui
excite la curiofite des etrangers 3 fon anneau > fon
cachet, fon épée, fon couteau , fon poinçon ,
foii teftament écrit de fa propre main , fon portrait
par le célébré Holbein, ivec cette épigram-
me de 1 heodore de Beze.
Ingens ingentem quem perfonat orbis Erafmum,
Hic tïbï dimidium picla tabella refert.
A t cur non totumï mirari dejine leSor,
Integra nam totum terra nec ipfa capit,
ERRATA. Le père le Vaffeur n’ayant trouvé
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qu’une faute dans un de fes ouvrages, confulta
s il faiioit mettre errata ou erratum. Le père Simon
lui dit : «e Donnez-le moi, j’en trouverai
encore une, & on mettra errata.
ERU D IT IO N . On difoit d’ un homme plus
erudic que judicieux : « Sa tête eft la boutique
» d’un libraire qui déménage. »3
Deux hommes, fe trouvant un jour dans un cabaret
de Londres, s’entretenoient de différens
paffages de Ja bible j ils parlèrent de la fameufe
défaite des Philiftins par Samfon , l’un prétendit
qu il fe fervit de la mâchoire d’un vieil âne,
1 autre de celle' d’un jeune ; chacun foutint fon
opinion avec chaleur, une gageure fuivit. Plu-
fieurs perfonnes qui fe trouvoient dans le même
lieu, furent prifes pour juges. Les raifons de I’uri
& de l’autre furent écoutées gravement, les
fentimens fe partagèrent ; les juges disputèrent
entre .eux. La querelle s’échaufa, on ht beaucoup
de bruit, & on alloit fe battre Iorfque I’how,
aide de fes valets, faifit les deux premiers auteurs
de la difpute & les conduifit chez Y aider-
inan du quartier | juge de policé en Angleterre.
Celui-ci ne put s’empêcher de rire en apprenant
lé fujet de cette querelle qui recommençoit devant
lui : il eut beaucoup de peine à impofer fiience
aux deux ivrognes, & les renvoya en leur di-
m attendons pas à voir aujourd'hui
deux ânes a mon tribunal. Cela n’eft pas étonnant,
reprit aufiï-tôt un des dïfputans, puifquil
y en a un qui y préfide.
<„,3 3 U|iC truuuion 11 v a i t e ,
que fa tête pouvoit paffer pour ime vivante encyclopédie.
Un jour il ôfa propofer à l’affembléô
des jeux olympiques, de répondre à toutes les
queftions qu’on voudroit lui faire } S t3 quoiqu'il
y eut dans cette circonftance une foule de fa-
vans^ capables, finon de remporter, au moins
de difpriter long-temps la viéloire, le mérite.reconnu
de Gorgiaslés empêcha de fe montrer ^ &
eur fiience mit le comble à la gloire de ce phi-
lofophe. Pour honorer fes talens & pour en perpétuer
la mémoire, Ja Grèce entière fit ériger
dans le temple de Delphes une ftatue d’or maf-
iive, qui reprefentoit Gorgias un livre à la main*
^ La réputation de Jean Càmpège, boulonnoi^
s étoit tellement répandue dans toute l’Italie 8c
les pays voifins, qu’on venoit de toutes parts le
confultërfur les points de doélrine les plus difficiles.
Il répondoit à .tout ; quelle que fût la matière
fur laquelle on Tinterrogecrit, il donneit
des reponfés lumiheufes, & l’on fortoit fâtisfait
de fon mufæum. Les études étoient tombées dans
la ville dé,Padoue, on voulut les remettre en
vigueur^ on délibéra fur le choix d’un maître«