
- D A N G E A U ( Philippe de Courcilloa, marquis
de ) , né en 1638, mort en 1720. Il fut
de l’académie françoife & de celle des fciencés.
Il fit une grande fortune au jeu, & fes libéralités
lui firent des amis puiffans.
Jouant un jour avec le roi dans les commen-
cemens des augmentations de Verfaides, Louis
X IV , qui avoit été importuné d’un logement
pour Dangesu, & qui avoit bien d’autres gens
qui en demandoienr , fe mita le plaifanter fur
fa facilité à faire des vers* qui, à la vérité,
étoient rarement bons, & , tout d’un coup, lui
propofa des rimes fort fauvages, & lui promit
un logement s’il les .remplifloit toutes fur le
champ : Dangeaü accepta , n’y paffa qu’un moment,
les remplit toutes, & eut le logement.
On a de lui des mémoires en manufcrit où il
fe montre toujours le courtifan intéreffé & le
flatteur outré de Louis XIV.
DANGERS. On a dit que pour fe fouftraire
aux dangers, il faut éviter la haine des grands
6c la fureur du peuple 5 craindre fa propre colère
, rompre tout commerce avec un chymifte ,
ne pas donner fa confiance à un jeune médecin
; éviter la familiarité des moines, les confidences
des vieilles, les"qui-proquos des apothicaires
, & V&c*tera des notaires > être infen-
fible aux larmes d’une femme, nè pas prendre
à fon fervice un domeftique line fois chaffé ;
ne pis ajouter foi aux fermens d’un marchand ;
ne pas fe fier à la confidence d’un tailleur > ne
pas loger dans une nouvelle auberge, éviter la
difpute avec un homme de juftice , l’inimitié
des gens à rabat de long ou petit volume ;
tout commerce avec un inconnu ; l’amour des
femmes de moyenne vertu j la compagnie d'un
athée, le dîner d’un ivrogne, & le fouper d’un
joueur ; toute liaifon avec un courtifan difgra*
c ié , toute familiarité avec un homme qui fe
ruine; & fur tout le crédit, Tes procès, lepée
d’un gentilhomme , & la plume d’un écrivain.
D AN IE L ( Gabriel ) , né en 1649-, mort en
1728. C e jéfuite fut hiftorien & hilloriographe de
France.
Le duc de Saint-Simon dit, dans fes mémoires,
que l’hiftoire de France du père Daniel parut
évidemment com'pofée pour perfuadef que la plupart
des rois de la première race, plufieurs de la
fécondé , quelques-uns même de la troifième, ont
été conftamment illégitimes, très-fouvent adultérins
, & doublement adultérins, 8c que ce défaut
ne les avoit pas exclus du trône. Il ajoute:
«fur les matières de Rome, puis de la- Ligue;:
c eft un plaifir de le voir courir fur les glaces avec
les patins d’un jéfuite* »>
DANSE. Les pères de l’églife ont condamné
généralement les danfes qui fuivent ordinairement
les feftins des noces, & l’on auroit de la peine à
en trouver un feul qui les ait approuvées. Il faut
cependant qu’elles fulfent bien communes de leur
temps , & que les chrétiens fuffent bien incorrigibles
à cet égard ; puifque les pères déclament fi
fouvent & avec tant de chaleur, contre la danfe.
Saint Auguftin croit qu’ il vaudroit mieux labourer
la terre tout le dimanche que de danfer ce
jour - là , & on lui attribue même d’avoir dit que
tous les fauts qu’on fait en danfant font autant de
fauis qui font tomber l’homme en enfer.
Guillaume de Lion appelle la danfe un cercle dont
le diable eft le centre.: quelqu’un a ajouté que tous
ceux qui compofent- la circonférence de ce centre
font les anges de fatan.
Alphonfey roi de Sicile remarquant que les François
aimoient beaucoup la danfe, les accufa de
légèreté.
Cependant les cardinaux de Narbonne & de
Saint-Severin danferent au bal que donna Louis XII,
à Milan , en 1 yor.
Le cardinal Pallavicini rapporte qu’ en iy 62 les
peresdu concile de Trente donnèrent un bal à
Philippe I I , roi d’Efpagne, que toutes les dames
y furent invitées, que le cardinal de Mantoue
ouvrit le b a l, & que Philippe I I , & tous les
pères du concile y danferent'.
Un des curés du diocèfe de Cambrai, fe félici-
toit, devant Fénelon, d’avoir aboli la danfe des
payfans, les jours de dimanches & fêtes- »Mon-
» fieur le curé., lui dit ce vertueux archevêque,
» ne danfons point, mais permettons à ces pau-
,, vres gens de danfer. Pourquoi les empêcher
» d’oublier un moment qu’ils font malheureux »?
Le S a c , maître de danfe françois, qui avoit
long-temps montré fon art à Londres, pendant
le régné de la reine Anne , de retour dans,fa patrie,
cherchôit toujours les anglois que le hafard y
amenoit, pour s’informer dés nouvelles de ce,
pays. » EU-il bien vrai, demanda-t-il un' jour à
» quelqu’un, que Lord Harley à été fait comte
» d’Oxferd & lord tréfbrier ? On. le lui certifia.
» En vérité, reprit-il, je ne conçois pâs ce que
» diable votre reine a pu trouver en lut pour l’ele-
,» verainfi; je l’ ai eii entre les mains pendant deux
»> ans entiers , 8c il a toujours été'le plus lourd
» de mes écoliers ». •
Un grand danfeur de l’opéra difoit, de la m Æ
leure Toi du monde : » Je ne connois aujourd’hui
», e-n Europe que trois hommes uniques dans leur
» ëfpèce ; le roi de Pruflfe, M. de Voltaire &
» moi »♦
Un danfeurnommé Memphis , qui étoit un
philofophe Pythagoricienv exprimoit par fa danfe,
au rapport d’Athénée, toute 1 excellence de la ,
philofophie de Pythagore , avec plus d élégance,
de force & d’énergie que n auroit pu le faire un
profeffeur de philofophie.
D A N S E U R DE CORDE ; homme qui
marche, danfe & voltige fur une corde. Cet art
eft fort ancien, & il étoit connu chez les Grecs
& les Romains.
L’ abbé de Choifi, dans fon Journal du voyage
de Siam , dit : » Les danfeurs de corde ont fait
» merveilles : ils mettent de longs bâtons l’un
» au bout de l’autre, hauts comme trois mai-
» fons, & fe tiennent debout au deffus, fans
» contre-poids, quelquefois les pieds en^ haut ;
» ils fe couchent fur des pointes d’épée, &
» de gros hommes leur marchent fur le dos ».
D A N T E ( Aligbie ri), né en 1265, mort en
132t. C e 'poète fut perfécuté dans fa patrie,
& obligé de fuir à Veronne,.où le prince Al-
buin de l’Efcale 3- montra moins d’eftime pour
cet homme de - génie que • pour un fou qu’il
avoit à fa cour. Quelqu’un lui témoignant Ta
furprife d’une telle préférence , Dante répondit :
Ceft que chacun aime mieux fon femblable.
L’ouvrage de Dante le plus célèbre, eft fon
Poème de l’enfer, du purgatoire & du paradis,
partagé en trois a&es ou récits, que les Italiens
ont nommé la divine Comédie, parce qu’en
effet l’auteur s’y eft élevj^au deffus de fon fiecle,
foit pour le ftyle, foit pour les détails. # On a
même fondé une chaire & une forte d’ académie
pour expliquer ce Poè te, qui a toujours
des admirateurs.
D A PH N É , fuivant la fable, fille du dieu
Pénée, fuyant les pourfuites d’Apollon, fut
métamorphofée en laurier. C ’ eft le fujet de ce
joli fonnet de Fontenelle.
Je fuis, crioit jadis Apollon à Daphné,
Lorfque tout hors d’haleine il couroit après e lle ,
ï t lui contait pourtant la longue kirielle
Des rares qualités dont il étoit orné :
Je fuis le dieu des ver s, je fuis un bel efprit.
Mais les vers n’étoient point le charme de la belle.
Je fais jouer du lu th , arrêtez : bagatelle.
Le luth ne pouvoit rien fur ce coeur obftiné.
Je connois la vertu de la moindre racine |
Je fuis, n’en doutez point, Dieu de la médecine.
Daphné couroit plus vite à ce nom fi fatal,
Mais s’il eût dit ; Voyez quelle eft votre conquête;
Je fuis un jeune Dieu , beau, g alant, libéral;
Daphné, fur ma parole, auroit tourné la tête.
DEBAUCHE.
Courir de maîtreffe en maîtrefle,
Pafl’er fes jours en libe rtin ,
Dans la continuelle ivreffe
Qui naît de l’amoür & du vïn ;
Par des liqueurs de toute efpèce
Se brûler du foir au matin,
C’e f t , en terme de banque, efeompter fa jeurteflè.
( Pannahd. ) '
D É D IC A C E - Furetiere a dit que le premier
inventeur des Dédicaces étoit un mendiant.
M. Foote, auteur comique & entrepreneur
d’un fpe&acle* à Londres . a donné une. pièce intitulée,
XAnglois a Paris. La dédicace en eft
fingulière, elle s’adrefife au libraire. « Comme
*> je n’a i, dit M. Foote, nulle obligation à au-
,» cun grand feigneur, ni à aucune dame de ce
» pays-ci, & que je délire, d’ailleurs, que mets
m écrits n’ayent jamais befoin de leur protection,
.99 je ne connois perfonne dont les bons offices
99 me foient auffi néceffaires que ceux de mon
» libraire. C ’eft pourquoi, M. Vaillant, jè vous
as remercie de la netteté de l’impreffion , d e là
» beauté des caractères, & de la bonté du pa-
9» pier, dont vous avez décoré l’ouvrage de
39 votre très-humble ferviteur Foote ».
DEFAUTS NATUR EL S. Les défauts naturels
ne doivent jamais être reprochés , & les personnes
qui en font affligés font très-bien d’en
badiner elles-mêmes. Un archevêque de Lyon ,
qui avoit les mains toutes défigurées 8c toutes
perdues de la goutte jouoit aux cartes avec
M 8 e lui gâgnoit mille piftoles : Je me
confolerois , lui dit M.... fi mon argent n’a-
voit pas été ramaffé par la plus vilaine main du
royaume. Cela eft faux, lui dit l’archevêque,
j’en fais encore une plus laide! Parbleu, repartit'
JV1 . . . . , jè gage trente piftoles que non.
L ’archevêque, après avoir gagé, ôta le gand
qui couvroît la main gauche, 8c M . . . avoua
qu’il avoit perdu.
Si vous avez un défaut, faites paroître des
qualités fi brillantes, que les yeux de l’envie
éblouis 3 ne puiffent l’appercevoir : il n’appartient
cependant pas à tout le monde d’imiter
C é fa r , qui, pour cacher fa tête chauve, la
| couvrit de lauriers.
On rapporte de madame la d'uch*ffe de * * *
qu’elle avoit toujours la tête ornée des plus
beaux diamans pour cacher l’équivoque de fes
cheveux.