
difoit fes joyeux paffe-temps. Un jour qu’il vouloit
■ embraffer une jolie femme, une dame qui étoit
préfente, s'écria : Prenons garde, monjteurl'arche-
vêyiïf eft plus berger que pafteur•
Il mourut fubitement d’une apoplexie, & fàns-
avoiv pu réparer le fcandale de fa vie paffée. « Il
»» s’ agit maintenant, difoit i’ingénieufe madame
s, de Séviçnés de trouver quelqu’un qui fe charge
n dr l’oraffon fu-^èbie. On prétend qu’il n’y a que
9» deux petites bag^elles qui rendent cet ouvrage
» difficile ; c ’eff la yfS & la mort ».
Le père Gaillard, jéfui'te, entreprit cette be-
fogne. « I l a imaginé , conT-inue madame de Se-
99 vigné, de faire un fermon fi.'t U mort au milieu
» de la cérémonie, de tourner î-out en morale,
» de fe jttter fur fes auditeurs pour Jés exhorter,
»9 de parler de. la ftirprife de la mort, peu du
» mort, & puis Dieu vous conduife à la vie éter-
» nelle»i
On n’a pas oublié cette courte harangue que
M . de Harlay fit au roi lorfqu’ il fe rendit à
T'jotre - Dame pour affilier à la bénédiction dès
drapeaux. C e prélat, à qui l’on avoît témoigné
que le roi fouhaitoit qu’on ne lui fît point de
harangue, fe contenta de lui dire à la porte de
l ’églife où il le reçut: « Sire, vous me fermez
» la bouche, pendant que vous l’ouvrez à la joie .
« publique».
Le père de la R ue, jéfuite, fit fur ce prélat une
devife affez heureufê : elle avoir pour corps un
bouton de lofe verd éclairé par un foleil, & pour
ame ces paroles : Le foleil le fera rougir. Effectivement
Louis X I V , défigné dans fes devifes par
un foleil, deftmoit un chapeau de cardinal à
l’archevêque de Paris, & ce prélat étoit fur le
point de le recevoir lorfqu’il mourut.
H A T EM T A I étoit le plus libéral & le plus
généreux des Arabes de fon temps. On lui demanda
s’il avoir jamais connu quelqu’un qui eut
le coeur plus noble que lui ? Il répondit : « Un
»9 jour, après avoir fait un facrifice de quarante
99 chameaux, je fortis- à la campagne , avec des
» feigneurs arabes, & je vis un homme qui avoît
99 ’ramaffé une charge d’épines fèches pour brûler.
» Je lui demandai pourquoi il n*alloit pas chez
» Hatemtai , où il y avoît un grand concours
99 de peuple, pour avoir pa r t au régal qu’il fai*
a, foit ? — Qui peut manger fon pain du travail
9> de fes mains, me répondit-il , ne veut pas avoir
» obligation à Hatemtai. — Cet homme, ajouta
» Hatemtai 3z le coeur plus noble que moi >9.
H É LOÏSE , époufe d’Abailard, & depuis ab-
btffe du Parader, morte le 17 mai 1163-, âgée
de 63 ans. Nous avons trois de fes lettres parmi
celles d’Abailard.
Cette femme, fi célèbre par fon érudition & '
par fa beauté , l’eft encore plus par. fon amour
pour le malheureux Abailard : élevée chez le chanoine
Fulbert, fon oncle, elle fit paroître de
bonne heure du goût pour l’étude. Fulbert chercha
à cultiver cette heureufe inclination dans fa
nièce, & lui donna un précepteur} mais ce précepteur
étoit le célèbre Abailard , & depuis quelque
temps, fon coeur lui avoit parlé pour Héloïfe.
iS(>us prétexte de donner plus’de temps à l’ inf^
truétion de cette aimable fille, il détermina l’oncle
à le prendre en penfion. Fulbert 9 qui ne foup-
çonnoit aucun artifice dans cette propofition 3 y
confentit, & mit Abailard à portée d’entretenir
librement fa maitrefle : Sub occafione difciplins,
amori penitus vacabamus , & fecretos recejfus quos
amor optabat, fiudium lecîionis offerebat. Apertis.
\itaque libris , plura de amore quam de leftiont
'Verba -fc ingerebant, plura erant ofeula quam fen—
-, ternis. Sspiits ad fihus quam ad libros reducebantur
manus : crebius oculos amor in fe refieftebat3 quant
, leftio in feripturam dirigebat. Quoque minus fufpi-
\cionis haberemus, verbera quandoque dabatamornott
furor, gratia non ira, qua omnium unguentorum
fuavitatem tranfeenderunt.
L’amour applaudit aux entretiens fecrets de
ces deux amans. Hélo'ife devint groffe. Le bon
homme Fulbert n’avoit appris les fuites de cette
intrigue , que par les chanfons qu’on lui faifoit
chanter, & dont enfin il devina, le fujet. Déplus
fins que lui , 8c qpi n’ ignorent rien de ce qui
fe fait au-dehors, font également les derniers
informés de ce qui fe paffe chez eux : ainfi va
le monde.
Abailard époufa fa maitreffe; mais ces deux
époux, pour mieux s’aimer, fe féparerent auffi-
tôt. Leur coeur avoit pris la fubtilïté & le rafi-
nement de leur èfprît. Héloïfe fe retira dans le
couvent d’Argemeuil. Fulbert, foupçonnant en^
core une perfidie, chercha à fe venger, par le
même coup, & à'Héloïfe & d’Abailard. Le vindicatif
chanoine envoya des affaffins qui furprirent
cet infortuné époux, 8c le mutilèrent horriblement.
C e traitement cruel, en le féparant pour toujours
de fon époufe, & en quelque forte de lui-même ,
l’obligsa à cacher fa honte dans l’obfcurité d’ un
cloître. Il n’eft pas indifférent d’ajouter, pour
faire connoître les moeurs de ce frècle,que Fulbert
ne fut puni que par la perte de- fes bénéfices
& par la confifeation de fes biens, & que deux des
affaffins fubirent la peine du talion. Un auteur
contemporain, Foulques, prieur de Deuil, ob-
ferve dans une de fes lettres que k cataftrophe
d'Abailard eaufa des larmes à tout Paris, prind-
Héloïfe, de fqn côté, fe fit religieufe dans le
monaftère d’Argenteui!}. mais elle y prit le voile
plutôt en héroïne payennè qu’en chrétienne peinte
nte.
tente. Au moment quelle alloit prononcer fes
voeux, elle récita des vefs .de Lucain, qui avoient
rapport à fes aventures avec Abailard. Quelle
ame ! quelle imagination ardente ! Dans plufieurs
endroits de fes lettres, cette religieufe, jeune
encore, cette amante défefpérée fe livre à l’ardeur
qui la dévore 5 elle peint en caractère de feu les
fcènes de plaifir & de volupté dont elle a joui
dans des temps plus heureux entre les bras de fon
amant. Souvent elle croit reffentir éneore fes trànf-
ports paffés, 8c le réveil de fa raifon a bien de la
peine à diffiper les fantômes de fon imagination
abufée.
Héloïfe, appelée à l’abbaye du Paraclet, dont
elle fut la première abbeffe, commença à goûter
des jours plus fereins. Abailard, qui étoit alors
fupërieur de faint Gildàs, au diocèfe de Vannes,
çontinuoit d’avoir avec elle un commerce de lettres,
où il lui prçfcrivoit des règles pour la vie monafti-
que. Elle reçut dans fon abbaye les cendres de cet
époux, mort en 1141} 8c lorfqu’elle eut terminé
le cours de fa vie agitée, elle fut inhumée dans le
même tombeau. Un hiftorien du temps affura fort
férieufement que lorfqu’on defeendit Héloïfe dans
la tombe, Abailard ouvrit fes bras, embraffa fon
amante, & la tint ferrée contre fa poitrine.
H E LV É T IU S , (Claude-Adrien) né en 1715,
mort en 1771.
Peu d’hommes ont été auffi favorifés de la
nature. Helvétius en avoit reçu la fortune, la
beauté, la fanté & le génie. Il aima la gloire
avec paffion, & il y confacra fa vie.
Il parut d’abord avoir de l’averfion pour la
danfe & l’ eferime. On loua ces exercices devant
le jeune Helvétius y & bien-tôt il y excella. Il a
même danfé à l ’opéra fous le nom & le mafque
de Javilliers, fon maître, & a été três-applaudi.
Il fe fit un nom & beaucoup de tracafferies par
fon livre de VEJprit, dans lequel il prétend prouver
que l’efprit de l’homme fe rapproche beaucoup
de celui des_animaux, & que fes devoirs 8c fes
vertus font tous dirigés par l’intérêt perfonnel.
Il a compofé. un autre ouvrage de l'Homme , non
moins hardi que le livre de l'Efprit, & il a publié
un poème en fîx chants fur le Bonheur, dans
lequel il y a de beaux vers, & des penfées philosophiques.
Cet écrivain étroit maître d’hôtel de la reine,
& avoit été fermier-général, place qu’il cultiva
autant par défintéreflement , que pour fe livrer
plus librement à Ton goût pour les lettres & la
philofophie.
Helvétius eft fur - tout recommandable par les
qualités de fon coeur âc par fes a&es de bienfai*»
fance. Il fit des penlions fecrettes à plusieurs
Iiommes de lettres.
E ncyclopédiana.
Il fut bon mari, bon père, bon ami : heureux
avec fa femme, fes enfans & fa fociété, il s’en-,
vironnoit du bonheur de fa famille & de fes amis.
Une femme du monde , témoin de leurs plaifîrs,
difoit : Ces gens-là ne prononcent point comme
nous les mots de mon mari, ma femme, mes enfans
mon ami.
Helvétius aimoit beaucoup la chaffe, & fouffroit
impatiemment les dégâts que les braconniers fai-
foient dans fa terre de Voré. Ses gardes arrêtèrent
un jour un’ payfan qui chaffoit, lui ôtèrent fon
füfil, & le conduifirent en prifon , dont il ne fortit
qu’après avoir payé l’amende. Helvétius, informé
de cette aventure, va trouver le payfan, mais
en fecret, dans la crainte d’effuyer les reproches
de madame Helvétius, qui l’avoit plufieurs fois
excité à faire an exemple. Le généreux feigneur
de Voré, après avoir fait promettre à ce braconier
qu’il ne paileroit pas de ce qui alloit fe paffer
entr’ eux, lui paie le prix de fon fufil, & lui rend
la fomme à.laquelle l’amende & les frais pouvoienc
fe monter.
Madame Helvétius 3 de fon côté , n’étoît pas
tranquille. Elle difoit à fes enfans : « Je fuis la
99 caufe que ce pauvre homme e(l ruiné } c’ eft moi
» qui ai excité votre père à faire punir ce malheu-
n’9 reux braconier 9>. Elle fe fait conduire fecret-
tement chez celui qui lui faifoit.tant de pitié; elle
demande à quoi fe monte la fomme de l ’amende
& des frais, & le prix du fufil ; elle paie le tout :
le payfan reçut l’argent des deux côtés , fans
manquer au fecret qu’il avoit promis.
Helvétius étant à Paris, fon carroffe fut arrêté
dans une rue par une charrette chargée dé bois*
Helvétius impatienté de la mauvaife volonté &
de la lenteur du charretier, le traita de coquin;
vous avez raifon, lui dit cet homme; je fuis un
coquin, & vous un honnête homme; car je fuis
à pied, 8c vous êtes en carroffe. — Mon ami,
lui dit Helvétius , je vous demande pardon ; j’ai
tort ; vous venez de me donner une excellente
leçon, que je dois payer. 11 lui donna fîx francs,
& le fit aider par fes gens à ranger fa charrette.,
Helvétius ayant appris qu’un jéfuite, qui avoît
abufé de fa confiance, trahi fon amitié , & qui
avoir excité l’orage contre lui, à l’occafion de fon
livre fit l'Efprit, étoit confiné dans un village, où
ce tartuffe languiffoit dans une extrême pauvreté;
il alla trouver un de fes amis : « Portez, lui dit-il,
» ces cinquante louis au père, . . . . mais.ne lui
» dites pas qu’ ils viennent de moi : il m’a offenfé,
» & il feroit humilié de recevoir mes fecours
Helvétius fit une penfion de 1200 liv. à l'abbé
Sabatier de Cadres, pour l’engager à cultiver les
lettres ; & l’abbé, par reconnoiffance, peint fon
bienfaiteur fous les couleurs les plus odieufes»
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