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de fete. Lorfqmaprès une légère indifpofîtion il
paroiflb’.t pour Ta première fois en public , auflî-
tot chaque citoyen couronné de fleurs alloit au-
devant de lu:. Ces démonflrations de joie, en dou-
cant trop de confiance à Pompée , furèp.t peut-être
une des principales caufes qui lui firent perdre la
bata lie dePharfale. Lorfqu’on lui demandoit quelle
force il pomroit oppbfer à Céfar, dont la grande
puiflance fâifoit ombrage à la république , il répond
ok en liant & avec un vifage ouvert où la
joie |ç l’allurance pareifïoient peintes, « qu on ne
fe mit point en peine; car, ajoutoit-il, en quelque
. endroit de l’Itahe que je frappe du pied, il en for-
tira des légons à mes ordres».
Lors de la célèbre journée de Pharfale, Pompée
voyant fa cavalerie plier du premier choc , &
prendre honteufement la fuite, il parut tout-à-
coup , dit Plutarque, comme un homme qui yient
de perdre l ’iifage de fes fens. Car oubliant qu'il
étoit le grand Pompée, il quitte le champ de bataille,
& fe retire dans fon camp. Les ennemis
qui pou*. Envoient les fuyards étant arrivés à fes
retranchemens, il s écria. Quoi, jufques dans morfr
•amp ! Et fans proférer une feule parole de plus,
il fe leva, prit une robe convenable à l’état prefont
de fa fortune , & fe déroba fecrètement.
Ce général -3 dont la viCL.ire avoit couronné Es
entreprifes pendant trente -quatre ans, qui^avoit
dompté tant de nations , qui avoit navigé fur les
rrlcrs. ayec c*ncl cens voiles, fe voyoit maintenant
réduit à fe fauver dans un efquif avec fa femme
& quelques efclaves pour aller mendier ua afyle,
a la cour du leune Ptolémée, roi d’Egypre, dont
il avoit été autrefois le tuteur. Un Pothin, valet-
de chambre du roi, un Théodote de C h i o , qui
étoit aux gages du prince pour lui enfeignef la
rhétorique, un Achillas, égvptien , étoient les
principaux confeiliers du monarque; ils décidèrent
entr’eux de la fortune de Pompée qui regar-
doit comme indigne de fa grandeur d’avoir l’obligation
de fon falut à Céfar , fon beau-père &
autrefois fon anti.
- Les avis de ces cpnfeillers furent directement
oppofés; les uns vouloient qu’on reçur Pompée,
& les autres qu’on le renvoyât : mais Théodote
déployant toute fon éloquence, & voulant faire
connoître qu'il n’etoit pas moins habile dans la
politique, dit : « Que ni l’un ni l’autre de ces
partis n’étoient fûrsj car, s’ils recevoient Pompée,
iis auroient Céfar pour ennemi .& Pompée pour
«naître ; & s’ils le renvoyoient, ils avoient à
craindre que Pompée ne fê vengeât un jour de ce
qu’ils l’avoient chafle, & Céfar de ce qu’ils ne
l ’avoient pas retenu; & qu’ainfi.le plus fige & le
plus fur parti étoit de le recevoir pour le faire
mourir , parce que par ce moyen ils feroient plailîr
à Céfar ; & n’auroient point à craindre le reffenti-
[ ment de Pompée; ca r , ajouta-t il en riant, un tnoçt
J ne mord pas »J ‘
Ce dernier featiment fat fuivi. On amena une
barque proche le vaifleau de Pompée ] pour le
faire-defeendre fur la côte d'Egy pte. . Comme
Ach lias lui rendoit la main pour l’aider à monter
dans, cette barque, il fe retourna du côté de. fa
Lmme & de fon fils, & leur dit ces vers de Sûr
phocle : » -Tout homme qui fe réfugie fur les
terres d’un tyran, devient fon efclav.e quoiqu’il
y foit entré libre ».
Ce furent lés dernières paroles qu’ils entendirent
de lui. Cependant Cornéîié, fon époufe,,
le fuivoit des yeux, & conceyoît les plus heu-
reufes efpérances en voyant plufieurs feignairs
de la cour de Ptolomée fe prélenter à la defeente
de Pompée, comme pour le'recevoir & lui faite
honneur : ma:s dans le m;<mtnt qu’il mettait pied
a terre ^ Achillas & fes fa relûtes fe jettent fur
lui l’épée à la main. Pompée prend auflîtôt fa
robe avec fes deux mains, & s’en couvrant le vi-
f ig e , il fe laiffa percer de mille coups fans pro.
férer une feule parole indigne de lur, fans meme
fe permettre le moindre mouvement. Son. corps
demeuré,fans, fépulture fur les bords de la mer,
; fut recueilli par un de fes affranchis.- Un de
fes anciens foldats voulut auffi partager l'honneur
de faire les funérailles du plus grand , capitaine
, difo t i l , que les romiins euflferat jamais
eu. Ils brdèreni le corps, fuivant l'ufage
des anciens , & couvrivent fes cendres d^uu
petit monceau dé terre ; tel fut le tombeau du
'grand Pompée.
PO PE , ( Alexandre ) poète anglols, né à
Londres en 1688, mort én 1744.
Comme il étoit d'une foible far.té, on l'éleva
dans la maifon paternelle. I l n’avoit encore que
huit ans, qu’ il lui çomba entre'les mains une tra-
duéfion de l’Iliade & des Métamorphofes. Quelques
étincelles échappées dé ces foiblcs copits
échauffèrent en lui le genie poétique.
A douze ans il çompofa des églogues. Une élégance
continue règne dans' fés- poéfies & dans
celles^ qu’il publia par la fuite. On peut remarquer
ici que là langue angloife y reçoit une harmonie,
une flexibilité que l'on chercheroit inutilement
dans les autres éciivains de fa, nation; &
comme l’a dit M. de Voltaire, il a réduit-le s fiffie-
mens aigres de la trompette angloife aux doux
fons de la flûte.
Lorfqu’il. donna fon EJfai fur La critique, il
n'avoit environ que vingt ans.,Denis, critique
de profefTion,. parcourant ces «fiais x 6c ayant lu /
ces vers
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ftfontrent-ils au grand jour leurs frivoles remarques ,
On rit du fol orgueil de ces faux Ariftarques.
DuResnei,.
il rejetta le livre avee dédain , en difânt : « Parbleu
, ces vers ont été faits cpntre moi ».
Ce Denis étoit jaloux de toute réputation naif- ,
fante. Un jour qu’il étoit fort malade , le docteur
N oris lui demanda ce qu’il a v e it ; il lui répondit
, la critique. C ’étoit en effet fa maladie &
la c.aufe de tous fes maux.
Ce Zoïle fe dïftingua fur-tout en fe mettant
à la tête dé ceux qui attaquèrent la,traduction
d’Homère, que Pope donna par la fuite. On n e .
pardonna point à l’auteur de s’être procuré par
cette traduction la confédération des perfonnés
é c la i r é e s d ix mille livres flerlings que lui valurent
les fouferiptions. Cette balle jaloufie n’au-
roit pas néanmoins troublé lè repos de Pope,
s’il ne s’y fût montré trop fènfible.. Mais animé
par fon reffent ment & peut être par le confei!
de fon ami Swift, il voulut écrafer ces infeCtes
a-vec les. armes qui lui étoient propres, & publia
la Dunciade ou la Sottifade , fuivant l’expreflion
du traducteur du roman de Jofeph Andrews. I!
raflemble- dans ce poème tous les détracteurs de
fa gloire, afin de les bafouer plus à fon aife,8c
les marquer de quelques traits de ridicule ineffaçables.
Dame, ftupidité. elt l'héroire de la Dun-
ciade : fes courtifans s’empreffent de lui plaire, &
celui qui excelle en fottifessobtient uue couronne ;
de Ls mains. ■
Le plaifîr que Pope eut de s’être ainfî vengé >
fut bien troublé par les attentats auxquels fe
portèrent fes ennemis-; ils lui firent fouffir^ ou^,.
du moins l’on rapporté qu’il fouffiit de leur part
une flagellation ignomi.iieufe: La relation encourut
dans les rues de Londres. Dans cette pièce écrite
d*un ton dévot 8c malignement charitable , on af-
feCte de plaindre le' poète, & de condamner ceux
qui l’avoient amfî fouetté.
Pope s’ efforça de défabufer- le public fur cette
prétendue hilloriette , mais on n’en rit pas moins
à fes' dépens '; c’ étoit la jyifte. punition de fa trop
grande, fénfibilitë pour des critiques qu’il auroit
dû anéantir par fon mépris. On n’étoit peut-être
pas faehé de voir humilié un homme qui quelquefois,
faifoit trop fentir fa. fupér-iorité. Cet
amour propré mal placé lui atri.ra un jour une re.-
partie affez 'plaifante. Il étoit petit & un, peu contrefait
; il difputoit contre quelqu’un, & dans la
vivacité de la difpute , il lui demanda d’un ton de
nippris 4 s’il favoit feulement ce que c’ étoit qu’un
point d’inteiiogation ? Oz^CJui répondit-on, cefi
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une'petite figure tortue ,. bojfue qui fait fouv.ent desdemandes
impertinentes.
On. oublia aifément toutes les fcènes qu’ il avoit
données lorfqu’il fit paraître lès épîtres morales
& fon E/fai fur f komme. Pope a ce mérite fin-
gu lier d'avoir le premier parmi lés anglois fu unir
l'efprit philofophique au génie de la poéfie. Dfs-
penfées fublimes élèvent l'homme dans ce poème
yufqu’aU trône de Dieu,.. pour nous infpirer 1 a-
mour de fes le ix , & nous faire adorer fa providence..
Pope a auffi- compofé des épîcres morales Cernées
de réflexions fines, hardies, profondes
qui développent les replis du coeur humain. Dans-
une de ces épures, il fait la fatyre des femmes ,•
& leur impute bien .des défauts. Une dame de la
cour d’Angleterre en fit des reproches.au poète.-
Cette dame dans, fa jeuneffe avoit été une desplus
belles perfonnes de la cour & des pli s ver-
tueufes. Elle menoit dans fa vieilleffe une vie fort
retirée. Pope, lui. dit-elle un jour, vous écrivez-
que toutes les Lrames font vicieufes au fond du-
coeur; puis-je cro:re que vous penfez cela de.
moi fk de plufi-. urs femmes qui- me reffemblent-
«. Quand j’ai nommé toutes les femmes, répondit-
galamment le poète, je n’ai pu parler-de vous
madame, vous qui étiez un ange dans votre
jeuneffe, & qui êtes une fainte à préfenc « Ah 1’
vous, autres, beaux efprits repartit auflîtôt cette,
dame ,.. voila comme vous êtes ! Vous divinifeq Lest
objets, ou vous les foule£ au pied.Elle avoit'raifon ^
: les'penfées de la. plupart des poètes, en fait de-
louanges ou de fatyre^ ne forit que des--hyper-
f boles.
Parmi Tes ouvrages de ce poète , & qui ont été
recueillis par les foins de Warburton, fon ami ?
on doit encore diftiriguer la boucle de cheveux-en*
levée y petit poème en cinq chants où. regne urv
comique riant, des allufions malignes, une plai-
fanterie délicate fur les femmes, plus1 capable?
peut-être de leur plaire que les fleurettes de nos-
madrigaux. Son épître d’Héloifè à Abaihrd pa-
roît avoir été1 diélée par l'amour le plus paflîonnéi-
Le poète y peint en caractères de feu les combats
de l’amour & de la grâce. Tous ces écrits font bien«
connus par-les traductions françoifes qui en ont
été faites.
On vient de dire que Pope étoit boflu & avoîç
les jambes torfes. Le roi d'Angleterre l’apperce-
vant un jour dans une-rue de Londres, dit ài
quelqu’un de fes courtifans : « Je voudrois.
bien fàvoir à quoi nous fert ce petit homme
qui marche de travers î-» Le. propos étant rapporté
fur le champ au poète >. il répondit:-« A.
v^us faire marcher droit »►
Pope avoit une faßte chancelante, ce-qui To*-