
ce qu’il y avoit alors .dans le monde chrétien.
On affure que la peur eut aùfïi quelque part à
cette fondation; 'car on dit., que pendant la bataille
, ce prince entendant le fïfHement des balles
qui paffoient aflfez près de lu i, demanda à Ton
conreffeur ce qu’ il penfoit de cette mufîque : « Je
la trouve très-défagréable, répondit-il : Et moi
pareillement, répliqua le roi ; & mon père étoit
tin homme bien étrange d’y prendre tant de
plaifir».
L’année n’étoit pas révolue, qu’il fit élever
l’efcurial en forme de gril, & pour mieux «honorer
le faint Diacre, il fit graver & peindre des grils
par-tout.
L’édifice coûta foixante millions. Philippe y
fixa fon féjour dans les dernières années, & y
mourut devant le maître-autel, où il s’ étôit fait
tranfporter.
La place ou il finit fes jours eft environnée
d’une baluftrade que perfonne n’oYe approcher.
Les moines & le peuple font perfuadcs que l’ef-
prit turbulent & inquiet de ce prince revient toutes
les nuits vifiter fon ancienne demeure, & qu’à
minuit il rode dans tout le couvent.
On compte 14000 portes dans- l’enceinte de ;
l’efcurial, 11000 fenêtres , 8oo_colonnes , 21
cours, 17 cloîttes ; & les clefs qui fervent à
ouvrir les appartenons pèlent plus de fept quintaux.
La principale façade a 300 pas de large fur 60
d’élévation : fur la porte du milieu fe trouvent les
armes d’Efpagne > furmontées d’un faint Laurent,
d un travail exquis.
L ’églife j qui a été bâtie"fur le modèle de celle
de faint Pierre de Rome, agréo pieds de long
fur 280 de large : le marbrer ies dorures , les
tableaux des plus exeellens maîtres d’ Italie ornent
cettè bafiüque : neuf choeurs d’brgues faifant allu-
fion aux neuf mufes , fécondent les voix de deux
cents Jérônimites qui pfalmodieht fur des pupitres
de bronze doré : les ornemens facerdotaux font
couverts de pierreries ; les vafes & chandeliers 1
d’or & d’argent : l’intérieur du tabernacle de la
principale chapelle renferme une émeraude de la
grotfeurd’un oe u f, & les portes, qui y conduifent
font de bois d’Inde fort recherché.
Sous l’églife eft le fameux panthéon, alentour
duquel fè trouvent des urnes noires en forme de
tombeaux, où font enfermés les oftemens des
rois d’Efpagne.
Lorfque ce grand ouvrage fut achevé , & qu’on
eut fixé lejourpour y transférer les corps des princes
& princeffes, Philippe IV voulut affilier à cette
lugubre cérémonie. Le religieux qui y prêcha,
prit pour fon texte ces paroles d’Ezéchiel : Os
décharnés , écoute£ ce que dit le feigneur.
Après l’églife 8c le panthéon, ce qui frappe
davantage eft la bibliothèque, non-feulement par
la beauté du vaiffeau, des buftes & des peintures,
mais encore par la multitude & le choix
des livres , le nombre & la rareté des manuferits ;
c’eft une des plus riches colleélions qu’il y ait
dans le monde. Les Teuls manuferits «arabes en
occupent une partie avec les manuferits grecs,
très-anciens & fort lifibles.
On y trouve auffi des fragmens de Tite-Livé
&: de Diodore qui n’ont jamais été imprimés ; un
traité de faint Augufiin fur le baptême, écrit de
fa propre main , & piufieurs autres de différens
auteurs de la première églife.
Entre le. marché au bled & le pont de Londres
, on voit une colonne fans doute la plus
haute de l’Europe appellée le monument. Cette
colonne eft ronde , cannelée, d’ordre dorique ,
d’une architecture très-hardie ; fa hauteur eft de
202 pieds du rez-de-chauflee ; elle en a 1 y de
diamètre. Le piédeftal a 40 pieds de haut & z i
en quarré. Il y a dedans un efcalier en limaçon
àVec une rampe de fer jufqu’au balcon , d’où l’on
découvre la ville & la campagne.
Ou commença à élever cette colonne en 1671 »
& on la finit en 1977 , pour eonferver la mémoire
d’un horrible incendie arrivé à Londres le
2 feptembre iééû. On a ofé graver fur une des
bafes de ce monument une infigne calomnie que
voici : « Cette colonne fut élevée pour perpétuer
la mémoire de l’horrible incendie de l'ancienne
cité , caufé par la méchanceté de la tra-
hifon des -papilles, dans le deflein d’affurer le
fuccès de leur confpiration,, pour la deftruéliou
de la religion proteftante, & de l’ancienne liberté
d’Angleterre , & pour l’introduélion du:
papifme & de la fervitudé ». Cette infeription
avoit été effacée par ordre de Jacques II : mais
elle a été remife fouS Guillaume III.
Ce n'eft pas feulement i ’illufire Pope qui donne
le démenti à cette colonnè 3 Burnet même affure,
dans Ion hiftoire d’Angleterre , que la caufe de
cet incendie ejl abfolument inconnue 8c incertaine
, & que le papifme n’auroit pu rien gagner
par ce crime affreux. Les catholiques ont été auffi
peu coupables de cet incendie de Londres, que
les premiers chrétiens le furent de celui de Rome
fous Néron; ainfi cette infeription eft un monument
du fameux incendie & de la rçiauvaife foi
des anglicans.
On croit communément que le feu prit chez
un boulanger par l’irruption de fon four allum.é >
ce qui avoit, en un inftant, enflammé toute la
n\Sû>n i & avoit communiqué ce feu aux mai-
[ fons voifines & à toute la v ille, avec d’autant
plus d’aftivité, que lorfque l’incendie commença,
i jj s'éleva un vent du nord, qui fouffla trois jours
[ avec une extrême violence.
Les flammes détruisirent 89 églifes , les portes
de la ville , la maifon-de-ville , piufieurs h ô pitaux
| écoles , bibliothèques, grand nombre
de beaux édifices , 466 rites , plus de 15200 mai-
[ fons. Des 26 quartiers de la $ ville ,. i-5 furent
ï entièrement ruinés, ôc'-'S confidérablement ëndom-
1 mages.
Dufrefni, l ’un des bons comiques, difoit un
I jour à Louis X IV , qui l’aimoit beaucoup : Sire,
1 je ne regarde jamais le nouveau louvre fans m’é-
[ crier : Superbe monument de la magnificence de
[ l’un de nos plus grands rois, vous feriez ache-
I vé fi l’on vous avoit donné à l’un des ordres
I mendians, pour tenir fon chapitre & loger fon
I général ».
Dans Pifle de Gerbe, qui eft fituée dans la I Méditerranée, on voit un ancien château , dont
■ une des tours n’ eft bâtie que d’ os de morts. Ce
I font les relies de la bataille que les efpagnols
[ perdirent contre les infidèles , quand ils furent
I dépoffédés de ce terrein en i j 6®.
Les bontés que le roi & la reine de France ont
I témoignées à leurs fujets en 1784, dans un rao-
I ment où la faifon rigoureufe arrêtoit les travaux
I journaliers, ont excité dans les coeurs la fenfi-
I bilité la-plus vive; Le peuple du quartier Saint I Honoré s’éft affêmblé & a imaginé d’élever à l’eri-
I trée de la rue du C o q , en face de la porte du
i louvre, une pyramide de neige pour confacrer les I bienfaits & la reconnoiffance. Nous ne craignons
I pas d’avancer que , fi nos auguftes fouverains
I obtiennent par la fuite des monumens plus dura-.
I blés, il n’eft guère poflible qu’il en foit élevé de
I plus glorieux & qui prouvent mieux le véritable I amour des fujets pour leurs maîtres.
Cette pyramide a été couverte d’infcrîptîons K qui, pendant fix femaines , ont é té , pour ainfi
I dire, fous la fauve-garde publique ; en voici quel-
* ques-unes.
Ce foible monument aura foible exiftence :
Tes bontés, ô mon r o i, dans ces temps de rigueur,
Bien mieux que fur l’airain, ont mis au fond du coeur
Un monumentCertain ; c’eft la reconnoiffance.
Louis , les indigens que ta bonté protège,
Ne peuvent t-élever qu’un monument de neige f
Mais il plaît davantage à ton coeur généreux ,
Que le.marbre^ayé du. pain des malheureux.
Le premier monument que le peuple éleva»
- Attefte.de mon roi l’augufte bienfaifance,
Dans nos calamités , fon coeur nous foulagea,
E t , dans le feul bienfait, trouva fa récompenfe.
yive Louis XVI, vive le plus humain des rois. - .
A LOUIS XVI, Homme.
M O RU S , (Thomas) chancelier d’Angleterre,
né vers l’an 1483, mort en 1535.
Henri VIII employa Morus avec fuccès^ dar.s
piufieurs ambaffades, & lui conféra pour récona-
pehfe de fes fervices, la dign.té de chancelier
d’Angleterre 3 mais cette faveur ne fut pas de
longue durée. Henri ayant rompu les liens qui le
tenoient à l’églife romaine-, & s’étant lui-même
fait déclarer chef de l’églife d’Angleterre, voulut
obliger le chancelier Morus, de lui prêter le
ferment de fuprématie, que ce prince exigeoit
de tous fes fujets. Morus, qui reg^rdoit ce fer-
ment comme contraire à fa religion, refufa d’obéir.
Flatteries, promeffes, menaces, tout fut employé
pour arracher l’approbation de cet homme inflexible.
Henri VIIIirrité de cette fermeté, le fit
mettre en prifon; on lui enleva fes livres, fa
feule çonfolation au milieu des horreurs dont il
étoit environné. Ses amis tâchèrent de le gagner
en lui repréfentant qu’il ne devoit point être
d’une autre opinion que le grand confeil d’Angleterre.
« Si j’étois feul contre tout le parlement,
répondit-il, je me défierois de moi-même ;
mais j’ai pour moi toute l’églife qui ell le grand
confeil des chrétiens m
Sa femme le conjurant d’obéir au roi & de
eonferver fa vie pour, la çonfolation de fes en-
fans. « Combien d’années, lui dit il, penfez-vous
que je puiffe encore vivre ? »'Plus de vingt ans,
répondit-elle ; « Ah ! ma femme, vaux-tu donc
que je préféré la vie éternelle à vingt ans de cette
vie paffagère! »
Henri VIII le voyant inébranlable lui fit trancher
la tête. Sa mort fut celle d’un martyr. Morus .
n’auroit pas été homme à ufer de détour pour
mettre’ fes jours en fürété 5 il difoit des ca-
fuiftes qu’ils fembîoieiit s’attacher, non à garantir
les hommes du péché, mais à leur apprendre
jufqu’où l’on pourroit approcher du péché, fans
pécher. Quampropè adpeccatum liceat accederefine
peccàto.
Un très-grand feigneur ayant envoyé à Morus
deux grands flacons d’argent d’un prix confidé-
rable , pour fe le rendre favorable dans un procès
important, ce magiftrat les fit remplir du meilleur
vin de fa cave. « Vous affurerez votre maître ,
dit-il, à celui qui les aVpit apportés, que tout le
yin de ma caye eft. à fon fervlce ' ;