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malgré fa réfiftanc«. Il étoit alors à Paris, où il
avoït fait bâtir le palais des Thermes, dont on I
montre encore les relies fous lç nom de bains de
Julien. Dans une lettre menaçante que Confiance
avoit écrite au nouvel empereur , il lui marquoit
.qu’il-ne lui reftoit pour mettre fa vie en fûreté,
que de rentrer dans fon devoir 8z de quitter le
diadème. « Je fuis prêt à le quitter, dit-il, li
» ceux de qui je le tiens y confentent. *> Les
foldats & le peuple lui confirmèrent, à grands cris,
le titre d’Àugufte.
Julien marcha contre Confiance, qui avançoit
à la tête d’une puiffante armée, dans le deiîein de
lé foumettre. Tous les foldats du nouvel empereur
étoient déterminés à verfer pour lui jufqu’à
la dernière goutte de leur fang. Les officiers lui.
avoient prêté ferment, excepté Nébridius, préfet
du prétoire , créature de Confiance & comblé de
les bienfaits , qui refta fidèle à fes premiers enga-
gemens. Les foldats vouloient le mettre en pièce ;
mais Julien le couvrit de fes habits, & Je déroba
à leur fureur. Lorfque ce prince revint au palais,
il trouva Nébridius qui avoit pris lesdevans, &
le fupplioit à genoux de vouloir lui donner fa
main à bai fe r , afin de le mettre par-là en fûreté.
Si je vous donne ma main, répondit- i l , que
» garderai-je donc pour ceux qui me font atta-
, » chés? Mais vous n’avez rien à craindre : retirez-
» vous où il vous plaira ».
Cet empereur philofophe, en entrant dans le
palais de Confiance, commença par en bannir Je
lu x e , la molleffe & la fainéantife. Un jour qu’ il
avoit envoyé chercher un barbier, il s’en préfenta
un fuperbement vêtu. Le prince le renvoya en
lui difant : Ce neft pas un fénateur que je demande ,
mais un barbier.
De mille de ces artifans qu’avoit fon prédé1
ceffeur , il n’ en garda qu’ un. C'eft encore trop,
difoit - il , pour un homme qui laijfe croître fa
barbe.
Il fe trouvoit autant de cnifîniers dans le palais.
Un jour qu’ il en vit pafier un magnifiquement
’habillé, il l’arrêta; & ayant fait parcître le lien
vêtu félon fon état, il demanda à ceux de fa fuite
qui des deux étoit officier de cuifine : oh décida
en faveur de celui de Julien, qui congédia l’autre
& tous fes camarades , en leur difant : Qu ils
perdroient a fon fervice tous leurs talens.
Il chifia pareillement tous les eunuques t dont
jl déclara q\ïil n avoit pas befoin , puifqu i l n avoit
plus de femme. Il avoit perdu fa femme Hélène,
foeur de-Confiance, avant d’ être proclamé empereur,
& ne fe maria point depuis.
Julien avoit quitte la religion catholique pour
embraffer lé politheïfme. Mais dans la décifîon
des affair&s, jamais ni la religion-, ni aucun
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motiFétrange! ne lui firent pencher la balance#
Unçfemme avoit un procès contre un domeftique
de 1’ empereur. C et officier avoit été caffé, & ce
fut une raifon de plus pour cette femme de l’attaquer.
En entrant à l’audience, elle fut furprife de
voir ce même officier Svec la ceinture militaire ;
& défefpérant d’obtenir juftice contre un homme
qui avoit eu le crédit de rentrer dans le palais,
elle commença à déplorer fon malheur. Julien
l’éntendit, & voulut bien la raffurer. « Faites
» valoir vos prétentions, lui dit il, & ne craignez
H rien. Il a cette ceinture pour marcher plus vite
» dans les mauvais chemins j mais elle ne lui
» donne pas le crédit de vous faire perdre votre
» procès ».
Dans le temps que cet empereur étoit à Berça,
ville de Macédoine , le fils d’un magifirat de cette
ville fut challe de la maifon paternelle & déshérité
par fon père, qui étoit chrétien, pour avoir
embraffé la religion du prince. Ce jeune homme,
fe mit fous la protection de l’empereur, qui lui
promit d’avoir foin de lui. Julien donnant un
jour un repas aux principaux habitans de la ville,
plaça le père 8e le fils à fes deux côtés. Au milieu
d u jé it in , il repréfenta au père l’injuftice qu’il
y avoit à vouloir donner fa raifon pour règle de
celle des autres. Le père, peu touché des bontés
de l ’empereur, continua d’exhaler fon reffentiment.
Julien l’en reprit avec douceur, & dit au jeune
homme : » Vous voyez que je ne puis rien ga-
» gner fur lui. Vous n’avez plus de père 5 mais
» ne vous chagrinez point : je vous en fervirai,
» mon fils ».
Pendant fon féjour à Antioche, étant forti de
fon palais pour aller facrifier à Jupiter fur le
mont Cafius, un homme vint lui embrafier les
genoux, & le fupplier humblement de lui accorder
la vie. Il demanda qui c’étoit. » C ’eft,
» lui répondit-on, Théodore, ci-devant chef du
» confeil d’Hiéraple ». Et quelqu’un ajouta méchamment
: « En reconduifant Confiance , qui fe
» préparoit à vous attaquer, il le cemplimentoit
» par avance fur la victoire, & le conjuroît avec
» des gémiflemens 8c des larmes, d’envoyer
» promptement à Hiéraple là tête de ce rebelle ,
» de cet ingrat : c’eft ainfi qu’il vous appeloit ».
Je fayois tout cela il y a long-temps, dit l’empereur
; & adreffant la parole à Théodore , qui
n’attendoit que fon arrêt de mort : Retourneç cher
vous fans rien craindre. Vous viveç fous un prince
qui, fuivant la maxime d'un grand philofophe ,
cherche de tout fon- coeur a diminuer le ..nombre de
fes ennemis & à grojjir celui de fes amis.
Maris, évêque de Calcédoine, l’un des principaux
ariens, aveugle & courbé fous le poids des
années, s’étoit fait conduire au temple de la
Fo'rtune, lorfque Julien y facrifioit, & lui reprocha
publiquement fon impiété dans les termes
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les plus durs. Julien l’appela aveugle, & lui dit :
« Ton Dieu le galiléen ne te rendra, pas la vue ».
Je le remercie , répartit l’évêque, de m épargner la
douleur de voir un ap.ofiat tel que toi. L empereur 5
qui pouvoit fe venger d’un feul mot, ne dit rien
& continua fon facrifice avec beaucoup de tranquillité
8c de modération.
Julien y ayant perdu, à la fleur de fon âge,
Hélène, fon époufe, ne fe remaria point, & fut
toujours fe défendre de l’amorce des plaifîrs. Il
difoit fouvent, après un poëte grec, que la :
chafteté eft, en fait de moeurs, ce que la tête eft
dans une belle ftatue; 8c que l’incontinence fuffit
pour déparer la plus belle vie. Dans la guerre
qu'il fit contre les perfes, il fe défendit, à l’exemple.
d’ Alexandre le-Grand, de voir des vierges captives,
dont on lui avoit vanté les charmes.
C e prince avoit l’ame affez élevée pour dédaigner
toute louange fervile. Des courtifans louoient
fa juftice, fa modération. « Ceffez de me louer,
m leur dit-il, ou ayez le courage de me blâmer
» quand je le mérite ».
Qui pratiqua mieux que Julien cette vertu,
qui confifte à .ne nous faire regarder les richeffes
que comme un moyen de plus que la providence
a mis entre nos mains pour foulager nos frères.
Voici ce qu’il écrivoit étant empereur. « Qu’on
» me montre un homme qui fe foit appauvri par
*> fes aumônes; les miennes m’ont toujours enrichi
» malgré mon peu d’économie. J’en ai fait fouvent
» l’épreuve lorfque j’étois particulier. Donnons
» donc à tout le monde ; plus libéralement aux
» gens de bien ; mais fans refufer le néceffaire à
» perfonne, pas même à notre ennemi : car ce
» n’efi pas aux moeurs ni au caractère, c’ eft à
» l’homme que nous donnons ».
Julien ufa fur-tout de févérité envers les délateurs,
ces âmes viles qui trafiquent de la crédulité
du fouverain, ou qui, couvrant leurs inimitiés
particulières d’une apparence de zèle pour la
-perfonne du prince, prêtent à leurs ennemis les
defieins les plus pernicieux. L ’empereur cependant
fe contentoit quelquefois de méprifer les
délateurs & leurs petites intrigues. Un homme
étoit venu pîufieurs fois le trouver pour lui dire
qu’un de fes concitoyens prétendoit à l’empire.
Julien ne fit pas attention à cette accufation ridicule.
Mais comme le délateur fe préfentoit toujours
à fon audience, l’empereur, pour fe délivrer
de cet importun, lui demanda quelle étoit la
condition du prétendu coupable. C'eft, d it- il,
un riche bourgeois. « Quelle preuve avez-vous
» contre lui » ? ajouta le prince en fouriant. U
fe fait faire un habit de foie couleur de pourpre.
Julien n’en voulut pas écouter davantage ; &
Çomme le délateur infiftoit, il dit au grand tréforier :
« Je veux qu’on donne à ce dangereux babillard
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» une chauffure couleur de pourpre, & qu’il la
» porte à celui qu'il accufe,pour aflortir à fou
» habit».
Julien y à la modération d’un fage, 8c au* vertu»
d’un fouverain , joignoit toutes les qualités des
grands capitaines. Il avoit établi dans fes armées
une discipline’ exaéle, l’ame des expéditions militaires.
Tous les emplois étoient donnés à l’expérience
8c à-la valeur ; 8c le foldat , animé de l’ef-
pérance de parvenir aux plus hauts grades, n’en
étoit que plus attaché à fes devoirs. Ses troupes
avoient abondamment les vivres & les munitions
oéceffaires ; mais les alimens trop délicat s ou qui
pouvoient porter à quelques excès, étoient févèr
rement 'interdits. Lorfque la vengeance & l’ambi**
tion le firent marcher contre les perfes , apperce-
vant un jour > à la fuite de l’ armée, pîufieurs
chameaux chargés de liqueurs & de vins exquis ,
il tiéfendit aux chameliers de pafier outre. >■> Em-
» portez, leur dit-il, ces fources empoifonnées
» de volupté & de débauche. Un foldat ne doit
» pas boire de vin , s’il ne l’a pris fur l’ennemi; 8c
» je veux moi-même vivre en foldat ».
C e fut cette guerre contre les perfes qui l’occupa
le plus, & qui lui coûta le plus de temps,
de troupes, enfin la vie. Au commencement de
cette expédition, il fit à fon armée une courte
harangue, qui fît pafier dans tous les rangs la
confiance & l’ardeur dont,il étoit animé. Je remplirai
3 avec l'aide du ciel, d.foit-il, tous les devoirs
d'un général, d'un officier, d'un foldat. Ces paroles,
prononcées par un prince qui payoit toujours
de fa perfonne , firent élever des acclamations
de joie. Tous les foldats frappant fur leurs
boucliers s’écrièrent : Que Julien foit invincible.
Ce prince remporta pîufieurs avantages fur les
perfes ; mais comme il fe montroit par-tout où
le danger étoir le plus preffant , il fat atteint
d’un javelot, qui lui porta un coup mortel, dans
le temps même qu’il faifoit fuir les perfes. On
l’emporta fur un bouclier dans fa tente. « Je me
» foumets, dit-il, avec joie aux décrets éternels,
» convaincu que celui qui eft épris de la vie
« quand il faut mourir, eft plus lâche que. celui
» qui voudroit mourir quand il faut vivre. Ma
» vie a été courte; mais mes jours ont été pleins.
» La mort, qui eft un mal pour les méchans, eft
» un bien pour l’homme vertueux. C ’eft une dette
» qu’un fage doit payer fans murmure. J’ ai été
» particulier 8c empereur ; & dans la vie privée
» & fur le trône, je n’ai rien fait, je penfe , dont
» j’ aie lieu de me repentir ». Il s’entretint à fa
dernière heure de l’immortalité de l’ame , 8c
expira, comme Socrate, en convenant avec fes
amis.
JUMEAUX. Il y avoit deux frères jumeaux %
dont l’un vint à mourir : un écolier rencontrant
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