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M. Godeau. étoit'un peu parent de M. Conrart,
& logeoit chez lui îorfquil venoit à Paris. Les
poëfies qu'il y apportoit de Dreux donnèrent lieu
à M. Conrart d’afïbmbler dans fa maifon quelques
gens de lettres, pour en entendre la le dure > &
ces affemblées furent proprement l ’origine de l’académie
françoife.
L ’abbé Godeau fut fort goûté à l’hôtel de
Rambouillet} & c’étoit de lui que maderr.oifelle
de Rambouillet Julie d’Angennes, difoit dans une
de fes lettres à Voiture : « Il y a ici un homme
% plus petit que vous d’une coudée, & je vous
» jure, mille fois plus galant». Sa taille & l’af-
fedion que cette demoifelle lui témoignoit, lui
firent alors donner le nom 'He Nain de Julie.
Godeau étant évêque de Graffe, il fut député
de la part des états de Provence pour remontrer
à la reine Anne d’Autriche, régente du royaume,
que cette province ne pouvoir pas payer une
fomme conîidérable qu’ elle lui avoit fait, demander.
Il dit entr’autres chofes dans fa harangue,
que la Provence étoit fort pauvre, & que comme
elle ne portoit que des jafmins & des oranges, on
la pouvoit appeler une gueufe parfumée.
M. Godeau difoit que le paradis d’ un auteur
c ’étoit de compofèr, que fon purgatoire c’étoit
.de relire & retoucher fes compofitions ; mais que
"fon enfer étoit de corriger les épreuves de l ’imprimeur.
GO N ZA LE S CO Q U E S , né à Anvers, l'an
t.6 i8 . |
C e peintre étoit très-bien fait, & avoit reçu
de la nature une phylïonomie auffi agréable qu’in-
téreflante. Combien de flamandes n’ont pu réfif-
ter aux. grâces & au mérite dont il étoit doué !
Pendant fon féjour à la cour de l’archiduc Léo- .
pold, une jeune perfonne, entr’autres , éprouva ]
qu’ il eft fou vent dangereux de voir un bel homme. :
Son coeur fe rendit après de légers combats; &
fa paflion faifant chaque jour de nouveaux pro- :
grès, elle mit en nfage les regards, les minauderies,
& même jufqu’aux avances, pour fe faire
aimer. Loin de réfifler aux agaceries dont il étoit
l ’ob jet, Gonzales fit éclater encore plus d’amour
que la belle n’en lai If oit pardîrre. Les parens de
la jeune perfonne voulurent arrêter cette intrigue
dès la nailfance ; mais l’amante paflionnée fe
fauva chez l’artifte qu’ on lui défendoit de voir,
qui lui confeilîa de s’habiller en polonois, & de
feindre de venir apprendre à delfiner. Elle foutint
ce déguifement à merveille ;.&» animée du defir
de plaire à fon amant, elle fit des progrès confidé-
rables dans la peinture.
Cependant, une élève d’une auffi jolie figure
ne pouvoit long - temps en fmpofer. Afin de la
fotülraire aux recherches de fes païen*, Gonzales
t î O N
1 ..alla demeurer dans un village près d’Anvers, &
j changea même de nom.
J On lui au$f)it volontiers donnç pour époufe
l’objet de fa tendrelfe ; niais malneurtuftm'ent il
étoit déjà marié. Ces gens qui fe plaifent partout
, & en tout temps, à répandre les maùyaifes
nouvelles, ne manquèrent pas d’in former la femme
de notre peintre, de toutes fes infidélités. Elle fe
joignit aux parens.de la demoifelle , & décoüvric
bien-tôt le lieu qui fervoit d’afyle aux deux amans.
On alloit fe porter contt’eux aux plus violentes
extrémités , lorfque la fuit,ë, feul parti qui leur
reftoit, affura leur tranquillité pour toujours. Ils
Nfe cachèrent fi bien , qu’on ignore ce qu’ils font
devenus. Selon toute apparence, le tendre. Gonzales
aura paffé dans quelque royaume voifin ; &
vivant fous un nom inconnu , & peut-être à l’aide
d’ une proieffion étrangère, il aura préféré les
charmes de l’àmour à la gloire dont il cemmençoit
à fe couvrir.
G O N SA L V E , ( Fernandès de Cordoue ) mort
en i j i z ,. âgé de 74 ans.
La rapidité des exploits de Gonfalve, & les
fa vantes marches qu’il fit pour joindre Ferdinand
I I , roi de Naples, que les françois avoient chafifé
de fon royaume, lui méritèrent le glorieux titre
de grand capitaine. Il avoit cette préfence d’efprit
fi néceffaire dans un général d'armée, & il ne fe
rendit pas moins recommandable par fa généfo-
fité que par fa valeur. Mais perfuadé fauffement
que le fuccès d une entreprife juftifie les moyens
que l’on emploie pour la faire réuffir, il ne garda
pas toujours dans les engagemeris cette louab’e
fidélité, fans laquelle' il n’y , a point de véritable
héroifme.
En 1 J02 , Gonfalvey à la tête des efpagnols,
s’oppofoit aux conquêtes des françois en Italie.
Les foldats que commandoit le général efpàgnql ,
mécontens de manquer de tout, prirent la plupart
les armes, & fe préfentèrent à lui en ordre de
bataille pour exiger leur folde. Un des plus hardis
pouffa les chofes jufqu’à lui préfenter la pointe de
fa hallebarde. Gonfalve, fans s’étonner, faifit le
bras du foldat » & affectant un air gai & riant,
comme fi ce n’eût été qu’un jeu : « Prends, garde,
» camarade, lui dit-il, qu’en voulant badiner avec
» cette arme , tu ne me bleffes ».
Un capitaine d’une compagnie de cent hommes
d’armes porta l’outrage plus loin. Il ofa dire à
Gonfalve, qui témoignoit fon chagrin de ne pouvoir
procurer les chofes, dont on avoit befoin :
«« Eh bien!fiatu manques d’argent, livre ta-fille,j
» tu auras de quoi nous payer ». Comme ces paroles
outrageantes avoient été prononcées parmi
les clameurs de la fédition , Gonfalve feignit de
ne les avoir point entendues 5 mais la nuit fuivante,
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il fit mettre à mort le malheureux qui les avoit
c ites , & commanda qu’on l’attachât à une fe-
rêtre, où toute l’armée le vit expofé le lendemain.
C et exemple de févérué néceffaire raffermit faute
rité du général.
Il fit la conquête de Naples. Gonfalve emporta
l’épée à la main les châteaux forts de. cette’ capitale,
& les riçhefics qu’on y avoit ajnaffées
devinrent la proie du vainqueur. Quelques-uns
des foldats s’étant plaints* au général d'a.voir été
fruftrés de leur part au butin : « Eh bien, cama-
» rades, leur dit Gonfalve, il faut réparer v.otie
» mauvaise fortune : allez dans mon logis ; tout
» ce que vous y trouverez , je vous l’abandonne.
Ces foldats mercenaires, moins touchés de la gé-
néiofité de leur général, que du gain qui les atten-
doit, coururent auffi-tôt à fon palais. Jamais pillage,
dit Paul Jove , ne fut plus entier, & ne fe
fk avec plus d’avidité.
Une nouvelle armée arrivée de France en 1 y05,
pour réparer les pertes de Çérignole, fe fortifioit
fur les bords du Gariglian. Quoique les troupes
commandées par Gonfalve fufient beaucoup p!us
foibles , ce général fe retrancha néanmoins à
la vue des françois. Les officiers efpagnols blâ-
moient hautement fa conduite & la taxôient de
témérité. « J’aime mieux , leur répondit le brave
» Gonfalve, trouver mon tombeau en gagnant
» un pied de terre fur l’ennemi, que de pro-
» longer ma vie de cent années, en reculant de
» quelques pas ».
La république de Venife lui ayant fait préfent
de vafes d’or , de tapifferies fuperbes & de mar- :
très zibelines, av< c un parchemin où étoit écrit
en lettres d’or le décret du grand confeil qui. le ;
faifoit noble vénitien, il envoya le tout à Ferdi- J
nand. Il ne conferva que le parchemin pour mon- j
trer, difoit-il à fon concurrent Alonze de Silva,
qu’il n’étoit pas moins gentilhomme que lui. Plu-
fieurs autres traits pareils de la vie de Gonfalve
annoncent dans ce général un coeur magnanime
JË un dévouement à fon prince à l’abri de tout
foupçon.
GOURMAND. Un.jeune homme, profeffeur
de mufique , étoit fi gourmand, qu’il ne pouvoit
s’empêcher de manger les fruits ou les confitures
qu’il trouvoit fous fa main chez fes -écoliers ;
quelquefois il ouvroit même le buffet, & faifoit
un ravage étonnant dans toutes les friandifes qui
s’offroient à fes yeux. Une dame réfolut de le
guérir de ce vilain défaut. Elle n’en eut pas plutôt
formé le projet, que notre muficien venant-
pour donner leçon à une jeune & jolie écolière,,
apperçut une affietté garnie de bifeuits,-& fondit
deffus, comme le chat le plus alerte, pendant
qu’il n’y avoit perfonne dans l’appartement. Après
qu'il en eut rempli fon ellomac 3c fes mains, la
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dame demanda à fa fille ce qu’éroient devenus la
plupart des bifeuits dans lefquels on avoit mis de
1arfénic pour faire mourir les rats. A ces mots,
le muficien épouvanté, ne doute pas qu’il s’ef!
empoifonné lui-même ; il pâlit, & avoue qu’il a
eu le malheur de manger les bifeuits. Auffi-tôt
on s’empreffe de le fecourir, on lui fait avaler
de l’huile, on tâche de rafftirer fon imagination
effrayée. Les foins, les remèdes, font inutiles 3 il
s'écrie qu’il leffent une violente colique, & demande
en gémiffant à fe piéparer à la mort. Enfin
, on- lui apprend, en éclatant de rire , qu’il n’a
1 ri.en à craindre , & qu’on n’a voulu que lui faire
peur. Mais il,étoit tellement perfuadé que le poi-
fon agiffoit avec force, cu’il fallut manger devant
lui les bifeuits qui reftoient. Cette aventure,
l’a tout-à-fait corrigé de fa gourmandife.
Comme on demandoit à Montmaur pourquoi
il cherchoit avec tant d'emprdfement lesfeflins,
il répondit : « Que c ’étoit parce que les feilins
] j >s\ ne cherchoient pas ». Et il ajouta que nos
pères avoient appelé leurs feftins du mot latin
feftinare, pour montrer qu'il faut toujours fe hâter
d’y aller.
Lignière reprochoit un jeur à Montmaur lé
parafite, qu’il dînoit fouvent chez les autres; il
répondit : comment voulez-vous que je fafîe, on
m’en preffe ? Je le crois bien , reprit Lignière, U
n y a rien de plus preffant que la gourmandife.
Rien ne furpaffa la gourmandife de l ’empereur
Vit ellius j tous les chemins de l’Italie & les deux
mers étoient couverts de gens qui alloient chercher
pour fa. table les viandes les plus exquifes &
le poiffon le plus rare. Ce prince faifoit quatre
grands repas par jo.ur,'& quelquefois cinq. Il
etoit fi peu maître de fa faim , que pendant les
facrifices on le vit plufieurs fois tirer les entrailles
des animaux à demi-cuites , I & les dévorer aux
yeux de Taffemblée. Il s’invitoit lui-même chez
fes amis, & s’y faifoit traiter avec une telle
fomptuofité, qu’il les mettoit à deux doigts de
leur ruine. Lucius Vitellius, fon frère, lui en
donna .un ou Ion fervit deux mille poiffons &
fept mille oifeaux, tous rares & exquis. Enfin,
la profufîon de cet empereur alla à fon comble
dans un feftin, où un baffin feul coûta plus que
le repas de fon frère. Il étoit rempli de foies
de faifans, de langues de fearres, de cervelles
de paons, d’entrailles de murènes, & de toutes
fèrtes de poiffons & d’oifeaux de grand prix.
L’hiftorien Jofephe confeflfe que fi ce Prince
eût vécu long-temps, tous les revenus de l’empire
n’euffent pas été fuffifans pour l’entretien de
fa table.
Defpréaux, en parlant du fameux comte du
Brouffin, q u i, en fait de repas, fe vantoit
d’avoir acquis la plénitude de la fcience, . difoit