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à fon aife. Le roi en fourit ; & , donnant un petit
coup fur l'épaule de ce gentilhomme : Courages
monjîeur le chevalier, lui dit-il, je vous crois à
tépreuve dit canon.
Les partifans de Jacques ayant remarqué durant
la bataille l’endroit où étoit Guillaume , traînèrent
visj-à-vis de lui deux pièces de campagne, & le
bîefierent à l’épaule d’un boulet de fix livres.
C e coup effraya tous ceux qui étoient auprès du
prince j lui feul n’en parut point ému. I l ne
falloit pas que le coup fût tiré de plus prés , dit-il
froidement. Il Te fit enluite panfer à la tête de fes
troupes, & demeura à cheval jufqu'à ce qu’il eût
gagné la bataille.
Après l’a&ion, on demanda à quelques Irlan-
dois qui avoient été battus & faits prifonniers'
fous les drapeaux de Jacques, s’ ils étoient encore
tentés d’en venir aux mains. « Changeons
m de* r o i, répondirent - ils : nous vous livrons
» demain la bataille, & nous fouîmes allurés de
»» vous battre ».
Guillaume, quelque temps après la bataille de
la Boyne, quitta l’ Irlande &!ama le foin d’achever
de la foumettre au jeune Marlborouh, en difam :
« Qu’il n’avoit jamais vu perfonne qui eût moins
» d’expérience & plus de talent pour commander
» une armée ».
Guillaume tint long-temps la campagne contre
Louis X IV . Il fut battu bien des fois, mais
jamais défait. Ses retraites valorent des victoires.
Jl prit Narmtr en 169y , & ce fut I’aétion la plus
éclatantevde ce prince. Louis X IV l’ayant reconnu
xoi d’Angleterre , la paix fut rendue à l’Europe par
le traité de Rifwick, en 1697*
t e teftament de Charles I I , roi d'Efpagne,
en faveur des Bourbons, ralluma la guerre. Guillaume
confervant toujours une ame aéèive cou-
xageufe dans un corps débile & prefque fans
forces , remua toute l’Europe pour fùfciter de
nouveaux ennemis à Louis X fV , & ri alîoit lui-
même fe mettre à la tête des armées des puif-
fances alliées, lorfque la mort, qui fuccéda a fes
infirmités,, le furprit au milieu de fes plus vailes
projets.
GUISE^ ( François de Lorraine, duc de ) né
au château de Bar en 1419, d ’un coup de
piiiolet en par Poltrot de Meré, gentiLftompic
huguenot*
François de Guife fe montra le pîus grand capitaine
de fon fiècle, & prouva que le bonheur eu ;
le- malheur des peuples dépend fou-vent d’un feul
homme. L’ame du parti oppofe aux-protellans, &
vainqueur par-tout où il s’étoir trouvé, il devint
l ’idole des catholiques, le maître de la cour fous
Henri II & François I I , & fut en tous fens le
premier homme de Fétat. 11 étoit/ d’un car-a&ère
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v if & bouillant; mais fi l’impétuofité de fon caractère
lui faifoit commettre quelques fautes envers
fes officiers, la réparation en étoit prompte, &
l’offerifé n’eut jamais qu’à fe louer de la générofité
de ce prince.
Il fut furnommé le Balafré, à caufe d’une
bleflure qu’il reçut au fiège de Boulogne, en 1545.
Ce furnom fut auffi donné à Henri de Lorraine,
fon fils aîné. Comme François s’efforçoit de ie-
poufier les anglois qui affiégeoient Boulogne, il fut
frappé entre le nez. & l’oeil droit dune lance qui
s’étant rompue par la. violence du coup, lui lailfa
dans la plaie tout le fer avec un tronçon de bois.
C e qui paroîtrà prodigieux, c’ eft qu’un coup fi
violent re lui fit pas perdre les arçons, & qu’il
eut la force de revenir au camp à cheval. Il y
entra dans un état à faire horreur; fes armes, fes
habits & fon vif|ge étoient couverts de fang. La
profondeur & la largeur de la plaie effrayèrent
les chirurgiens qui le panfèrent ; plusieurs- d’en-
tr'eux ne voulurent point toucher à fa plaie,
difant quhl étoit inutile de faire fouffrir un homme
qui n’avoit pas deux heures A vivre. Ambroife
Paré, premier chirurgien du roi, arriva avec ordre
de tout rifquer pour fauver la vie du prince. C e
chirurgien voyant que le tronçon de la lance étoit
entré de teUe forte dans la tête, qu’on ne pouvoir
le faïfir avec les mains, prend des,tenailles de
maréchal, & en préfence d’une foule d’officiers,
il demanda au blefie s’il confentoit qu’il rifquâc
l’opération, & qu'on lui mît le pied fur le vrfape,
pour arracher le tronçon de la lance. Je confer.s
a tout, répondit le prince; travaille£. Cette manière
de panfer une bîeffure fit frémir tous les
f p e d a t e u r s f e u l parut rranquille, jufqu’à ce
que les tenailles tirant le bois avec force, il s’écria
: ah, mon Dieu J Cette exclamation fut le feul
témoignage de la. douleur qu’il donna pendant
j toute la durée de l'opération. Malgré l’heureux
fuccès de Paré, les chirurgiens défelpérèrent longtemps
de la vie de Guife/ cependant il guérit fi
parfaitement, qu’il ne lui relia qu’ une légère cicatrice.
( Vie des hommes Ulujlres ) .
Le duc dé Guife arrêta les conquêtes de Char’es--
~Quint, & lui fit lever le fiège de Metz le premier
Janvier 1 y 13. Lors de ce fiège, il avoit reçu une
lettre de Louis Damila, généra de la cavalerie
efpagnole, qui lui demandoit un de fes efclaves
fauvé dans la ville avec un cheval de prix qu’il
avoit dérobé. Guife renvoya le cheval, après
l ’avoir payé à celui chez qui il fe trouvoit. Mais
pour ce qui étoit de Kefciave, H répondit qu’il
n’avoit gard$ de renvoyer dans les fers un
hdmme devenu libre en mettant les pieds fur
les terres de France, ni de violer un des plus
glorieux privilèges de ce royaume, qui confifte
à- rendre la. liberté à tous ceux qui la viennent
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Tous les officiers qui combattaient fous le duc
de Guife lui rendoisnf cette juftice, que perfonne
de fon rang ne connoiffoit mieux les règles de
l’honneur & ne fa^oit mieux réparer une offenfe.
Brantôme en a rapporté ce trait. Lors de la bataille
de Rentie, en i f ? 4 , où il fit des prodiges de
valeur, Saint-Fai, un de fes lieutenans, s’avançoit
avec trop de précipitation. Le duc courut à lu i,
& , par un mouvement de colère, lui donna un
coup d’épée fur le cafque, en lui criant de s’arrêter.
La bataille fii.ie, on l’alTbra que Saint- Fal,
offenfé du traitement qu’il avoit reçu, vouloit le
quitter. « Monfieur de Saint-Fai, lui dit le duc
m dans la tente même du ro i, & en préfence de
» tous les officiers, vous vous tenez offenfé du
« coup que je vous ai donné , parce que*vous
»> a vanciez trop. Mais il faut bien mieux que je vous
» l’aye donné pour vous arrêter dans un combat
»s où vous' alliez avec trop d’ardeur, que fi' je
»; vous l’eufie donné pour vous faire avancer, en
» blâmant' votre-Jâcheté. Je perfe, qu’ à le bien
» prendre, ce coup ell plus glorieux qu'humiliant
j» pour vous j & je prends pour juges meilleurs les
î» capitaines qui font préfens. C ’tft pourquoi
» foyons amis comme auparavant ». C e qui fut
fa it, dit Brantôme. •
En 1 y yS, le connétable Anne de Montmorenci
ayant été fait prifonnier à la bataille de Saint-
Quentin, François, duc de Guife, fut misa la
tête de l'armée françoife. Un jour que ce général
vifitoit fon camp, le baron de Lûnebourg, un
dts principaux chefs desreitrts, trouva mauvais
qu’ il voulût examiner fa troupe, & s’emporta
jufqu’à lui préfenter le bout de fon piiiolet. Le
duc de Guife tire froidement fon épée, éloigne
le piiiolet & le fait tomber. Montpezat, lieutenant
des gardes de.ee piince, choqué de l’info-
lence de l'officier allemand, alloit lui ôter la vie,
lorfque Guife lui cria : « Arrêtez, Montpezat;
» vous, ne fuvez pas mieux tuer un homme que
w moi «. Et fe tournant vers l’emporté Lunebourg:
« Je te pardonne, lui dit-il, l’injure que tinn’as
» faite ; il n’a tenu qu’à moi de m’en venger.
» Mais pour celle que tu as faite au roi I dont je
9» reprélente ici la perfonne, c ’eft à lui d’en faire
» la juftice qu’ il lui plaira Auffi tôt il l’envoya
en prifon 8t acheva de vifiter le camp, fans que
les reitres ofaftent murmurer, quoiqu’ils fufifent
naturellement féditieux. ( HiJloire de François duc
de Guife J.
Les cal vinifies mécontens de voir, fous le règne
de François II, toute l’autorité entre les mains des
princes lorrains, leurs ennemis , avoient projette,
en 1560, de les faire périr. C ’étoitle but de la
confpiration d’Amboife, dont le prétexte étoit la
religion. Cette confpiration fut découverte , & ne
fervît qu’à augmenter le crédit ae ceux qu’on-
voialoit perdre. Le parlement donna au duc de
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Guife le titre de conférveteur de la patrie. On le
faifit de la plus grande partie des conjurés 5 le
capitaine Mazères , homme violent &: hardi, qui
s’étoit chargé de poignarder le chef de h mai fon
proferite, fut pris armé d’une fort longue épée»
j « Jë mitonne, lui ait le duc de Guife, qus vous,
j »3 qui avez montré du talent & qui avez acquis
« de l’expérience à la guerre, vous ayez préféré
» une arme embarraftante, & qui peut être aifé-
» ment faifie, à une arme courte qui fe manie
33 aifémenr. Monfieur, lui répondit le capitaine ,
» je favois fort bien ce que vous m’en dites,
, ” l’avois fort en moi confidéré plus de quatre fois ;
'» mais, peur en parler au v ra i, quand je con-
»3 fiderois votre brave Vail!ance & furieufe pré-
» fence, je perdcîis auffi-tôt le courage de v< us
33 attaquer de près ; & pour ce , je me réfolus
>3 d'avoir affaire avec vous de loin j que fi, au lieu
» de ceite épée, j’ eufle pu apporter une pique ;
» je l’euffe fait ; tant l’image de votre perfonne fe
» montroit à moi terrible & formidable, & m-fe
» faifoit de peur ». \Brantôme ).
Le duc de Guife fut déclar-é lieutenant du
royaume , & fon autorité étoit telle qu’ il recevoic
affis & couvert Antoine, roi de Navarre, qui fe
tenoit debout & tête nue. Le connétable Anne
de Montmorenci lui écrivoit , monfeigneur, &
votre très, humble & très-obéiffant ferviteur -;
M. de Guife lui écrivoit, monfieur le conétable , 8c
au bas, votre bien bon ami.
"Après la mort de François I I c e t t e autorité
bama, mais fans être entièrement abattue. C e
fut alors que fe formèrent les faélions des Coudés
& des Guifes. Du côté de ceux-ci étoient le connétable
de Montmorenci, & le maréchal de Saint-
André ; de l ’autre étoient les proteftans & les C o -
lignrs. Le duc de Guife pourfuivoit par-tout, les
1 armes à la main, les protellans. Paffant auprès de
Vaffi , fur les frontières de la Champagne, il
trouva des calviniffes qui chantoient les pfeaumes
de Marot dans une grange. Ses domeftiques les
infultèrent. On en vint aux mains, & le plus grand
nombre de ces malheureux fut tué ou bleffé. Cette
barbarie , appelée par les protellans le majfacre du
VaJJi, alluma la guerre civile dans tout le royaume».
Le duc de Guife prit fur les protellans Rouen,
Bourges, & donna la bataille de Dreux en iyéi.»
Cette joui née fut unique par la prife des généraux
des deux armées, le prince de Condé &. le
connétable. Ce fut le duc de Guife qui gagna la
bataille, quoiqu’il n’eût pas de commandements
On a remarqué, comme une chofe fingul-ère, que
François » duc de Guife, général de plufieurs ar-
. mées deux fois lieutenant général dm royaume,,
ce qui lui donnait le commandement fur le connétable
même , n’avoit d’autre grade militaire
que celui de capitaine- des g en d a rm e s 8e. étoit
obligé d’obéir aux. maréchaux, de camp mêmes?..