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De la foi des humains difcrets dépofitaires 1
La paix feule eft le fruit de leurs faints miniftères ;
Des fouverains du monde ils- font les noeuds facrés j
E t, par-tout bienfaifans, font par-tout révérés.
Les ambajfadeurs ne doivent point , aller aux
noces, aux ehterrcmens, aux affemblées publiques,
à moins que leur maître n’y ait interet. Ils ne
doivent point porter le deuil même' de leurs proches,
parce qü ils répréfentent la perfonne de leur
fouverain.
En France, le nonce du pape a la prêféance
fur tous les autres ambajfadeurs 3 & porte la parole
en leur nom quand il s’ agit de complimenter le roi.
Dans toutes les cours de l’Europe, 'Y ambajfadeur
de France a le pas fur celui d’Efpagne,* ,
Le( baron de Batteville , ambajfadeur d’Efpagné ,
ayant infiilté à Londres le1 comte d’Eftrades 3 ambajfadeur
de France;, à la même cour , Louis X IV
exigea une réparation publique $ & dans une audience
du roi, au mois de Mai 1662, Y ambajfadeur
d’Efpagne, en préfence de vingt-fept autres,
tant ambàjfadeurs qu'envoyés,. prôtefta que le roi
fon'maître "ne difputeroit jarptus le pas à la France.
On frappa une médaillé à cette occafiori.
Dans le temps que l ’on pour fui voit en France
les proteftans , un ambajfadeur d’Angleterre de^
manda à Louis X IV la liberté de ceux qui étoient
aux galères pour caufe de religion : le monarque,
lui répondit : « que1 dirôit lè roi de la Grande
Bretagne , fi je lui demandoit les. prifonniers de
« Newgate (prifon de Londres oùj’on enferme les
«malfaiteurs ) ? Sire , repliquaYambuj/adeur3 le
» roi* mon maître les accorderoit à votre majefté,
« fi elle les réclamoit comme les frères. ,
Gaubier de Banault, étant ambajfadeur en Ef-
pagne, afliftoit à une comédie où l’on repréfentoit
là bataille de Pavie, voyant un aéleur térraffer celui
qui faifoit-le rôle de François I , en. l’obligeant a,
demander quartier dans les termes les plus humi-
lians, fauta fur le théâtre, & paffa fon épée àu
travers du corps de cet aéteur.
Un ambajfadeur de Çharles-Quint. auprès de
Soliman, empereur des Turc s , venoit dette' ap-
pellé à l’audience de cet empereur. Comme il v it ,
en entrant dans la falle d’audience | ; qu’il -n-y
avoit point de fiège pour lu i, & qüe ce n’étoit pas
par oubli, mais par orgueil qu’on le faifoit tenir
debout, il ôta fon manteau & s ’affit delïusaVec
autant de liberté que fi c’étoit un ufage établi ide-
püis long-temps} il expofa l’objet de fa mifèon:.
avec une aflurance & une prefence d’efprft que
Soliman lui-même ne put s’empêcher d’àdtifôrer..
Lorfque l’audience fut finie , Y ambajfddeùr- forrit
fans prendre fon manteau. On crut d’abord que
e’étoit par oubli, & on l’ avertit Vil réporiidit avec '
autant de gravité que de douceur :- « les ambajfa-
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m deurs du roi mon maître ne font point dans
« l’ufage de remporter leur fiège avec eux ».
J Henri V I I I , roi d’Angleterre, ayant" des démêlés
avec François I , roi de France, réfolut de
lui envoyer un ambajfadeur, & de le charger de
paroles nères & menaçantes. Il choifît pour cet
emploi l’évêque Bonner. en qui il avoit beaucoup
de confiance. Cet évêque lui repréfenta que fa vie
feroit en grand danger, s’il tenoit de pareils discours
a. un Roi qui étoit aufli fier que Frànçois I:
cc Ne craignez rien, lui dit Henri V I I I , fi le roi
« de France vous faifoit mourir, je ferois abattre
» bien des têtes a quantité de François qui font ici
« en ma puiffanee. — Je le crois, répondit l’évê-
,J que j mais de toutes ces têtes, ajouta-t-il, il
!« n’y en a pas une qui pourroit être adaptée fur
!» mes épaules mieux que celle-ci, en montrant
j» la fienne ». Cette réponfe agréable plut au roi,
& l’obligea dé réformer finftruélion de fon am-
.bajfadeur.
En 1 j86 , Philippe II avoit envoyé le jeune con-
.netable de Caftilleà Rome, pour féliciter Sixte V
fur fon exaltation. Le pape, méçpntent de ce
qu’ on lui avoit député un ambajfadeur [i jeune, ne
put s’empêcher dè lui dire « hé quoi! votre
« maître manqué-t-il d’hommes, pour m’envoyer
» un ambajfadeur fans bàrbe .? — Si mon fouverain
» eût penfé , lui répliqua ce fier efpagnol , que le
» mérite confiftât dans la barbe , il vous auroit-
!» envoyé un bouc , & non un gentilhomme comme
;» moi », ' \\
Le préfîdént Jeannin fut envoyé ambajfadeur en
■ Elpagne ,. cè‘ qui lui a .valu depuis 'le ,nom de
iJèannin de Caftille. Les fiers efpagridls', qui con-
■ noiffoient l’extraéliôn de ce grand homme, fe plai-
gnoient à leur roi que les frànçois avoient tant de
■ mépris pour eux , qu’ils envoyoient un ambajfadeur
qui n’étoit pas feulement gentilhomme. Le lendemain
de cette plainte , Yambajfdd'eur; eut fon audience.
Le roi, en conféquencé, lui demanda:.
êtes-vous gentilhomme? il répondit, oui, fi Adam
T etoit, De qui êtes-vous fils, continua le roi? Le
ipréfident répliqua : de mes vertus. Ces paroles.,
pleines de nobleffe & de vérité, frappèrent le
;coeur du roi, qui l’honora d’un accueil favorable
& l’écouta. If acquit dans la fuite l’elîime-.parfaite
de fa majefté,1 & la vénération des grands. Il traita
avec fuccès à cette cour, où il futtrès-regretté.
Polycratidas ayant été envoyé en ambafiàde aux
lieutenaris du roi de perfe, on lui demanda s’il
ivenoit de fon propre mouvement , ~ ou s’ il etoit
envoyé du peuple : « fi j'obtiens ce que je de-
» mande, répondit-il , c’éft de la part du peuplef
» finon , c’ eft de mon propre mouvement ».
Dom Pèdre de Tolède , êtartir ambajfadeur pour
le roi d’Efpàgne à là coiir .dè' Ffahce , s’entretendit
avec- le roi • Henri î V. ' C e princé, venant à
parler
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parler familièrement de fon royaume de Navarre,
lui dit que le roi d’Efpagne fon maître le lui
avoit ufurpéj que, s’il vivoit encore qudques
années, il le fauroit bien 'recouvrer. Dom I edre
chercha à juftifier fon maître > & , alléguant qu il
avoit hérité de ce royaume, il ajouta que'la jultice
avec laquelle il le poffédoit, lui aider oit ale défendre.
Le roi lui répliqua : ,« Bien ! bien ! votre
» raifon eft bonne, jufqu’ à ce que je fois devant
» Pampelune ; mais alors nous verrons qui entre-
» prendra de la défendre contre moi ». L ambajja-
deur fe leva là-deffus , & s’en alla précipitamment
vers la porte. Le roi lui demanda ou il alloit fi vite.
« A Pampelune , fîre, pour y attendre votre ma-
» jefté ». v - , . .
Le lord Waldegrave, ayant abjure la religion
catholique, fut envoyé en France, où il demeura,
plufieurs années , en qualité d’ambajfadeur. Un
jour qu’il étoit dans unemaifon où il y avoit une
nombreufe aflemblée, fon coufin ^ le duc de
Berwick, qui avoit eu quelques démêles avec lu i,
&qui cherchoit à le mortifier , tourna la converfa-
tion fur la religion j & pria Y ambajfadeur d avouer
franchement lefquels des miniftres d état ou des
miniftres de l’Evangile, dévoient fe glorifier de fa
converfion. En vérité y mylord3 reprit vivement
Waldegrave 3 j e nepuis vous fatisfaire , en quittant
la religion catholique 3 j ’ai renoncé-a la confejßon.
On a dit qu’il y avoit des oeçafions ou il etoit
effentiel à un ambajfadeur de mettre en avant une
propofition fingulière & même chimérique , pour
juger, par l’impreflion qu’ elle fait fur ceux qui
l ’écoutent, de l’ efprit & d e l’intention de la cour.
Un homme très-fpirituel difoit, en parlant de cette
manière de fe conduire : « c’eft j etter une fottife a
» terre, pour voir qui courra après,».
Les Athéniens ayant envoyé des ambajfadeurs en
Arcadie, avec ordre de paffer par les chemins
qu’ils leur avoient preferits; & ceux-ci ayant paffe
par d’autres chemins, furent condamnés à mort a
leur retour, quoique leur ambaffade fût favorable
à la république.
Un ambajfadeur, venu nouvellement de Conf-
tantinople , pour réfider à Rome , avoit tellement
dans la tête les grandeurs de l’empire Ottoman,
que faifant fa harangue au pape Léon, après 1 avoir
appéllé , après faint Bernard, Abel par fa primauté
, Noé par fon gouvernement, Melchifedech par
fon ordre , Aaron par fa dignité ÿ il ajouta .comme
une expreflion fuperlative a toutes les autres : enfin,
i l fultano délia ckiefa çatkolica, e il grand turco délit
chrifliani.
Un grand talent dans un ambajfadeur 3 eft de
pouvoir fe plier en quelque forte aux défauts .de
ceux auprès de qui il eft envoyé. Ainfi, quelqu’un
demandoit a un ambajfadeur frànçois, qui revenoit
de Suiffe, combien de fois il s’étoit enivre pour
Je fer vice du roi ?
fncyclop éfiandu
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Feu M. le comte du L u c , frère de M . de Vin-
timille , qui avoit été ambajfadeur de France en
Suiffe, difoit, dans une lettre qu’il écrivoit a Louis
X IV , qu’il avoit été fept heures à table, & qu il
avoit penfé ctéver} mais, a jo u ta - t- il, que ne
feroit-on’ pas pour le fervice de votre majefte ? 8c
il finiffbit par ces mots : J’aime beaucoup mieux
prier Dieu pour fa fanté, qüe d’y boire.
Un prince d’Italie à qui les faillies ne reuffif-
foient jamais , parce qu’il y mettoit plus d aigreur
que d’efprit, étant un jour fur un balcon^ avec
un miniltre étranger qu’il cherchoit à humilier ,
lui dit : « C ’eft de ce balcon, qu’ un de mes ayeux
» fit fauter un ambajfadeur. Apparemment, repon-
» dit féchement le mîniftre, que les ambajfadeurs
» ne poirtoient point d’épée dans ce temps - la ».
Répartie un peu vive, mais que le prince s etoit
attirée j parce que voulant mortifier un feul homme ,
il avoit offenfé tous les reprefentans de toutes les
couronnes.
C e même prince qui prenoit le titre de roi de
deux fouverainetés où il n’a voit pas un pouce de
terre, voulant humilier une fécondé fois le meme
miniftre, lui demanda en public, ou étoit fitue le
marquifat dont il prenoit le titre ? entre vos deux
royaumes, îiionfeigneur, répliqua froidement 1 ambajfadeur.
Un feigneur de la cour de France prenant conge
de Louis X IV , qui l’envoyoit en qualité dé fon
ambajfadeur vers un autre fouverain. “ La principale
» inftru&ion que j ’ ai à vous donner , lui dit le roi,
» eft que vous obferviez une conduite toute op-
» pofée à celle de votre prédéceffeur ». Sire , lui
répondit le nouvel ambajfadeur 5 je vais faire en
forte que votre majefté ne donne pas une pareille
'inftruétion à celui qui me fuccédera.
Un roi du Nord demandoit à un ambajfadeur
anglois s’il haranguerbit le peuple au cas qu on lui
tranchât la tête. L ’ambajfadeur répondit qu’oui, 8c
qu’il avoit même déjà préparé fon difeours. -- Je
voudrois bien l’entendre, lui dit le roi. Le voici :
» Vous me voyez, meflieurs, au moment de perdre
» la tête. Je ne regrette point la v ie , mais je vois
» avec chagrin que ceux qui doivent aux autres
» des exemples d’humanité, aiment à jouir de mon
» malheur ».
Le monarque un peu confus de la leçon, le prix
de ne point continuer.
Popilius , ambajfadeur romain ayant porte des
dépêches du fénat à Antiochus-le-Grand, ce prince
les prit en difant qu’il en déübereroit 5 mais le lier
ambajfadeur traça un cercle autour du roi avec la
houfline, & dit de donner fa yéponfe avant de
fortir du cercle, ce que ce prince fe crut oblige
de faire fans héfiter..
Un ambajfddeùr Efpagnol entretenoit Henri IV
de la vafte puiffançe de fon maître. Le roi oftenfe