
majefté ne manqua pas de dire combien ce morceau
de forêt lui déplaifoit. Sire , lui répondit-
il , ce bois fera abattu des que votre rtiajefiê le voudra.
•— « Vraiment, die le roi, s’il ne tient qu’ à cela,
» je ferois content d'en être défait ». -—Sire, réprit
M. d’Antin, vous alle% l'être. Il donna un
coup de fiflet, & l’on vit tomber la forêt. A k l
méfiâmes, s’écria la ducheffe de Bourgogne, f i
le roi avoit demandé nos têtes, M. d'Ântin les
feroit tomber de même. Mot un peu v if, mais qui ne
tiroit point à conféquence.
C ’eft ce même feigneur qui faifoit mettre quel"
quefois ce qu’on appelé des calles entre les ftatues
& les focles, afin que quand le roi iroit fe promener,
il s’apperçût que les ftatues n’etoient pas
droites, & qu’il eût le mérite du coup d’oeil. Le roi
trouvoit le défaut» M. d’Antin conteftoit un peu,
fe rendôit enfuite, 8c faifoit redrefîer la ftatue,
en avouant avec une furprife affrétée que le roi
fe connoiffoit en tout.
Une connoîfîance malheureufe qu’il avoit de
ceux qui habitent les cours, lui faifoit dire : «Toutes
*> les fois que je^donne une place, je fais cent
» mécontens 8c ingrat ».
R _ . /W .
Louis X IV difoit un jour en préfence de M. de
Villeroi, de M. lé Téllie r, de M. de Lionne, de
IM. le maréchal de Grammont, de M. Colbert,
8c de quelques autres, vous êtes tous mes amis,
ceux de mon royaume que j’ affeétionne le plus,
& en qui j’ai le plus de confiance. Je fuis jeune,
8c les femmes ont ordinairement bien du pouvoir
fur ceux de mon âge. Je vous ordonne à tous,
que fi vous remarquiez qu'une femme, quelle
qu’elle puifie être, prenne empire fur moi, &
.me gouverne le moins du monde, vous ayiez à
m’en avertir. Je ne veux que vingt-quatre heures
pour m’ en débarraffer, & vous donner contentement
là deffus.
Cependant le roi eut beaucoup de maitreffes
qui l’entraînèrent dans un fafte, dans dès fêtes
8c dans dépenfes qdi ruinèrent le royaume. Il renvoya
madame de la Vallière, qui fe fit carmélite,
& madame de Montefpan, qui finit auflï fa vie
dans la dévotion & la pénitence. Il époufa la
veuve du poète Scaron, madame de Maintenon, j
qui avoit été la gouvernante de plufieurs de fes en-
fans naturels, 8c qui fut le maitrifer 8c le gouverner.
Louis X I V fut attaqué vers le milieu du mois
d’août 171 j , au retour de Marli, de la maladie
qui termina fes jours. On n’ignore peint avec
quelle grandeur d’âme il vit approcher la mort;
il dit à madame de Maintenon qu’il s’éroit choifie
pour compagne : « J’avois cru qu’il étoit plus
a» difficile de mourir ; & fe tournant vers fes
» domeftiques : Pourquoi pleurez vous ? m’avez-
» vous cru immortel ?» Il donna tranquillement
fes ordres fur beaucoup de chofes, & même fur
fa pompe funèbre. Le courage d’efprit qu’ il fit
paroître, alla jufqu’à lui faire avouer fes fautes*
Le jeune prince, fon fucceffeur, Jui fut préfenté»
& ,le foulevant entre fes bras, il lui dit ces paroles^
remarquables : « Vous al’ez être bientôt
roi d’un grand royaume. Ce que je vous recommande
le plus fortement, eft dé n’oublier jamais
les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-
vous que vous lui devez tout ce que vous êtes.
Tâchez de conferver la paix avec vos voifins.
J ai trop aimé la guerre> ne m’imitez pas en cela,
î]°.n P]us (3ue dans les trop grandes dépenfes que
j’ai faites. Prenez confeil en toutes chicfes, &
cherchez à connoîtie le meilleur pour le fuivre
toujours. Soulagez vos peuples le plutôt que vous
pourrez , & faites ce que j’ai eu le malheur de ne
pouvoir faire moi-même , &c. »
Louis X I V avoit eu un frère qui mourut avant
lui en iy o r . Il lui rémoigna toujours beaucoup de
tendrefie.; Un joiy: monfieur, lui parlant du chevalier
de Lorraine qui avoit été exilé, parut s'in-
téreffer en fa faveur. « Mais', dit le roi, y fongez-
» vous encore à ce chevalier de Lorraine? vous
» en fouciez-vous ? Aimeriez-vous bien quelqu’un
» qui vous le rendroit » ? En vérité3 répondît
monfieur , ce feroit le plus fenfible plaifir .que j e
pujfe recevoir en ma vie. « Oh bien-, dit le roi
» je veux vous faire ce preïent $ il y a deux jours
» que le courier eft parti 5 il reviendra 5 je vous
» le donne, & je veux que vous m’ayez toute
» votre vie cette obligation , & que vous l’ai-
» miez pour, l’amour de moi ; je fais plus, car
» je le fais maréchal de camp dans mon armée ».
Là-deftus, monfieur fe jetca aux pieds du roi,
, & lui embrafia lorg-temps les genoux, 8c lui
bàifa une main avec une joie fans égale. Le roi
le releva .en lui difant : Mon frère, ce n’eft pas
i» aînfi que des frères doivent s’embraffer, 8e
» l’embraffa fraternellement ». ( Lettres de Sé-
vigné. )
Louis X I V avoit époufé en i£6o, Marie-The-
rèfe d’Autriche, fille de PhilippeIV roi d’Efpagne.
On peut fe former une idée des moeurs de cette
princefte & de la hauteur de fes fentimens par
la réponfe qu’elle fit à une carmélite. Cette reli-
gieufe qui l’aidoit à faire l’examen de fa confcience,
lui demandoit fi en Efpagne, dans fa jeuneffe, avant
d’être mariée, elle n’avoit point eu envie de plaire
à quelques-uns des jeunes gens de la cour du roi
fon père : Oh non3 ma mère, dit-elle, i l ri y avoit:
point de rois.
Cette princefte mourut én i?8r. Lorfque Louis
apprit la nouvelle de fa mort : Voila le feul chagrin
, dit* il , quelle triait jamais caufe.
LO U IS X V , r<5i de France, né le 15 février
.1710, mort le 10 mai 1774.
■ Tout le monde fait que là bafe du cara&ere
de Louis X V , étoit la bonté 8c la bienfaisance.
Lors du fiège de Menin, pris par fa majefté,
après dix jours de tranchée ouverte, le 7 juin
1744, un "officier général lui dit, qu’en rifquant
une attaqué, qui ne coûteroit que peu de fang,
on pourroit prendre la ville quatre jours plutôt.
« Eh bien ! dit Louis X V } prenons la quatre jours
» plus tard : j’aime mieux les perdre, ces quatre
»> jours, devant une place, qu’un feul de mes
» fujets ».
Quand Louis X V reçut la nouvelle de la mort
du grand-duc de Tofcane, par laquelle fa majefté
étoit déchargée de trois millions, qu’elle payoït
au duc de Lorraine, jufqu’ à ce que celui-ci fût
en pofleffion de la Tofcane : « Ces trois mil-
» lions, dit le ro i, me viennent fort à propos
» pour diminuer les tailles, 8c fur-tout pour fou-
» lager les paroiffes qui ont été grêlées cette
.» année ( 1737 ) ».
C e prince tomba malade à M e t z , err 1745 ;
cet évènement porta la crainte 8c la défolation
de ville en ville : le peuple accouroic de tous les
environs. Le danger du roi fe répand dans Paris;
au milieu de la nuit, on fe relève , tout le monde
court en tumulte, fans favoir où l’on va : les
églifes s’ouvrent ; Paris étoit hors de lui-même:
toutes les maifons, des hommes len place étoient
affiégées d’une foule continuelle : on s’aflembloit
dans tous les carrefours j le pèuple s’ écrioic :
*> S’il meurt, c’ eft pour avoir marché à notre
,» feoours ».
Le courier qui apporta le 19 , à Paris, la nouvelle
de la convalefcence du roi, fut embraffé,
& prefqu’ètouffé par le peuple : on baifoît fon
cheval : on le menoit en triomphe j toutes les
rues retentiffoient d’un cri général, le roi eft
guéri.
Lorfque l’on rendit compte à Louis X V des
tranfports inouïs de joie , qui avoient fuccédé
à ceux de la défolation, il en fut attendri juf-
qu’aux larmes, 8c en fe foulevant par un mouvement
de fenfibilité , qui lui rendoit ^ des
Forces., ce prince s’ écria : « Qu’il eft doux d’être
» aimé ainfi ! qu’ai-je fait pour le mériter » ?
Le ro i, accompagné de M. le dauphin, père
de Louis X V I , fe rendit, le 12 mai, fur le
champ de bataille de Fontenoi : fa majefté, après
l’avoir examiné de nouveau, très-exa&ement, dit
à ce prince, lui faîfant obferver les officiers
morts : «* Mon fils, cela vous fait connoître de
?» quel prix font les viftoires »,
. Lors de la bataille de Lauffelt, gagnée fur les
anglois, le z juillet 1747 , M. de Voltaire prétend
que Loris X V la rendit célèbre, par le difeours
qu’ il tint au général Ligonier, qn’qn lui amena
prifonnier. « N e vaudroit-il pas mieux , lui dit-il,
» fonger férieufement à la paix , que de faire
» périr tant de braves gens » ?
Louis X V s’habitua à laiffer régner fous fin
nom le cardinal Fleury, qui avoit.été fon précepteur
i 8c après la mort de fon tuteur, il abandonna
les rênes du gouvernement à fes minifties.
Enfin, il fe livra fans réferve aux femmes 8c
à toutes les fuîtes maiheureufes de fon goût infa-
tiable pour les plaifirs.
« Je vois bien que je ne fuis plus jeune, dit-il
» un jour à M. de la Martioière, fon chirur-
» gien 5 je fêtai bien d’enrayer : Sire, lui ré-
» pondit celui-ci, vous feriez mieux de dételer».
LOUPS-GAROUX. Un avocat 8c un curé de
village s’entretenoient enfemble. Le pafteur étoit
un bon prêtre , homme fimple , crédule ôc paffa-
blement ignorant. De fil en aiguille leur conver-
fation tomba fur les loups-garoux. Le curé a fl ura
qu’ il en avoit vu un , ce qui fit faire un éclat
de rire à l’avocat : riez tant qu’il vous plaira ,
monfieur le jurifconfulte, lui dit l’eccléfiaftique ,
rien n’eft plus véritable j je ne dis pas on dit,
mais j’ai vu. Quoi! monfieur, reprit l’avocat,
vous auriez efr'eélivement vu un loup - garou ?
Comme je vous vois, répartit le curé. Pauvre
homme que vous êtes , reprit le jurifconfulte,
vous êtes dans l’erreur populaire ! Il faut que je
vous défabufe: Apprenez que ce qu’on appelle
communément loup - garou , ce font certains
hommes mélancoliques qui courent la nuit, 8c
qui par des cr;s affreux épouvantent le peuple
qui les voit paffer. Je vous demande partion,
dit le bon curé, il y a' des loups-garoux qui ne
font pas "des hommes, mais des fantômes. Sur
ce pied-là , répliqua l’avocat > vous jureriez donc
que vous avez vu réellement un loup-garou ? Sans
doute, répondit le prêtre, j’ en jureroîs. Une nuit
au clair de la lune, il en paffa un près de moi , à
telles enfeignes qu’il me eau fa une frayeur horrible.
Et fous quelle forme , dit le jurifconfulte vous
apparut-il ? Sous la forme d’un âne , répartit le
pafteur. Aile£, aileç , M. le curé , lui dit l avocat
en faifant un éclat le rire , vous ave{ eu peur de
votre ombre.
LU L L Y , ( Jean-Baptifte) né en 1633, mort
en 1687.
Lully vint en France à l’âge de douze ans ; il
y fut amené par le chevalier de Guife, que ma-
demoifelle de Montpenfier avoit prié de lui choifir
un petit italien qui pût l’ amufer. Quand cette
princefte l’eut vu, elle ne le trouva pas à fon gré,
8c elle le relégua dans fa cuifine. Lully qui avoit
appris autrefois un peu de mufique, y trouva pat
hafard un violon, 8c s'en amufa. Le comte de