
Il vouîoit que fes difciples, pour mieux fe fou-
mettre la fortune & l'opinion , commençaffent par
s'en rendre indépendants. Il comparait la fortune
à une femme de bonne maifon qui fe proftitue à
des valets*
Epiftete a foutenu l'immortalité de l'ame aufli
fortement qu'aucun Stoïcien l'ait jamais fait; mais
ïl fe déclara ouvertement contre le fuicide que les
Stoïciens croyoient permise & chercha à adoucir
ce que leurs autres maximes avOient de trop dur
& de trop féroce ; enforte qu'il peut être regardé
comme le réformateur du ftoïcifme.
Son Enchiridion 3 ou manuel publié par Arrien,
un de fes difciples > eft rempli des plus grands traits
de morale 3 8c il eft un des plus beaux monumens
^ui nous foit refté de l'antiquité.
L'empereur Adrien demandoit à Epiiïhe pourquoi
on repréfentoit Vénus toute nue : c 'e ft, ré-
pondit-il, parce qu'elle dépouille de tous les biens
ceux qui recherchent trop fes plaifirs.
La lampe de verre dont il éclairoit fes veilles
philofophiques, fut achetée 3 quelque temps après
fa mort 3 trois mille drachmes, par un ignorant,
qui3 dit Lucien, avoit conçu I’efpérance de devenir
aufli favant que ce philofophe à la lueur de
fa lampe.
E P ICU R E , philofophe grec, fondateur de la
feéfce épicurienne, né dans un bourg de i'Attique,
d'une famille pauvre , mort à l’âge de 72 ans, l'an
270 avant Jéfus-Chrift.
Tous les philolophes dii temps d’Epicure 3 8c
principalement les Stoïciens & les Cyniques ,
avoient éloigné les hommes de l’étude de la phi-
îofophie par des maximes atiftères qui donnoient
à la fâgeffe l'alpeâ, le plus trifte &le plus rebutant.
Epicure 3 perfuadé que le but du philofophe ne doit
point être de détruire l'homme dans l'homme, mais
de diriger fes penchans naturels, chercha à concilier
fes préceptes avec les appétits & les befoins
de la nature. Il enfeigna la fageffe fous le nom
attrayant de la volupté. « O douce volupté , s'é-
» crie ce philofophe, tu échauffes notre froide
»> raifon ; c'eft de ton énergie que naiffent la fer-
s» meté de l'ame & la force de la volonté / c'eft.
» toi qui nous meus, qui nous tranfpôrtes ; &
a» lorfque nous ramaffons des rofes pour en former
» un lit à la jeune'beauté qui nous a charmés, &
33 lorfque bravant la fureur dès tyrans, nous en-
33 trons tête baiffée & les yeux fermés dans les tau-
*> reaux ardens qu elle a préparés »3. La volupté fe
préfente à nous fous toutes fortes de formes ; mais
ne faifons point l'injure à nous-mêmes, ajoute'Epi-
cure y de comparer l’honnête avec le fénfuel. Prenons
garde fur-tout de confondre les befoins de
la nature avec les appétits de la paffton 8c les écarts
de la fantaifie. Si toutes nos actions tendent à la
pratique de la vertu, à la confervation de la liberté
& -à la jouiffance des plailïrs honnêtes} fi
noüs apprenons à méprifèr la mort qui n’eft rien
tant que nous fommes, & qui n'eft rien même tant
que nous ne fommes plus, nous goûterons cette
paix intérieure en quoi confifte le vrai bonheur.
Les Platoniciens occupoiént l'académie .}, les
Péripatéticièns, le lycée } les cyniques , le cy-
nofarge} les Stoïciens , 1e portique : Epicure établit
fon école dans un jardin délicieux, dont il acheta
le terrein, 8c qu’il fit planter pour cet ufage. Plu-
fieùrs~femmes célèbres, du nombre defqüelles
étoient Léontium, fe rangèrent au nombre de fes
difciples} & fon école obfcure dans les commen-
cemens , finit par être une des plus éclatantes 3c
des plus nombreufes. Les difciples à‘Epicure vi-
voient en frères. Mais ce philofophe ne permit
point qu'ils miffent leur bien en commun. Il auroit
craint de leur dérober la volupté de la bienfàifance,
8c cette fatisfaétion douce de fe foulager les lins
& les autres dans leurs befoins*
II fe trouva dans Athènes, lorfque cette ville,"
afllgée par Démétrius Poliocerte , fut défolée par
la famine. Il pou voit fortir de la ville} mais il ré-
folut de vivre ou de mourir avec fes amis, & leur
diftribuoit par égales portions les fèves de fon jar-,
din.
Epicure reeonnoît un être immortel, inaltérable
8c parfaitement.heureux, puifqu’il n'agit fur rien,8c
rien fqr lui} mais, par la raifon que fon exiftence ne
peut être altérée , il la regardoit comme une exiftence
ftérile. Aufli prétendoit-il que nous n'avons
rien à efpérer ni à craindre delà divinité. Perforine
néanmoins né fréquentoit plus régulièrement leS
temples qu 'Epicure 38c il n'y paromoit jamais qu'en
pofture de fuppiiant. Un'jour que Dioclès l’apper-
çut, il s’écria : «= Quelle fête, quel fpeélacle pour
«= moi 1Je ne vis jamais mieux la grandeur de Ju-
33 piter, que depuis que je vois Epicure à genoux. »
Ce philofophe avoit renouvelle le fyôêtne des
atomes de Démocrite,quî regardoit l'arôme comme
la caufe première par qui tout eft, 8c la matière première
dont tout eft.Un ancien voulant \outxEpicurey
a dit que la nature avoit affemblé tous les atomes
de la fagefle 8c des fcïences, pour compofer la
perfonne de ce philofophe. Molière avoit fans
doute cette expreflion en vu e ,• lorfqu'il fait dire
a une de fes précieufes ridicules, que fon père
eft compofé d'atomes bourgeois.
Epicure fut en proie, dans les derniers temps de
fa v ie, aux maux les plus cuifans. Mais le fpeétacle
de fa vie paffée, ainfi qu'il l'éctivoit à fes amis,
fufpendoît quelquefois fes doukurs. Lorfqu'il fenlit
fa fin s'approcher, il affembla fes difciples, leur
légua fes jardins,affura l'état de plufieursenfansfans
fortune dont il s'étoit rendu le tuteur, affranchit
fes efclaves , & ordonna fes funérailles. La république
d’Athènes lui érigea un monument. Sa mémoire
fut toujours honorée, 8c un certain Théo-
time, convaincu d’avoir compofé foûs fon nom
des lettres infâmes adreffées à quelques-unes des
femmes qui fréquentoient fes jardins, fut condamné
à perdre la vie.
EPILEPSIE. Béningerus, médecin du duc de
Vittemberg, a v u , à Montpellier, un homme de
vinge-fix-ans, gras, fânguin & ro bu fte , tomber
tout-à-coup par terre: ilécumoit, il avoit les poings
fermés, il paroiffoit plongé dans un profond affou-
piffement qu'il interrompoit pourtant par des
plaintes; après un certain temps paffé-dans-cet
é ta t , il ouvrit les yeux & fit des efforts pour fe
lever, mais il retomba aufli-tôt dans fon premier
fommeil. Un foldat l’en tira d’une manière affez
fingulière : il approcha le plus près qu’il put de l'oreille
du malade un piftolet fort chargé, il le tira.,
& à peine l'eut-il fait que l'on vit le jeune homme
fe lever & s’en aller chez lui. Un grand bruit excité
tout-à-coup peut donc être un moyen de mettre fin
à un accès d’êpilepfie.
EPITAPHE. Montmaur avoit une grande mémoire
& peu de jugement, ce qui a donné lieu à
cette épitaphe :
Sous cette cafaque noire
Repofe bien doucement,
Montmaur d’heureufe mémoire,
Attendant le jugement.
Dans le teftament qu'on trouva après la mort
de M. de la Rivière, évêque de Langres, il
avoit mis dans un article : je ne laiflfe rien à mon
maître-d'hôtel, parce qu'il y a dix huit-huit ans-
qu’il eft à mon fervice } 8c dans un autre : je lègue
cent écus à celui qui fera mon épitaphe. On lui fit
la fuivante :
Ci g ît un très-grand perfonnage,
Qui fut d’un illuftre lig n a g e ,
Qui pofléda mille vertus,
Qui ne trompa jamais, qui fut toujours fort fage :
Je n’en dirai pas davantage,
C’eft trop mentir pour cent écus.
On lifoit dans l’églife de Saint- Germain-I’Auxer-
rois de Paris., cette épitaphe, que M. l'abbé Bignon
fit ôter étant doyen de cette e'glife.
Ci g ît q ui, en fon tem s, faiïbit
Quatre métiers de gu eu fer îe ;
Il peignoit, rimoit 8c foujfloit y
Et cultivoit philofophiè.
Margueritte d'Autriche, qui fut fiancée avec
deux fils de roi, étant en danger de périr fur mer «
fit fon épitaphe.
Ci gît Margot, gentille demoi.felle,
Qu’a deux maris, & encore eft pucelle.
Le comte de Teflîn, gouverneur du roi de
Suède, comblé d’honneurs, appelle pendant fa
viele plus heureux des hommes, ordonna qu’on
gravât fur fön tombeau:
Tandem felix,
. Epitaphe d’un évêque malheureeux au jeu,
Le bon prélat qui g ît fous cette pierre
Aima le jeu plus qu’homme de la terre.
. Quand.il mourut,.il n'avoit pas un liard;
Et comme perdre-'étoit chez lüi coutume »
S’il a gagné paradis, on préfume
Que c'eft un grand coup de hafard.
La Monnoye.
EQUIVOQUE . Un huiflier étant allé exploiter
dans Une maifon de campagne, un ami lui demanda
comment il avoit été reçu: «A merveilles,répondit-
3> il , on m'a voulu faire manger. 33 C'eft qu’on
avoit lâché deux gros chiens qui avoient penfé le
dévorer.
Un avocat avoit fait un mauvais commentaire de
la coutume de fon pays : quelqu’un dit à cette oc-,
cafidn-: s il fait bien, ce n eft pas fa coutume•
M. M . . . . . que l'on croyoit riche , quoiqu'il
dut plus qu'il n'avoit vaillant, fe promenant’ fans
rien dire , le nez dans fon manteau, la veille de fes
fiançailles dans la falle de fa future belle-mère >
elle lm dit plulieurs fois : qu’avez-vous, monlîeur ?
il lui répondit à chaque fois : Madame 3je nai rien.
Huit jours après fon mariage, fa belle mère voyant
une foule de créanciers, à quoi elle ne s'étoit pas
attendue, dit : Monfieur3 vous m’aveç trompée. Madame,
lui répliqu’a -t-il, je vous avois averti que je
n’ avois rien ; je vous le dis plus de dix fois dans
votre falle la veille des mes fiançailles, lorfqu’il
étoit encore temps.
Le prophète Elie, e ft , comme on fait, le fondateur
des Carmes. M. le curé de Saint - Sulpice
apprit que le marquis d e ... venoit de léguer tous
fes biens aux Carmes Déchauffés, & accourut le
vifiter } lui parla des preffans befoins des pauvres
de fa paroiue, & finit par faire changer le teftament
} les bons pères furent exclus. A peine les notaires
étoient fortis, que le prieur & le fous-prieur
des Carmes, ignorant ce qui venoit de fe paffer,
arrivèrent chez le malade. Le pafteur defeendoit.
Ils le firent beaucoup de révérences, beaucoup de