
lorfqu'il en fortit par une aventure fingulière.
M. l'abbé Fautrier, homme de beaucoup d’ef-
p r it, intendant du Haynault, faifant fa réfidence
à Maubeuge , reçut ordre de M. de Louvois de
faire arrêter quelques libelles qui inondaient la
Flandre, & d'en faifir, s'il pouvoit, les auteurs.
M . Fautrier fut qu'il y avoit un homme à Chi-
may, qui étoit toujours enfermé dans fa maifon,
occupé à écrire. Il s'y tranfporta avec un détachement
de cinquante hommes, & y trouva
Lainei, vêtu d’une mauvaife robe de chambre,
& entouré de papiers. On les vifita, & on n'y
trouva que d’agréables relations & des vers
charmans. L'intendant, après cette leéture , l'em-
braffa, lui dit qu'il étoit d é p la c é & lui propofa
de le fuivre. Lainep lui dit nettement qu’il n'avoit
point d’autre vêtement que fa robe de chambre.
Montez toujours dans mon carroffe, répliqua
l'abb é, vous aurez, avant trois jours, des habits
& tout ce qui Vous fera néceflaire. Depuis ce
jbur-là , cet agréable poète fit les honneurs de
l'intendance.
Quand Laine% fut à Paris, il loua une chambre,
aux environs de l'abbaye faint Germain-des-Prés,
que perfonne ne connoiffoit. Quand on le rame-
noit de jour ou de nuit, il fe faifoit toujours
defcendre fur le Pont-Neuf, vis-a vis du cheval
de bronze , d’où il regagnoit à pied fon petit
logement. On n’a jamais vu d’homme ii idolâtre
de fa liberté.
Lainer partageoit fon temps entre la table & les
livres. Un de fes amis paroîffant furpris un jour
de le voir entrer, après un repas de douze heures,
à la bibliothèque du roi, pour y relier jufqu’au
foir 5 le poète, qui s'apperçut de fon étonnement,
lui dit ce dillique latin , qu'il parodia fur le
champ.
Régnât no3e calïx, volvuntur Biblia manç
Cum Phcsbo Bacchus dividït imperium.
M . le Duc fe promenant fur le parterre du
Tibre à Fontainebleau, apperçut Laine^ 3 & l’invita
à fouper avec lui. Il le remercia, en difant
que cinq ou fix perfonnes l ’attendoient dans un
cabaret, & que S. A . S. auroit fans doute mauvaife
opinion de lui, fi elle apprenoit qu’il ^èût
manqué à fes amis.
On vint dire un jour à Laine^y qu’ un homme
d’efprit de fa connoiffance avoit compofé un
volume fur deux petits vers d’une de fes pièces ,
où , après avoir parlé de fes occupations agréables
& de fôs plaifirs, il dit, en parlant de lu i,
fous le mafque d'un aimable épicurien :
La débauche le . fuit
La volupté le' fuit.
Laines ayant appris l’ ufage que cette perfonne
avoit fait de ces deux vers, répondit i te fi un drôle,
qui a pris une goutte de mon effence , pour mettre
dans un muid d’eau.
Après que Laine^ eut reçu fes facremens dans
fa dernière maladie, le prêtre à qui il s'étoit con-
feffé fit emporter, pendant la nuit, une caffette
pleine de vers délicieux. Le moribond s’étant
réveillé, cria au voleur, fit venir un commifTaire ,
dreffa fa plainte, fie rapporter la caffette par le
prêtre même à qui il parla avec vivacité, & fur
le champ fe fit tranfporter dans line chaife fur la
paroifîe faint Roch, où il mourut. Il avoit imaginé
follement de fe faire mener dans la plaine de
Montmartre , & d’y mourir pour voir encore une
fois lever le foleil.
L A IS , fameufe courtifane, née à (Hyccara>
ville de Sicile, morte vers l'an 240 avant Jefus^
Chrift.
Laïs s’acquit par fes conquêtes un nom peut-
être aufïi célèbre que celui d’Alexandre . mais
dont elle ne partageoit la gloire avec perfonne.
Une belle, a écrit un auteur galant, ne doit rien
qu'à elle même. En peut-on dire autant des plus
célèbres cônquérans ? Le philofophe & l'orateur 3
le général & le foldat, le magillrat & le fimple
citadin , tout le monde rendoit hommage aux
charmes de Laïs. Et comme elle n'aimoit à voir
fouffrir perfonne, on la trouvoit toujours d’un
accès facile. Le galant ArifEppe & le dégoûtant
Diogènes étoient également bien reçus chez elle.
Un jour qu’on Vantoit beaucoup la fageffe des
philofophes d’Athènes , cette courtifane qui
n'avoit aucune foi à toute ottte fageffe , répondit
affez vivement : « Je ne fais quels livres lifent
» nos philofophes, quelle fapience ils profeffent ;
» mais ces gens-là battent aufli fouvent à ma porte
» que d'autres ».
Le philofophe Xénocrate vengea un peu l'injure
faite à la philofophie par Laïs. Cette courtifane
, qui croyoit que rien ne pouvoit lu ré-
fifter, s'e’toit flattée de furmonter la vertu auftère
de ce philofophe. Elle fe fit introduire chez lui ;
& efpérant de trouver dans une fcène attendrif-
fante de nouvelles armes pour le vaincre, elle
feignit un foir d’être en butte à la perfécution, &
demanda à paffer cette nuit chez le philofophe.
Xénocrate lui accorda l'alyle qu'elle demandoic ;
mais fes charmes reflètent fans effets. Lorfquele
lendemain on vint pour la féliciter fur fon triomphe
, elle répondit avec une efpèce de dépit,
qu'elle croyoit avoir affaire à un homme & non
pas à une ftatue.
Laïs fe montra quelquefois capricieufe dans fes
goûts, & ne facrifia pas toujours à l'intérêt. Le
fculpteurMiron s'étant préfenté chez elle, & en
ayant été mal reçu, crut qu’il devoit s'en prendre
a .fes cheveux blancs- Il fit donc changer de couleur
à fa chevelure, prit l’ équipage d’un jeune homme,
& retourna vers Laïs : » Sot que vous êtes,
a» lui dit'-elle, vous me demandez'une chofe que
» je viens de refufer à vôtre père ».
L A IT . Le la it , aujourd’hui en ufage chez
prefque toutes les nations , étoit, dans ' les premiers:
fièdles , l'aliment le plus ordinaire. Pline &
quelques hiftoriens font mention de certains peuples
qui ne vivoient que de luit. Mais l’art de la
cuifine n’a fait qu’un ingrédient de ce qui étoit
la bafe de la nourriture de l’homme, tandis que
la médecine en a tiré ûné reffource utile & fa!u-
taire, dans .ces cas défe fpé ré s: o ù i’ ç p ui fe ment, dès
malades les met hors d’état de prendre aucune
nourriture folide. I! n’ y a prefque point d’abat-te-
ment, félon le doèleur (Jheyne, dont cette liqueur
ne puiffe relever le corps.
Le célèbre T iffo t ,. en ordonnant le -lait de
femme aux hommes dont ‘les forces font perdues,
veut qu'il foit pris imrnédiatemént au mamelon
qui le fournit ; mais ,n'efl-îl pas à craindre
que le vafe n'excite des défirs que l’on cherche à
amortir, & ne s’expoferoit-on pas à voir renou-
veller l’aventure du prince dont Capivaecio nous
a confervé l’hifloire ? On lui avoit donné deux
nounices : leur lait produifir en lui un fi ben effet,
qu’il les mit en. état, au bout de neuf mois, de lui
en fournir de plus frais*.
On auroit beaucoup de peine à croire, fi les
auteurs n’en fourniffoient pas nombre d’exemples,
qu’il y ait eu des hommes , dont les mamelles
fe foient remplies de lait. Thomas Barrholin
parle d’un homme dont les mamelles fourniffoient
une fi grande quantité' de la it, qu’on le
tira par curiofité, & qu*on en fit un fromage.
Scholzius , Santorelli , De rie s , Jean Schimd ,
profeffeur de phyfique à Dantzick, rapportent des
faits à-peu près fembLb'es..
Mais s'il eft contre tordre ordinaire de h nature
qu'un homme ait du lait j il né Teft pas
moins d'en trouver dans le3 mamelles d'une vierge :
cependant ce dernier fait eft encore moins rare'que
le précédent. ;Oh lit pfufieurs obférvatiens de ce
genre dans les ouvragés de Schenokius-, Chrif-
tophe Avega , Rodrigue de C a f l r o Pi err’e
Cartel,
_ Il n’eft pas moins extraordinaire qu'une femp.e
ait du lait y lorfqu’elle n'eft plus propre à engendrer,
cependant Ce phénomène fe fait remarquer
quelquefois. L’auteur d'un . ouvrage ,
intitulé’: Dictionnaire aes Merveilles'dk la Nature,
en cite plufieurs ‘ attellesbar'Ùiffrrehs
. fureurs dignes de foi. ’ LcSjffithês /dé Mofltàu-
, de l ’annçé T7761, confiéniîént un 'fait
>areiL - ’ ■'* ■ - *3 : • - '■ ••
Les arabes font un ufage continuel du laie des
chameaux, qui eft apéritif} c ’eft même de cet
ufage que'leur vient l’exemption de plufieurs
maladies, telles que les dartres , la gale, la lèpre.
Ce lait étant propre, par fa qualité douce &
balfamique, à chalfer, par la voie des urines,
les impuretés du fang; il peut certainement avoir
la - vénu préfervative qu'on lui attribue. Mais le
climat & le genre de vie dur toujours aélif,
que mènent les peuples quiThabitènt, n’y contribuent
ils pas pour quelque chofe ? •
: Les fatyvàges: dé -la Loujsziane appellent' l’çau-
de-vie de l'eau-de feu , ou te lait desjfranjois. Je
me re flou viens , dit M. Boffu , Nouveaux voyages
dans ï 4 méftqUe féptentriohale , que lorfque les
fauvàgês vënoiênt voir-M. de Maéùrty , ^notre
commandant chez les illinois , ces indiens di-
foient : nous allons voir notre père , & en même-
temps pour teter dé fon lait.
Il fe fait dahs'lTflande une grande confomma-
tion du lait de vachès'.;;- L é s ; înfulairés en côm^
pofent une boiffon, qu’ils nomment fyre . & qu’ils
préparent de la manière fuivaiïîe. ïlÿfofit d’abord
du beurre de" crème douce-5, pifis -ils mêlent lé
lait qui refte avec celui qui été écrémé ; on chauffe
le tout énfemble, & l'on y jette de la préfure
pour le faite cailler j on le parte dans un- linge }
on met à part, ce qui eft congelé, & le petit lait
eft le fyre dont nous parlons/.C'eft une liqueur
aigre , dont on fait un.e ample prOvifion , parce
qu'elle fe conferve toute l'anr.ééi Plus elle vieill
i t , plus.elle. .s’aigrit 3c fe clarifie. On met du
lajLt nouveau fur l’ancien j & quand on craint de
n’en point avoir affez pour en vendre aux voyageurs
, on le falfifie avec de l’ofeille , & on y
met de l ’eau pour en augmenter la quantité. On
fait rhariner la viande dans le fyre comme dans
le vinaigre. : ' * '
L a i t d ' a n e s s e . Ce lait n’eft en réputation
en France que. du règne de François I > 6c voici
comme on l'y a connu, fui vaut l'auteur des
Mélanges, tirés d'une grande bibliothèque. « Fran-
p çois I fe trouyoit très-foible & très incom-
»- modé : les médecins françois ne trouyoienx
» aucun moyen de le rétablir. On parla au roi
» • d’un juif de' ConftaRtinÔplé,- 'qui avoit ia répu-
y> tàtion d'être un habile’ hommë.,- François I ordonna
à fon ^mbaûadéür'én Turquie , de faire
» 'vënïr à Paris ce dpSlê-ùr1 ifraélite, quoi cu’il
dût5coûter. Le médecin: juif arriva , & n’oi—
»>, donna, pour tout remède, que du lait d'ânejfe.
» C e remède doux réuffit très-bien au monarque ,
»■ & fous lés courtifans dés deux Rx-es- s’empréf-
» fèr.ehtp'à fuivre le même régime, pour' peu "qu’ils.
W crulfént. en. avoir, bèfoih
Le la it. f.ânejjè- eft a u ; ou r d’h ui -- ré edm m a ndé
plus que Jamais par-nos •n'iiédeéfli§'» ‘-Ce 1a vicu