
être employée qu’ au défaut des autres moyens,,
&'fbn tfpvit lui foiimiffoït le courage conforme
aux circonftances : hardi à C a fa l, tranquille &
agiffant dans fa retraite à Cologne, entreprenant
lorsqu'il fallut faire arrêter les princes, mais in-
ienfible aux plaifanteries de la fronde, méprifant
les bravades du coadjuteur, & écoutant les murmures
-de la populace , comme on écoute du
rivage le bruit des flots de la mer. II y avoit dans
le cardinal de Richelieu quelque chofe de plus
grand, de plus vafte .de.jnoinjs concerté, &
dans le cardinal Ma^arin, plus d’adrefie, plus de
mefure moins d'écarts ; on haiffoit l’un, & on
le moçquoit de l'autre ; mais tous deux furent les
maîtres de l'état.
Jules Mq^arin, fe"fit connoître pour la première
fois au cardinal de Richelieu & à tLouis X I I I ,
par les négociations qu'il entama , pour le traité
de Rat.sbonne de 1^50, entre l'empereur & ce
monarque. Richelieu, qui appèrçut dans Malaria
un efprit Couple ,. adroit & utile à fes deffeins, ]
fe l’attacha. Ce fut à la recommandation de ce
mini lire tout pdiTant , que Louis XIII fit avojr
à Ma^arin le chapeau de cardinal, & qu'il lui
donna entrée dans fes confeils. Après là mort
du roi il feigni^le vouloir fe retirer en Italie ,
& la régente qïïr fut la dupe de l'artifice, eut
recours aux prières pour le retenir, &■ fe crut
fort heureufe de ce que le rufé Jtalien voulut bien
fe charger du gouvernement de l’état qu’il am-
bitionnoit.
Le nouveau miniftre ufa d’abord de fa puif-
fance avec modération. Il fubftitua la modeftie,
la douceur» la molleffe même dans le commandement,
à la hauteur, aux menaces & à la févé-
rité inflexible du cardinal de Richelieu fon prédé-
ceffeur. Il étoit très-verfé dans les affaires étrangères,
mais fans aucune teinture de radminiftra-
tion intérieure, de la légiflation & de la fcience
des finances. Il abandonna cette dernièrefpartie à
Particelli d’Hemeri, italien affez dépravé, pour
ne regarder la bonne foi, que comme une vertu de
négociant. C e furintendant excita un murmure
général, par les impôts accablans dont il fur-
chargea le royaume. D ’ailleurs, l’ambition des
grands, leurs jaloufies mutuelles, leur haine contre
l’autorité d’un miniftre étranger; ce concours
d’intérêts & de paflions, fit éclore des divifions
qui troublèrent l’état pendant la minorité de
Louis X IV . Mandrin fut obligé plufieufs fois de
fortir du royaume. L e parlement fit même fon
procès, & fa tête fut mife à prix.'Mais, comme
ce n’étoit point une guerre de religion, cette
proscription n’engendra point de fanatiques. Les
Blot & les Marigni, connus de leur temps par des
chanfons qui, fuivant l’exprefiion de madame de
Sévigné, avoient le diable au corps, contribuèrent
peut-être le plus par leurs plaifanteries à calmer
les cfpiits en les portant à rire. Ils firent afficher
dans Paris une répartition dés cent cinquante mille
livres, qui étaient le prix promis à celui qui appor-
teroit la tête du cardinal. Il y avoit tant pour qui
lui couperoit le nez, tant pour une oreille, tant
pour un oeil, tant pour un bras, &c-
Le bibliothèque du cardinal fut vendue par arrêt
du parlement. Il y avoit un recueil.de pièces originales
de toutes les affaires de France depuis
160*, julqu’à 1648, en un grand nombre de volumes.
C ’eit principalement fur ce recueil que Sirï
a compofé fon hiftoire. Le cardinal s'étoic trouvé
à fa première fortie de France abandonné de tout
le monde, avec fix milles piftoles pour tout bien ,
lui qui s'étoic vu le maître de tous les tréfors du
royaume. Il fe repentit de fon peu de prévoyance,
& fe promit bien de ne pas retomber dans le
même cas. Il fe reffouvmt de cette protiulfe; &
loriqu'il fortit de Fiance la fécondé fois, il avoit
placé plus de quatre millions dans les banques
de Venife, de Hollande & d’Angleterre. Auffi
parut-il moins inquiet de fon retour; 8d «es inftruc-
tions qu'il envoyoït' à la reine, étoien't en quelque
forte désordres qu’ on exécutoit aûffïtôi:. 11 rentra
i dans le royaume, moins en miniftre qui venoit
reprendre fon pofte, qu’en fouverain qui fe.re-
mettoit en pofleffion de fes états- Il étoit conduit
par une petite armée de fept mille hommes levée
à fes dépens, c’eft-à-dire, avec l’argent du royaume
qu’il s’étoit approprié.
S’il en faut croire madame de Motteville dans
fes mémoires, l’ambitieux cardinal ofâ,porter les
yeux jufque fur fon maître pour en faire fon neveu.
Le jeune monarque, né avec un coeur tendre,
marquoit beaucoup d’attachement pour made*
*moifelle Mancini l’une des nièces du cardinal#
Ce miniftre, tenté de laiffer agir l’amour du roi,
preffentit adroitement la reine mere : Je crains
bien, lui dit il, que le roi ne •veuille trop fortement
épouferma nièce. La reine, qui connoiffoit lé cardinal,
comprit qu’ il fouhaitoit ce qu’il feignoit
1 de craindre. Elle lui répondit avec la hauteur
d’une princeffe du fang d’Autriche , & avec
l’aigreur que lui- infpiroit depuis quelque temps
un, miniftre qui affe&oit de ne plus dépendre
d’elle : « Si le roi étoit capable de cette indi-
» gnité, je me mettrois avec mon fécond fils à
>» la tête de toute la nation, contre le roi & contre
»s vous ».
Mdçarin, comprenant par cette réponfe qu’ il
falloit renoncer à fes vues, fe fit lui-même un
honneur & un mérite, de s’oppofer à la paffion
du jeune prince. Il éloigna fa nièce de la cour:
C e fut dans le moment de cette réparation que
mademoifelle de Mancini, dit à Louis ces paroles
qui figmfioient tant de chofes, & que Racine
employé fi heureufement dans Bérénice : Sirey vous
êtes roi , vous m’aime^ , & je pars !
La reine tnère, avoit tourné Tes vues fur 1 Ef-
pavtie ■ pour marier le jeune monarque, ôc tin-
fante, fi fouvent propofée, le fut enfin férieufe-
mem comme le lien des deux couronnes. Malaria
, & d"um Louis j premier miniitre d’Efpagne >
fe rendirent fur les frontières d'Efpagne & de
France, dans Fille des Faifans., Ils y conclurent
en le fameux traité des Pyrénées qui contient
cent vingt*quatre articles % dont un des principaux,
fut le mariage du roi avec l’infante Marie-
Xhérèle. Les conférences durèrent quatre mois.
Ma^arin & dom Louis, y déployèrent toute leur
politiques celle du cardinal étoit la fineffe, celle
de dom Louis la lenteur. On prétend même
qutil difoit du cardinal : “ Il a un grand dé-
„ faut en politique , ç'eft qu’il veut toujours
» tromper ».
Le liège de Dunkerque avoit été entrepris par
|es françois en 1658, avec la convention très-for- ,
nielle, que la place feroit livrée à l’Angleterre.
Cromwel, averti que Turenne étoit chargé d’y
mettre un gouverneur de fa nation, communiqua
Tes foupçons à l’ambaffadeur de France qui
nia la chofe. Le protecteur irrité de cette mau-
vaife fo i, ti;a de fa poche l’ordre que Mandrin
avoir donné : « Je prétends, lui dit-il, que vous
» dépêchiez un courier au cardinal, pour lui faire
» favoir que je ne fuis pas homme à être trompé;
s* & que f i , une heure après la prife de Dunker-
» que, on V en délivre pas les clefs au général
•> Anglois,-j’irai en perfonne demander les clefs
•» des portes de Paris ».
La victoire des Dunes & la prife de^ cette ville
de Dunkerque, eurent un fi grand éclat que le
cardinal voulut's’en attribuer la gloire. Pour y
parvenir, il fit propofer au vicomte de Turenne
de lui écrire une lettre, dans laquelle j l lui témoigne
que c’ eft le premier miniftre qui a conçu
le deffein du fiège, &: dreffé le plan de la bataille.
Lé vicomte répondit avec fa candeur ordinaire
: « Que le cardinal Ma^arin pouvoit em-
» ployer tous les moyens qu’il vouloit , pour
» convaincre toute l’Europe de fa capacité mi-
» litaire ; qu’ il n’eftimoit point , affez la gloire
» pour le démentir ; mais .qu’il lui étoit im-
» poffible d’autorifer une fauffeté par' fa figna-
4» ture ». -
Lorfque la France étoit le plus foulevée contre
le cardinal Mandrin* ce miniftre lui acquéroit la
province d’Alface, par le traité de Munfter de
1648. Mais, quand il commença à jouir tranquillement
de la fouveraine puiffance qui lui avoit
été confiée, il parut ne s’occuper que de Ta fortune
& de celle de fes nièces. On l’a dit riche
d’environ deux cents millions, à compter comme
on fait aujourd’hui. Le roi demandoit quelquefois
d? l’argent à Fouquet furintendant des finances,
qui lui répondoit : a Sire , il n’y a rien dans les
Encyclopédiana,
» coffres de votre majefté, mais M. le cardinal
» vous en prêtera ».
Quand le cardinal avoit mis un impôt nouveau ,
il demandoit à fes créatures ce qu’on difoit dans
Paris. On répand, lui répondoit-on, des couplets
atroces contre votre eminence ; tant mieux 3
reprenoit le cardinal, s ’ils cantent la canfonnette, •
ils pagaront.
Les' grands cherchoient à fe confoler de la pro-
! fonde foumiffion où ce cardinal les tendit par les
! farcafmes qu’ils lançoient contre lui. Le coadjuteur
de Paris étoit à Rome lorfque le père du
cardinal Maçarin y mourut ; il fit mettre dans la
gazette de Rome : « Nous apprenons par les avis
» de Paris, que le feigneur Pierre Malaria eft;
» mort en cette ville ».
M. de Mortemart étoit également mécontent
du cardinal, ainfi que M. de Liancourt, & ne
lui rendoient aucune forte de devoirs. Neanmoins
, à la mort du père du cardinal, M. de
Liancourt propofa à M. de Mortemart daller
rendre une vifite à ce premier miniftre. I l effort
affligé de la mort de fon père, lui difoit-ïl î «c II a
« raifon, reprit Mortemart; c’ eft peut-être le
» leul homme qui pouvoit mourir fans qu’il en
» héritât ».
Le cardinal Ma^ann favoit peut-être par expé.
rience, que les talens. d’un homme contribuent
moins que la faveur des circonftances au fuccès de
fes entreprifes ; c’eft pourquoi il s’informoit ordinairement,
avant de confier une affaire à quelqu’un,
fi cette .perfonne étoit heureufe.
Il étoit du fentiment de ceux qui penfent qu’à
la cour les abfens & les malades ont toujours
tort. Lorsqu'il fut attaqué delà maladie.dont il
mourut , il faifoit toujours bonne contenance. Il
fe mit même un jour, à ce qu’ on prétend, un
peu de rouge pour faire accroire qu’il fe portoit
mieux, & donna audience à tout le monde. Le
comte de Fuenfaldagne, ambafladeur d’Efpagne^.
en le voyant, fe tourna vers* M. le prince, &
lui dit, d’un air grave : Voila, un portrait qui ref
femble ajfe£ a M. le cardinal.
Quoiqu’il ne paffât point pour avoir la conf-
cience bien timorée, cependant il eut en mourant
des fcrupules fur fes richeffes immenfes. Un
bon Théatin , Ton confeffeur , lui dit nettement
qu’il feroit damné s’il ne reftituoit le b :en qu’il
avoit mal acquis : Hélas 3 dit-il , je n’ai rien que
des bienfaits du roi : ce mais, reprit le Théatin ,
» il faut bien diftinguer ce que le roi vous a
» donné d’avec ce que vous vous êtes attribué ».
Ah ! f i cela ejî , répondit lé cardinal, il faut tout
reftituer. M. Colbert vint là-deffus, & étant con-
fulté, confeilla au cardinal de faire une donation
teûamentaire de tous fes biens en faveur du roi
? P PP