
pas puni cet horrible excès d’un coup de tonnerre
, fi elle n’avoit permis que l’ivreffe &
l’accablement de la débauché retinlTent allez
long-tems le chef des coupables, pour laiffer au
bruit, de cette infâme aventure, le tems de fe
répandre j 8c aux juges du lieu , celui de s'armer
en faveur de l'innocence. Ceux-ci fe crurent dif-
penles de tous les ménagemens qui fauvent quelquefois
un criminel illu/tre : ils firent arrêter my-
lord Caftelhaven fur un ordre de la courj il fut
tranfporté dans la ville capitale , Ü & les cris du
public, qui demandoient vengeance , ayant redoublé
la diligence du premier tribunal de la juftice,
fut condamne' en peu de jours à perdre la tête,
fur un échafaud.
Dans un pays néanmoins où l’on eft extrêmement
attaché à la lettre de la loi , il s’en fallut
peu que le défaut d’une formalité ne mît quelque
obftacle à un châtiment fi jufte. La pratique criminelle
porte que l'accufateur doit etre préfenté
au coupable en préfence des Juges ; comment
faire confentir une jeune dame, dans des circonf-
tances fi cruelles 3 à foutenir la vue d'une nom-
breufe affemblée & la préfence de celui qui l’a-
voit outragée ? Après bien des délibérations pour
accorder la bîenféance avec la lo i , on prit un
tempérament qui fut autorifé par l'approbation
réunie de la cour & du parlement : ce fut de
permettre à la jeune dame de fe couvrir le vifage
d'un vojle. On fe contenta du ferment de quatre
perfonnes nommées pour l’aller prendre chez elle,
qui rendirent témoignage ,. en la préfentant aux
juges, que c'étoit le malheureux objet du crime
dont on attendoitla punition. Toutes les interrp-
gations furent renouvellées devant elle j mais ,
avec des mefures qui ne l’expôfèrent à rien de
trop fâcheux pour fa douleur & fa modeftie. On
lui épargna les réponfes qui n'étoient pas abfolu-
ment néceffaires, & elle en fut quitte pour prononcer
quelquefois oui ou non.
CRIS VÏOLENS.
Aux jeux ifthmiques , ou Quintus Flaminius fit
proclamer la liberté que les romains lailfoient aux
Grecs, les cris de cette grande alfemblee furent
fi .violens , qu'on y vit tomber d'en haut des
corbeaux ou étourdis , ou incapables de voler
dans un air fendu 8c percé fi rudement & en
tant d'endroits tout à la fois.
C R IT IQU E .
En matière de littérature , le cenfeur le plus
févère d’un ouvrage, a dit un auteur moderne,
eft celui qui IVcompofé. Combien il fe donne
de peine pour lui feul ? c'eft lui qui connoît le
vice fecret, 8c ce n'eft prefque jamais-là que le
Critique pofe le doigt. On peut fe rappeller ici
le mot d'un philofophe : ils difent du mai de
moi. Ah ! s*ils me connoiffoient comme je me
connois !...
Un cenfeur fort content de fon mérite , vint
préfenter à un monarque habile, un ouvrage de
critique contre Virgile. Ce prince fit aufli-tôt
apporter un boiffeaü de froment, & aprèsN qu’il
fut Lvanné, il en fit donner les criblures pour
récompenfe au critique-.
Certain critique très-acharné contre Lamotte,
loua beaucoup un écrit dont il ne le croyoit
pas l ’auteur. Détrompé bientôt, il ne put s'empêcher
de s'écrier » ah ! fi je l'avois fu plutôt ».
Lorfque les lettres familières de Cicéron , de
la tradu&ion de l'abbé Dolivec, avec des notes
de l'abbé Prévôt,■ parurent, l’abbé des Fontaines
, dans fes feuilles périodiques , en parla
d’une manière qui n'étbit pas auffi favorable que
le méritoient & l'ouvrage & les talèns de l'auteur.
L'abbé Prévôt ne daigna pas répondtfe aux
objections nombreufes de fon critique, 8c fe
contenta d’envoyer les mots fuivans au mercure*
«e Je dois, d it-il, être bien moins offenfé de cette
» critique , que falisfait de me voir traiter avec
» tant de ménagement. L'auteur m’avoit annoncé
» fort honnêtement la guerre, par un billet que.
» je confervé encore. Je crois le devoir au public
» pour la confection d’une infinité, d'auteurs
» maltraités , qui ont cru pouvoir fe plaindre
» de la rigueur avec laquelle ils étoient jugés.
» Voici les termes ».
Je vais rendre compte , monsieur3 de vos lettres
familières de Cicéron 3 je vous prie de trouver bon
quen rendantjuftice au mérite delà traduction & des
notes , je ne laijfe pas de faire mon métier, Alger
meurt de faim, quand i l eft en paix avec tout le
monde.
La critique douce & civile
Pour un auteur eft un grand bien ;
Dans fon amour-propre imbécile,
Sur fes défauts il ne voit rien ;
Le flambeau divin qui l’éclaire
Bleflè, à la v ér ité, fes yeux ,
Mais bientôt H n’en voit que mieux ;
Il cor rige, il devient févère :
Qui tend à la perfection,
Limant, poliflànt fon ouvrage,
Diftingue la correction
De la fatyre & de l’outrage.
Un peintre de portaits, que l’on accufoit de
ne pas bien faifir la reffemblance, voulut s'aflu-
rer un jour fi le reproche qu'on lui faifoit étoit
fondé. Il annonce à plufieurs perfonnes Ôc à fes
enfans, qu’il a fait un portrait de quelqu’un
qu’ils connoiffent tousi On vient voir fon tableau,
on le critique j 8c la prévention agiffanc,
on trouve qu’il n'a point faifi les traits de' fon
original. « Vous vous trompez, meflieurs, dit
» alors la tête du tableau, « car c’eft moi-même.
En effet, c'étoit un ami qui s'étoit prêté au
projet du peintre, en plaçant fon vifage dans
la toile d'un‘ cadre ajufté à cet effet.
C R E S U S , roi de Lydie, mort vers l’an
544’ ayant J. C. C e prince vantoit fon bonheur
en faifant voir fes tréfors à Solon , mais ce
fage, fans s’étonner, lui répondit : Je n appelle
aucun homme heureux avant fa mort. En effet,
Créfus éprouva dans la fuite de grands malheurs
5 il fut fur le point d’être tué d'un coup
de hache par un fôldat qui ne le connoiffoit
pas, lorfque fon fils ,' muet de naiffance , fit
v,n effort de nature, & s’écria : ■ Soldat c eft
Créfus, arrête.
C R O M W E L , ( Olivier ) né à Hanting-
tonen 1599, mort à Witehaile, le 13 feptembre
"i6j 8.
Cromwel, qui a joué un fi grand rôle en Angleterre,
étoit d’une conftitutîon robufte 8c d'une
phyfîonomie mâle, mais peu agréable. Rien ne
prévenoit en fa faveur. Il avoit une maniéré
de s’énoncer sèche, obfcure , embarraffée. Dépuré
de la ville de Cambridge dans la.chambre
des communes pendant plus de deux ans, il
ne fe diftingua jamais parmi les orateurs de
cette chambre. Hambden, fon ami, paroit avoir
été le feul qui ait reconnu la profondeur de ce
génie fombre 8c principalement fait pour l'action.
Il prédit que s'il s'élevait une guerre civile
, le député de Cambridge laifferoit bien
loin derrière lui tous fes rivaux. Cromwel femble.
avoir connu lui-même ce à quoi il étoit le' plus
propre. Il fe joignit toujours à la faétîon qui
montra le plus d’animofité contre l ’infortuné
Charles I. Ses talens fe développèrent dans la
même proportion que fon autorité. Tous les jours
il déployait quelques nouvelles facultés qui
avoient été comme endormies jufqü’au moment
où le- befoin les mettoît en aétion. Habile à
cacher l’ambition qui le dévoroit, il fit fervir
le zèle aveugle des indépepdans , des presbytériens
, 8c de quelques autres fanatiques à fes
delfeins.
Lorfqu’il fut élevé à la fouveraine puiflance
fous le titre de Protecteur, fa dextérité ménagea
également les différentes fe&es, afin de fe
rendre maître des unes par les autres. Ses moeurs
furent toujours auftères ; il étoit fobre, tempérant
, économe fans être avide du bien d’autrui,
laborieux ôc exatt dans les affaires- Les
armées angloifes furent toujours yi&orieufes fous
fon commandement ; 8c , fans le titre odieux
d ufurpateur, il auroit pu être compté au rang
des hommes illuftres qui ont le plus contribué
à la gloire de leur nation.
Un homme, dit le grand Boffuet, s’eft rencontré
d’une profondeur d’efprit incroyable,
hypocrite, r a fine, autant qu’habile politique,
capable de tout entreprendre & de tout cacher >
également aétif & infatigable dans la paix &
dans la guerre, qui ne laiffoit rien à la fortune
de ce qu’il pouvoit lui ôter par confeil 8c par
prévoyance 5 mais au refte fi vigilant & fi prêt
à tout, qu’il n’a jamais manqué les occafions
qu’elle lui a préfèntees : enfin, un de ces esprits
remuans 8c audacieux, qui femblent être
nés pour changer le monde.
Cromwel n’avoit pas moins de 43 ans, lorfqu’il
embraffa la profeffion militaire, 8c il devint
en très-peu de temps un excellent officier.
Lors de la révolution qui ôta la couronne & la
vie à l’infortuné Charles I , les républicains &
les royaüftes anglois en étoient venus aux mains
dans les plaines d’Yorck en 1644, & l’armée
du parlement avoit été battue & mife en déroute.
Cromwel, alors fimple officier, apprend
cet événement dans un lieu écarté où il fe
faifoit panfer d’une bleffure qu’il avoit reçue au
commencement de l’a&ion, il remonte aufli-tôt
à cheval, fans attendre qu’on ait bandé fa plaie :
A quoi me ferviroit ce bras, f i le parlement per-
doit la bataille ? dit-il au chirurgien qui lui de-
mandoit quelques momens. Il court tout de
fuite fur les royahftes. Ayant rencontré fon général,
le comte de_ Manchéfter qui fuyoit avec
les autres, il le prend par ’ le bras, en lui di-
fant : » Vous vous méprenez, Mylord, I’en-
» nemi n’ eft' pas ou vous allez , il faut venir
de ce côte - ci pour le trouver. » Manchefter,
piqué d’honneur par ce reproche ingénieux, retourna
fur fes pas j on recommença à charger,
& les troupes qui avoient d’abord p lié, firent
des efforts fi prodigieux qu’ elles remportèrent
un avantage complet. Le carnage fut tel dans
cette malheureufe journée , que le chevalier
Wane ofa dire dans la chambre baffe : » Que
» fi toutes les viéloires du parlement coûtoient
» autant de fang, il feroit à fouhaiter qu’elles
É ,ne fùffent pas fréquentes ; parce qu’autrement
» il faudroit appeler les nations étrangères pour
» peupler le royaume «.
Cromwel afîèmbla des parlemens, maïs il s’en
rendoir le maître & les caffoit à fa volonté.
Ayant fu que la chambre des communes vou-
loit lui ôter le titre de protecteur, il entra dans
la falle 8c dit fièrement : « J’ai appris, meffieurs,
» que vous avez réfolu de m’ôter les lettres de
»prote&euri les Yoilà, dit-il, en les jettaitt