
» qu’on refpire auprès d'elle * feiiible mfpirer- la
» vertu ».
Tous les aimables voluptueux de Paris, étoient
accoutumés depuis quelque temps à fe raifèmbjer
chez le p.jëçè Scàriron, attirés par, ion elprit &
; fon enjouement. On y fartôir dès efpècés dé pir
que-n iqucs > où chicun fcurniftoit fon plat & fes
bons mots. Le ton en: étoit extrêmement libre»
Madame Scarrôn y ramena fa décence. On vou-
loïc lui plaire , & c'étoit une raifon de Timicéri
Bile ne fe refüfoit cependant point à la douce
joie de la conveiLtion. Elle c o n t o i t& tout le
monde prenciV, plaifir à fes Contes. On a rapporté
qu un jour un de' (es 'dbfeèltiqaes s'approchant de
fon oreille, lotfqu'çrtéto/t à table, lurdit : « fria-
39 - darne, une hdlojre à ces mefiicurs, car le rôt
- 39 nous manque aujourd'hui ».
On. fa . vue pendant le carême;, ne.fe nourrir
que de légumes,, pendant que le relie de la table
ie livEoit aux plaifes d une chère délicate : mais
étoit-.ce: par elprit d e dévotion < M Je-.n'étais pas
allez heureufe, a-t-elle dit depuis, d'agir alors
imiquenaenuc ’ .pour E f ic um a i s je ;\foq;ôi.s éêtre
edncnôe.: L'en de de' me; faire un moçn étcfit mai
pufiiori. Ptrlionne, ne l'a portée fi Loin.'Cette ambition;
..'me fàifoii fauffrir le martyre par mille
contraintes que je rafimpofois ; & c'eti p„ ut- être:
Igouc m'en pun r qi:e D;éu a permis. mon élévation,
cppafoe's'il avioit dit dans fa colère : » Tu
. veux aej louanges-& àer hhinè14r s\ îiê l lîUn itü 'cn-
e$ bien âile^-
f qu’elle nous, ait d|cpuyert; cffe-mênfie les motifs
de fa çonduitè.: on en‘apprend à mieux con-
noitre le" coeur de , l'homme.
, Après J.a mort dé loti mari', arrivée, en i é 6o ,
elle fit du roi une
*tpetHe; p^nfiqij clé eumze, cents ’iiyres, dont Scar-
xon. avoit, j h u \ ; que ldn
! E Ï S P f fÔ ^ é^çt À&d^&'i'ù j6i" d’dp'Vpn'.chagain
: Entejidrâi-)g x^tÔtfëà^\parler ' cde la ' veuve .
S carton- ?' Et ces. ; mptS intrbdu. firent à H cour
cette . manière de ‘ parier .^pVôy erbiûlè : I l èfi aulfi
importun que la veuver Scaifoni Quelques' années,
’après 'cependant"ie ról' lui accorda', une penfion
de deux mille livres, à la recommandation de
madame- de Mnittcfoàn; -t«*fque: madame-: Scar-
;ron alla pdüv renroereÈeis lé' roi,.ce pïhiéeiiji du : :
«•>Ladawt«cp jè vôasaaifkit attendre iöng-temp rs 1
» mais comme vous • avez beaucoup/ d'1 amis , j ai
» voulu avoir feul ce mérite‘auprès de'vous-j».
Le duc du Mairie, fruit des amours de ce
prince1 & de madame de Moneefpa«J, véneit de
naître.? C'étoit un fecrer.. On chercha tinè^per-
fônue' Capable"-de le garder , &r qui pût répondre
aiix foins qutexigedit cett-e éducation. 0n fe ref-
fôuvinc’ de madame Searro-ri.-; die répondit conf-
tamment : « Si ies cnfans font: au roi, je-'le veux
»» bien j car je ne me chargerons pas ,"fans fcruo
» pule, de ceux de madame de Montefpan : ainli
» d faut que le roi me l'or donne ; voilà mon
» dernier mot »,
n r^Pon^e déplut. Cependant on la fit venir
a la cour, & le roi lui commanda de fe charger
1 C- L n;t ^ue madame de Montefpan. lui remet-
trèlt* On lui confia en cote un art après le comte
de'V'exih :-Lours s'étoit d'abord lai-ffé prévenir
contre madame de Ma-intenon qu'on lui a voit
dépeinte comme un bel efprit, une' prude gâtée
par le commerce d’un poète. Mais fa douceur, fa
modeilie, tafagefiede ies: réponfes firent perdre
peu-à-peu ài ce prince l'éloignement, qu'il avait
ptntF eile. Une répartie du petit duc du Maine
r a^heva de Lin té relier pour là gouvernante. Louis,
pere fort tendre, badinant un jour avec Ton fils,
lui dit qu'il étoit bien raifomiable. Comment ne ù
ferois-je pas , .répondit l'enfant Y je fuis ékvê par
la raifon meme:.- «c A lle z , reprit le ro i, allez lui
” “ 're que vous lui donnez cent mille francs pour
-.» : vos dragées »m , ;
Le roi l'ayant charge par la, fuhe. de conduire
.. Jè. petit duc-iiu Maine aux eaux de Bârrège, qui
; lui avaient été ordonnées pour fa fi nté , madame
de Maintenon écrivit d reélement au roi. Ses let-
très plurent beaucoup , & ce fut là l'origine de
la grande faveur pu elle parvint par la fuite. Son
inehre, & le beloin qu’avoit Je roi d'une fociété
agréable, firent le r.lfe. Ce prince étoit pa'r\ enu à
; cet'âge,' où l'on recherche -dans-le commerce' dés
femmes l'agrément plutôt'que le plaifir. Libre de
tous engagemens, il réfdlut d’en: former pour
toute la vie avec celle dont la fociété lui étoit
devenue necelfaire. M. de Harlay , archevêque de
Paris , bénit cette union en i.é8y , en préfence du
confefifeur du roi & de deux autres témoins.,
L'àmbitiëux fe tramperoit, s'il penfoit que
madame de M'aintenon n'âyant p'us rien à defirer
du cote de. fa fortune, étoit enfin parvenue au
fuprême bonheur. « Que ne.puis-je vous .donner
» mon expérience ! éc ri voit-elle à madame-de la
” Maifonforr. Que ne puis-je vous faire voir
» l'ertnui qui divife les grands, &rja peine qu'ils
» ont à remplir leurs ;o-Ufnéesil Ne voyez-vous
”• ;Pa« que je meurs de trilleflè, dims'ünei fortune
» qu’on aurait eu relire' à imaginer? J'ai été jeune
yy & 'jo'id '5 j’ai- goûté d'es-pl^fi-rs p j’ai été aimée
» par tout.. Dans cm âge plus avancé , fai pafle
99 des années dans le commercé- de- Fefprit, je
99 fuis venue a la faveur ; & je vous protc-fle, ma
thèfe-'frle, -que- tuusles1 états lai fient un vuide
” affreux »-.
Madame de Maintenon, qui n’a voit cependart
d’autre chagrin que-la-contrainte d® fon état,
difoit ùn jour au comte d’Aubigné fon frère :
« Je a ÿ peux plus tenif j je voudrois être morte
On fait que le comte ne comprenant pas trop bien j
ce dégoût, lui répondit : « Vous avez donc parole
» d'epoufer Dieu le père *>.
Cette femme illuftre ne profita point de fa place,
pour faire tomber toutes les dignités & tous les
grands emplois dans fa famille. C 'î 11 ce qu'une
de fes co-j fines ofa, dans un moment de colère ,
lui reprocher. « Vous voulez jouir de votre modé-
» ration, lui difoic-elle, & que votre famille en
» foit la vidime ». Le comte d'Aubigné , ancien
lieutenant-général, ne fut pas meme maréchal de
France. Un cordon b'.eu & quelques parts fe-
çrettes dans les fermes générales furent fa feule
fortune. C e favori prenoit plaifir à jouer gros jeu.
Pontant un jour au pharaon, & mettant fur les
cartes des monceaux d’or fans compte, fe maréchal
,:de Vivonne qui entra , dit : « Il n'y a que
» d’Aubigné qui puiffe jouer f i gros jeu. Cëfî} f
répliqua brufquement d’Aubigné, ce fi que j ’ai eu
mon bâton en argent comptant.
Madame de Maintenon avoit encore plus pour
elle-même ce défintéreflement qu'elle exigeoit
des autres. Le roi lui difoit fouvent : « Mais,
» madame, demandez ; vous n’avez rien ;à vous » .
Sire , répondit-elle , i l ne vous eft pas permis 4e
me rien donner. Elle n'igrioroit pas que les fou-
verains ne font que les économes des biens de
leurs fujets.
Le père de la Neuville, jéfui'e., l’ayant priée,
fans la conno'itre, de lui obtenir une audience de
madame de Maintenon. « E t , que..lui voulez-
» vous, lui dit-elle ? — J ’en veux , répondit le
» jéfuite, un emploi pour un de mes frères.—
» Vous vous adrefiez mal, elle demande que’-
» quefois au roi des aumônes, mais jamais des
» grâces. — Elle a tant de crédit, répliqua le
» père. — Pas tant que vous crovez. — Ah ! dit
» le jéfuiie, c'ell à madame de Maintenon que j'ai
» l'honneur de parler : -elle feule peut fe défier de
» fon propre crédit ».
Madame de Bouju , une des élèves de madame
de Maintenon, rapporte que quand cette pieufe
dame avoit quelques chagrins, elle s'en foula-
geoit en allant voir de pauvres familles dont elle
prenoit un foin particulier. Son vifage devenoit
parmi eux d'une gaîté fujprenante , qui chan-
geoit en rentrant à la cour. « J’allai un jour avec •
» elle, dit madame de Bouju dans fes mémoires , i
» chez la veuve d’un major de place. Cer-te femme
» ne fachant pas que c'étoit madame de Maintenon,
» oui, répondit-elle, un valet de chambre m'a
» promis de lui donner un placer : on dit que
» c'eft une dame très-charitable, & qui reçoit foit
39 bien les pauvres : mais je n'ai pu l’aller voir;
39 j'ai l'eftomac rétréci pour n'avotr pas’ mangé
39 depuis deux jours ». Madame de Maintenon ne
put retenir fes larmes, lui donna une femme d'argen
t, & depuis l’aflifta jufqu5à fa mort fans fe
faire connoître.
. Elle chereboî t elle-même des nourrices pour de
.pauvres en f a n s & les récô.mpenfoit lorfqu’elîes
les luirappprtoient en bonne fanré. Le plaifir qu'elle
prenoit à s'acquitter de ces bonnes oeuvres lui
fet: foit avouer que c'étoit pour elle une allez grand®
récompenfe.
. Elle -fe çonfacra toute entière à ces pieux de*-
vqirs après l’a mort du roi, arrivée en 171j . Elle
s’étoit retirée dans la communauté de Saint-Cyr,
établiflfement <[u'elle àvok engagé Louis X IV de
former , pour y élever & infiruire trois cents de-
moifelles de condition. Madame de Maintenon,
aidée des confeilsde M. Godet Defmarets, évêque
de Chartres, avoit procuré à cet établiffement fa
première forme , & lorfqu’elle s’y retira en 1715»
elle lui donna l'exemple de toutes les vertus. Elle
prenoit même plaifir à inftçuire les novices , & à
partager avec les maitrefies des cia fies les foins
pénibles de l’éducation. Cette fage fondatrice
,avoit fu éloigner également de fa communauté
l’orgueil des chapitres & les petitefies^descouvens.
La vie y ell très-régulière, mais commode, &
remplie d'exercices aufli utiles qu'agréables pour
les jeunes élèves.
Le Czar Pierre, qui étoit venu en France pour
en admirer les merveilles , delà a de voir cette
femme forte que le plus grand monarque de la
terre avoit honorée de fa confiance, & alla pour
cet effet à Saint-Cyr. Le duc d’Orléans, régent,
lui rendit le même hommage qu’il eut rendu à une
reine douairière.-
Pendant la vie. du ro i, la feule difirinélion publique
qui faifoic fentir fon élévation fecrette ,
étoit qu'à la méfié elle occupoit une de ces petites
tribunes ou lanternes dorées , qui ne font
faites que pour le roi & la reine. On a aufiï
rapporté que Mignard peignant madame de Maintenon
en fainte Françoife romaine., demanda au
roi en fouriant, fi , pour orner le portrait , il ne
pourroit pas Fhabider d’un manteau d'hermine.
Oui , dit le roi j fainte Franfoife le mérite bien*
C e portrait paffe pour le plus beau qu’on ait
d’elle..
M A IR A N , ( Jean-Jacques d’Ortous de ) né
en 1678, mort emi 771.
Il fut fecrétaire perpétuel de l’académie des
fcîences, & l'un des.quarante de l’académie françoife.
Les académies étrangères s'emprefièrent
aufli de s’afiocier ce favar.t bel efprit. Ses differ-
tations fur la glace, fur la lumière, fur l'aurore-
boréale, fur la Chine, & fes éloges des académiciens
, lui ont fait un nom juffement célèbre ;
mais il étoit fur-tout recherché par fes vertus
fociales, & par l’agrément de fon efprit.