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prieurs de Livré., Ce prieuré avoit un droit fei-
gneuviai, qui croit que toutes les nouvelles ma-
r*ees etoient obligées 3 le jour de la fête de la pa-
trone du prieuré, d’aller baifer le feigneur-prieur,
qui étoit affîs dans une efpèce de trône, fur la
grande place du prieuré , pour y attendre 8c recevoir
ce baifer féodal.
Les jéfuites firent changer ce droit en une
fômme de cinq fous ou un quarteron de cire,
que chaque nouvelle mariée étoit tenue de leur
apporter. Ce ne fut pas fans de grandes .oppos
ion s de la part des habitans , qui, au heu
d ’entrer dans des vues fi raifonnables, fufcitèrent
des procès aux jéfuites pendant plus de quarante
ans pour faire rétablir d’ancien ufage. Malgré
leurs oppofitions, il fut permis aux jéfuites, par
arrêt du parlement de Bretagne, de renoncer au
baifer pour un quarteron de cire.
Lorfque l’évêque de Cahors prend poffefîicn
de fon évêché, le vicomte de Ceffac, fon vaffal,
doit l’atrendré à la porte de la ville , tête nue,
fans mateau, la jambe droite nue, le pied aufli
nud dans une pantoufle, 8c en cet état prendre
la bride de la mule fur laquelle l’évêque eft monté,
& le conduire au palais épifeopal, où il le fert à
çable, pendant fon dîner, toujours vêtu de même.
Pour récompenfe de ce fervice, la mule de
l ’évêque lui appartient ; & fon buffet, qui doit
être de vermeil, appartient au vicomte de Ceffac.
Il y a eu fouvent des conteftations fur la valeur
de ce buffet, qui a été réglé par plufïeurs Arrêts
- à 3000 livres.
. La cérémonie qui s’obfçrve.à la prife.de poffef-
fioft de l’évêché d’Evreux, eft encore affez fîn-
gulière.
Le nouveau prélat eft conduit, après plufïeurs
cérémonies , dans un endroit nommé la mai fon de
la Crojfe. L’hôte lui ayant fait une profonde révérence,
lui dit : « Monfeigneur, foyez le bien
» venu en votre petite maiion de la Çroffe j ;&
lui préfentant la main, le conduit à un fauteuil ,
& ajoute : « Monfeigneur, vous me devez au-
» jourd’hui à dîner, & un mets féparé »». En
même tems le tréforier d’une certaine parofffe de
la ville fe préfente devant lu i, en difant : » Mon-
» feigneur, nous lomines obligés de vous dé-
% chauffer ; & vos bas & vos fbuliers appartien-
»? nent à notre tréfor de faint Léger, ainfî que
»» les titres que nous portons en font foi .». Mais
l ’évêque ft contente de leur laiffer toucher fes
b^s '& fes fouhers- ’, & leur en fait donner de
peufs. Alors le feigneur de Feuquerolles & de
Gauville, qui a fait étendre auparavant quantité
dé pailles & de nattes fur le chemin par où l’évêque
doit fe rendre à la cathédrale , lui dit :
H Monfeigneur, je fuis votre homme de-foi >ï :
é t e i n t à tefjrç qne poignée 4? paille,
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il continue en ces termes : « Ceci vous doit ;
*> 8c autre çh-ffe nç vous dois ni moi ni mes
” fujets ». Marchant enfuite à la droite del’évê-
.que , il répète toujours la meme chofe, & répand
l.i paide. Loifque Févêque eft arrivé à la
porte de la ville , le prieur de faint Taurin le
préfente au chapitre, & adrefle ces mors au do'yen :
Mejfieurs A vo ci Mon feigneur votre illitflrijfime. évé-
quC' que nous vous amenons ; v if nous vous le
baillons% & mort vous nous le rendrez. Quand
cette cérémonie eft faite, le feigneur de Convenant
^fe préfente le manteau fur les épaules, l’épée
au cote 3 8c en botte avec fes éperons. Il quitte
cet équipage j & s’agenouillant, il joint fes mains
entre celles de l ’évêque, auquel il promet fidélité
envers & contre tous, fors le roi. La meffe
fe dit enfuite j après vient le repas , où la première
fois que l’évêque demande à boire, le fei-
gneur dé^ Gauville lui préfente une coupe d’argent
doré avec fon couvercle, laquelle doit être
du poids de quatre marcs , & àppartient audit
fieur , & le prélat le fait affeoir alors à fa talaïe.
Les mêmes cérémonies fe pratiquent à peu près
de même, à Rouen.
La cérémonie de. la dégradation de noblefïe,
comme elle fe faifoit autrefois, étoit fort iîn-
gulière. Elle fut ainfî pratiquée fous le règne-de
François I , contre le capitaine Fungel, qui avoit
rendu lâchement Fontarabie. On affembloit trente
chevaliers ^fans reproche , devant lefquels le gentilhomme
étoit accufé de trahifon & de foi-mentie ,
par un héraut d’armes. On dreffoit deux échafauds
i l’un pour les Juges, affiliés des hérauts
& pourfuivans d’armes , l’autre pour le chevalier
condamné, qui étoit armé de.toutes pièces, &
| fon ecu planté devant lui , fur un épieu ren«
1 verfé & la pointe-en bas. A coté , afiïftoient doüz^
prêtres en furplis qui chantoient les vigiles dès
morts, A la fin de chaque pfeaume, ils faifoient
uffÇ paufe , pendant laquelle les officiers d’armes
depouilloient par pièces le condamné, , en commençant
par le heaume, jufqu’à ce qu’ il reliât
en chemife : puis ils brifoient l ’écu en trois morceaux
, avec une maffe j enfuite le roi- d’armes
renverfoit un badin d’eau chaude fur la tête de
ce coupable ; après quoi les juges pienoient des
habits de deuil, 8c s’en alloient à l ’églife., Le
dégradé /toit defeendu de l’échafaud1 avec une
corde attachée fous les aiffelles , mis fur une
civière, & couvert d’un drap mortuaire. Les prêtres
chantoient alors à voix hautes plufïeurs prières
pour les trépaffés j enfin, on droit le patient de
defliis le brancard, 8c on le livroit au bourreau,
qui le dépêchoit fur le champ.
Pour être reçu chanoine de la çathédrale dç
Witzbourg en Franconie , il faut que le fujèt pré-
fenté pafle devant tous les chanoines en haie,
cjui tiennenç unç baguette à la qiain, dont il?
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lé frappent légèrement furie dos. C ’eft, dit-on,
pour éloigner de ce chapitre les princes de l'Empire
, qui auroient hpnte de fe foumettre à cette
humiliante cérémonie,
.Quand l’évêque fait qn cardinal, il lui donne
douze cents écus de penfîon 8c trois mille écus
une fois payés, pour fes premières dépenfes >
mais il n’y a que le$ moines qui acceptent cette
penfîon, parce qu’ils forcent de leurs couvens
pauvres 8c dénués de tout. Les cardinaux fécu-
liers la refufent ordinairement, étant riches ou
de patrimoine ou par des bénéfices.
Le prieur de faint Thomas d’Epernon, dont
le bénéfice doit toqs les ans foi & hommage au
feigneur du château de Montorgueil, qui eft uni
à Rambouillet, eft obligé, chaque armée, de fe
trouver, au moins par procureur , le lendemain
de pâques, à la place où étoit l’ancien château
de Montorgueil. Il doit être botté & éperonné,
avoir l’épée »au cpté , une nappe blanche en
écharpe, croifée d’une autre écharpe^ en pervenche
, fur la tête une couronne de la même plante ,
8c des gants blancs aux mains. Ainfî. équipé 3 il
monte fur un cheval qui doit avoir les quatre pieds
& le chanfrein blanc, & à l ’arçon de la felle doit
être attachée une bouteille ronde’ de verre , couverte
d’ofîer 8c remplie de vin. Pour le cavalier,
il doit tenir devant lui'un grand gâteau, fait de
Ja fleur d’un minot de bled , 8c orné de pervenche.
C ’eft dans cet équipage qu'il fe préfente
devant le château, 8c crie trois fois : Monfeigneur
de Montorgueil, êtes-voifs ici , ou gens pour vous ?
On lui donne a&e de cet hommage, malgré les
proteftations du proeureur-fifeai de Montorgueil,
qui doit les renouveller tous les ans. Outre ces
formalités, le prieur d’Epernon amène avec lui
un maréchal, pour vifiter enfembJe l'équipage ou
le cheval fur lequel'il eft venu. Un autre expert
eft nommé par les officiers de Montorgueil ; 8c
s’il manquoit le moindre clou aux fers; le cheval
feroit confifqué, ainfî que l’année des dîmes du
- prieur, & le muid <je blé dont on a fait le gâteau.
C e muid eft évalué à 60 liv. : le gâteau
même , les gants & la bouteille font' diftribués
à la juftice.
C e qu’il y a de plus digne d’être remarqué
dans les folies humaines, ce font les dépenfes
qu’on fait pour les funérailles, ou la pompe funèbre
avec laquelle on a accoutumé d’ accompagner
les corps aux lieux où ils doivent être enterrés.
A la vérité, ces dépenfes ne fe fonC que
pour certains nobles , ou gens qui fe font diftin-
gués > mais la folie n’en eft pas moins grande,
parce que les petits veulent toujours imiter les
grands.
Le général Bannier, fameux capitaine de fon
fîècle, au tems de Guftave Adolphe, laiffa après
(à mort trois]cents mille écus, dont on dépenfa
fncyclopédicuta*
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à fon enterrement deux cent trente mille 5 de
forte. que fa famille , qui étoit en Suiffe, demeura
par-là très-pauvre.
Lès obféques de Cromwel coûtèrent quatre
cents mille écus j mais on demandera peut-être ,
à quoi employa-t-on tant d’argent ? Ce fut feule- ^
ment en frais de voyages de magiftrats 8c de milices
, en habits 'diftérens , en feftins magnifiques
qu’on fit à plufieurs milliers de perfonnes, avec
tant de profufîon 8c d’excès, qu’on y but pour
trente cinq mille écus de vin de toutes, fortes 5 te
qui eft.beaucoup moins encore que celui qui fut
bu à l’enterrement du général Bannier, dont le
prix alla jufqu'à foixante mille écus 8c au-delà.
En Hollande, on a retranché 8c aboli toutes
fortes de cérémonies en ce qui regarde les morts :
on ne laifïe pas pour cela d’enterrer .d’une manière
fort difpendieufe, parce qu’on eft obi gé de
: régaler tous ceux qui viennent à l ’enterrement.
En France, anciennement, on n’épargnoit rien
; pour la dépenfe des funérailles, & les feigneur s
ordonnoient fouvent dans leur teftamerit, qu’on
. y f ît des dépenfes exceffives.
On obfervoit une coutume fingulière aux enter-
remens des nobles. On faifoit coucher dans le lit
de parade, qui fe portoit aux enterremens, un
homme' armé de pied en cap, pour repréfenter le
défunt. On trouve dans lès compres de la maifon
de Polignac, qu’on donna y fols à Blaile, pour
avoir fait le chevalier mort à la fépulture de Jean ,
fils de Randonnet-Armand, vicomte de polignac.
On fe faifoit aufli inhumer en habits de relL
gieux, 8c on étoit en ce cas cenfé môine 8c frere
du monaftère.
Rome, qui, depuis long - tems, avoit perdu
l’habitude de voir des triomphes, en vit un fous
le règne de Théodofe, d’une efpèce toute nouvelle,
8c aufli frivole que Rome elle-même l’étoit
devenue, en comparaison de ce qu’elle étoit autrefois.
Un homme du peuple ayant déjà enterré
vingt femmes , en époufa une qui avoit rendu le
'même office à vingt-deux maris. On attendoit avec
impatience la fin de ce nouveau mariage, comme
on attend l’iffue d’un combat entre deux athlètes
célèbres. Enfin, la femme mourut ; 8c le mari,
la couronne fur la tête & une palme à la main ,
ainfî qu’un vainqueur, conduifit la pompe funèbre
au milieu des acclamations d’une populace m-
uomb râblé.
C ER T IF IC A T D E MO RT. Un caporal,
condamné à mort, voulut mander à fà femme
cette trifte nouvelle. Il écrivoit le jeudi : o r ,
comme il devoït être exécuté le lendemain , 8c
que fa femme ne devoit recevoir la lettre que le
; famedi , il fongea qu’il valoit mieux lui mander ce