
aaiî c A R
combattre Guy-Chabot , lequel a mautaife 8c in-
jufte caufe de fe défendre contre moi, 8c què d'ail-
leurs j je n ai fur moi,, ni en mes armes, paroles ,
charmes, ou incantations , defquelles j'aye efpé-
rance de grever mon ennemi , 8c defquelles je me
veuille aider coutre lui
Chabot fit le même ferment.
Le jour de ce combat, la Châtaigneraye , vrai
bravache , avoit prié à fouper plus de cent cinquante
perfonnes de la cour ; tous les apprêts de.
ce fouper , qu'il avoit fait dans fa tente au bout
des lices où ils fe battirent , furent gafpilïés &
mangés par la valétaille.
( Mémoires de Vielville. )
Le combat de la Châtaigneraye 8c de Jarnac ,
- dans la cour du château de Saint - Germain -en-
Laye^ le io juillet 1 547, a été le dernier duel au-
torifé. • Henri II fut fi- fâché de la mort de la
Châtaigneraye , fon favori, qu'il jura folemnelle-
ment d'abolir ces fortes de combats.
Il paroit que la formule des cartels de l'ancienne
chevalerie , fubfiftoit encore du tems de Henri IV.
Le fameux comte d'Effex qui commandoit les
troupes que la reine Elifabeth avoit envoyées à ce
prince , en 1 591 , écrivit à l'amiral André de
Villars-Brancas. « Si vous voulez combattre vous-
» même à cheval ou à pied 3 je maintiendrai que
» la querelle du roi eft plus jufte que celle de la
03 ligue 5 ^que je fuis meilleur que vous , & que
« ma-maîtrefle eft plus belle que la vôtre ; que
» fi vous refufez de vous battre feul , j'enme-
» nerai vingt avec moi* le moindre defquels , fera
35 une- partie digne d'un colonel ; ou foixante 3
» le moindre étant capitaine ».
L'amiral lui répondit :
A l'égard de la conclufion de votre lettre 3
par laquelle vous voulez maintenir que vous êtes
meilleur que moi , je vous dirai que vous en avez
menti , & mentirez toutes les fois que vous voudrez
le maintenir ,, auffi bien que vous mentirez ,
lorfque vous direz que la querelle que jefoutiens
pour la défenfede ma religion, ne.foit pas meilleure
que celle de ceux qui s'efforcent de la détruire ; &
quant à la comparaifon de votre maîtreffe à 'la
mienne,, je veux croire que vous n'êtes pas plus
véritable en cet article qu'aux deux autres ; toute
fois ce n'eft pas- chofe qui mé travaille fort pour
le préfent. C e cartel n’a pas eu de fuite.
Un des plus célèbres cartels , fut celui de
trente anglois contre trente bretons , en 13 y r.
On fe rendit, de part & d'autre , fur les lieux de
l’aflignation, près d'un gros arbre , entre Ploërmel
& Joffelin. Il y avoit un mois que les paroles étoient
données & qu'on avoit pris jour. Les anglois commencèrent
à réfléchir qu'un pareil combat ne de-
voit pas fe donner fans la permiflïon des deux rois ,
C A S
& propofèrent de différer jufqu'à ce qu'on l'edt
obtenue ; les bretons trouvèrent que la réflexion
venoit un peu tard, 8c les affurèrent, qu'il ne
feroit pas ait qu’ils étoient venus fur le champ
de bataille fans mener des mains 3 & favoir qui
était la plus belle amie : on fe battit - donc , &
le fucces du combat décida que les amies des
bretons, étoient les plus belles. Plus de la moitié
des anglois furent tués j les autres s’enfuirent
, ou demandèrent la vie.
CAR TES. Les cartes furent inventées fous
K re^ C-de Charles V I , par un peintre nommé
JAcquemin Gringonneur. On lit dans un compte
de Charles Poupart, argentier de Charles VI :
donné y6 fols parifîs, à Jacquemin Gringonneur,
peintre, pouptrois jeux de cartes3 à or* 8c à df-
verfes couleurs , pour porter devers ledit feigneur
roi, pour fon ébattement pendant les intervalles
de fa funefte maladie.
! Il eft en effet très facile de reconnoître aux
armoiries dont les draperies des figures font chargées
, le coftume du règne de Charles V I 5 c'étoit
alors la mode de broder fes armes fur fes vête-
mens, ce qui formoit une diftin&ion entre la no-
bleffe 8c le peuple.
C ASAU BO N , ( Ifaac ) né à Bordeaux en
1559 3 rnort en 1614.
Cafaubon étoit un calvinifte fort modéré. Un
de fes fils, nommé Auguftin, fe fit capucin. Avant
de faire fes voeux,-il alla , par l'ordre de fes fu-
périeurs , demander la bénédiction à fon père. Cafaubon
la lui donna de bon coe u r , & lui dit
. » Mon fils, je ne te condamne point, ne me con-
» damne point non plus : nous paroïtrons tous
deux au- tribunal de Jéfus - Chrift.
Cafaubon entreprit la crjtique des annales de
Baronius-, à la follicitatiôn du roi d'Angleterre j
mais comme il n'a pas pouffé fon examen plus
loin que les trente-quatre premières années , on
a dit avec raifon qu'il n'avoit attaqué j,'édifice
de Baronius que par les girouetes.
La première fois que Cafaubon vint en for-
bonne , elle n’avoit pas encore été rebâtie . . . .
on lui dit : Voilà une falle où il y a quatre cents
ans qu’on difpute. Il demanda , qu'a - 1 - on décidé.
? .
Cafaubon , s’étant trouvé à une théfe que l’on
foutenoit en Sorbonne, il y entendit difputer fort
& ferme , mais dans un langage’fi barbare , qu'il
ne put s'empêcher de dire en fortarit : Je n'ai
jamais ouï tant de latin fans l'entendre. H
CÀSIMIR I I , roi de Pologne.
Ce prince, jouant un jour avec un de fès gentilshommes
, qui perdoit tout fon argent, en re-
C A S
çtit un foufïlet dans la chaleur de la difpute. Ce
gentilhomme fut condamné à perdre la tete, mais
Cafimir révoqua la fentence, 8c dit : « Je ne fuis
« point étonné de la conduite de ce gentilhomme j
» ne,; pouvant fe venger de la fortune, il n eft
»» pas furprenant qu'il ait maltraité fon favori.
» Je me déclare d'ailleurs le feul coupable dans
« cette affaire > car , je ne dois point encourager,
*» par mon exemple , une pratique pernicieufe,
*> qui peut caufer la ruine de la nobleffe.
CASS A N D R E , (François) favant littérateur
du dix-feptième fiècle ,. mort en 169JV
Cajfandre fe plaignit de-la fortHne \ mais il de-
voit plutôt fe plaindre de fon caraétere folitaire,
farouche, intraitable, qui lui fit perdre tous les
avantages que fes talens auroient pu lui procurer.
Il mourut plein de haine contre les hommes,
& ayant même affez de peine à fe^ reconcilier
avec Dieu, à qui ce mifantrope prétendoit n a-
voir aucune obligation. Son confeffeur perplex,
voulant l'exciter à l'amour de Dieu par le fouve-
nir des grâces qu’il en avoit reçues : Ah oui,
dit Cajfandre d'un ton chagrin 8c ironique, je lui
ai de grandes obligations , il m'a fait jouer îci-
bas un joli perfonnage. Et comme le confeffeur
infiftoit 1 Vous favez comme il m'a fait vivre,
voyez comme il me fait mourir.
C'eft lui que Boileau défîgne fous le nom de
Damon, dans fa première fatyre, 8c qu il a voulu
peindre par ce vers :
Je fuis ruftique & fier ^ & j’ai l’ame groflière.
C A S T E L , ( Louis - Bertrand ) jéfuite , auteur
de\plufieurs ouvrages de géométrie, de philofo-
phie 8c de littérature > né à, Montpellier, en 1688,
mort en 1757, à l'âge de 68 ans.
Un jour qu’on parloit devant le célèbre Fon-
tenelle, du père Caftel, 8c qu'on louoit le caractère
d'originalité qui diftingue fes ouvrages, quelqu'un
ajouta : « Mais il eft fou. Je le fais
v> répondit M. de Fontenelle, 8c j en fuis fâche j
» car c'eft grand dommage. Mais je l'aime encore
» mieux original 8c un peu fou, que s'iLétoit fage
» fans être original.
Quelques penfées éparfes pourront fervir à faire
connoître la forte d'originalité qui diftingue les
écrits du père Cajiel.
Lorfqu'il parle des facultés de l'ame, l'intelligence
, dit - i l , eft comme une vapeur fubtile que
le foleil élève, fans préjudice de la férénité du jour.
Le fentiment eft comme une vapeur groffière qui
forme un brouillard obfcur. Les fenfations font
comme de groffes gouttes de pluies pefantes 8c
dènfes , qui rendent le jour fombre 8c ténébreux.
L'idée répond encore à la vifion de l’ oeil $ le fen-
timent à la perfuafion de l'oreille, la fenfation à
C A S 227
la féeurité aveugle du ta£t. Le peuple eft peuple
par les fenfations j le favant eft favant par
les idées y l'homme poli, l'homme tout court tient
le milieu par les fentimens.
Dans la rigueur du terme, imaginer , ne veut
dire autre chofe que fe former une image, une
idée d'une chofe qu’on ne voit point , ou dont
l'image ne fe peint point aéluellement dans l’oeil
ou dans les autres fens. Où en ferions - nous,
au moins dans les arts ou dans les fciences , fi
nous ne pouvions nous y permettre d’imaginer
ce que nous n'avons point vu , 8c ce que per-
fo.nne n'a jamais vu ? Jamais inventeur a - 1 - il atteint
au but de fon invention fans le fecôurs de
cette faculté imaginative? Jel'avourai franchement.
Inventer 8c imaginer m'ont toujours paru fyno-
nymes.
Un bel efprit, ayant un jour fort preffé le père
Caftel, de convenir que fon clavecin oculaire,
( il en eft parlé plus bas ) , étoit une imagination*
8c qu'un ouvrage que ce bel efprit avoit publie,
8c qu'il citoit en oppofition , ;n e^ étoit point
une j le jéfuite lui répondit, puifqu'il lé vouloit,
qu'il étoit prêt de figner fa propofition , 8c de
l'adopter. Son antagonifte n'en vouloit pas tant,
car il fe fâcha tout de fuite de l'excès de la com-
plaifance du bon père -, fans doute parce que la
compagnie y donna un mauvais tour, en fouriant
à l'idée qu’elle comprit que le père Caftel avoit
dans l'êfprit.
Notre auteur diftingue dans le génie deux qualités
qui le cara&érifent : il eft inventif 8c philofo-
phe 5 c’ eft la vivacité qui le rend inventif j c ’eft
la maturité qui le rend philofophe ■. la vivacité
ne fait que le bel efprit} la maturité feule.fait le
bon fens : il faut les deux pour former le génie.
Sans l’êfprit de philofophie 8c le raifonne-
ment, le bel efprit s'évapore en imaginations bi-
farres , plutôt qu'il n'eft inventif. Sans l'êfprit
d'invention, le génie philofophe n'eft qu'un froid
bon fens bourgeois , qui rampe terre à terre , 8c
n’ eft bon que pour celui qui l'a ; l'empêchant de
faire des fautes , par l'unique raifon qui l'empêche
de rien tenter d'extraordinaire 8c d'éclatant.
Le même fond de génie qui fait le génie de la
, guerre , fait le génie de toutes les fciences 8c de
tous les. arts. Tourné à la poéfie, il fait les Homère
8c les Virgile } tourné à la philofophie , il
fait les" Ariftote 8c les Defcartes } tourné aux
mathématiques , il fait les Archimède j tourné
à la guerre , il fait les Alexandre , les C éfar, les
Turenne, les Condé ; porté même à un certain
degré de perfe&ion, ce génie embraffe tout.
Un génie philofophe n’eft étonné de rien. Il a
tout prévu , il s’attend à tout, il voit 1 effet dans
fa caufe.} on n'admire, on ne craint que ce que
l’on ne comprend pas. La chute de l’univers l'é-;