
tiaire, & laiffer au princs le temps de réfléchir
fur ce qu'il avoit ordonné dans la chaleur de fa
colère.^ La cour fe repentit bientôt de tant de
cruautés ; alors le chancelier dé l’Hôpital faifant
lecture de la lettre du bailli d'Àutun , ajou’ a :
C cjl un juge de village qui 'nous apprend notre
devoir.
Jeannin fe biffa engager dans le parti de la
ligue, croyant,par ce moyen, feivir p!us utilement
le roi^& la France. On lui rend cetre julHce,
qu'il empêcha que les efpagnols n’empiétjffent
fur ce royaume, & que le duc de Mayenne ne fe
jettât entre leurs bras. Il aimo.-t, dit Perefixe,
î ÿ tac & la r°yauté avec paflion. Henri IV en
«toit fi perfuadé, que ce prince parvenu fur ie
trône, le chargea de plufîeurs affaires & l’appela
à fon confeil. Mais à peine y fut-il admis, que la
publicité d'un fecret important fit connoître qu’il
y avoit un perfide. Henri s’en plaignit à fts
miniffres , qui paroiflbient vouloir faire tomber le
fbupçon fur Jeannin. Le roi le prenant aufli tôt par
la main, leur dit : Je réponds pour le bon homme }
0 *fi a vous autres d vous examiner.
Sa modération dans la poffeffion des charges &
dignités fut telle, qu'ri refufa les fceaux qu’on
ôtoit à un de fes amis.
$ On a de Jeannin des mémoires & des négocia-
>tions, que le cardinal dé Richelieu mettoit au
rang des inltru&ions les plus utiles qu’il avoit
Tries.
Jeannin adminiftra les finances fous le règne de
Henri IV avec une pureté , dont le peu de bien
qu'il Iaifla à fa famille, eft une preuve convaincante.
Henri IV avoit une eftime particulière pour
lu i, & fe faifoit fouvent un reproche de ne lui
avoir pas fait affez de bien. C e prince dit en
plufieurs rencontres* qu’il dotoit quelques-uns de
Tes fujets pour cacher leur malice; mais que pour
le préfident Jeannin, il en avoit toujours dit du bien
fans lui eh faire.
JESUITE. Le roi de Pologne, duc de Lorraine
& de Bar, fit venir un jour fon archite&e,
pour le confultér fur les moyens d’empêcher la
cheminée de fon appartement de fumer. Cet
artifte, qui çonnoiffoit l’humeur,enjouée de ce
prince, lui répondit : Sire, rien de plus aifé que
de remédier à cet inconvénient ; faites mettre un
jéfuite au. haut de votre cheminée ; vous fave% que
ces gens-là attirent tout d eux.
Deux jéfuite s voulant aller à Conflans voir
l ’archevêque qui y étoit exilé, un cocher de fiacre
refufa de les mener ; un autre les appela , & leur
d it : « Montez, pères la bulle; je menerois le
v diable quand c’eft pour de l’argent ».
Vi&or-Amédée, roi de Sardaiene,a dit à un
ambaffadeur de France» que le jéfuite, fon confeffesr,
étant au Ht de 1a-mort, le fit prier de le
venir vo>r, & que Je mourant lui tint ce dif-
cours : « Sire, j'ai été comblé de vos bontés,
« je veux vous en marquer ma reconnoiifance,
» ne prenez jamais de confeffeur jéfuite ; ne me
» faites point de quelhons, ‘je n’y répondrois
«pas»?.
Les jéfuites firent tous leurs efforts pour obtenir
les bonnes grâces de Sixte V . Ps donnoient foui
vent de petits fpeétades au jeune cardinal de
Montahe , en efpéraht qu’il déterminer© t fon
oncle à prendre un conftfftur dans leur fociété ;
le cauliaal neveu chotfit un moment favorable
pour faire cette propefition au pape. Sixte, après
l ’avoir écohtë, lui répondit d’un air fort fér
rieux : « Il feroit plus d propos, mon neveu, que
<* je confeffaflé les jéfuites, que de les choifîr
» pour mes confetfeurs».
Les capucins d'une ville de France chargèrent
un peintre de faire un tableau qui repréfentât
la tentation de N o ’.re-Seignèur au défert. L'ar-*
tifte s'avifa de revêtir fatan d’un habit de capucin.
Les révérends, pères , extrêmement fcândalifés,
firent de violer.S reproches au peintre, qui leur
répondit : « Que l’ennemi du falot ne pouvoit
» mieux s’y prendre , pour féduire Jefus-Chrift3
» qu'en prenant l ’habit des plus honnêtes ggns ».
C e trait nous rappelle l’eftampe où,Ton voit
Jefus-Chrift habillé en jéfuite. Voici les vers fa b riques
qu'on lit au bas de cette eftampe ;
A dm ir e z l ’ a r t ific e e x t r êm e
D e c e s p è r e s in g é n ie u x ;
I l s v o u s o n t h a b i llé com m e e u x ,
S e ig n e u r , d e peur q u ’o n n e y ô u s a im e .
JEU. Selon toute apparence, le jeu fera de
mode en tout temps, parce qu’il y aura toujours
des gens défoeuvrés, des gens intéreflés, des gens
efcrocs. L'exemple du fameux Galet devroit épouvanter
tous les joueurs y il gagna des fommes irumen
fes , & le même hafard qui.les lui avoit données
l'en dépouilla par- la fuite. Il avoit fait bâtir à
Paris ,un fuperbe hôtel, rue Saint-Antoine ; mais,
il le joua, & le perdit en un coup de dez. Lorsqu'il
n'eut plus rien, il alloit encore jouer dans
les rues avec les laquais, & même fur les degrés
de la maifon qui lui avoit appartenue.
Les minéraux s’emploient pour p*per les dez.
Les grecs 'font ufage pour les cartes de craie, de
pâtes, de favons & autres drogues, qui, en altérant
légèrement la furface de la carte, la fait
aifément diftinguer par’des doigts exercés. Mais
comme cet artifice n’eft point inconnu aux joueurs
de gobelets, & à beaucoup d'autres perfonnes,
les plus habiles gens négligent ces petits fecrets,
qui d'ailleurs laiffent toujours des témoins îrré*
prochables de la friponnerie. Le grand talen*
d’un grec, eff d’avoir une rufe qui ne la’ffe point
de traces après e!Le, & ne fuit connue que de lui
f*ul. Il étud era de nouvelles manières de mêler
méthodiquement les cartes ; il les combinera par
leur nombre; il apprendra par coeur leurs différentes
Séquences.-On parle d’un fameux grec, qui
avoit gagné des fommes irr.menfes en pontant au
pharaon. Il étoit la terreur des banquiers ; il lui
fuffifoit de voir dans leurs mains la feule tranche
■ des cartes, peur dire où chacune des douze figures
fe trouvoit. Quand un banquier après avoir fini la
taille relevoit fes cartes, il favoit toujours par
coeur l’ ordre de celles qui étoient dans chacun
des deux tas de manière que fi le banquier ne
rnêloit pas bien fes cartes, on qu’il en laiffât feulement
trois de fuite, il étoit débanqué. C'étoit
une reffource inutile pour lui de prendre à toutes
Jes tailles un nouveau je u ,- comme notre homme
favoit fa féqaence, il jouoit toujours avec le même
avantage.
Un homme qui avoit rodé long-temps par le
monde, revint enfin dans fa patrie. Ses amis
accoururent en foule, félon l’ufage, & lui crioienc
à l’envi : Nous fommes charmés de vous revoir
en bonne fanté; allons-* raconteznous un peu
vos aventures. Ah! que de miracles furent en un
moment fur le tapis! Meilleurs pleur dit-il, en-
tr’autres cho/es, vous favez là diftance prodigieufe
qu’il y a d’ici au pays des hurons? Hé bien, à
douze cents lieues de-là j’ai vu une efpèce d’hommes
qui m’a paru tout-à-faît fingulière. Souvent
iis demeurent affis, autour d’une table, jufques
bien avant dans la nuit; mais il n’y a point de
nappe mife, ni de quoi occuper la mâchoire. La
foudre pourroit gronder fur leurs têtes ; deux
armées pourroient combattre à leurs côtés: le ciel
même pourroit menacer ruine , fans leur faire
quitter la place, & fans les diftraire ; car ils font
fourds & muets. De temps en remps on entend
fortir d»e leurs bouches quelques fons mal articulés;
ces fons n'ont aucune liaifon entr'eux, & ne
faproient lignifier grand’chofe ; & pourtant ils
font rouler les yeux à une partie de ces gens-là
de la manière la plus étrange. Je Us ai fondent
confédérés avec admiration ; car ils ne manquent
jamais de fpe&âteurs, qui font apparemment attirés
par un motif de curiofité ; & crovez - moi , mes
amis i je n’oublierai jamais les phyfionomies terribles
que"j'ai eu lieu d'obferver dans cesoccafions.
Le défefpoir, la rage, quelquefois une joie maligne,
mêlée d’inquiétude, venoient s'y peindre
tour à tour. Tantôt c'étoit la fureur des eumé-
nides; tantôt l’air férieux & morne des juges infernaux;
tantôt les angoiffes d'un patient qu'on
mène au fupplice. Mais, demandèrent les amis
du voyageur, quel eft le but.de ces malheureux?
Sé fcroienc-ils dévoués à travailler pour le bien
public. — H o . non. — Vou$ verrez qu'ils cherchent
la pierre philefophale ? — Ce n’eft point
cela. — C ’eft donc la quadrature du cercle ?
— Encore moins. — Ah ! nous y voici; ils font là
pour faire pénitence de leurs crimes ? — Vous voit s
I trompez encore. — Mais aufli, vous nous parlez
de vrais maniaques: fans ou ïr, fans parler, fans
rien fentir, morbleu 1 que peuvent-ils-faire ? — Ils
jouent. C et apologue eft de M. Lichtwebr, fabu6-
iifte allemand.
On propofoit à un joueur que la fortune venoit
de favoriler, de fervir de fécond dans un duel.
Je gagnai hier, répondit-il, huit cents louis, &
je me battrois fort mal; mais allez trouver celui i
qui je les ai gagnés, il fe battra comme un diable $
car il n'a pas le fou-
On difoit à un homme d’efprit de parier pour
quelqu’un qu'il ne croyoit pas bon joueur, mais
qui gagnoit fouvent ; il répondit : « Je voudrais
» toujours avoir parié pour lui ; mais je ne faurois
» me réfoudre à le faire ».
M. du Chatel jouant au piquet avec M . D .........
l’avertit de ce qu'il en marquoit cinquante cinq,
& qu’il n'en afoit que quarante-cinq. « Excufez ,
» dit M. D . . . . , c’eft que je me trompois.
» — Pardonnez-moi, lui répartit M. du Chatela
» ce' n’étoit pas vous que vous trompiez ».
M. du Saulx affure qu’il vit un jour dans une
maifon de j e u , une femme étique qui ne parloit
point, ou rarement, qui reftoit toujours daas la
même placef elle ne fe levoit pas, même lorf-
qu’on avoit fervi. Il demanda ce que c'étoit- que
.ce fpeélre féminin : « C ’e ft, lui répondit-on,
» l'une des plus fingulières vidimes de la paflion
» du jeu. Depuis trente ans , elle perd fa rente
» viagère à mefure qu’ éîle la touche , 8e ne fub-
» lifte qu’avec un peu de pain trempé dans du
1 « lait; car elle eft fort honnête. Elle rougit d’être
; « ici ; mais elle mourroit ailleurs. Comme elle eft
» fans crédit, la pauvre fille ne mourra que dans
» trois mois; c'eft-à-dire, à la première échéance
» de fa penlîon ».
• Il y a ce fait connu d’un homme q u i, jouant
avec un grec, s'apperçtit qu’on le prenoit pour
dupe. Il tira un couteau de fa poche , cloua la
main du filou fur la table dans le temps qu'il
ramaffoit les dez , & dit froidement : S'ils ne
font pas pipe's, j'ai tort. Il fut prouvé qu'il n'avoit
pas tort.
La paflion du jeu étoit fi forte dans madame de
C . . . , qu’elle regardoit comme perdu tour le
temps qu’elle paffoit fans avoir les cartes à la main.
Elle donnoit à jouer chez elle ; & afin d’empêcher
que ceux qui feroient maltraités par la fortune
, n’exhaJaffent leurs chagrins par quelque imprécation
un peu trop forte, elle avoit taxé chaque
gros mot à un louis. M . L . . . , l'un des plus aflidu$
à facrifier chez elle au dieu du hafard , vivement