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N a i n s . Ælîan raconte en fes diverfes leçons,
que Ton prit à la guerre un certain Archettratin ,
lequel étoit de fi petite taille & fi fluet * que cela
donna envie de le faire pefer ; & on remarqua que
toute fa pefanteur n'alloit pas plus loin qu'une
certaine pièce de monaoie , ufitée chez les grecs.
Le même dit que du temps de Philippe de
Macédoine, vivoit un nommé Philetas C o u s ,
qui étoit fi petit & fi le'ger, qu'on lui garnifloit
de plomb les femelles de Tes fouliers, afin qu'il
«e fût pas emporté par le vent.
Virgile a dît :
Ingentes animos angujfo in carpare verfant.
« Ils portent dans un petit corps de généreux
courages ». En voici un exemple : L'armée du
duc d'Anjou avoit un général appelle le comte
Pithenin, qui eft un diminutif de Picolin , très-
petit. C'étoit un des plus courageux hommes de
ion temps : il gagna deux viéfcoires en Italie contre
le roi d'Arragon. On dit de ce général , qu'étant
à une entrevue avec le roi d’Albe * ce roi qui
étoit auffi grand que l'autre étoit petit, pour ne
pas fe courber trop bas, le prit par-deffous les
bras comme un enfant, & T'éleva jufqu'à fon vi-
fage pour Tembraffer.
J. Boruwlasky étoit né dans les environs de
Chaliez, capitale de Pékucia, dans la Huffie po-
iQnoife, au mois de novembre 1739. Ses pareils
-étoient de moyenne taille ; ils ont eu cinq fils 8c
une fille, & par une de ces bizarreries de la nature
qu’ il eft impoffible d'expliquer, trois d'en-
tr'eux s'élevèrent au-delfus de la taille moyenne,
tandis que les deux autres, ainfi que le nain dont
nous parlons* ne parvinrent qu’à celle des enfans
de quatre à cinq ans- C e naîn fut le troilîème de
cette étrange famille. Son frère aîné, qui a foi-
xante-deux ans ( en 17^0), eft environ de trois
pouces plus haut que lui, & il a encore une force
& une vigueur beaucoup au deflus de fon âge &
de fa figure.
Son fécond frère étoit foible & délicat ; il mourut
âgé de vingt-fix ans, & il avoit alors cinq
pieds dix pouces. Ceux de fes autres frères qui
vinrent au monde après lu i, furent alternativement
grands & petits ; une de fes foeurs, qui
mourut de 1a petite vérole à Tâge de vingt-deux
ans, n'avoit que deux pieds deux pouces, & réu
niffoit à une figure aimable les plus parfaites proportions
du corps. I l fut facile de conjêétuier
à fa naiffance qu’il n'acquerroit qu'une très-petite
taille, puifqu'.l n'avoit alors que huit pouces;
cependant, malgré fa petitefle, il n’étoit ni foible
ni chétif; & fa mère, qui Ta allaité elle-même,
a déclaré fouvent qu’aucun de fes enfans ne lui
avoit donné moins de peine. Il marchoit & il par-
loit environ à Tâge ordinaire des autres enfans>
& il a grandi progreflivement comme il fuit :
A un an, il avoit onze pouces d'Angleterre *
A trois ans, un pied deux pouces;
A fîx ans, un pied cinq pouces ;
A dix ans, un pied neuf pouces ;
A quinze ans, deux pieds un pouce ;
A vingt ans, deux pieds quatre pouces;
A vingt-cinq ans, deux pieds onze pouces;
A trente ans, trois pieds trois pouces.
Sa taille ne s'eft donc pas élevée au-delà de trois
pieds trois pouces ,vou du moins elle n’a point augmenté
depuis la trentième année de la huirièrae
partie d’iin pouce ; ce qui eft contraire à l'opinion
de quelques natüraliftes, qui foutienj^nt que
les nains grandiffent pendant toute leur vie. Son
frère a été dans le même cas ; il a grandi jufqu’à
trente ans, & il a ceffé de croître à cet âge.
J. Boruwlasky, âgé de vingt ans, devint amoureux
d'une jeune demoifelie, aimable & belle*
qu’il époufa : deux enfans ont été le fruit de cette
union. Sa famille le trouvant ruinée , il fe rtnJit
à Londres en 4782 > où il reçut des préfens de
plufîeurs perfonnes de diftinélion , & il fut enfin
obligé, pour fubfifter , de fe faire voir à prix
d'argent. C'eft ainfi qu'il s’eft entretenu décemment
pendant les fix années qu'il a vécu en Angleterre.
Toutes les perfonnes qui l’ont connu parlent
avantageufement de fon efprit, de fon affabilité
& de fa converîation engageante.
Remarques. On conçoit que les eskîmaux, les
groënlandois , les lapons & les famoyèdes qui
vivent au-delà du foixante - cinquième degré de
latitude nord, ®|yent rèffeï au-deff >usde la ftar
ture médiocre par Timpreffion confiante d'un froid
rigoureux , & on s’en rapporte fans peine au récit
d.s voyageurs, qui aflurent qu’on ne trouve guères
parmi ces p.upks que des hommes de quatre pieds,
de haut. On fait en effet que les végétaux y éprouvent
la meme dégénération ; que les bouleaux *
les fautes & les aulnes ne fout que ramper fur
un fol gelé > qu'en un mot on n'y voit pas un feul
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végétal de plus de fix pieds de hauteur. Le renard
y eft auffi beaucoup plus petit que celui qui habite
fous nos climats tempérés. Mais le phénomène de
deux nains dont les deux autres frères étoient
au-deffus de la taille moyenne de l’homme, pa-
joît bien difficile à expliquer. Il eft d’autant plus
étonnant, que ces individus qui font reftés pour
Ja ftature au-deffous du type général de Tefpèce
humaine, n’aient point été doués d’ailleurs d'une
organifation vicieufe & imparfaite, & que toutes
leurs facultés, foit phyfiques, foit morales , aient
obtenu leur entier développement. Ces déviations
légères de la marche de la nature feront toujours
pour nous autant un myftère que le modèle général
qu'elle paroît fuivre dans tous fes ouvrages.
Au mois d’o&obre 1686, le roi, Louis X IV ,
étant à Fontainebleau , on lui préfenta un petit
homme dans un plat d’argent, couvert d’une fer-
viette. C e petit homme fe leva & fit fon compliment
au îo i, difant qu’il étoit le plus petit de
tous fes ferviteu'S, mais qu'il étoit auffi le p'us
humble & le plus obéiffant. ; il avoit de la barbe
& feize pouces de hauteur: il étoit alors âgé de
36 ans.
Il s’eft fait en 176 6 , près d’Herdford , dans
le coirité de-Galwai, un mariage affez finguher,.
entre le fieur Jean Ford & la demoifelie Bidd
Carr, perfonnages remarquables par la petiteffe de
leur ftruéïtire. Le fieur le Ford, âgé de vingt ans,
avoit quarante-deux pouces de haut ; & la denaoi-
felle C a r r , qui touçhoit à fa vingt troifième année,
n’avoit pas plus de trente-neuf pouces.
N A ÏV E TE . La naïveté eft Texpreffion de la
franchilé, de la liberté, de Ja fîmplicité ou de
Tigoorance , Se fouvent de tout cela à la fois; On
rit d’une naïveté, comme on rit d’un ridicule qu’on
âpperçoit dans un autre, & dont on fe croit foi-
même exempt. Que'quefois auffi la naïveté excite
les ris par les équivoques qu’elle fait naître.
■ Une fille s'accufoit, à confefle, d’avoir récité
une chanfon déshonnête. Le confeffeur , non content
de cet aveu, lui demanda quelle étoit cette
chanfon ; cette fille, fans autre façon , fe mit à
la chanter tout haut dans l’églife. Je trouve quelle
avoit raifon , ajoute madame de Sévigné, en parlant
de cette naïveté; affürément le confeffeur vouloir
entendre la chanfon , puifqu'il ne fe côntentoit
pas de ce que la fille lui avoit dit en s'accufant.
Le bon-homme de confeffeur prit fans doute fon
parti, & pâma de rire le premier de cette aventure.
La grande raifon, fans dot, avoit déterminé
un harpagon à livrer fa fille entre les mains d'un
vieux pénard. La timide Agnès, vr&ime de
famille, étoit menée à Téglife. Lorfqué le prêtre
eut prononcé le fatal oui à l'époux, il demanda
également le confentement de la.pauvre fille.
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Homme de bien, lui répondît-elle, vous êtes
encore le premier qui, dans tout c e t i , m’ayez
confultée.
Les habitans d'une paroiffe fe plaignant à un
fondeur de ce que la cloche qu'il leur avoit fondue
ne fe faifoit pas bien entendre ; il les con-
fola en leur difant : « qu’ils n’avoient toujours qu'à
la faire monter, & qu’elle parleroit avec Tâge».
Un prédicateur prêchoit dans un bourg, &
pour rendre plus fenfibles les vérités de là morale,
il ufoit fouvent de l'interrogation. Ma pauvre
fille 1 difoit-jl, en parlant des jeunes perfonnes
qui prêtent l’oreille aux fleurettes , quel fruit avez-
vous retiré des douceurs que ce jeune homme
vous a dites, des foins qu'il vous a rendus, de
la promeffe de mariage qu'il vous a faite ? Une
fort jolie payfanne, placée vis-à-vis le prédicateur
, 8c qui fé trouvoit dans ce cas., crut que
c'étoit elle qu'on interrogeoit : elle fe lè v e , &
après avoir fait la révérence au prédicateur :
« Monfieur, lui d it - e lle , en pleurant, il m'a
leurrée de belles promettes, & après m’avoir
trompée il m’a plantée là.
M. deMercoeur, père de M . le duc de Vendôme
& de M. le Grand Prieur, étoit un bon
feigneur,’ qui ne s'étoit jamais piqué de fcience.
Il fut fait cardinal. Un des amis de M. Benferade
étant venu lui dire pour nouvelle que M. de Mer-
coeur étoit entré dans le college des cardinaux :
« c'eft, répondit-il, le premier où il foit jamais
entré ».
Un bourgeois étant à fa maifon de campagne,
fe promenoit dans le jardin pendant l'ardeur du
foleil. Son jardinier qui ne Tattendoit pas fitôc
s'étoit endormi fous des arbres fruitiers. Il va le
trouver tout en colère : comment, coquin , lui
crie-t-il, tu dors au lieu de travailler *, tu n'es
pas digne que le foleil t’éclaire. Ceft auffi pour
cette raifon, lui dit le jardinier en fe frottant
les yeux , que je me fuis mis à l’ombre.
Un homme ayant une cruche d’excellent vin ,
la cacheta. Son valet fit un trou par-dettous &
buvoîc îe vin. Le maîtie ayant décacheté la cruche,
fut fort furprîs de voir fon vii> diminué , fans eu
pouvoir deviner la caufe. Quelqu’un lui d.t qu'on
devoit l'avoir tiré par-deffous : « Eh î gros fo t ,
reprit te maître, ce n’eft pas par-deffous qu’il en
manque, c'eft par-deffus.
On venoit de jouer une comédie en deux a&es
& en vers , un particulier qui étoit aux quatrièmes
loges demanda à fon voilîn « fi cette comédie
étoit en profe ou en vers » ? « Comment voulez
vous , répondit ce dernier, que Ton puiffe.
faire d’ici cette diftinélion ».
Un bon mari «Ufoic à fa femme : Je crois qu't!