
Un gafcon 8c un parifien avoient pris querellé
enfemble; on les accommoda fur le champ. Vous
êtes bienheureux, dit le gafcon au parifien, de
m’avoir furpris pacifique ; fi vous m’eufliez fâché
d'un cran de plus j je vous euffe jetté f i haut en
î'air , que les mouches auraient, eu le temps de
vous manger avant que vous fuffiez revenu à terre.
Un ancien officier gafcon avoit eu une jambe
emportée , & il avoit le pied qui lui reftoic perclus
par la goutte : il àvoit bien fér.vC, & il deman-
d oit, pour réeompenfe , le gouvernement vacant
d ’une bonne place. Un miniftre lui dit : mais,
monfieur, dans-l’état où vous êtes, vous ne devriez
plus fonger à commander : monfieur, lui-répondit-
i l , c’ eft à.fervir qué jé né .fonge plus ; pour le
commandement, jé né l’ai jamais eu au pied , & jé
l ’ai toujours., à la tête ; jé n’y ai pas la goutte.
A la dernière paix , un jeune laboureur de
Guyenne, qui s’étoit fait foldat, aima mieux fe
faire porteur d’eau à Paris., que de s’en retourner
chez lui avant que d’avoir fait, quelque fortune.
Un officier qui le connoifloit le trouva ün jour
dans l’exercice de fon nouvel emploi : eh-, te voilà ,
lui dit-il! quel métier as-tu choifi-là? E h , monsieur
! lui répondit le porteur d’eau gafcon : « — J’ai
» bien fervi, comme vous favez ; & pour ma
» réeompenfe, j’ ai dix mille écus fur l’eau delà
?» rivière de Seine. Je ne faurois m’en défaire en
» gros , je la détaille ».
Lors du liège de Valenciennes par les françois,
en 1677, un des principaux officiers de la gar-
nifon, qui vit qu’on ne aonnoit point de quartier
dans ia première chaleur de l’attaque , s’alla jetter
entre les bras d’un officier gafcon. Il fe rendit fon
prifonnîer , & lui offrit une bourfe de trois cens
louis, afin qu’il le gardât. Le gafcon lui répondit
aufli-tôt : « Monfieur , pour votre vie elle eft
» fauve j car je combats comme le lion 5 je par-
» donne à celui qui s’humilie : mais pour vous
=0 garder, j’ai bien d’autres chofes à faire; je cours
» à la gloire, & vous laifle, vous & votre argent,,
» entr£ les mains de mon fergent ».
Un officier gafcon, lalfé de piquer l’anti-chambre
de M. de Louvois, miniftre delà guerre, pour
folliciter, fans fuccès, auprès de lui la penfion que
fes fervices lui avoiënt acquife, fut fe placer,
pendant plufîeurs jours & à la même heufè, fous
le balcon de Louis XIV à Verfailles. Ce monarque
s’appercevant de l'habitude de cet officier de s’y
placer régulièrement tous les jours, l’envoya chercher,
& lui demanda ce qu’il faifoit fous fon balcon
j cet officier lui répondit avec l’accent de fon
pays : « Sandis, lire, je refpire le bon air qui fait
» bibre votre majefté ; depuis fix mois que je ref-
» pire celui de l’anti-chambre de M. Louvois, j’y
» ai fait de bien mauvais fang ». Le roi lui demanda
ce qu’il vouloit à M. de Louvois : la penfion
que j’ai acquife au ferviee de votre majefté, répondit
le gafcon. Etes-vous, gentilhomme , répliqua
le monarque? Si Adam l’étoit, fans contredit,
lire, je le fuis. Cette répartie plut fi fort à
Louis XlV, qu’il lui fit donner une fomme d’argent
pour s’en retourner dans fa province., & lui
accorda la penfion qu’il demandoit.
Un gafcon fe trouva înfulté au jeu ; il jetta les
cartes au nez de celui qui lui parloit trop fièrement,
1 & il voulut fe jetter fur lui. On le retint.
Laiffez-moi faire, dit-il à ceux qui le tenoient à
quatre. Il m’a infulté : vous l’avez vu. Si vous
l’aimez, préparez-vous à le ramaffer par pièces.
Si tous ceux que j’ai tués à l’armée, difoit un
foldat gafcon, fe trouvaient en tas, dans un vallon
de nospyrennées,on palferoitde plein-pied d’une
montagne à l’autre.
Le prince de Condé demandoit en riant à un
gafcon plein d’efprit quelques gafeonnades. N o n ,
monfeigneur, je n’en ferois pas une à préfent
pour mille écus. Le prince rit de celle-là 5 mais il
en demanda encore une autre. Monfeigneur, lui
répondit le gafcon courtifan , ne m’excite^ pas davantage
; car f en ferois une qui vous fer oit trembler.
Je v eux , difoit à Paris un jeune homme de
Pezenas, qu’une beauté que j’aime faffe pour
moi la pluie & le beau temps. Je veux qu’elle réu-
niffe en elle les trois belles faifons de l’année, printemps
, été & automne, tant quelle voudra, à
fon choix & à mon gré. Pour les glaçons, je n’en
fuis pas. Si elle fe fait hiver, je me fais hirondelle :
le froid me chaffe.
Un chirurgien gafcon avoit un fpécifique qui
empertoit toute lorte ds fièvres en moins de
trois jours; de forte qu’il s’étoit par-là mis en
| vogue. Une veuve & riche bourgeoife de Paris
l’ayant envoyé chercher., lui dit : Monfieur, vous
voyez une femme bien mortifiée. J’ai un fils qui
étudie au collège des révérends pères Jéfuîtes; il
devoit danfer fur le théâtre dans un ballet qui
fera repréfenté dans fix jours ; mais comme il a une
fièvre continue, il n’y a pas d’apparence qu’il y
puiffe danfer. Pardonnez-moi, madame, lui répondit
le chirurgien d'un air de confiance , je le
ferai danfer ; deux jours après qu’il aura pris mon
remède, adieu la fièvre ; -& puifque le ballet ne
doit être exécuté que dans fix jours , vous pouvez
î compter qu’il danfera. Il ne fe contenta pas
d’avoir affiné que l’écolier danferoît f O u i, madame,
ajouta-t-il, comme fi fon fpécifique eût
eu auffi la vertu de faire danfer parfaitement ;
il danfera, vous dis-je, & encore mieux que les
autres. . '
On a fait ce conte : un gafcon avoit appelé en
duel un cavalier, & s’étant rendu le premier fur
le lieu, apperÇut un homme d’épée qui fe promenoir.
Il crut d’abord que ç’étoit fon homme;
mais ayant reconnu fon erreur * & craignant qu’un
tiers ne rompît fon deffein, il lui dit fièrement
de fe retirer. L’autre lui répondit fur le même
ton , & des paroles ils en vinrent aux mains.
Pendant cet intervalle, celui qui avoit été appelé
arrive; & voyant fon gafcon aux p rifes ,il lui
demanda pourquoi il lui mànquoit de parole , &
fe battoit contre un autre avant de l’avoir fatisfait?
Cap de bious , répondit le Gafcon, je m’en-
nuyois, & je me fuis mis à fpeloter en attendant
partie.
Je fuis venu fi v îte , difoit un eccléfîaftique de
Gafcogne qui avoit couru à une oeuvre de charité
; je fuis venu fi v îte , que mon ange gardien
avoit de la peine à me fuivre.
Un homme d’efpri.t dit un jour, dans une
converfation où il y avoit un gafcon & de fort
jolies femmes, qu’il étoit moins douloureux de fe
iparier que de fe brûler. Vous voyez bien, mef-
dames, s’écria le gafcon, que, félon lui, vous
n’êtes qu’ un onguent pour la brûlure.
Il y avoit à Conftance un gentilhomme gafcon,
nommé Bonac, qui fe levoit tous lés jours fort
tard. Comme fes camarades le railloient de fa
parelfe : j’ ai, dit-il, tous les matins un plaidoyer
à entendre entre la pareffe & la diligence.
Celle-ci m’exhorte à me lever pour m’occuper à
quelque chofe d’utile; l’autre lui foutient qu’il»,
fait fort bon dans un bon lit bien chaud, & que
le repos vaut mieux que le travail : pendant
qu’elles difpütent ainfi , je les écoute jufqu’à ce
qu’elles foient d’accord, & c ’eft ce qui fait que
je fuis fi long-temps au lit.
Un Gafcon aimoit fortune jolie fille, qui avoit
l’ efprit doux & l’ame noble. Elle travailloit à
l ’aiguille devant lui. Elle fe piqua. Il fit un cri.
A h ! mademoifelîe, s’écria-t-il, que faites-vous?
Voulez-vous vous tuer ? N e favez-vous pas que
toute bleffure au coeur eft mortelle? Car vous
avez de l’ efptit jufqu’aux ongles, & du coeur juf-
qu’au bout des doigts ! ^
Un gafcon,qui ne favoit-où aller dîner, apprit
qu’un bourgeois marioit fa fille, à qui il donnoit
en mariage cent mille livres , il s’avifa à l’heure
du dîner, qui étoit le repas du jour du contrat,
de demander le bourgeois, qu’il ne connoiffoit pas :
Monfieur, lui dit-il, j’ai une proportion à vous
faire, qui vous vaudra cinquante mille livres; mais
il faut du temps pour vous l’expliquer : le bourgeois
lui dit : Nous allons dîner, vous ferez des
nôtres ; après le repas je vous donnerai audience :
c ’étoit juftement ce que le gafcon demandoit; fon
unique but . étoit d’excroquer un dîner. Quand
on eut quitté la table, le bourgeois le conduifît
dans fon cabinet, & l ’invita à s’expliquer : Monfieur,
lui dit le gafcon, vous mariez votre f i l le;
& vous donnez à l’époux pour dot cent mille livres ; d o n n e z -m o i, jé mé contenterai dé çinqîiante
mille livres : ainfi vous gagnerez cinquante
mille livres : le bourgeois ne jugea pas à propos de
faire ce gain-là.
, L ’auteur de la comédie du Grondeur, après
•avoir compofé cette pièce, fe trouvant obligé
d’ aller faire un tour dans fon pays où l’appeloit
une affaire de famille, laiffa fon ouvrage aux co médiens
, en les priant d’y faire les corrections
qu’ils jugeraient néceffaires, & de la repréfenter
en fon abfence. Les comédiens y firent de grands
changemens. La pièce, qui étoit en cinq a êtes,
fut réduite en trois, & jouée telle qu’elle eft
actuellement imprimée. Elle eut nn très-heureux
fuccès;& cependant l’auteur, à fon retour, ail
lieu d’en remercier fes correcteurs, leur fit des
reproches : Me fle u r s , leur dit-il avec fa vivacité
•gafeone, vous ave% mutile, défiguré ma comédie en
voulant la rendre meilleure 3 j ’en avois fait une
pendule; vous en ave^ fait une tour ne-broche.
En Gafcogne & dans les pays limitrophes, il
y a un très-grand nombre de feigneuries, de fiefs,
& de particuliers dont les noms fe terminent
en ac.
« Lorfque j’entends prononce^ un nom qui fe
» termine en ac, difoit Cyrano de Bergerac, je
» fuis toujours tenté de parier , que c’eft celui
» d’un gentilhomme prefqu’ auffi noble que fa ma-
» jefté , & auffi brave que moi».
Un gentilhomme gafcon, entendant parler des
belles aCtions de nos généraux d’armes, & que
dans deux attaques de places, un prince avoit tué
jufqu’ à fix foldats de fa main. Ah ! dit le gafcon ,
voilà bien de quoi s’étonner; je veux que vous
fâchiez que les matelas fur lefquels repefe mes
membres, ne font garnis que des mouftaches de
ceux dont mon e’pée a été viClorieufe 5 & c’elt
de cela dont il faut s’exclamer, & non pas de
petites bagatelles de ce prince dont vous parlez.
Un gafcon fe vantoît d’être defeendu d’une
maifon fi ancienne, qu’ il payoit encore, difoit-iî,
la rente d’une fomme que fes prédécefleurs aVjgient
empruntée pour aller adorer Jefus-Chrift dans la
crèche de Bethléem.
Le jardinier de Fontainebleau fe plaîgnoit à
Henri. IV , en préfence du duc d’Epernon , qui
étoit gafcon, qu’ il ne pouvoit rien faire venir dans
ce terrein-là : mon ami, lui dit Henri, en regardant
le duc, femes-y des gafions, ils pouffent
partout.
Un gafcon difoit ; j’ai l’air fi martial, que quand
je me regarde dans un miroir, j’ai peur de moi-
même.
Bourfàult, dans fes lettres, rapporte cettefin-
gulière faillie d’un officier gafcon; il repréfentoit
à Louis X IV le befoin qu’il avoit d’argent pour
faire fon équipage. Le ro i, qui cherchoit toujours