
Farinelli, jouant le rôle d’ un roi captif, dans
un opéra ital en , mit tant d’expretliôn dans
fa plainte, que l'aCleur qui repréfentoit le tyran,
oubliant fon rô le , l'embrafïa, & dit qu'il ne
pauvoit lui rien refufer.
‘ C e célèbre caftrate eut la vilîte djun muficien
qui n’avoit ni fa fortune, ni fes talents &
qui de-mandoit fa protection. Farinelli étoit
■ alors occupé à nétoyer fes diamans 82 fes bijoux:,
& dit à fon confrère : & vous à quoi vous amu-
fez-vous? Celui ci prit cette demande pour une
injure, & s'en adant, lui dit : & moi ; . . . &
moi, ;e m'amufe avec ce que vous n'avez pas.
Le roi d’Efpagne ayant donné à Farinelli, célèbre
muficien, 8i Caftrate d’ Itali£, l’ordre de
Calatrava celui-ci fut armé chevalier avec les
cérémonies ordinaires , & on lui mit, fuivant
l’ ufage,, des éperons. L ’ambaffadeur d’Angleterre
dit là-deflus : » cha que pays, chaque mode; en
Angleterre , on éperonne les coqs , à Madrid on
éperonne les- chapons.
Après la mort de Philippe, Farinelli retourna
en Italie fa patrie , & comme il faifoit à
Benoît X IV le détail des biens, des emplois,
des honneurs dont il avoit été comblé en Efpa-
gne : c’eft-â-dire, lui dit le pape, lorfqu'il eut
nini, que vous avez trouvé là ce que vous aviez
laiifé ici.
F A T . 11 y a le trait du grand Condé, qui,
ennuyé d’entendre un Fat parler fans celfe de
monfieur fon père, & de madame fa mère, ap-
pella un de fes gens, & lui dit : monfieur mon
laquais, dites à monfieur mon cocher, de mettre
flidfiçurs mes chevaux à monfieur mon carrolfe.
Un petit maître qui plaçoit fort mal fes inclinations
, fut volé en paffant fur le pont neuf.
Comme il raeontoit les cîrconftances de cette
aventure, je ne meToucie pas, difoit - il à fes
flmis , de l'argent que j'ai perdu, mais je regrette
les lettres de ma maîtreffe, que cés coquins
m'ont prifos avec mon argent : vous verrez ,
lui répondit-pn , qu’ils en reconnojcront l’écris
ture.
Un Fat fe plaignit de la grande dépenfe qu'il
étoit obligé de faire en ckevatix ; quelqu'un lui
dit : que ne refervez - vous une partie de vos
revenus pour vous procurer la compagnie de gens
d'efprit. Le Fat répondit avec un air de dérifion :
mes cheva îx me traînent ; mais les gens d'efprit
, . . . » les gens d'efprit, lui répliqua-rt-qn ^
fj vous porteront fur Içqrs épaules, p
FA V A R T . Juftine Benoîte du Roneeray, i
époufe de M. Favart, naquit à Avignon en '
17^7 5 elle étoit fille d’André René du Ronce*
ray , ancien muficien de la chapelle du roi, &
depuis muficien du feu roi Staniflas.
En 1744, mademoifelle du Roneeray parut à
l’opéra comique de la foire Saint-Germain , fous
le nom de mademoifelle Chantilly , première
danfeufe du feu roi de Pologne , & débuta par
le rôle de Laurence , qu’elle joua d’original, duns
une p ece intitulée : les fêtes publiques : elle eut
beauc oup de fuccès, tant dans la danfe, que
dans le chant & le dialogue.
Cette même année , l’opéra comique fut fup-
prime, pareeque fes progrès alarmoient tous les
autres ipeCtacles. M. fa v a r t, qui étoit alors directeur
de es théâtre v pour le compte de l’ académie
royale de mufique , obtint une permiftion
de donner un fpeftacle pantomime à la foire Saint-
Laurent , fous le no n de Mattheus, danfeur
anglois, toujours pour le compte du grand opéra,
afin de remplir les engagemens que l’on avoit pris
avec les 2&eurs de l’opéra comique. Mademoifelle
Chantilly, en fit la réuifite par la façon dont elle
joua dans une pantomime, intitulée les vendanges
de tempé. Sur la fin de la même année, au mois
de décembre, mademo Telle Chantilly époufa M.
Favart, qu’elle fuivit à Bruxelles, parce qu’il étoit
chargé de la direction du fpeCtacle de cette ville.
Ce tut là queTes^ talens fe déyelopêrent : talens
dangereux, qui lui attirèrent, ainfi qu’à fon mari,
les plus cruelles perfécutions de la part de ceux qui
dévoient les protéger. Ils aimèrent mieux pour s’y
fouftraire facrifier toute leur fortune , ce qu4ils
exécutèrent après avoir fatisfait à tous leurs en-
gagemens & payé les dettes de la direction.
Madame Favart, vint donc à Paris , & débuta
au théâtre Italien. Il n’y a point eu d’exemple
d’un plus grand fuccès , mais k Ns perfécutions
fe renouveilèrent, & l’cmpêcherent de continuer
fon début» Enfin elle en triompha, & l’année fui-
vante elle reparut fur le théâtre , avec encore
plus d’avantage.. Une gaîté franche, ru.turtlle ,
rendoit fon jeu, agréable & piquant : f »ubrettes ,
amoureufes,, payfannes, rôles naïfs, rô'es de caractère,
tout lui devenoit propre; en un mot,
elle fe multiplioit à l'iafini, & l’on étoit étonné
de lui voir jouer dans le même jour, dans quatre
pièces différentes, des rôles entièrement oppofés.
La Servante Maîtreffe , Baftien & Baftienne,
Ninette à la cour, les Sulranes, Annette &.L11-
bin , la Fée Urgelle, les moilfonneurs , &c. ont
prouvé qu’elle fiufiffoit toutes les nuances, & que,
n’étant jamais femblabîe à elle- même, elle fe
trànsformoit & p^roiffoit tous les perfonages
qu’elle repréfentoit. Elle irni.oit fi parfaitement
les différens idiomes & dialeCtes, que les perfonnes
dont eMe emprunçpit l'accent* la çroyoient
leur compatriote.
Au retour d’un voyage de Lorraine> madame
•Favart fut arrêtée aux barrières de Paris', vetue
d'une robe de perfe. Gn en trouva ^eux autres
dans fes coffres, ces étoffes étoient alors févere-
menc prohibées; on voulut les faifir : mais elle
eût la préfence d'efprit de dire dans uiibaragoin,
moitié françois ■ moitié allemand , qu’elle étoit
étrangère, qu’elle ne favoit pas les ufages de
France, & qu’elle s'habilloit à la façon de fon
pays.-Elle perfuada.fi bien, que le premier commis
de la barrièrequi avoit refié plufieurs années
en Allemagne, prit fa défenfe, la laiffa
palier, & lui fit beaucoup d’exeufes.
-Les talens qu’ elle poffédoit, n’étoient rien :
•e'n comparaifon des qualités de fon coeur.„Une
•ame fenfîble, une probité intaCte, une généro-
•fité peu commune , un fofid de gaieté inaltérable
, «me philofophie douce confiituoierit fon
»caraCtère ; elle ne s’occupoit que des moyens,
de rendre ferviee ;> elle en cherchoie toutes les
occafions : 8c quoiqu’elle fût fouvent payée d’ingratitude,
elle difoit : » on a beau 'faire, on né
» m’ ôtera point la fiitisfaCtion que /je fens à I
» obliger. «
Au mois de Juin 1771-y- Ia maladie dont elle
•efi morte fe déclara ; fa fermeté,n’en fut point
•ébranlée , 8c quoiqu’elle connût que ■ fon état
étoit defefpéré-, elle continua de jouer pour
l ’intérêt de fes camarades jufqu’à la fin de cette
même année. Elle s’alita le jour des rois, envoya
chercher des notaires pour fon teftament, qu’elle
"fit avec une préfence d’ efprit T une tranquillité
d’amé, &"un enjouement qui les étonnèrent.^Enfui
te elle demanda les fecours de l’églife qui lui
furent adminiftrés. Elle les reçut avec une entière
téfignacion , mais fans rien perdre de fon carac
ière. Elle fit elle-même fon épitaphe qu’elle mit
en mufique, dans les intervalles,des plus cruelles
douleurs : elle plaifantoit fur fon. état & confoloit
ceux qui l’apprpchoicnt. Elle s’occupa des foins
de fon ménage , & des. détails les plus minutieux
■ jufqu’à la furveille de fil mort, qui arriva le 21
■ avril 1772-
Dans le recueil imprimé des oeuvres de M. Favart
, le ^cinquième tome a été mis fous le nom
de fa femme. »-On fent bien, dit l’éditeur, qu’en
■*> la nommant, c’eft nommer fon mari, dont il
. 03 efi aifé de reconoître le ftyle ; mais entre époux
. w de bonne intelligence, les talens & les agrémens
de l’efprit doivent, entrer dans la communauté.
» Madame Favart, à portée de puifer à la fource
H le goût des fentimen s délicats, avec l’art de les
« exprimer , réuniffbit le talent de la compofition
■ à ceux de l’aélion. De là, les fix pièces qui
, rempli fient ce volume. « Les amours de Baftien
& Baftienne, les Enforcelés 3 ou Jeanot &. Jeannette >
la fille mal gardée , ou k Pédant amoureux ; la
E ncycl &p édian a.
Fortuite au village, la Fête d’amour, ou Lucas
& Colinette, & Annette & Lubin.
Madame Favart a eu effectivement part aux
pièces où l’on a mis fon nom, tant pour les fu-
jèts qu’ elle indiquoit, les canevas qu’elle préparâ
t , 8e le choix des airs, que par les penfées
qu’ elle fqurnifioic, les couplets qu’elle compofoit
& différens vaudevilles dont elle faifoit la mufique.
Son mérite en ce genre étoit peu connu, pareeque
fii modeffie l’empêchoit d’en tirer avantage.
Ifolce , retirée dans le fein de fa famille, ellejne
cherchoit point à faire fa cour; elle s’occupoit de
fa profefiion. Sa harpe , fon clavecin , la lecture
étoient fes feuls amufemens. Tout au plus cinq
ou fix perfonnes recommandables par leurs moeurs
Formoient fa fociété. Telle fut madame Favart,
cette aCtrice charmante , que le public chérlffoit,
que fon mari 8c fon fils adoroient, & que fes amis
ne cefferont jamais de regretter.
Voici des. vers que l’on a faits pour être mis
a bas de fon portrait.
Nature un jour époufa l ’art,;
De leur amour naquit Favart,
Qui lemble tenir de fon 'père
Tout ce qu’elle doit à fa mère.
Par M. B aura u , auteur de la fervente maîtrejfe.
FAVEUR. Un gentilhomme s’étoit attaché depuis
long-temps au cardinal Mazarin, de qui il étoit
forteftimé, fansjp’il fût encore arrivé aucun changement
à fa fortune; le cardinal lui faifant tous les
jours des promeffes pour toute récompenfe. Un jour
il témoigna de l’aigreur au cardinal de ne voir jamais
des effets de fes promeffes. Lexardinal, qui ne vouloir
pas perdre, l’ amitié de cet homme, Fapp.ela
dans fon cabinet, & après avoir tâché de lui per-
fuader la neceffité où il avoit été jufques alors*,
de difiribuer les grâces à certaines perfonnes né-
ceffaires au bien de l’état, il lui promit de fon-
ger à lui. Le gentilhomme , qui ne faifoit pas grand
cas de fes paroles, s’avifadelui demander pour toute
récompenfe, la permifiion de lui frapper de temps
en temps fur l’épaule, avec un air de faveur, devant
tout le monde;.ce que fit le cardinal : 8c
en deux, ou trois ans le gentilhomme fe vit accablé
de richeffes , feulement pour donner fon
appui auprès de fon éminence, qui ne lui accor-
doit que ce qmil auroît accordé à tout le monde,
& qui plaifantoit avec lui de là fottife de ceux
qui payoient fi bien fa protection. Les hommes
font tous dupes ; l’opinion donne le prix aux chofes
les plus communes; qui fait fe donner un air important
, & faire valoir fes denrées, les vend bien
cher, & n’en a pas qui veut.
Voici un autre exemple qui confirme cette
maxime. Un jour que M. Colbert dev-oit adjuger
• q u e l q u e s f e r m e s à u n e c o m p a g n i e ^ P . . . p a r u t
1 i i