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de Navailles, qui refufa de l'accepter. Les prédicateurs
profitèrent de cette difpofition des ef-
ÿ>rits, pour s'élever avec force contré ces fortes
de bombats. Un jour que le maréchal de la Force
avoit alïifté-Tàjun de ces fermons, il en fut fi
touché , qiriF protefta en fortant que fi on lui
faifoit un appel, il ne l’accepceroit pas.
Guftavè’ Adolphe, le conquérant du N o rd ,
regardoit, ainfî que Louis XIV , lés combats
particuliers comme la ruine de la difcipliné : dans
le deffein d’abolir dans fon armée cette coutume
barbare , il avoit prononcé la peine "de
mort contre .tous ceux qui fe battroiént.en duel.
Quelque temps après que cette loi eut été portée
, deux officiers lupérieurs, qui avoient eu
quelque démêlé enfemble , demandèrent au roi
la permiffion de vuidér leur querelle l’épée à
la main. Guftave fut d'abord indigné de la pro-
pofition 5 il y confentit néanmoins s mais il ajouta,
qu’il vouloit être témoin du combat, dont il
affigna l'heure & le lieu. Il s’y rend avec un
corps d’ infanterie qui environne les deux champions.
Enfuite il appelle le bourreau de l’armée,
& lui dit : « Dans l’inttant qu’il y en aura un
=» de tué, coupe devant moi la tête à l’autre. »
A ces mots les deux officiers relièrent quelque
temps immobiles 3 mais reconnoiffant bientôt la
faute qu’ils avoient faite , ils fe jettèrent aux
pieds du r o i , lui demandèrent pardon, & fe
jurèrent l’un à l’autre une éternelle amitié.
Il a été vérifié par les regiftres delà chanceller
ie , quevdepuis l ’avenement de Louis XIV à la
couronne, jufqu’ à la vingtième année de fon règne,
il avoit expédié feul, mille lettres de grâces ou
d’abolition pour caufe de duel.
- Malte eft^peut-être le feul pays du monde où le
duel foit—permis par la; loi. C et établiffement
eft originairement fondé fur les principes
romanefques de la chevalerie ; l’abolition du
duel n’ a jamais pu être d’accord avec ces principes;
on y a mis cependant des reftriÇtions qui en diminuent
beaucoup les abus : elles font affez curieufes.
Les combattans font obligés de décider leur querelle
dans une rue particulière de la ville, & , s’ils
ofent fe battre ailleurs', ils font fujets à la- rigueur
des loix. Ce qui n’elt pas moins fingulier & leur
ell plus favorable, c’eft qu’ils font contraints,
fous les peines les plus févères, de remettre leur
épée dans le fourreau, lorfqu’unë femme, un prêtre
, ou un chevalier le leur ordonne On fent qu’au
milieu d’une grande ville, le duel fournis à ces ref-
trîàions, ne peut prefque jamais être bien meurtrier..
DUELS JUDICIAIRES. S’il arrivoit que des
femmes acceptaient les duels qu’on nommoit judiciaires
, voici comme cela fe paffoit •
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On creufoit une foffe à deux pieds & demi de
terre, & large de trois pieds. L’homme qui étoic
dans le cas de fe battre avec une femme, étoit
obligé de defcendre dans cette foffe, autour de
laquelle on formoit un cercle de dix pieds de
diamètre, hors duquel il n’étoit pas permis de
fortir. A l’égard des armes dont fe fervoient les
‘champions, on leur donnoit trois gros bâtons,
longs d’ une aune à chacun; ceux de la femme"
étoientarmes d’ une courroie, au bout de laquelle
il y avoit une pierre d’une livre. Si l’homme, en
voulant frapper la femme, au lieu delà rencontrer,
touchoit à terre, il perdoit un de fes bâtons, il en
étoit de même pour la femme, lorfque voulant
porter forn coup/elle frappoit la terre. Le plus
mal-adroit, ou celui qui perdoit le premier fes trois
bâtons , étoit reconnu pour coupable ; il dépen-
doit du vainqueur de faire exécuter la fentence de
mort, & les loix condamnoient l’homme à avoir
la tête tranchée, ou la femme, à être enterrée
vivante.
DUFRESNY, (Charles-Rivière) né à Paris en
1648, mort dans la même ville en 1724.
. Son'grand père étoit fils d’une jardinière d’A -
net, appellée la belle jardinière, & pour laquelle
Henri IV avoit eu de l’inclination ; auffi Dufrefny
paffoitpour être petit fils de ce prince 3 & lui ref-
fembloit. Nous avons de cet auteur, des comédies,,
des amufemens férieux & comiques, des
nouvelles hiftoriques, &c.
Beaucoup de feu & de vivacité, un goût naturel,
unefprit plein d’enjouement, dédommagèrent
Dufrefny d’une étude opiniâtre a laquelle il étoit
incapable de fe livrer. U a peint les moeurs & les
ridicules de fon fiècle avec décence, avec fineffe ,
avec légèreté ; & fi fes comédies font inférieures
à celles du père de notre théâtre, il y en a très-peu
où l’on ne rencontre des fcènes fingulières & pi-
quantes. Voluptueux, mais fans libertinage, il
chercha à fe procurer toutes les aifances de la vie.
Dufrefny ne connoiffoit point de lendemain ; il dé-
penfoit l’argent à mefure qu’il le recevoit. Il étoit
valet-de-chambre de Louis X IV , & ce prince qui
l’aimoit, fui avoit accordé plufieurs grâces , en-
tr’autres le privilège de la manufacture des glaces
que l’ on fe propofoit d’établir. Dufrefny, preffé
de fatisfaire à quelque caprice , céda ce privilège
pour une fomme affez modique. Le temps vint de
le renouveller, & le roi ordonna aux nouveaux
| entrepreneurs de donner-'à Dufrefny trois mille
| livres'depenfion viagère,dont le poète diffipateur
| reçut le rembourfement. Le roi ayant appris ce
dernier trait de la conduite de Dufrefny, ne put
s’empêcher de dire : je ne fuis point ajfe^ puiffant
pour 1‘enrichir.
Dufrefny quitta la cour après avoir vendu toutes
Tes charges. La contrainte de Verfaillesxie* pou voit
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s’accorder avec fon amour pour l’indépendance. Il
fe fixa à Paris, où il avoit des appartement dans
différens quartiers. Dès qu’il pouvoir foupçonner
qu’il étoit connu dans l’un de ces quartiers, il le
quittoit auffi-tôt.
Dufrefny ne prit point parti dans la querelle fur
les anciens & fur les modernes ; mais il fit affez
entendre ce qu’il en penfoit, lorfqu’il dit dans le
mercure de France, dont il avoit la direction : « En
voyant Homère à travers vingt-fix fîècles, imaginez
vous voir de loin une femme à travers un
brouillard épais. Quelqu’un qui en feroit devenu
amoureux par accident, auroit beau vous crier :
voyez-vous la délicateffe de fes traits, la douce
vivacité de fes yeux, la nuancé imperceptible des
lys & des rofes de ce teint délicat ? Eh ! morbleu,
répondriez-vous à cet amant enthoufiafte, comment
voulez-vous que j’en jugea travers un tel
brouillard. »
Quelqu’un difoit à Dufrefny : pauvreté n’eft
pas vice 3 ce fi bien pis , répondit-il. »
Ce poète qui avoit renvoyé la fortune autant de
fois qu’elle s’étoit préfentée, fe voyoit , dans le
temps du fyftême, fans reffources. Il imagina de
préfenter ce plaeet au due d’Orléans, régent.
« Monfeigneur, il importe à la gloire de votre al-
teffe royale qu’il relie un homme affez pauvre
pour retracer à la nation l’idée de la misère dont
vous l’avez tirée j je vousfupplie de ne point changer
mon état, afin que je puiffe exercer cet emploi.
» Le prince-mit néant au bas» & donna ordre
à Law de compter deux cents mille francs à
Dufrefny. C ’eft meme de cet argent qu’il fit bâtir
cette belle maifon, qu’il appella la maifon de
Pline, r
Dufrefny ayant reçu un jour une fomme affez con-
fidérable, courut chez un ami auffi diffipateur que
lui, ils tinrent confeil fur ce qu’ ils fetoient de cet
argent. Après de mûres délibérations,ils arrêtèrent
qu’ils fe feroient habiller, & que le refte feroit
employé à faire un repas dont il feroit parlé.
Leurs emplettes faites, ' ils fe rendirent chez un
traiteur, à qui iis ordonnèrent de leur tenir prêts
pour le lendemain une prodigieufe quantité d’oeufs
frais, cinquante épaules de veau ôe une centaine
de carpes. La fingularité-de cette‘demande fur-
prit le traiteur, il ne put s’empêcher de rire &
de leur demander s’ils vouloient traiter un régiment.
Dufrefny lui répondit, l’argent à la main,
de ne s'embarraffer de rien. Le traiteur envoya
dès le point du jour aux barrières acheter tous
les oeufs frais dont il avoit befoin ; il fe munit
auffi des épaules de veau & des carpes qu’ on lui
avoit demandées Dufrefny & fon ami fe rendirent
chez le traiteur à l’heure dite ; ils fe firent faire
un-potage de petit lait des oeufs frais; 'ils ne
prirent des épaules de veau qu’un petit morceau
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délicat , & des carpes que les langues ,
dont on leur fit un ragoût aux coulis de perdrix
& d’écreviffes^ Ils firent donner aux pauvres
le furplus des caipes & des épaules de
veau.
Dufrefny avoit, pour l’art de conftruire les jar-
! d'iris, un génie fingulier , & approchant de ce
que nous nommons jardins anglois. Il ne travail-
loit avec plaifir que fur un, terrein irrégulier &
|inégal. Il lui falloit des obftacles à vaincre; &
, quand la nature ne lui en fourniffoit pas, ii s’en
donnoit à lui-même » c ’ell-à-dire , que d’un emplacement
régulier & d’un terrein plat il en faifoit
un montueux, afin, difôit-il, de varier les
objets en les multipliant y & fe ''garantir des
vues voifines , en leur oppofant des élévations de
terre qui fervoient en même temps de belvédères.
Tels étoient, dit-on, les jardins de Mignaux ,
près de Peiffy ; tels font ericore ceux qu’il a
faits dans le fauxbourg Saint-Antoine, pendant
les dix dernières années de fa y ie , dont l’un eft
connu fous le nom du Moulin, & l’autre qu’il
-appeloit le Chemin Creux. On connort auffi la maifon
8c les jardins de l’abbé' Pajot, près de Vin-
cennes 3 & par ces différens morceaux , on peut
juger du goût & du génie de Dufrefny dans ce
genre.
Louis X IV ayant pris la réfolution de faire faire
à Verfailles des -jardins dont la grandeur & la
magnificence furpaffiffent tout ce qu’on auroit vu
8t même imaginé jufqu’alors, lui demanda des
deflins. Dufrefny en fit deux différens. Ce prince
les examina, & les compara avec, ceux qu’on
lui avoit préfentés; il en parut content, & ne
les refufa que par l ’exceffive dépenfe dans laquelle
l’exécution 1 auroit engagé. C e monarque,
qui aimoit les arts, & qui les avoit portés à
leur plus haut degré de perfection, par les ré--,
compenfes dont il prévenoit ceux qui s’y diftin-
guoient, accorda à; Dufrefny un brevet de contrôleur
de Tes jardins.
D U FR E SN O Y , ( Charles Alphonfe) né à
Par s l’an 16 11. '
Dufrefnoy ,étoit fils duri célèbre apothicaire ,
q u i, voulant élever fon fils au-deffus de fon état,
fe propofoit d’en faire un médecin 3 mais Je
jeune homme, par un fingulier rapport de goût
&: d’humeur avec Pierre Mignard, n’avoit de
penchant que pour la poéfie & pour la peinture:,
& fe décida même en faveur de ce dernier
art, malgré les oppofitions de fes parens , qui
raccufoient de vouloir embraffer un métier. Afin
de fe fouftraire à leur mauvaife humeur, Dufrefnoy
fè rendit en Italie , & fut contraint, pendant
. deux ans, de ne fe nourrir, à Rome , que de
pain & de fromage , jufqu’ à l ’arrivée de Mignard.