afin de lui rendre le tempéramment plus mâle .
& plus vigoureux. ( Perefixe}.
L'éloge de ce'bon roi & de ce grand homme
eft partout , & principalement dans Tes coeurs
françois ; nous ne pouvons ici que choifir quelques
traits dans l’immenfité de ceux qui peignent
les vertus & Ton caractère héroïque.
Henri I V 3 dès fa jeuneffe ayant pris pour
emblème Hercule, fymbôle des pénibles & glorieux
travaux y il y joignit cette devife de fon
choix , & quhl a.fi bien juftifiée : invia virtuti
nul la eft via. D’après cela on ne fera pas furpris
d’entendre le fameux Scaliger dire de Henri I V ,
il ne faudroit pas parler mal latin devant le roi.,
car il s’en appercevroit fort bien.
D ’après l’entrevue d'Henri roi de Navarre,
avec Henri III au Pleffis-lès-Touis qui le reçut
très-bien , le roi de Navarre écrivit fur le champ,
transporte de joie, à fon fidèle Mornai. « La glace
» a été rompue, non fans nombre d’avertilfe-.
« mens que, fi j’y allois, j’étois mort. J ’ai palfé
x> l’eau en me recommandant à dieu. » Mornai
” lui répondit : Sire , vous avez fait ce que vous
» deviez , 8c ce que nul ne vous devoit con-
w feiller |§p 1 1
Henri fut élevé au château de Coraffe en Béarn,
fitué au milieu des rochers & des montagnes.
Henri d’Albret voulut qu’on l’habillât & qu’on le
nourrît comme les autres enfans du pays, &
même qu’on l’ accoutumât à courir & à monter
fur les rochers. Vigoureux & infatigable-, grâce
à cette éducation , il paroiffoit attendre impatiemment
les occafions d’acquérir de la gloire.
En i , ce prince n’étant encore que roi de
Navarre, fe mit durant-les troubles delà ligue
à la tête des proteftans. Il marchoit en 1587
contre le duc de Joyeufe, chef de l’armée catholique.
Les deux armées étoient prêtes à* en
venir aux mains : avant le commencement de
l ’aétion , le roi de Navarre fe tournant vers les
princes de Condé & de Soiffons;, leur dit avec
cette confiance qui précédé la viéloire : « Scü-
» venez vous que vous êtes du fan g* de Bourbon :
»3 & vive Dieu , je vous ferai voir que je fuis
od votreaîné. » Et nous , lui répondirent-ils, nous
vous montrerons que vous âve^_ de bons cadets.
Henri s’ appercevant dans la chaleur de I’aélîon
que q u e l q u e s - u n s des f i e n s : fe mettoient devant
lui à deffein de défendre & de cduvrir fa per-
fonne, leur cria : A quartier, ye vous prie, ne
moffufque^ pas , je veux paroître. En effet, il enfonça
les premiers rangs de catholiques , fit des
prifonniers de fa main , & en vint jufqu’à colleter
le brave Catteau Regnard, cornette de
gendarmes , lui.criant d’un ton qui n’étoit qu’à
lui. R'ènds-toi, philïftin.
Les fuyards ayant fait halte, quelqu’un s’imagina
que le maréchal de Matignon , qui comman-
doit une autre armée catholique, paroiffoit, & il
débitoit cette conjecture comme une vérité incon-
teftable.. Allons , mes Amis , dit Henri avec une
gaîté extraordinaire , ce fera ce quon n a jamais
vu , deux batailles en un jour. .( Perefixe ).
En 1 589 , Henri I V qui n’avoit que cinq ou
fix mille hommes , fut attaqué à Arques, village
peu éloigné de Dieppe , par le duc de Mayenne
qui en avoit trente mille. Ce prince foupçon-
nant que les ligueurs tourneroient leurs principaux
efforts contre fon artillerie , y plaça le régiment
Suiffe de Glaris, fur lequel il comptoit beaucoup *
& leur colonel Galaty fur lequel il comptoit encore
plus. Ce qu’il avoit prévu étant arrivé, il
vola, fuivant fa coutume , où le danger étoit le
plus grand. Mon compère, dit-il à Galaty en arrivant,
je viens mourir ou acquérir de l’honneur.
avec vous. Ce mot eut le fuccès qu’il devoit avoir :
' il décida de la journée 5 les ligueurs furent pouffes
de tous côtés & enfin battus. ( Le Grain,
décade de Henri le grand.
François de P a s u n des meilleurs officiers du
temps, fut tué à la bataille d’Yvri en com-
; battant héroïquement fous les-yeux de fon roi.
C e prince touché de ce qu’il venoit de voir & ce
qu’il favoit depuis long-temps de cette famille
guerrière, s’écria : Ventre-fàint-gris, 1j ’en fuis fâ ché;
ny en a t-il plus ? On lui répond que la
veuve eft groffe. Eh bien , repliqua-t-il, je donne
; au ventre la même penfion que cet officier avoitr
i ( Mém. de Feuquières ).
Il n’avoit pas quinze mille hommes lorfqu’ il
affiégea Paris , où il reftoit alors au moins deux
cent vingt mille habitans. Il auroit pu prendre
cette ville par famine. Mais fa pitié pour les
affiégés faifoit que les foldats eux- mêmes, malgré
les défenfes des généraux, tendoient des
vivres aux parifiens. Un jour que pour faire un
exemple on alloit pendre deux payfansqui avpient
amené des charettes de pain à une poterne,
Henri \ts rencontra en allant vifiter fes quartiers :
ils fe jettèrent à fes genoux , & lui remontrèrent
qu’ ils 11’ avoient que ce moyen pour gagner leur
vie : Alle^ ’en paix, leur dit lè roi , en leur donnant
aùffitôt l’argent qu’il avoit fur lui j le bèar-
nois eft pauvre, ajouta-t-il , s3il en avoit davantage
il vous le donner oit.
On confeilloit à ce prince de prendre Paris
d’affaut , avant l’arrivée des troupes auxiliaires
que le roi d’Efpagne envoyoit pour foutenir la
ligue. Mais Henri ne voulut jamais consentir à
expofer cette' capitale aux- horreurs qu’éprouve
une ville prife d’affaut. « Je fuis, difoit i l , le
» vrai père de mon peuple, je reffemble à cette
» vraie mère qui fe préfenta devant Salomon ;
»» j’aimerois mieux n’avoir point de Paris, que
H E N
fe d e l ’ a v o i r t o u t r u i n é & t o u t d i f f i p é p a r l a m o r t
»9 d e t a n t 'd e p e r s o n n e s 93.
Paris fe fournît à Henri I V en 159 4, aùffitôt
qu’il eut embraffé la religion catholique. Ce
prince fignala fon entrée dans fa capitale par ce
trait d’équité.' Des fergens venoient d’arrêter l’équipage
de Lanoue , pour des engagement que
fon illuftre père avoit pris en faveur de la bonne
caufe. Ce fier & valeureux officier alla fe plaindre
àTinftant d’une infolêncefi marquée. Lanoue ,
dit publiquement le roi , i l faut- payer fes dettes ,
je paie bien les miennes* Après cela il le tira à
l’écart & lui donna fes pierreries , pour les engager
aux créanciers à la place du bagage qu’ils
lui avoient pris. ( Perefixe ).
La foule l’incommodoit à fon paffage 1 & fes
capitaines des gardes vouloient faire retirer le
peuple. « Donnez vous en de garde, leur dit-il,
» j’aime mieux avoir plus de peine & qu’ils me
?» voient à leur âifej ils font affamés de voir
w un roi ».
Après la victoire de Courtrâs & la mort de
Joyeufe , on préfenta à Henri I V 'les bijoux &
autres magnifiques bagatelles du voluptueux favori
: il ne voulut pas même les regarder. « Il
» ne convient, dit-il , qu’à des comédiens de
33 tirer vanité des riches habits qu’ils portent.
Le véritable ornement d’un général eft le courage
la préfence d’efprit dans une bataille, & la
clémence après la vidoire.
9p ■ "
Quand’ ce prince donnoit fa parole , il ajou-
toit ordinairement : Foi de gentilhomme.
Le nonce du pape demandoit à Henri combien
de temps il avoit fait la guerre. Toute ma v ie ,
répondit ce grand prince j & jamais mes armées
il ont eu. d autre 'général que moi,. ( Folard , Corn-
mentaires fur Polybe ).
, .Henrif eut le malheur d’exercer prefque tou--
jours fes talens militaires dan,s des guerres civiles.
Aufll ce prince paroiffoit affligé après la vidoire.
» Je ne puis me réjouir, difoit-il, de voir mes
33 fujets étendus morts fur la place 5 je perds lors ;
33 même'que je gagne, 3?.-;
Un ambaffadeur turc exagérôît les forces du
fultan fou maître, & paroiffoit étonné qu’un
roi q u i, comme Henri, n’etoit monté fur le
trône & ne s’ y étoit affermi qu’à force de victoires
, n’eut qu’ une très-petite armée. Où règne
la juftice, repartit ce grand prince , la force ne fi
guere nécejfair.e.
. ^ d i f o i t q u e le s g r a n d s h o m m e s é t o i e n t t o u j
o u r s l e s d e r n i e r s à c o n f e i l l e r la g u e r r e & le s
p r e m i e r s a l ’ e x é c u t e r «
H EN
Quel prince montra plus d’intrépidité & de
genérofîté envers fes ennemis, envers ceux même
qui pouffés par un zèle fanatique en vouloient
a fa vie ! En 1610 , un officier flamand au fervjee
d’Efpagne, nommé Michaux , avoit offert fes. fer-
vices à ce prince, fous prétexte-d’être mécontent
de la cour de Madrid , mais en effet pour trouver
l’occafion de lui ôter là vie. Henri infirme de ce
projet alla à la chaffe , accompagné feulement du
traître, qui étoit bien monté, & avoit deux pifto-
lets bandés & amorcés. Capitaine Michaux, lui dit
le prince , mets pieds■ a terre ; je veux voir f i ton
çhevalefi aufti bon que tu le dis. Le ton de Henri
en impofa. à l’affaflin qui obéit fans difficulté.
Le roi fauté à l’inftânt fur le cheva'. Veux-tu ,
ajouta-t-il , tuer quelqu’un ? On m’a dit que tu en
voulois a mes jours ; je fuis le maître des tiens.
En difant ces mots, il lâche les deux, piftolets
en l’air, & lui ordonne de le fuivre. Le capitaine
défavoua le projet qu’on lui imputoit, prit
congé deux jours après , & ne parut plus (■ Perefixe
y. ■ '
Quelqu’un voulant engager ce bon prince à
punir l’auteur d’une fatyre amère faite contre lui ,
intitulée : L’ ifte des hermaphrodites, « Je ferois
>3 confcience , lui dit-il, de fâcher un homme
3> pour avoir dit la vérité 33.
Il n’avoit pas la même indulgence pour les
cffnfes qui ne le regardoient point. Le jour des
Rois étant à la me fie , comme il s’approchoit
pour communier , M. de Roquelaure fe jètta à
fes genoux. C e feigneur avoit épié cette occafion
comme la plus favorable à la grâce qu’il vouloit
demander pour un de fes parens , coupable d’une
violence envers un magiftrat. Il fupplia le roi de
vouloir bien pardonner au coupable pour l’amour
de celui quil alloit recevoir, Ôc qui ne pardonnoit
qu’à ceux qui pardonnoie,nt. Sa majefté lui répondit
en le regardant d’un-oeil févère : « Ailez
'v & me laiffez en paix ; je m’étonne - comme
» vous ofez me faire cette requête, lorfque je
3? vais protefter à Dieu de faire juftice , & lui
» demander pardon de ne l’avoir pas faite. »
( Mémoires pour l ’hîftoire de France. Tom. II. )
j j nfa de févérité eh vers'le maréchal de Biron
quî avoit confpiré contre lui, & ne voulut point
accorder la grâce au coupable 5 mais ce fut principalement
l’obftinatîon du maréchal qui le perdit.
« S’il eût voulu me dire la vérité d’une chofe
>3 dont j’ ai la preuve par écrit,. difoit Henri , il ne
33 feroit pas où il eft. Je voudrois avoir payé deux
3» cens mille écus & qu’ il m’eût donné lieu de lui
” pardonner. Il m’a bien fervi, mais je lui ai
!» fauvé la vie trois fois
C e bon prince aimoic la plaifanterie & lafouf-
frok volontiers aux compagnons de fes victoires.
Se promenant un jour aux environs de Paris, il