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prèfeata Couvent devant le ro i, fans qu'il fut
queftion de rien. Sa majefté lui dit un jour : « M. de
» Lamo'gnon, vous ne me parlez plus de votre
»» penfion «. Sire , lui répondit ce magiftrat,
j attends que je L'aie méritée. — « Si vous, le
» prenez de ce côté-là, lui dit le roi, je vous
»» dois des arrérages ». En effet ces arrérages
furent payes, à commencer du jour que M. de
Lamoignon avoit demandé la penfion.
Lorfqu’ il eut accordé l'archevêché de Paris
à M. de Noailles, alors évêque de Châlons-fur-
Marne, il lui dit : « Si j’avois connu un plus grand
» homme de bien & un plus digne fujet, je
33 Taurois choifi ». Paroles d'autant plus remarquables
qu'elles étoient vraies.
Le monarque gratifia par la fuite cet archevêque
du chapeau de cardinal. Lorfque le nouveau
cardinal vint remercier le roi de la pourpre
que Sa majefté lui avoit fait obtenir:» Je fuis
33 affuré , M. le cardinal, lui répondit Louis ,
33 que j'ai eu plus de plaifir à vous donner le
»3 chapeau, que vous n'en avez eu à le rece-
» voir 33.
Lorfque l'abbé de Pompone eut perdu fon père,
Simon Arnauld, fecrétaire d'état & miniftre des
affaires étrangères, Louis X I V 3 voulut bien fou-
lager fa douleur en la partageant. C e prince lui
dit : « Vous pleurez un père que vous retrouverez
33 en moi, & moi je perds un ami que je ne re-
» trouverai plus ».
C e prince avant permis à M. le duc d'Antin,
fur-intendant des bâtimens, de placer dans fa
gallerie quelques tableaux de fa majefté, le duc
leur fit faire des bordures magnifiques. Un jour
qu'il répétoit au roi que ces bordures ne coûtoient
rien à fa majefté, & Que c’étoit lui qui en avoit
fait toute ladépenfe : D ’Antin, lui répondit Louis,
en fouriant, i l n'y a que vous & moi dans le
royaume qui le croirons.
Un de fes muficiens avoit tenu quelques propos
contre un prélat qui étoit alors maître de
la chapelle. Le prélat offenfe, fe trouvant un
jour dans la tribune du roi, voulut, après que ce
muficien eut chanté, faire obferver à fa majefté
qu'il perdoit fa voix, & ne chantoit plus aufli bien
qu'autrefois. Le roi prévenu des motifs, qui indif-
pofoient le prélat, répondit : Dites q u il chante
bien, mais qu'il -parle mal.
On a rapporté que Louis X I V écrivit ce billet
pour M- le duc de la Rochefoucault : « Je me
»> rejouis comme votre ami, de la charge de grand-
33 maître de ma garde-robe, que je vous ai donnée
» comme votre roi ». On ajoute qu’il montra
ce billet à M. de Mentaufier, & que ce courtifan
véridique, lui ayant dit que c’étoit de l'efprit mal
employé , Louis fupprima le billet.
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Il y a d’autres traits qui prouvent que ce prince
avoit allez' d'élévation dans l’ame pour rejetter
toute adulation fervile. Boileau Defpréaux criti-
quoit un jour en fa préfence des vers que fa majefté
avoit trouvé bons. Quelques courtifans voulurent
relever cette hardieffe du poète. I l a raifon,
dit le roi, m s'y connoît mieux que moi.
Un gendarme, emporté dans un jour de bataille,
par un cheval fougueux, heurta Louis X IV ,
qui, dans un premier mouvement, leva fur lui
fa canne. Le gendarme, dëfefpéré de cet affront,
préfenta au roi fon piftolet par le pommeau, en
lui difant : Sire, vous venez de m’ôter l'honneur ,
ôtez moi la vie. Cette fenfibilité ne déplut point
au monarque, qui avança même ce brave homme
allez rapidement.
Louis X IV 3 après une repréfentation de la Bérénice
de Racine, dit à Dodart fon premier médecin
: « J'ai été fur le point de vous envoyer
» chercher pour guérir une princeffe qui vouloit
>3 mourir fans favoir comment 33.
A la campagne de 1667, M. le duc de Charoft,
capitaine des gardes-du-corps, voyant Louis X IV
aller à la tranchée, & s’expofer comme le moindre
de fes officiers, lui dit avec une brufquerie toute
pleine de zèle , que ce n’étoit point là fa place,
& qu’abfolument il ne l'y fouffriroit point. « Et
» quoi, lui dit ce jeune monarque, Henri IV ,
33 mon ayeul, dont j'ai deffein de fuivre les
» traces, n’ alloit-il pas aux coups, & ne com-
» battoit-il pas lui même ? — Henri I V , re-
» pondit M. de Charoft, combattoit pour ac-
» quérir le royaume que votre majefté n'a qu’ à
»3 conferver ».
Louis X I V en 16 72, étoit aux portes^ d’Amf-
terdam , qui, dans ce moment , ne pouvoit probablement
lui réfifter, & où l'épouvante étoit
générale. Les magiftrats s’affemblent & délibèrent
fur ce qu'il y avoit à faire dans une telle circonf-
tance 5 & l'on convient unanimement de lui porter
les clefs de la ville. On s'apperçoït alors qu'un
vieux bourguemeftre endormi, n’a pas donné fon
fuffrage. On le réveille; il demande ce qui a été
délibéré : « D ’aller offrir au roi les clefs de la
» ville.— Les a-t-il demandées? repartit le vieux
» dormeur: pas encore, lui replique-t-on. En
» ce c a s , meffieurs , leur dit-il, attendez du
» moins qu'il les demande » ; & ce feul mot,
à ce qu'on d it, fauva la république.
Le nonce difoit à Louis X I V , dans le temps
que les Génois dévoient envoyer leur doge 8c
quatre fénatturs en France, pour faire fatisfac-
tion au roi : s’ils enyoent le doge, & ces quatre
fénateurs , ils n'auroient plus perfonne pour les
gouverner : il eft bon, dit le prince, qu'ils viennent
apprendre ici à bien adminiftrer.
Un gentilhomme, nommé Villiers, qui lo-
geoit chez le duc de Vendôme à Verfailles , étoit 1
bien perfuadé de la bonté de caradtère de Louis
X I V , puifqu'il ofoit critiquer tous les embel-
liffemens que ce prince faifoit faire à Verfailles.
Le roi l'ayant rencontré un jour dans les jardins :
«e Eh bien, lui dit-il, en lui montrant un des
»» nouveaux onvrages, cela n'a donc pas le bon-
» heur de vous plaire ? Nontftres répondit Villiers.
» Cependant, reprit le roi, il y a bien des gens
» qufn’en font pas fi mécontens. Cela peut être,
»» reprit Villiers, chacun a fon avis. Le roi en
m riant, répondit : on ne peut pas plaire à tout le
3» monde »».
Sa modération vis-à-vis M. de Lauzun, a quelque
chofe de fublime. C e courtifan enivré de fa
faveur, fe plaignoit hautement des défenfes que le
roi lui avoit faites d’époufer mademoifelle de Montf
enfier. Un jour qu’il ofoit reprocher durement à
,ouis de ne pas tenir fa parole, ce prince s'approche
auffitôt d*unefenêtre, & y jette la canne qu’ütenoit.
A Dieu ne plaife , dit-il, que je m'en ferve pour frapper
un gentilhomme !
C e prince ne put jamais fe réfoudre à établir la
peine de mort contre les déferteurs, quelques inf-
tances qu’on lui en fît. Le marquis de Nangis ayant
répondu au reproche que le roi lui faifoit que
fon régiment n’étoit pas complet : « Sire, on n’en
3» viendra jamais à bout, fi l’on ne cafte la tête aux
* déferteurs 3>. Le roi lui répliqua : Hé ! Nangis 3
ce font des hommes.
Dans ta campagne de Lille en 1667, le roi commanda
lui même fes troupes. Il avoit fous lui le
maréchal de Turenne. On fit le fiège de Lille. Un
jour que Louis fe tenoit à la tranchée dans un
lieu où le feu étoit très-vif, un foldat le prit ru- ,
dement par le bras, en lui difant : Oteç-vous, eft-
ce-ïa votre place*. Les courtifans appuyant auffitôt
fur ce mot, s’etnprefsèrent à vouloir lui perfuader
de fe retirer. Il parut pencher à fuivre des con-
feils lî timides, lorfque le duc de Charoft s'approchant
de fon oreille, lui dit à voix ba (Le : S ire 3
i l eft tiré, i l faut le boire. Le roi le crut, demeura
dans ta tranchée j & lui fut fi bon gré de cette fermeté,
que le même jour il rappela le marquis de
Charoft qui étoit exilé. ( Mém. de Choify. )
Ce prince montra beaucoup d'intrépidité aux
fieges de Mons & de Namur. « Mon fils, dit-il à
•* monfeigneur, la place d’un roi e f t , où eft ta
« danger ».
Le comte de Touloufe, qu’ il avoit mené avec
lui à un de ces lièges, reçut à côté de lui une
contufion au bras d’une balle de moufquet. Le
roi entendant le fiflement de 1a balle, demanda fi
quelqu’un étoit blefle : « Il me femble, répondit
». ta jeune prince, que quelque chofe m'atouché »,
Depuis, le fecrétaire d’état ayant mis dans le*
provifions du gouvernement de Bretagne , que
M. de Touloufe avoit été blefle à côté de fon
père : «e Rayez cela, dit le roi, c ’eil une bagatelle
» pour mon fils »>.
Louis favoit, rendre juftice à l’amour du fran**
çois pour fon prince. Qui mieux que lui en effet
étoit perfuadé que cet amour eft toujours le plus
fûr gardien du trône. Dans les dernières années
de fon règne, ta France étoit réduite à de grandes
extrémités. On craignoit que le piince Eugène
n’entrât dans le royaume, & l'on prétend qu'il fe
fiattoit de venir jufqu’ à Paris. Lorfque le maréchal
de Villars prit congé du roi avant de partir pour
la Flandre : « Vous voyez, lui dit ce prince, où
»> nous en fommes,* vaincre ou périr; cherchez
» l'ennemi, 8c donnez bataille. —— Mais, ftre ,
*3 réprit le maréchal, ceft votre dernière armée. —
»» N ’importe, répliqua le roi : je n’exige pas que
3» vous battiez l ’ennemi ; ma‘s je veux que vous
33 l’attaquiez. Si ta bataille eft perdue, vous me
»3 l’écrirez à moi feul; vous ordonnerez au couri: r
» de ne voir que Blouin. Je monterai à cheval »
33 je pafferai par Paris, votre lettre à la main ; je
33 connois les François; je vous conduirai deux
» cents mille hommes, & je m'enfevelirai avec
» eux fous les ruines de la monarchie 33.
Louis X IV , excelloit dans ce qu’on appelé
tenir une cour. C'eft aufli ce que penfoit une jeune
dame qui étoit allée vifiter Verfailles pendant que
le roi en étoit abfent. N'eft-ce pas, lui dit-on, un
palais enchanté i Oui 3 répondit-elle ; mais il faut
que l'enchanteur y foit.
Les fêtes qu’il donna à Verfailles furpaflent
toutes celles dont on lit ta defeription dans les
romans. Il danfoit dans les ballets de ces fêtes
avec les principaux feigneurs & dames de 1a cour,
& continua cet exercice jufqu’en 167©. U avoit
alors trente-deux ans. On repréfenta devant lui à
Saint-Germain , ta tragédie de Britannicus ; il fut
frappé de ces vers :
Pour mérite premier, pour vertu finguliére,
Il excelle à traîner un char dans la carrière,
A difputer des prix indignes de fes mains
A fe donner lui-même en fpeâacle aux romains.
Dès-lors il ne danfa plus en public, & le pcc.c
réforma le monarque.
C e prince avoit témoigné qu’ il fouhaitoit
qu’on abattît quelque jour un bois entier qui lui
ôtoit un peu de vue. M. d'Antin fit feier tous
les arbres près de ta racine , de façon qu’ils
ne tenoient prefque plus : des cordes étoient attachées
au pied de chaque arbre, & plus de douze
cents hommes étoient dans ce bois prêtsau moindre
fignal. M. le duc favoit le jour que le roi devoit
. fe promener de ce côté avec toute fa cour. Sa
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