
Une nommée Chatri, femme d*un tailleur d é bits
.de la ville de Sens en Bourgogne , & qui
vivoit du temps de Henri I I I , eut vingt ans après
fon mariage'toutes les marqués d’une véritable
grojfeffe : elle demeura trois ans àu lit malade fans
pouvoir accoucher. Enfin, fes douleurs s’étafit
■ appaiféês & ' l’enflure durant toujours, elle demeura
dans cet état près de vingt - quatre ans.
Après fa mort, qui arriva à la foixante-huitième
année de fon âge, fon mari la fit ouvrir ! 8c on
trouva dans fon féin lè1 corps d’une- petite fille ,
tout formé , mais pétrifié. M. d’Alibbar , :qui étoit
alors médecin de la ville de Sens , qui devint
en fuite premier médecin du roi Henri fV | ayant
été témoin oculaire de c'e prodige-, en donna
l ’hiftoire par écrit , avec une lavante differ-
tation.
GROTIUS j (Hugues) né eh 158-2., mort en
164$.
Grotius fut à vingt-quatre ans avocat général
de la ville de Rotterdam. Un des plus beaux traits
de la vie de cet homme illuftre , eft d’ avoir été
l ’ami du malheureux Barneveld, grand penfîon-
ria’.re de Hollande. Mais cette amitié penfa lui
devenir funefte. Deux théologiens, Araiinius &
Gomare, avoient par leurs ridicules difputes di-
vifé tous les Pays-Bas protellans en deux partis,
d’Arminiens ou Remontrans , & de Gomariftes ou
Contre-Remontrans. Barneveld, un des. fondateurs
de la liberté de fa patrie , fe déclara pour la
tolérance en faveur des arminiens ; & Grotius
foütint le parti de fon illuftre ami par fes écrits
& par fon crédit. Maurice d’Orange , qui ne
cherchoit qu’un prétexte pour fe défaire de ceux
qui s’oppofoient le plus à fes projets- ambitieux,
fit condamner le grand penfîonhaire à avoir la
tête tranchée, & Grotius à une prifon perpétuelle.
Celui-ci fut en conféquence enfermé dans
le château de Louveftein le 16 juin.1619. Mais il
eut au bout de quelque temps le bonheur de fe
Sauver de fa prifon, par le confeil & par l’in-
duftrie de fon époufe. Cette femme avoit remarqué
que les gardes de la fortereffe, laffés de vifiter
& de fouiller un grand coffre rempli de linge
qu’on envoyoit blanchir à Gorcurn, ville voifine,
commençoient à le laiffer paffer fans rouvrir.
Elle crut qu’on pourroit tirer parti de cette négligence,
& confeilla à fon mari de fe mettre dans
Je coffre à la place du linge. Mais, pour ne
rien hafarder, elle fit des trous à l ’endroit du
coffre où il de voit tourner le vifage, & renferma
dedans autant de temps qu’il en falloit pour aller
de Louveftein à Gorcurn. Cet.effai ayant parfaitement
réufli 3 elle choifit le jour que le commandant
étoit obligé de s’abfenter, alla rendre
vifite à la commandante , & lui parla, dans la-
converfation, de la fanté de fon mari, qu’elle
.feignit fi foible, qu'elle vouloit} difeic-eJle, ren^
vover tous fes livres dans un coffre, afin de l’empêcher
de travaijler. Le lendemain elle, arrange fon
mari ùla place de ces livres. Deux foldats viennent,
prendre le coffre & L’empojîent. L’un de cts
foldats trouvant le cofifre plus'-lourd qu’âTordi-
na.ire : M f a u t s’écria-t-il, qu’ il y ait qutlqu arminien
la-dedans : façon de parler alors en ufage.
Effeftivement, répondit la femme de Grotius., il y
a des livres arminiens. Ori defeendit le fardeau
avec beaucoup de, peine. Auxfoj.ns, aux agitations
de la tendre époufe, un des foldats eut,encore
quélqùes foupçons. 11 demanda la clef. Elle ne fe
trouva, pas, comme on le penfe bien. Il va prendre
les ordres de la commandante,, q u i, prévenue la
veille par madame Grotius elle-même, qu’ elle
vouloit faire tranfporter tous les livres de fort
mari, répondit qu’il n’y avoit qu’à laiffer paffer le
coffre^ & qu’ elle favoit ce qu’il contenoic. Grotius
fut ainfi. t r anfp.orté,, non fans beaucoup d’inquiétudes,
jufqu’ à Gorcurn entz' un de fes amis. II
fort, alors de fa nouvelle prifon, & , fans perdre
de temps, prend un habit de manoeuvre qu’oia
lui avoit préparé, traverfe la. place publique: avec
une règle & une truelle à la main , gagne les
portes de la ville duxôté de la.rivière, 8^ fe jette
dans un bateau,’ qui lé conduifît à Valyie, où il
loua une voiture pour Anversi Arrivé dans cette
! ville, il commença alors,àrefpirer plus à fon aife,
1 & donna des nouvelles .à fa femme, qui feignoit
toujours que fon mari étoit fort malade, afin de
lui donner le temps de fe fauver. Mats quand elle
fut qu’il étoit. en pays de fdreté, elle apprit fon
évafîon aux gardes. Le commandant irrité de voir
fon prifonnier échappé, fit refferrer plus étroitement
fa femme, & lui intenta un procès criminel.
Il y eut des juges qui conclurent à la retenir
prifonnière au lieu de fon mari 5 mais les états-
généraux, auxquels elle préfènta fa requête, lui
accordèrent fon éla;r,giffement.| Une telle femme,
) <ht Bayle, méritéroit dans la république des let-
| très , non-feulement une ftatue, mais aufiî lés
honneurs de la canonifation ; car c’eft à.elle qu’on
eft redevable de tant d’excellens ouvrages que fon
mari a mis au jour, & qui ne feroient jamais fortis
des ténèbres de Louveftein, s’il y eût paffé toute
fa .vie, comme les juges choifis parmi fes ennemis
l’avoient réfolu.
Grotius chercha un afyle en France, & le trouva
. auprès de Louis X I I I , qui, inftruit du mérite de
l’illuftre réfugié , le reçut avec la plus "grande
bonté 3 & lui fit délivrer Je brevet d’une penfion
de trois mille, livres. Gro/ius s par reconnoiffance
pour fon bienfaiteur, lui dédia fon Traite du droit,
de la-guerre & de la. paix. Sa penfion néanmoins
ne lui fut pas toujours exactement payée, parce
que plus occupé, de fés études que de faire fa.
cour au cardinal de Richelieu, premier minïftre,
il parut foûrd aux propofitions qui lui furent
faites d'écrire l ’hiftoire du miniftère de cette éminence.
Les perfécutions que les états-généraux
lui fufeitoient dans ce royaume ij & auxquelles il
ne répondoit .qu’en cherchant à fervir fa patrie
dans toutes les'occafions j & lés dégoûts que lui
fit éffuyer le cardinal',Tobligèfent enfin a fe retirer
en Suède', où Guftâve Adolphe lui accorda fa
protection. Sous le règne de l’illuftre Chrifiiné, fa
fille , il parvint aux plus grands honneurs , ;& fut
nommé ambaffadeur en France. On eut plus d’une
fois occafion de rendre hommage à fa profonde
politique & à fon talent pour la négociation, &
de reconnoître qu’un homme d’études eft toujours
fupérieur dans le maniement des;, affairés à des
hommes diffipés. Quoiqu’il dût.foUvent être flatté
du plaifirde traiter d’égal à égal avec un miniftre
ui lui avoit marqué autrefois trop peu de con-
dération, il n’en défiroit pas moins d’être délivré
du pénible fardea'u du miniltère^ public,
ce Je fuis raffaflié d'honneurs, écrivoit il à fon
» père.........J’aime la vie tranquille, & je ferois
>« fort aife dé ne m’occuper, le refte de mes jours,
9® que de Dieu , &r de ce qui pourroit1 êtreavan-
?» tageux à la pbftérité
De retour, à S.tokolm, il perfifta à fe retirer du
ininiftère.-il obtint enfin cette permiffipn ^qui étoit
une grâce, pourjlui; Mais comme il efpéroit de
jouir à Lubec des bienfaits que Chriftme avoit
accordés à fes fervices & à fes.talens, il tomba
malade en traverfant le Mekelbourg, & fut obligé
de s’y Taire foigner. Son mal augmentant > un
miniftre vint le voir malade j jk le trouvant à
l’agonie., il récita une prière convenable à fon
état. Il lui faifoit quelqu’éxhortation, & lui de-
mandoit de temps en temps,s’il l’entendoit, & le
mourant , après avoir dit. plufieurs fois oui, fit'
cette dernière réponfe : je vous entends bien, mais
j’ai de la peine à comprendre ce que vous, me
dites 5 & un moment après il expira.
'•''Chriftine apprenaht la ’imorb de: cet hèhimé
illuftre , écrivit à fai1 veuve pour Faffurer de f i
protection généreufe, & pour lui demander les ouvrages
de fon mari, marquant avec les plus grands
éloges Teftime: qu’elfe aVoit toujours farte de fà
perforine & de fes écrits.
GUERRE. ;
; On raidit, de l^.^aerr^^ue c ’étoit un jeu de
grinces, qui ne p’aifpit qu’-à ceux, qui le jouoient.
C e jeu fabguinaire a fès rù fe s fe s ftratàgêfriès;
La valeur eff fans doute la vertu la plus:éffen-
tielle a l’homme f e guerre. ; mais heureufement
ç ’eft la plus commune. 11 eft rare de voir celui
Ç^ijiavplufieurs témoins-de. fa mort;, mourir, en
lâche, :
* 1 Là guerre eft pour la plupart de ceux qui s’y
adonnent , ‘ moins ..tin champ de gloire, qu’un
méàeir. Charles-Quint faifoit attaquer, en ; W *
par le marquis de Pefcaire , Pizighitone, place du
Milanez. « Il y avoit dedans , dit Brantôme, trois
« excellens arquebufiers, qui, ayant été mis en
» gardé en un certain lieu fecret de la muraille,
»' regardojent s’ ils ne verroient point quelqu’efpa-
.» gnol, fur lequel ils puffent *dceharger leurs ar-
» quebufes à coups furs. II.arriva qu’ayant cou-
» ché mort par terre lé capitaine Bufto & le ca-
» pitaine Mercado , le troifième 'ayant dreffé foit
» arquebufe contre le marquis de Pefcaire, &
» cherchant à y mettre le feu , tout d’un coup un
» capitaine de P^vie, nommé Je Frarin, avança
» la main & lui arracha la mèche allumée, criant
» à haute voix : A Dieu ne plaife que, par notre
» cruauté , périfie un fi vaillant capitaine , qui eft
« le père des foldats, & qui nous maintient,
« encore que nous foyons ennemis; mais au con-
» traire, conferyons lui la vie, afin de vivre da
» gain de nos foldats , & que nous ne mourions
point de faim au milieu d’une paix lente & pa-
» reffeufe. Ainfi lui fut fauvéela vie. Il avoit railon
» de- parler, ainfi ; cai;:,'comme-enneçni de paix &
» ami de guerre, il leur entretenoit toujours leur
»gagne-pain».;
Un prince , lé plüs- grand' général dé fon fiècle^
difoit que fi le lendemain d’une bataillé, les rois
vifitoient leurs hôpitaux, ils ne feroient jamais, la
guerre. Dé tels fentimens vàlënt bien uneviétoire,
qui, après tout, n’eft qu’une brillante calamité.
Une des maxim,es d’Henri IV étoit : que les
hommes vaillans fqnt toujours les derniers à con-
feiller la guerre,- & les premiers à l'exécuter. Il
répondit à ceux qui lé p.reffoient de rompre les
négociations de Vervins : qu’éta"nt une chofe barbare
, contre les loix & la nature, de faire le guerre
pour l’amour de la. guerre, un prince ne dévoie
jamais refufer la paix, .à moins qu’elle ne lui fût
tout-à-fait défavantageufe. j
Un anglois a' écrit à un françois de fes amis
à- propos de - la guerre :■ « Nous nous qccu-
• » pons les uns les autres à nous écorcher tout
»..vifs :, pour -nous embraffer de nouveau quand
: » nous n’aurons plus de fang dans les veines ».
La première guerre entreprife dans l’efpnt de
conquête , remonté au temps d’Abraham. On lit
dans la Gerièfe qtié Codor-ia-Homor 3 roi des éla-
ifiitës, s’étôit affujetti les rois de la Prntapole.
; (Le mot Pentapole viéût des mots grecs wevrs itoa^
I qui lignifient cinq villes ). Les auteurs profanes
j h’.ônt point connu de conquérant plus ;ahéien que
Ninus, roi d’Affyrie. Il fut de beaucoup pofté-
rieur au héros de la Genèfe. :
Le fabre, l’épée 8c l’arc étoient déjà en ufage
du temps d’Abraham. Abraham prend : fon ép.éè
pour immolèfiTfaac. Siméon & Lévi entrent l’épée
à la main dans Sichem, pour maffacrer les habîtans.'
* L’ecriture dit qu’Ifmaël fe rendit habile à tirer
S f f 2.