
B c o Q U I
davantage vos amis ». L'abbé Quillet, plein de
reconnoiffance, fe hâta de défavouer la première
édition cie fon poème, de la corriger & de fubfti-
tuer 1 éloge a la fatyre. Il fupplia même le miniltre
de vouloir bien permettre quel le lui dédiât j ce
qui lui fut accordé.
Quillet avoit compofé plufteurs autres ouvrages î
mais ils n’ont point été publiés. II donna en mourant
tous (es écrits à Ménage , & cinq cents écus
pour les faire imprimer j on dit que Ménage prit
l'argent, & garda les papiers.
Q U IN A U L T , poète françois, né à Paris en
163 y I mort en 1688.
Quinault méconnut d’abord fes talens, & s’adonna
fans fuccès à la comédie & à la tragédie. Il
régné d'ailleurs dans fes pièces tragiques un ton
fade & doucereux qui fit dire à Boileau :
Les héros dans Quinault parlent bien autrement,
Etjufqu’à je vous hais, tout s’y dit tendrement.
C e poète, né avec une oreille faîne & délicate,
& un coeur tourné à la tendrefle, paroiflbît plus
propre à compofér des vers lyriques, genre de
poéfie, où en effet il'réuflit parfaitement. Sa poéfîe
elt légère & facile j fes paroles font toujours har-
monienfes & fonores. On 'admire fur-tout dans fes
opéras une adrefle (ingulière à manier & à varier
Jes fenrfmens confacrés à ces fortes de poèmes. Il 1
avoit de plus une docilité merveilleufe à fe conformer
aux idées, ou plutôt aux caprices du mufîcien.
On ajoute qu’il pofledoit à un degré éminent le
talent de la déclamation, & que Lully lui failoic
fouvent réciter fes vers, jufqu’ à ce qu’il eût faifi
les inflexions de fa voix, pour les,faire paffer dans
fon récitatif. Il s’eft élevé du vivant de ce poète
bien des détraéleurs de fa réputation ; mais la
poftériçé lui a rendu juftice, & reconnoîc aujourd’hui
que Lully' doit la plus grande partie de fa
gloire à Quinault/ Peut-être arrivera-t-il qu’un
jour ou oubliera la mufique de Lully j mais on ne
ceflera point de lire les poèmes du créateur de notre
fcène lyrique.
C e poète, né d’un caraélère doux, compîaifant
fz fans fiel, ne chercha jamais à fe venger des fam
é s injuftes de fes contemporains. Il étoit fils
d’un boulanger, & c’eft à quoi Furctièr.e fait-al-
lufion dans ce trait fatyrique^ « Quinault, dit-il,,
v eft la meilleure pâte d’homme que Dieu ait ja-
» mais faite ; il oublie généreufement les outrages
» qu’il a foufferts dé fes ennemis, & il ne lui en
» relie aucun levain fur le coeur. Il a eu quatre ou
» cinq cents mots de la langue pour fon partage .
v qu’il blutte, qu’il fa fie & refafle, & qu’il pé-
.» trit le mieux qu’il peut ».
Qiiinfiuh fyc fpjmé dès î’çnfancç â l a poéfie
q u 1
par Triftan l’Hermite qui avoit vieill! dans la carrière
du théâtre. Il n’avoft que dix-huit ans lorf.
qu il compofa fa première comédie intitulée, les
Rivales. Les comédiens étoient alors dans l’ufage
d.aeheter des auteurs les pièces de théâtre qu’on
leur préfentoit ; au moyen de quoi le profit de la
recette étoit entier pour eux. Cet ufage avoit fon
inconvénient; car il arrivoit aflez foiivenç que la
pièce ne faifoit pas fortune dans le public. Aufli
les comédiens mettoient ils un prix aflez modique
à leurs emplettes. Quelquefois la réputation de
l’auteur faîfoit acheter plus cher l ’ouvrage.Triftan,
pour rendre fervice à fon élève Quinault, fe chargea
de lire aux comédiens la pièce des Rivales.
Elle fut acceptée avec de grands e'ioges de la part
des a&eurs, qui convinrent d’en donner cent écus.
Alors Triftan leur apprit que cette comédie n’étoit
point de lui, mais d'un jeune homme appellé Qui•
nault, qui avoit beaucoup de talent. C et aveu fit
retracer les comédiens j ils dirent à Triftan; que
la comédie dont il avoit fait la leélure, n’étant j
point de fa compofition, ils ne pouvoient hafarder
plus de cinquante écus fur fa réuflite. Tiftan înfifta
en vain pour faire revenir les comédiens à leur
première propofition -, enfin il s’avifa d’un expédient
pour concilier les intérêts de ces derniers
& d e Quinault ,• il propofa d’accorda- à Quinault
le neuvième de la recette de chaque repréfenta-
tion pendant le temps que cette pièce feroit repré-
Tentée dans fa nouveauté, & qu’enfuite elle ap-
partiendroit aux comédiens. Cette condition fut
acceptée de part & d’autre, & a été fuivie depuis.
Anecdotes littéraires.
Quinault joignit au travail ftérile du théâtre, l’étude
du droit à laquelle il fut redevable de fa fortune
j car la veuve d’un riche marchand, dont il
arrangea les affaires avec fuccès, lui accorda pat
reconnoiflance fa main & fes biens. C e mariage
. le mit en état de traiter d’une charge d’auditeur
des comptes î mais lorfqu’il croyoit s’en mettre
en poffeflïon, on Et quelque difficulté de le recevoir.
Les officiers de la chambre penfoient qu’il
n'étoit pas de l ’honneur d’une'compagnie aufli
grave que la leur, d’admettre dans leur corps un
homme qui avoit-1 compofé des tragédies & des
comédies : mais cette oppofition ne dura pas longtemps,
& Quinault fut reçu î ce qui fit dire
â un plaçant, qu’il étoit bien jufte .qu’un
homme qui avoit tint fait d’auditeurs, le fut à
fon tour.
Quinault renonça dès-lors au théâtre de la comédie
; mais ce fût pour fe livrer entièrement à
la poéfîe lyrique. Louis X IV ayant goûté flppcra
qui ne fafoit que de naître en France, l’engagea
à compofer ces fortes d’ouvrages, & pour l’encourager,
lui accorda une penfion de deux mille
livres.
Ce poète fe plut à chanter les lpuanges du roi, J
p fofl,
Q U I
fon bienfaiteur, dans les prologues de fes opéras.
On pourvoit peut-être lui reprocher d avoir porte
trop loin ces fortes de louanges. Apres a bataille
d'Hocbftet, un prince allemand dit malignement'
à un prifonnier françois : “ Monfièur, faît-on
maintenant des prologues en France ».
Quinault fe vit père de cinq' filles , & un jour
le roi lui ayant preferit'le fujet d’un opéra, fi
répondit par ce madrigal :
Ce n'eft pas l’opéra que je fais pour le roi
Qui iti’empêché d’être tranquille ;
Tour cc qu’on fait pour lui paraît toujours facile.
La grande peine où je me vo i,
C’eft d’avoir cinq filles chez moi,
Dont la moins âgée eft nubile.
Je dois les établit 5c voûdrois le pouvoir :
Mais à fuivre. Apollon, on ne s’enrichit guère 3
C’eft avec peu de "bien un terrible dévoie
De fe féntir prefle, d’être cinq fois beau-père.
Quoi ! cinq a&es devant notaire
Pour cinq filles qu’il faut pbùfvoir î
O Ciel ! peut-on jamais avoir
Opéra-plus fâcheux à faire î
jean Baptifte Maurice Quinault l’aîné, excellent
comédien pour le comique, 3c fur-tout pour
les rôles de caradère & de père, fut reçu en
1712 au théâtre françois. Il joignit au talent d ac-
,teur celui de mufîcien; Se outre fes dtvertiffemens
compofés pour différentes pièces, il fit la mufique
des Amours des Déeffes. Il s'étoit retiré du ihéâ-
■ tre, & il y reparut en 1731.; mais il 1 abandonna
bientôt après tout-à-fàit, & mourut vers 1744.
Les demoifelles Quinault étoient trois foeurs de
Quinault l’aîné, & filles du comédien Quinault,
qui avoit commencé à jouer en 1693, & s etoit
retiré du théâtre en 1717. L'aînée de ces trois
Q U I 801
foeurs , appellée Françoife, avoit époufé Hugues
de Neflé, comédien, & étoit très'gracieufe actrice
: elle avoit débuté en 1708, & mourut en
1713 ,-âgée de vingt cinq a n s 5 elle jouoit les pre-
mifeis rôles dans le tragique & tous les rôles comiques.
La fécondé, Marie-Anne, fut reçue en
1714, & quitta le théâtre en 1722. La troifîème
enfin, Jeanne Françoife, débuta par le rôle de
Phèdre en 1712, fous le nom de mademoifelle
Dufrefne, & enfùite fous celui de Q^nault. C ’é-
toit une excellente adtrice , qui jouoit parfaitement
les rôles comiques chargés. Elle fe retira en
même temps que Dufrefne, fon frère.
Mademoifelle Quinault, célèbre au théâtre par
fes. rôles de foubrette & de caraétère, répétoit
quelquefois fon rôle devant un miroir, non pour
étudier fes mouvemens, mais pour fe corriger ;
elle priait fes amis de fe cacher, fans quelle en
fût rien, & de lui dire enfuite ou elle avoir
manqué.'
Q U IPR O Q U O . L ’inftituteur de l’archiduc
Charles, un des frères de l’empereur, lui expli-
quoit le paflage de l’ancien teftament, où il eft dit
que Salomon avoit trois cents femmes &fep t cents
concubines. Sur quoi, s’arrêtant tout-à-coup:
Q u’eft-ce que des concubines ? ( s’écria le jeune
prince). L’inftituteur, que là queftion embarraf-
foit, après avoir héfité quelques inftans, lui répondit
, qu’on appelloit ainlî les dames du palais
de Salomon, & fe hâta de changer de difeours.
Dès le foir même, à l’aflembîée, l’archiduc
folâtrant avec toutes les dames de l’impératrice, fa
mère, leur dit en fouriant, « qu’il favoit bien ce
qu’elles étoient ». Prefle d’expliquer ce qu’il enten-
doit par-là : « Vous croyez donc que j’ ignpre encore
que vous êtes concubines de mon père ». A
ce mot, les dames de rougir & de ne favoir comment
prendre la chofe. C e qui ayant été remarqué
par l’impératrice, & l’explication ayant fuivi de
près, fournie ample matière aux plaifanteries de
la foirée*
E ncyclop édiana, I î i ü