
de fe retirer au moins quelques inftans. « Qu*îm-
» porte3 leur dit-il, de fe faire panfer, fi nous.
» devons mourir ici ? Ht ^ fi nous en revenons ,
» il y aura afifez de temps pour cela , .ce foir. »?
Avec le même fang-froid qu’il avoit fait cette ré-
ponfe, il continua de combattre &r de donner fes
ordres. La fermeté de ce grand général fit une
jmpreflion étonnante fur l’efprit des troupes. Elles
redoublèrent leurs efforts, & parvinrent enfin 3
ie rendre maîtres du champ de bataille.
C e prince mourut avec la réputation d’avoir
été lé plus grand capitaine de fon fiècle. Quoiqu’il
eut eu de grands fuccès à la guerre, il n’a-
voit pas toujours été content de la confiance
quon ayoit en lui. Un de fes amis lui demanda
un jour, dans le tems de la longue guerre pour
la fucceflion d’Elpagne, la caufe de la profonde
rêverie où il le voÿoit plongé : « Je faifois ré-
» flexion, répondit-il, que fi Alexandre le grand
avoit été obligé d’avoir l’approbation des dé-
» putés de Hollande pour exécuter fes projets :,
» il s’én feroit fallu plus de la moitié que fes
» conquêtes n’euffent été fi rapides ».
Le prince Eugène avoit coutume de dire à fes
amis intimés : « Que- de trois empereurs qu’il
» avoit’ fervis , le premier avoit. été fon père , le
» fécond fon frère, & le troifième fon maître ».
I l enfendoit par là que l’empereur Léopold avoit
eu foin de fa fortune, comme de celle de fon
propre'fils > que l’empereur Jofeph l’avoit aimé
comme'fon frère, & que Charles V I l avoit ré-
compenfé comme on réçompenfe un vieux &
fidèle fervîteur.
C e prince ne voulut jamais fe marier ; il avoit
pour jnaxime qu’une femme eft un m«uble em-
barrallant pour un homme de guerre, qui oublie
fouvent fon devoir pour penfer à fa fortune, &
cherche à ménager fa vie pour fe. conferver à une
époufe.
L ’amour lui parut toujours une,de ces paffions
frivoles célébrées par les femmes avec beaucoup
d’habileté pour étendre leur empire. Les amoureux
, difoit-il, font dans la fociété civile ce que
les fanatiques font dans la religion, c ’eft-à-dîre ,
des cerveaux brûlés.
EU R IP ID E , poète, tragique grec, né a Sa-
lamine l’an 48G avant Jéfus Chrift, mort l ’an
407 avant la même époque. De foixante-quiaze
tragédies qu’il avoit composées, il ne nous en eft
parvenu que dix-neuf.
Euripide fut le difciple d’Anaxagbre mérita
de devenir l’ami du fage Socrate par. fon application
à rendre le théâtre utile aux hommes.
C e poète à eu la gloire, dans ces derniers
temps, d’avoir infpiré Uilluftre Racine. Le difciple
a fuepairé fon maître, Se ne La cependant
point fait oublier. .
Quelques hifloriens rapportent que \'AndroT
maque à*Euripide fit une fi vive impreflion.fur les
Abdérites, qu’ils furent tous atteints d’une efpèce
de.folie, & que fe croyant chacun un des acteurs
de la pièce .qu’ils avoient vu repréfenttr,
iU.déclamoient par-tout les vers de cette tragédie.
Cette hiftoriette n’efi peut: être qu’un petit conte
fait à plaifir, pour ridiculifer la: fantaifie qui
régna quelque temps parmi ce peuple, d’apprendre
par c^jeur des fcènes entières de- la nouvelle
pièce , & de les déclamer.
Les mêmes hifloriens rapportent aufli que les
athéniens, commandés par Nicias, ayant perdu
une bataille confidérable en Sicile, les foldats
prifohnieis ne rachetèrent leur vie & leur liberté
qu’en contribuant au plaifir de leurs yainqueuis ,
qui aimoient à entendre réciter les vers du poète
athénien.
Oh peut remarquer, à l’occafion des pièces
üEuripide combien les athéniens qui n’étoient
pas moins corrompus qu’aucun autre peuple de la
Grèce , étoient attentifs néanmoins à ' conferver
le. refpeét pour les bonnes moeurs, pour la vertu,
pour les bienféances, pour la juftice. Euripide
avoit mis dans la bouche.de Bellérophon un éloge-
magnifique des richeftes, qu’ il teruyinoit par ces
paroles : « Les richeftes font le fouveraîn bien du
» genre-humain > & c’eft avec raifon qu’elles ex-
» citent l’admiration des dieux & des,hommes•>».
Tous les fpeéfateurs fe récrièrent, & on auroit
chafle l’aéleur, fi Euripide ne fût venu lui-même
prier l’ aflemblée d’ attendre la fin de; la pièce ,
ou l’admirateur des richeftes recevoit le châtiment
qu’il naéritoit. Ç ’eft -Sénèque qui a rapporté cette
particularité.
.Euripide fut lui-même fur le point d’être cîté
devant le magiitrat, au fujet d’une réponfe qu’il
fait faire à Hippolîte. La nourrice de Phèdre lui
. repréfentoit qu’un ferment inviolable l’engageoit
au filence : Ma langue , lui répliquoit-il, ,a pro-*■
nonce le ferment, mais mon coeur n y a point confond.
Cette diftin&ion parut à toute l’ aflemblée
un mépris .ouvert de la religion & de la fainteté
du-ferment, qui tendoit à bannir de la fociété &
du commerce.de la v ie , toute fincérité & toute
bonne foi.
Le comédien Archelaus avoit envie qu Euripide
lê célébrât par quelque oeuvre tragique Ç mais
Euripide répondit ingénieuferdent : « plaife au
» ciel qu’il ne vous arrive jamais de vous rehdre
» le fujet d’une tragédie ».
Euripide ;.s’enfermoit dans un -lieu très-retiré
pour travailler à fes tragédies, & il ne compoa'
îoîtque très-difficilement.' Il fe plaignit une fois
au poète Aiceftis qu’il n’avoit pu faire que quatre
vers pendant trois jours qu’il avoit travaille. Al-
ceftis qui avoit la facilité des mauvais écrivains,
lui répondit, avec beacoup de vanité, que pendant
le mêmeefpace de-temps il compofeïoit une
centaine de vers bien aifément. «• Mais, lui dit
«. Euripide, juftement indigné, il y. a cette.diffé-
,, rence entre vos écrits & les miens,, que les
». vôtres dureront trois jours,. &: que les miens
» perceront l’ étendue des/ fiècles ». Vitère
Maxime.
Les Athéniens, qui cherchoîent peut-être à fe
venger de- l’admiration ,qu\ls avoient pbur cet
homme illuftre, engagèrent Ariftophane à le tourner
en ridicule.Le poète comique fe chargea volontiers
de cette commiflxon. Euripide pouvo.it prêter
lin côté au ridicule, par fon affe&atîbn à médire
«les femmes, foit fur Je théâtre, foit dansda
converfation. Il s’étoit marié deux, fois , & deux
fois il s’étoit trouvé la dupe des femmes} dé*là
peut - être fa haîne contre le fexe 'en gênerai.:
Euripide, trop fenfible aux farcafines du poète
comique» quitta Athènes, & fe retira à la cour
d’Archelaus, roi de Macédoine, où il finit fes
jours. C e prince qui l’avoit cqmblé de biens pen*
,dant fa vie, l’honora après fa mort, & fit dépofer
. fes cendres à Péla fa capitale.
E X COM M U N IC A T IO N . Le jour de Pâques
124y , le curé de Saint-Germain-de-lAuxerrois à
1 Paris, étant monté en chaire d it, que le pape
Innocent IV vouloit que dans toutes les églifes
de la chrétienté *on dénonçât comme excommunié
l’empereur Frédéric II. ««= Je ne. fais pas,
» ajouta-t-il, quelle eft la caufe de cette excommunication
-, je fais feulement que le pape &
» l’empereur fe font une rude guerre. J ’ignore
» lequel des deux a raifon} mais d’ autant que j’en
»? ai le pouvoir, j’excommunie celui qui a tort &
»» j’abfous l’autre »». Frédéric I I , à qui l’on raconta
cette plaifanterie envoya des préfens à ce
curé,.
Hhh *