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î}er ?j[af1^res : ^ étoit aveugle né , & cependant
il fatfoit au tour des ouvrages furprenans 5 il faifoit
meme les mftrumens dont il avoir befoin pour
fon metier. Il faifoit dos orgues , des épinettes,
des violes , des violons , il les accordoit , & en
;ouoit paflablement. On lui demandoit un jour
ce qu il delîroit le plus de voir , les 'couleurs ,
repondit-il, parce'que je connois prefque tout le i
relie : mais, lui répliqua-t-on, j i ’aimeriez - vous
pas mieux voir le ciel? non, dit-il, j'aime mieux
le toucher.
C e t aveugle me fait fouvenir de celui à qui
M. Rohaut vouloit faire comprendre ce que c ’é-
toit que la lumière. C e t illultre philofophe s'é-
puifoit, & ceux qui étoient avec lui en beaux
difcours pour lui en donner une idée j ils n'en,
pouvoient venir à bout, quand il les interrompit
dans le milieu de leurs raifonnemens. Attendez
dit-il, meflSeurs , j'y fuis, la lumière n'eft - elle :
pas faite comme du fucre.
Un aveugle marchoit dans les rues, une lumière
à la main, dans une nuit obfcure, avec
une cruche fur le dos. Un coureur de pavé le
rencontra 8c lui dit : fimple que vous êtes, à
quoi vous fert cette lumière ? la nuit 8c le jour
n'e font-ils pas la même chofe pour vous ? L'aveugle
lui répondit en riant : ce n'eft pas pour
moi que je,porte cette lumière ; mais c'eft afin
que des étourdis-Comme toi ne viennent point
me heurter , me faire, cafter ma cruche.
En 142 j on mit quatre aveugles armés, en
un parc, chacun un bâton en la main, 8c un
fort pourcel, lequel ils dévoient avoir s'ils le
pouvoient tuer; 8c firent bataille étrange, car ils
frappoient l’un fur l'autre cuidant frapper le pourcel
qui fut enfin tué. ( Journal de Paris . va*.
I ° 4 )-
AUGURES. L es augures étoient chez les romains
les interprètes des dieux. On les conful-
toit pour être inftruit fur le fort de fes entrepri-
fesi Ils en jugeoient par le vol des oifeaux,
& par la manière dont mangeoient les poulets
facrés. . ’
t Voici comment les augures exerçoient leur mini
(1ère : affis & revêtu de la robe teinte en pourpre
& en écarlate , Y augure fe toiîrnoit du côté
de l'Orient j & défîgnoit âvec fon bâton augurai
une partie du ciel 5 il examinoit alors .attentivement
quels oifeaux paffoient, comment ils vo-
oient, de quelle manière ils chantcient, & de
quel côté de la partie du ciel défîgnée ils fe
trouvoient. Ils prédifoient aufli l'avenir par le
moyen du tonnerre & des éclairs. Les favans
n'étoient pas dupes de toutes leurs cérémonies,
à tn juger par le fentiment de Cicéron, qui
s'étonne que deux augures puiflent s'entre-regarder
fans éclater de rire.
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AU G U S T E , né 63 ans avant J. C . , étoit d'une
taiJle au deiïous de l'ordinaire, mais ■ très-bien
proportionnée. Sa phyfionomie étoit pleine de douceur
& d’agrémens, très-peu curieux de fa pa-
», il fembloit regretter le tèmps que l'on étoit
oblige de lui dérober pour fon habillement. Il
avoit le regard fi vif que l’on en foutenoit difficilement,:!
éclat > & il fe fentoit flatté, ainfi qn'A-
lexandre, lorfqu'on baiflbit les yeux pour ne pas
îencontrer les fiens. Plufîeurs hiftoriens ont peint
Ion caradere & fon efprit avec des couleurs, bien
differentes, parce qu'ils n'ont point diftingué en
mi le atoyen ambitieux & l'émpereur. Ôdave
etoit injufte-, cruel, vindicatif, adonné à toutes
les panions ; Augufie fut un empereur doux, hu-
mamj» genereux & le protedleur des arts. Une.
grande pénétration, un art merveilleux de profiter
des conjonctures & de tirer parti des vertus
& des défauts des' autres, étoit fa qualité
dominante, & fut celle qui contribua le plus,
peut-etre, à fon élévation.
Pendant les horreurs de la profeription, un
citoyen qu'il faifoit mener au fupplice, le conjura
de permettre au moins qu'il fût ehfeveli après
fa mort : ne t en mets point en peine, répliqua
<1 un air féroce le barbare triumvir, les corbeaux
en auront foin.
1 ^P,r5s vi£loire remportée fur les meurtriers
de Gefar, viétoire qui fut due. à la bravoure d’An-
tome , Oélave contraignit un fénateur à tirer au
fort avec fon fils à qui auroit fa grâce; ils la
refusèrent tous deux. Il les obligea de fe battre,
& Vit tranquillement le père fe .jètter fur l'épée
de fon fils , qui fe tua aufli-tôt pour ne pas fur-
vivre à fon père.
Les paroles outrageantes qu’il ajoutoit aux fup-
plices^le rendirent fi odieux aux prifonniers, que,
'lorfqu’on les amenoit chargés de chaînes, ils fa-
luoient Antoine avec refpeift, 8r chargeoient Oc tave
d’injures 8c de reproches piquans.
La débauche la plus facrilège fe mêloit à ces
cruautés. On faifoit des contes aflez vifs d*un
fouper jou’Oétave tenoit fort fecret, 8c qu’ on
appelloitie fouper des douze divinités, parce qpe
les douze convives qui s’y trouvoient, fix hommes
8c fix femmes, avoient pris les ornemens
8c les attributs des douze principales divinités de
l'Olympe. Oélave repréfentoit Apollon. On
égayojt le repas en renouvéllant les adultères
dont la fable nous a fait le détail.
Antoine, de fon côté , fe livroit à toutes fortes
de débauches entre.. les bras de la courti-
fanne Glaphira : Fulvie, fon époufe, voulut engager
Oélave à la confoler de cette infidélité;
mais ce triumvir, encore plus politique que tendre,
rut infenfible : elle alla jufqu à le menacer de lui
faire la guerre j Oftave répondit par une épi-
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gramme licentieufe que Martial nous à confer-
yée.- «
Il avoit rejetté le nom de monarque ou de
roi trop-odieux aux romains, & avoit pris celui
de Céfar auquel il ajouta le titre d'empereur >
le peuple abufé lui accorda fous ce nom à*imper
ator , la fouveraine puiftancé qu'il lui auroit
refulee fous celui de rex.
Sa clémence envers Cinna, petit-fils du grand
Pompée par fa mère, mérite les plus grands éloges.
Cinna avoit confpiré contre Augufie. La conf-
piration ayant été découverte, ce prince le fit
venir dans fon cabinet} & après lui avoir nommé
les conjurés , comme Cinna n'attendoit plus que
l'arrêt de fa mort, l'empereur lui tint ce difcours :
« Je t'avois pardonné autrefois comme à un ennemi,
je te pardonne aujourd'hui comme à un
parricide} fi tu as été infenfible à la première
grâce, ne le fois pas à la fécondé, & qu'il y
ait déformais entre nous une amitié fincère &
réciproque ». En même temps il lui tendit la
main, déclara qu'à fa confidération, il pardonnoit
à fes complices , & le défigna conful pour l'année
fui vante. Cette clémence défarma tous fes
ennemis , & il n’y eut plus dans la fuite aucune
confpiratiori contre fa vie.
Augufie protégea les lettres & les cultiva. Sué-;
tone cite plufieurs ouvrages de cet-empereur. Il
avoit entrepris une tragédie à3 Ajax 5 mais peu
fatisfait de cette pièce il la fupprima : & quelques
uns de fes amis lui ayant demandé ce qu'é-
toit devenu fon Ajax : « Mon Ajax , répondit-il,
s'eft défait lui-même avec l'éponge ». Il faifoit
allufion à ce que la fable rapporte de la mort
d'Ajax qui fe tua lui-même en fe perçant de fon
épée.
Cet empereur avoit pour principe qu'il ne faut
tien faire avec précipitation > ce qu'il exprimoit
en grec par ces mots : Hâte^vous lentemènt. Il
ajoutoit qu'on faifoit une chofe afiez tôt quand
on la faifoit bien. .
Augufie, dans les dernières années de fon règne
, marqua une crainte extrême d'être aflaf-
lïné ; il n'admettoit perfonne en fa préfence qu'avec
précaution, & ne permettoit aux fénateùrs:
de .l'aborder qu'un à la fois. Cette précaution
fit imaginer aux pères confcripts de propofer au
timide empereur de veiller tour-à-tour jour
nuit à . la porte de fon appartement. Antiftius;
Labeo , homme d’efprit, pendant qu'on délibéroit
là-deflus, fit femblant de dormir, & même ron-;
fla quelques momens} puis paroïflant fe réveiller
tout d'un coup: «Meflieurs, dit-il, ne comptez
pas fur mol pour la garde de l'empereur, je l'in-
commoderois fûrèment plus que je ne - lui ferois
utile m. Les fénateùrs ne purent s'empêcher de
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fourire, & l'empereur honteux de fa timidité n'ofa
rien décider.
Augufie avoit le faible de oompofer des comédies
, mais par bonheur il étoit affez prudent poiin
ne les point montrer.
Il ne pur cependant fe défendre un jour d’en
lire unë en fecret à quelques-uns de fes courtifans,
qui ne manquèrent pas de l'applaudir. Augufie
en fourit, & pour leur faire connoître qu'il n'é-
toit pas la dupe dé leur fauffes louanges, il leur
dit, après leur en avoir fait la lecture : Je fuis
perfuadé quil ny a que des adulateurs qui puifi
fent' louer mes cbmédies j aitjfi ne vous ai - je lu
celle-ci que pour vous éprouver. Je fais maintenant
quels gens■ vous êtes.
Augufie ayant promis, par un édit feîemne!,
dix mille feftërces ou vingt-cinq mille écus à celui
qui luipourroit amener vivant Caracotta, chef des
voleurs en Efpagne ; ce brigand en ayant été
informé, alla trouver de lui-même l'empereur ,
& le fupplia de lui pardonner. Augufie lui fit
la grâce entière, lui paya la femme qu'il avoit
promife par fon é d i t & crut qu'il n'y auroit
plus de fureté publique, s'il en ufoit d’une autre
manière.
Des ambaffadeurs de Sarragoflfe vinrent dire à .
Augufie qu'une palme venoit de croître fur l'autel
qu'ils avoient érigé en fon honneur : c ’eft une
preuve, leur répondit ce prince, de votre afli-
duité à y faire des fac-rifices,
Horace avoit une fiftule lacrymale, & Virgile
étoit afthmatique, ce qui donna lieu à Augufie ,
Tqui les fit afTeoir à fes côtés , de dire qu'il étoit
bien à plaindre, puifqu’il étoit entre les foupirs &
les larmes : fedeo inter fufpiria & lacrymas.
Un chevalier romain étant mort, on trouva
que fes dettes excédoient de beaucoup fon bien j
on vendit cependant fes meubles pour en acquitter
une partie. Augufie ordonna qu’on achetât
pour lui le lit de cet homme : il faut, dit-il en
riant, que ce lit ait une vertu foporifique, puisqu'un
homme, qui devoit plus qu'il n'avoit,
dormoit deflus. fort tranquillement}- ce ht fera
excellent pour moi qui ne puis dormir.
Augufie entendant dire qu'Alexandre, après
avoir conquis la plus grande partie de la terre,
étoit en peine de favoir à quoi il pourroit occuper
le refte de fes jours, fut furpris de ce fentiment
: « Hé quoi ! dit-il, Alexandre ignoroit
donc que bien gouverner un empire conquis, eft
un emploi plus confîdérable que de faire de nouvelles
conquêtes » ?
Augufie qui avoit établi une loi de la manière
de juger & punir ceux qu'on accufoit d’adultère,
n'eut pas plutôt oui qu'un jeune homme avoit
commis le même crime avec Julie, fille de cee