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OrGne varie pas moins fur la forme & la
fouleur qu’on leur donne. Les femmes de la
Cote - d’Or les peignent en rouge & blanc; celles
ci’Yeco les peignent en bleu; les arabes les noir-
ciffent ; les femmes de l’Afie ne les abattent que
pour en faire d’autres avec de la peinture noire;
mais elles tournent en haut la pointe de l’arc ou
du croiffant. 1
Il falloir bien que la vanité s’attachât aux on- ,
gles. Plufieurs peuples les aiment longs ; beaucoup
d ’autres ne peuvent pas leur laiffer leur couleur
naturelle.
Les lettrés & les do&eurs de la Chine les portent
de la longueur d’un pouce , pour apprendre
qu’ils ne font pas obligés de travailler.
Hérodote parle d’un peuple qui coupoit ceux
de la main droite, & fe plaifoit à laiiler croître
ceux de la main gauche.
Leloubere vit à Siam des danfeufes deprofeflion
qui j par coquetterie , plaçoient au bout de leurs ,
doigts des ongles fort longs de cuivre jaune.
La pommade de la comtejfe eft connue par une
petite anecdote. Un jeune élégant, papillon de
toilette, le trcùvoit feul un jour dans l’ arfénal
des grâces. Sa main légère a bientôt parcouru
les parfums, les elfences , les cofmédques.
Peur donner à fes lèvres plus de vermeil, plus
de foupldfe , & diflïper des feux fauvages , il
étend légèrement avec fon doigt indiferet la
pommade fatale , fe regarde au miroir , fe contemple
, s’admire, s’adonifé.
La dame entre , il veut parler , fa bouche fe
rétrécit, le contour de fes lèvres fe refferre, il
balbutie : la dame étonnée le regarde , jette les
yeux fur fa toiLtte, reconnoît la caufe de l'effen-
ce , & fe met à rire à gorge déployée aux dépens •
de findiferet confus.
C O T Y S , t o i de.Thrace, ayant eu en préfent.
plufieurs vafes. fubtils faits & élabourés , fort
tendres & aifés à caffer, pour être de verre ,
& ayant bien récompenfé le don, il les cafta
tous , de peur que par colère, à laquelle il fe
connoiffoit fuiet, il fe fâchât contre: quelques-
uns de fes ferviteurs, s’ils venoient à les rompre,
& qu’il ne les châtiât trop aigrement. Plutarq. in
Apoph,
C O T IN ( Charles ) mort en 1682. Son nom eft
devenu une fatyre par le-ridicule que Boileau lui
a imprimé.' C e t abbé fut pourtant de l’-acadé-
mie françaife, & juftifia quelquefois fon titre
d’académicien.
L ’abbé Coda fatigué de Padminiftration de fon
bien, le donna à un de fes amis, qui s’engagea a
G O U
lui fournir ce dont il avoit befoin. Ses héritiers
vou'urent le faire interdire , prétendant que c’é * .
toit un aéte de démence j mais les juges ayant
été â un de fes fermons, reconnurent qu’ il avoir
du fens & de i’efprit, & condamnèrent fes pa- .
rens aux dépens & à des dommages & intérêts-
Codaécrivit ce billet à une jeune dame.
Je vous le donne
Ce petit avis en fecret ;
Si votre cceitr n’eft à perfonne,
Et que le mien foit vore fait >
Je vous le donne.
Il fit aufïi ce joli couplet :
Iris s’eft .rendue à ma foi ;
Qu’eût-elle fait pour fa défenfe |
Nous n’étions que nous tr o is, elle , l'amour & moi »
Et l’amour fut d’intélligertce.
COU LANG E S (Philippe Emmanuel de) mort à
Paris en 1716 , âgé de 8. y ans.^ R ^ut d abord
, confeiller au parlement, puis maître des requêtes
Etant aüx enquêtes du palais , il fut charge de
, rapporter une affaire où il s’ agiffoit d une marre
d’eau, que fe difputcient deux paifans., dont
l'un s’appelloit Grappin. M.^ de Coulanges fe
! trouvant embarraffé dans le. récit du fait, rompit
' brufquement fa phrafe , en difant : 33 Pardon ,
1 » meilleurs, je me noie dans la marre, à Grap-
m pin , je fuis votre f e r v i t é u r 11 en relia là ,
& depuis ne rapporta aucune affaire.
Le chevalier de Clermont-Tonnerre s’ étant fait
minime en 1683 , M. de Coulanges fit ce couplet
fur l’ air de Joconde.
Un jeune cadet de Clermont,
D’un efprit peu fublime,
Prit-, ces jours paflês , dans Lyon
' L’humble habit de minime.
Ce choix du prélst de Noyon
Dut échauffef la b ile ,
Car, pour fon illuftre mai fon-,
C’eft une tache d’huile.
C O U R & COU R T ISAN S.
La cotfreft un pays où l’on ne dit pas ce qu'on
penfe, l’on ne perde pas ce qu’on d it, l’on ne
fait ce flu’on veut, ni bien fouvent ce qu’on f a i t ,
l'on ne tient pas ce qu’on promet, l’on ne paie
pas ce qu’on d oit, l’on ne pratique pas ce qu’on
croit, & l’on ne croit pas ce qu’on profeffe.
La cour eft le temple de la fortune -, le prince
! eft l’idole, les courtifans font tour-à-tour les facri.- J ficateurs & les vi&imes.
C O U
Ea cour offre à nos yeux de fuperbes efclaves,
Amoureux de leur chaîne 8c fiers de leurs entraves,
Qui toujours accablés fous des riens importuns,
Perdent leurs plus beaux jours pour faifir des inftans.
Qu’il eft doux de les v o ir , dévorés d’amertume,
S’ennuyer par état & ramper par coutume;
Tomber fervilement aux pieds des favoris,
Du bien des malheureux mendier les débris,
E t du vil intérêt, miniftres & viétimes,
Perdre dans les revers le fruit de tant de crimes!
( de Bernis. )
La cour n’ étoit pas un féjour d’amufement
„pour madame de Maihcenon ; l’ennui l’accom-
pagnoit fans ceffe.33 Je n’ y peux plus tenir, difoii-
eile, au comte d’Aubigné fon frère; je voudrois
être morte «. Qn fait quelle réponfe il lui fit.
33 Vous avez donc parole d'epoufer dieu le pere oc.
Il étoit dangereux à la ‘cour même d’Alexandre
de paraître trop grand homme. Mon fils, fais-toi
petit devant Alexandre , difoit Parménion à Philotas
;. ménage - lui quelquefois le plaifir de te
reprendre; & fouviens-toi que c’eft à ton infériorité
apparente que tu devras fon amitié.
Le petit de C réqu i, âgé de 13 à 14 ans, tiroit
au blanc avec monfeigneur le dauphin : le dauphin
met à un pied du b u t, le petit de Crequi qui
tiroit très-bien , lâche fon coup & met à iix
pieds. Ah ! petit lérpent, d i e M. de Montaufier ,
41 f au droit vous étouffer.
Monfieur d’Ufès étoit chevalier d’honneur de
la reine : cette pi in ceffe lui demanda un jour
quelle heure il étoit ? il répondit : madame, l’heure
qu’ il plaira à votre majefté. '
Cela paroît badin d’abord , néanmoins il y a
matière à de belles réflexions. La plus naturelle,
c’eft que les Couver .tins étant les maîtres de leurs
actions, én retardent ou hâtent le temps comme
bon leur femble- Mais Certainement le duc d’Ufès,
à qui l’on attribue bien des naïvetés, n’y entendait
pas fin elfe ; car un jour que la reine lui
demanda quand madame d’Ufès accoucheroit,
il répondit naïvement: quand il plaira à votre
majefté.
Augufte , revenant à Rome1 après la bataille
d’A&ium , fut falué par un artifan. qui lui
préfenta un corbeau, à qui il avoit appris à dire
ces mots : M Je vous falue, Çéfar vainqueur.
Le prince, charmé, acheta cet oifeau fîx mille écus.
Un voifin jia|oux, alla dire à l’empereur que cet
homme avoit encore un autre corbeau qui difoit des.
chofes plaifantes. Augufte voulut le voir; & l’animal
fit entendre ces mots : 33 Je vous falue , Antoine
vainqueur, « L’artifaji, homme prudent , avoit
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inftruit çet autre oifeau en cas qu’Antoine fût
triomphant- Augufte n'en témoigna aucune colère;
il ordonna feulement à cet homme de partager
avec fon voifin les lïx mile écus.
Combien de courtifans, qui, ne pouvantexifter
que par la faibleffe.de leur maître, craignent fes
vertus comme une difgrace, & qui fans ceffe occupés
à nourrir dans fon coeur des penchans malheureux
qu’ ils y font naître , trafiquent de là gloire de
s’enrichiffent de fon indifférence a la foutenir.
Les courtifans d’Alexandre fe donnoient un air
affe&é de tête penchée , parce que ce monarque
avoit ce défaut. Ceux du roi Philippe , fon père >
fe faifoient bander un oe il, parce que ce prince en
avoit perdu un dans une bataille ; & certains foux
de la cour du duc de Saxe , fe gumiffoient le ventre
de fourures épaiffes , pour paroître l’avoir aufti
gros que leur maître, qui ne pouvoir s’ailcoir qu’à
une table échancrée.
Les évêques de Winchefter & de Durham, Andrews
& Neale , étaient un jour au dîner du
roi, Jacques I. Sa Majefté leur dit : « Mylords , ne
» puis-je pas prendre l’argent de mes fujets, quand
33 j’en ai befoin,fans toutes ces formalités de Paras
lemeht ? L’évêque de Durham, Andrews, ré-
33 pondit d’abord : à dieu ne plaife, fire, que vous
33 n’ayez poi.it ce droit-là ; c ’eft par vous que nous
» vivons.... ! Sur quoi le roi s’adreffant à l'évê-
33/que de Winchefter. Et vous, Mylord , qu’en
» penfez-vous ? — Sire, je n’entends point les
33 affaires de Parlement. — Point de fubterfuge ,
33 Mylord , une réponfe dire&e. — Eh bien,
33 S ire , j’imag'ne qu’il eft permis & légitime à
. ». votre majefté de prendre l’argent de mon frère
33 Néaie , puifqu’il l'offre. «
Sous le règne d’Henri I I , les gens de robe fe.
rendoknt fi affidus au Louvre, que les gens dii
roi en firent leurs plaintes au parlement, les chambres,
alfemble'es ; en telle forte qu’encore dix.ans
après , le parlement fe crut obligé de faire défenfe
à tous juges d’aller au roi fans permiftïon, afin
qu’ ils ne vin fient pas faire les courtifans parmi les
mjgifrrars, après avoir fait les magiftrats parmi
les courtifans.
CO U R A G E , le courage eft cette ardeur
impatiente du tempérament qui fait mépriler le
danger & fes fuites. Cette vertu mâle, moins
éclairée , mais plus impétueufe que la bravoure
affronte aufli plus volontiers le péril. -
I! y a fouvent plus de courage à fupporter La vie
qu’ à fe l’ôter. Cette vérité eft confirmée par
l'exemple d’un homme dont il eft parlé dans un
livre italien , imprimé depuis peu. Après* avoir
rendu compte à fon intime ami des revers terribles
qu’ilvenoit d’effuyer ; Eh bien, ajouta-t-il, qu’au