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pour vous au-delà de la mer : fi vous allez au-
» devant du fecours d'Angleterre, il reculera}
» fi vous vous p ré fente z au port de la Rochelle
» en homme qui fe fauve, vous n'y trouverez
y» que des reproches & du mépris. Je ne puis
» croire que vous deviez plutôt fier votre per-
» fonne à l'inco.nftance des flots 8c à la merci
s» de l'étranger i qu'à tant de braves gentils-
» hommes & tant de vieux foldats qui font prêts
» dé lui fervir de remparts & de boucliers 5 & je
« fuis trop ferviteur de votre majefte, pour lui
» difiîmuler que: fi elle cherchoit fa fûreté ailleurs
» que dans leur vertu, ils feroient obligés de
» chercher la leur dans un autre parti que dans
» le fien. » Ce difçours faifoit un effet d'autant
plus beau, que les paroles de Biron s’accordoient
parfaitement avec les fentimens de Henri IV.
Avant la bataille de Rocroi, le duc d'Enguien
voulant encourager fes troupes, leur tint ce difcours
: « François, c'eft tout vous dire en un
» mot, vous voyez devant vous vos vieux en-
*» nemis, ces fiers efpagnols, qui difputent avec
« vous, depuis fi long-temps, la gloire & l'em-
»pire. Leur furieux général frémit de fe voir
»» arracher une vi&oire qu'il croyoit fûre , &
*» obligé d abandonner le fiége d'une' place dont
» la conquête lui eût ouvert nos plus belles pro-
» vinces jufqu'aux portes de Paris. II vient pour
99 s'en venger, avec tout l’orgueil de fa nation.
»9 Oppofons lui toute la fierté & toute la valeur
9> de la nôtre. Je fuis parti de la cour pour me
9» mette à votre tê te , & j'ai promis de ne re-
» venir que victorieux. Ne trompez pas mes eP
99 pérances } fouvenons - nous, vous & moi, de
99 la bataille de Cérifoles : imitez vos ayeux qui
99 triomphèrent, & j’imiterai mon prédëceffeur
9» qui les menoit au combat. Que le furnom
99 d'Enguien que portoit ce prince du fang de
99 Bourbon, nous foit à vous & à moi, de bon
» augure ; & que l’ennemi qu’il vainquit aux
99 champs de Cérifoles, honore encore aujour-
99 d'hui notre triomphe par fa délai,te dans les
99 plaines de Rocroi. » .
EMBELLISSEMENT D U COR PS. Les anciens
portoient plus loin que nous les foins qu'ils
prenoient d'embellir le corps & d'apprêter la
figure. Gallien fait mention en plufieurs endroits
d’une efpèce de penfionat qu'affurément notre
frivolité n'a pas imaginé encore, & vles Andra-
podocapeloi. nous feront inconnus peut-être encore
long-temps. C ’étoient des gens qui logeoient
de jeunes filles, des eunuques & de jeunes, garçons,
fans toutefois qu'il fût queftion d'aucune
forte de débauche dans leur commerce.
Leur miniftère étoit d’employer les moyens d'embellir
le corps de ceux qu’on leur confioitî ils
avoient coutume de laver le vifage de leurs élèves
avec de la décoâion d’orge paifée, de la farine
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de feves, & quelquefois du nître afin de brillan-
ter leur teint; Ils battoient les hanches de ceux
qui étoient maigres avec des cordes & les frot-
toient enfuite d’huile, apparemment pour affou-
plir & fortifier des parties trop peu nourries.
Aux jeunes filles ils ferroient les côtes avec des
bandelettes, afin de relever la gorge & la fou-
tenir & pour remplir les hanches. Ils leur fai—
foient tomber les poils qui déparoient les joues,
ou quelqu'autre partie dont ils vouloient tirer
plus d'avantages. Ils leur apprenoient les moyens
de conferver cet air de fraîcheur que l’ufage fe
hâte trop de diffiper & peut être aufli ceux de
l'amour. Il paroît qu'à Rome même ces Andra-
podocapeloi ne furent pas fans confidération. Les
édiles apparemment fur quelques plaintes de leur
part ordonnoient qu'on manifefteroit fans détours
les maladies & les vices de conformation des
efclaves que l'on expoferoit en vente afin qu’on
ne s'en prît point aux Andrapodocapeloi à qui on
en confieroit le foin, s'il arrivoit que dans la
fuite on vînt à leur découvrir quelque défaut
ou maladie effentielle.
EMBLEMES. En. 1206, quelque temps avant
que le pape Innocent III mit le royame d'Angleterre
en interdit, il envoya aü roi Jean, quatre
anneaux garnis de pierres précieufes, avec une
lettre, bien digne de l’efprit du fiècle, qui lui
expliquoit ce qu’ il piétendoit faire lignifier à ces
bagues.
Il rinvjtoit à confidérer attentivement la forme,
le nombre, la matière, la couleur de ces anneaux.
« La forme fonde, difoit le pape dans
99 fa lettre, repréfente l'éternité, & doit vous
9ï détacher des chofes temporelles pour vous
99 faire afpirer aux éternelles : le nombre, qui
99 eft quatre, défigne la fermeté d’une ame fu-
» périeure aux viciflitudes de la fortune , &
: 99 cette fermeté a pour fondement les quatre ver-
99 tus cardinales : la matière, qui eft l’or, le plus
: » précieux des métaux, lignifie la fagelfe que
» Salomon préféroit à tous les biens : la couleur
»9 n’eft pas moins myftérieufe que le relie. Le
» vert de l'émeraude annonce la foi : le bleu
» du Saphir, Lefpérance : le rouge du rubis,
» la charité, & le brûlant de la topaze, les,
99 bonnes oeuvres. »»
Ces froides alh.fions n'adoucirent pas le caractère
violent du monarque anglois : il devint
furieux ; il perfécuta fon clergé, & le pape qui
voüloit régner defpotiquement fur les rois &
fur le clergé, mit le royaume d'Angleterre en
interdit.
Le plus beau de tous les emblèmes eft celui
; de Dieu, que Thimée de Locres figure pat
cette idée ; Un cercle dont le centre eft par tout. ,
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& la circonférence nulle part. Platon & Pafcal
adoptèrent cet emblème. ,
E M B O N P O IN T EXTR AO RDIN A IR E.
L ’hiftoire a confervé quelques détails fur Y embonpoint
extraordinaire d’un anglois , natif du
comté d'Effex, qui fe nommoit Edouard Brigth,
épicier de profeflion, & qui eft mort à l'âge de
trente ans.
Brigth, du côté paternel & maternel, defeen-
doit d’une famille d'une groffe & forte llature.
Plufieurs de fes ancêtres étoient d'un embonpoint
remarquable} mais aucun 11'a égalé le fien. Dès
fon enfance, quoique vigoureux & aClif, il étoit
fort gras. Il avoit cependant toujours fait beaucoup
d'exercice, jufqu'aux deux ou trois dernières
années de fa vie, qu'étant devenu trop
pefant, il ceffa d’en prendre. Comme il avoit
les mufeies très-forts, il fe promenoit avec af-
fez d'agilité } il montoit à cheval, & galoppoit
rneme allez bien. Il alloit quelquefois à Londres
à cheval pour fes affaires , & faifoit gaillardement
ce trajet, depuis Malden, qui eft de treize
lieues. Lorfqu’il paroiffoit dans les rues de cette
grande v ille, il s’attiroit les regards de tout le
monde, & c'étoit un fpedacle curieux pour le
peuple.
A l'âge de douze ans & demi, Brigth pefoit
déjà 144 livres} à vingt ans, il en pefoit 33G}
.fans doute, il a toujours augmenté dans
cette proportion } car la dernière fois qu'il fut
pefé, ce qui étoit trois mois avant fa mort, fon
poids étoit de 584 livres} après fa mort il pefoit
616 livres.
Sa taille étoit de cinq pieds neuf pouces &
demi : fon corps, mefuré fous les bras, avoit
cinq pieds fix pouces de circonférence} & autour
du ventre, fix pieds onze pouces. Le gros
du bras étoit de deux pieds deux pouces, &
celui de la jambe, de deux pieds huit pouces.
Il ne mangeoit & ne. buvoit pas plus qu'un ■
homme^ ordinaire, & lorfqu’on le faignoit on !
lui droit au moins deux livres de fang : il laiflà j
cinq en fans & fa femme groffe du fixième. On
a gravé fon portait à Londres en manière noire 9
& il n'eft pas inconnu à Paris (* ).
Le maréchal de Baffompièrre fut pendant douze
ans prifonnier à la Baftille : l'ina&ion lui donna
un embonpoint extraordinaire. Le jour qu’il repa- s
rut a la cour, la reine Anne d'Autriche vou- ;
lant le plaifanter, lui dit : « Maréchal, quand j
(1) Un payfan du comté de Berks amena à Londres,
eP aiüS > f° n fils, âgé de fix ans, qui avoit près de
cinq pieds d’Angleterre de h aut, robufte, fo r t, &
peu- près de la grofl’eur d’un homme fait,
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»> accoucherez-yous ? e= Madame, répondit-il,
»9 quand j aurai trouvé une fage-femme. »
EMBRASSEMENT. A une rentrée de l ’aca-
demie des fciences, apres Pâques, le public eut
la fatisfadion d'y voir meflîeurs de Francklin &
^ V o lta ir e & de leur témoigner la joie qu'il
reffentoit de leur préfence par les applaudiffe-
mens les plus vrais & les plus réitérés. Au moment
où ces deux vieillards s'embrafsèrent, on
entendit une voix qui prononça ces mots affez
haut : Voila le génie qui embrajfe la liberté.
EMETIQUE. Guy Patin difoit , que Y émétique
devoit être ojanié par un fage & prudent médecin,
& non pas par un charlatan ni par un
étourdi. On affure qu'il avoit dreffé un fort
gros regiftre des perfonnes que l'antimoine avok
tuees, & qu’il l'appelloic communément le Martyrologe
de l ’antimoine.
I effet, au dîx-feptième fiècle, ce remède
etoit un poifon, il fut même défendu par l'é-
glife, & l ’on fe fouvient de ces vers de Boileau
:
Je compterois plutôt combien dans un printemps
Qtfenaut & l’antimoine ont fait mourir de gens.
Lorfque Louis X IV fut à l’extrémité à C a lais,
le 8 juillet i 6f 8, il n'y eut que Y émétique
qui lui fauva la vie. Peu de temps après, le cardinal
Mazarin mourut pour en avoir pris, ce
qui fit dire que Y émétique étoit d’un grand fecours
puifqu'il avoit fauvé deux fois la France.
EM PEDO C LE , philofophe & poète de l’antiquité
, né d'une famille illufire d’Agrigente ,
mort vers Van 440 avant Jéfus-Chrift.
Empédocle adopta l’opinion de Pythagore fur
la tranfmigration des arr.es, & fon poème au
rapport d Ariftote, cité par Diogène Laèrce,
mérita les fufftages de l'antiquité oar la richeffe
des métaphores, l’énergie des. exprefiions & la
beauté des images.^ Empédocle avoit aufli com-?
pofé un poème moral fur le culte dés Dieux ,
& fur les devoirs de la vie civile. Il réuniffoic
ainfi qu'Orphée, les charmes de la poëfie & de
la mufique à l’art de manier les efprits & de
toucher les coeurs : il n'employa fes talens que
pour le bonheur & l'avantage de fes concitoyens.
Il refufa la royauté que les agrigentins
lui offrirent. Cet illuftre philofophe avoit, félon
1 expreflion de Montagne, logé fon imagination
fi fort au deffus de la fortune & du monde,
qu'il trouva les fiéges de la juftiCe & les trônes
mêipes des rois trop bas.
« Le fyftême de ce philofophe fur la nature,
99 étoit qu’il y avoit quatre élémens qui faifoient
" entre-eux une guèrre continuelle, mais fans
» pouvoir jamais fe détruire, & que de leur
» difeorde même naiffoient tous les corps. *