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C’eft de là que nous vient cet art ingénieux ]
De peindre la parole & de parler aux yeux »
Et par les traits divers de figures tracées
Donner de la couleur & du corps aux]penfées.
Le dernier connétable de Montmorency ne
favoit pas écrire Ton nom ; il en xmprimoit fur
le papier là gravure qu'il portoit toujours fur
foi , en difant que z étoit une grande honte de
faire apprendre aux gentilshommes cette chicane-là
'de lire & d'écrire,
ÉDOUARD III j, roi d’Angleterre > mort en
j 377, âgé de ans.
Les anglois ne fe retracent l’hiftoire d* "Edouard
111 qu'avec un fentiment paffionné, Sc regardent
fon règne comme le plus glorieux, 8c un
des plus longs de ceux dont les annales de leur
nation leur ont tranfmis la mémoire.
L'Angleterre dut à la fageffe & à la vigueur
de fon gouvernement le bonheur de jouir d un
plus long intervalle de paix 8c de tranquillité
domeftique , qu' elle fi'en a eu pendant plufieurs
Cèdes avant 8c après lui.
• C e prince, après avoir remporté fur les François
la célèbre bataille navale, connue fous le
nom de bataille de l'E c lu fe , affembla fon armee
dans les plaines de Créci. Il choifit fon polie
fur le fommet d'une montagne d'où il pouvoit
examiner tranquillement ce qui fe paffoit fur le
lieu de la fcène. Le jeune prince de Galles, fon
fils, appelle le Prince noir, parce qu’il portoit
des armes de cette couleur, fîgnala fa bravoure
dans cette journée. Le comte de Warwick parut
d'abord inquiet fur le fort de l'avant garde
que commandoit ce prince, âc qui avoit a fou-
tsnir toute l’impétuofité des François. Il envoya
un officier à Edouard, pour le prier d. envoyer
du fecours au' prince de Galles. La première
quellion du roi, en voyant cet officier,
fut de lui demander fi le prince étoit tue ou
blefle. On lui répondit que non. « Eh bien,
« repartit auffi-tàt Edouard, retournez devers
mon fils, & devers ceux qui vous ont en-
» voyé, 8c leur dites de par moi, qu'ils ne re-
3, q nièrent plus mon a Alliance pour aventure
» qu'il leur advienne, tant que mon fils fera
~ en vie : faites leur fa v„oir que je Veux qu ils
» laiffent gagner à l ’enfant fes éperons ; 8c que
33 cette journée, fi Dieu 1 a ordonne, foit fienne,
» & que l’honneur lui en demeure & à ceux à
*> qui je l'ai baillé en garde. » Froijfard.
Edouard, en allant au devant de fon fils victorieux
, fe jecta entre • fes bras, & secjia
vt Qu'aux marques de bravoure ^qu’il avoit don-
n nées , il ne. pouvoir méconnoître fon n4s oc.
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» le digne héritier de la puiffance fouveraine. «*
La prife de la ville de Calais fut le fruit de
cette viétoirè. Edouard, irrité d’avoir vu la fleur
de fon armée périr dans cette place parla confiance
8c le courage furprenant des auiégés, refufa d'abord
de leur accorder aucune condition favorable. II
vouloit rançonner les uns, & faire mourir les
autres qu'il traitoit de rebelles, fe prétendant
toujours roi de France. Cependant, fur les re«
préfentations de fes généraux qui appréhendoienc
avec raifon qu'une telle conduite n autorifât les
François à ufer de repréfailles, le monarque
Anglois voulut bien adoucir la rigueur des conditions.
Il exigea feulement que fix des citoyens
les plus confîdérables lui fuflént envoyés, pour
qu’il en difpofât comme il le jugeroit à propos y
qu’ils vinffent à fon camp lui apporter les clefs
de la v ille, tête 8c pieds nuds, & la corde au
c o l, 8c à ces conditions » il promit d'accorder
la vie au relie des citoyens. Lorfque cette dernière
réfolution du vainqueur eut été apportée
à Calais, elle plongea les habitans dans une
nouvelle confternatîon. Le facrifice^ de fix de
leurs compatriotes qui feroient ainfi livrés à une mort
certaine pour avoir fignalé leur-valeur dans la
caufe commune, leur paroifloit plus affreux que
le châtiment général dont on les avoit menacés
5 il leur étoit impoffible de prendre aucune
réfolution dans une fituation fi terrible : à la
fin, l'un des principaux d'entr’eux, appellé Euf-
tache de Saint-Pierre, fe leva courageufement
au milieu de cette foule de citoyens défolés :
« Seigneurs grands & petits, s'écria-t-il, grandi
» méchef feroit de laiffer mourir un tel peuple
» qui cy e ft, par famine ou autrement, quand
» on peut y trouver quelque moyen; Et feroit
» grande grâce envers notre feigneur, qui de
» tel méchef le pourroit garder. J'ai en droit
» de moi fi grande efpérance, fi je^meurs pour
» ce peuple fauver, que je veux être le pre-
» mier. » A peine eut - il parlé, dit Froiffard •
que chacun l'alla adorer de pitié. Jean d A ire ,
coufin d'Euftache, voulut partager avec lui l'honneur
de mourir pour la patrie. Jacques & Pierre
Wiffant 8c deux autres citoyens fe dévouèrent
pareillement. Ces fix vi&imes fe préfentèrent aux
pieds d'Edouard > 8c y reçurent 1 arrêt de leur
mort. Mais ce prince en arrêta l'exécution à
la prière de la reine fon époufe.
Après la mort de Philippe de Valois en
Edouard continua la guèrre contre le roi Jean
fon fils, 8c remporta en *356 la bataille de
Poitiers, où ce roi fut fait prifonnier.
Edouard relçya dans un bal la jaretière que U
belle-comteffe de Salisbury avoit laiffe tomber,
comme cela excita le rire de quelques cour-
‘ tifans : Honni foit qui mal y penfe, dit le roi, 8c
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donna cette devife à l’ordre de la jarretière qu’il
inllitua, dit-on, à cette occafion, vers l'an 1349.
En 1743, le prince C harles Ed o u a r d , fils aîné
du prétendant, s'embarque en Bretagne, dans une
frégate, avec fept officiers, dix-huit cent fabres,
douze cent fufils, 8c environ cinquante mille
francs.
Il aborde à travers des périls fans nombre, au
fud-oueft de l'Ecoffe. Quelques - habitans du
Moydard, auxquels il fe découvre, fe jettent'à
fes genoux. Que pouvons-nous faire? lui difent-ils.
Nous n avons point d'armes j nous fommes pauvres j
nous vivons, de pain d'avoine , en cultivant une terre
ingrate. Je cultiverai cette terre avec vous 3 leur répond
le prince j je mangerai de ce pain / je partagerai
votre pauvreté : & je vous apporte des armes.
Ces payfans, attendris 8c encouragés, s'arment
en fa faveur. Les tribus voifines fe joignent à eux.
Un morceau de taffetas, qu'il a apporté, lui fert
d'étendard royal. Dès qu’il fe voit à Ja tête de
quinze cens hommes, il fe met en marche. Alors
quelques lords Écoffois fe rangent fous fes drapeaux.
Il bat trois fois les anglois, 8c ell complètement
battu , la quatrième ,_à Cullodcn près
d'Inverneff, par le duc de Cumberland.
Après fa défaite 8c la difperfîon de fa petite armée
, il erre fans fecours, tantôt avec deux des
compagnons de fon infortune, tantôt avec un,<
& quelquefois réduit à lui-même, pourfuivi fans
relâche par ceux qui veulent gagner le prix mis à
fa tête. Ayant un jour fait dix lieues à pied, & fe
trouvant épuifé de faim 8c de laffitude, il entre
dans la-maifon d'un homme qu'il fait bien n'être
pas dans fes intérêts. Le fils de votre roi, lui dit-il,
vient vous demander du pain & un habit• Je fais
que vous êtes mon ennemi j mais je vous crois ajfe%
d'honneur pour ne pas abufer de ma confiance & de
■ mon malheur. Prene% les lambeaux qui me couvrent ;
garderies : vous pourreç me les raporter un jour dans
le palais des rois de la Grande-Bretagne. Le gentilhomme
eft touché comme il doit l'être, donne
tous les fecours que fa fituation permet, 8c garde
un fecret inviolable.
(Quelque temps après, ce gentilhomme eft ac-
eufe d’avoir donné un afyle dans fa maifon à
Edouard, & cité devant les juges. Il fe préfente à
eux avec la fermeté que donne la- vertu, & leur
dit : Soufrer qu avant de fubir l ’interrogatoire , ;e
vous demande lequel îetjfre vous , Ji le fils du vré-
ièndant fe fût réfugié dans fa maifon, eût été ajfer
vil & afeq lâche jour le livrer. A cette queftion le
tribunal fe lève 8c renvoie l'accufé.
.^ U C A T IO N . Chofro'es, roi de Perle, dit-le
philolophe Sadi, avoit un miniftre dont il étoit
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Content, 8c dont il fe croyoit aimé. Un jour, ce
miniftre vint lui demander la permiiïîon de fe retirer.
« Pourquoi veux-tu me q u i t t e r lu i dit le
» monarque ? J ’ai fait tomber fur toi la rofée de
v rna bienfaifance j mes efelaves ne dillinguent
» point tes ordres des miens : je t’ai approché de
» mon coeur, ne t’en éloigne jamais. a Mitrane,
” ( ainfi s’appeloit le miniftre ) , le fage Mitrane
répondit : « O roi ! je t’ai fervi avec zèle, & tu
" m’en as trop récotnpenfé ; mais la nature m’im-
» pofe aujourd’hui des devoirs facrés : fouffre que
” je les rempliffe. J ai un filsj il n’ a que moi pour
” lui apprendre à te fervir un jour, comme je t’ai
” fervi. == J y confens, dit Chofro'es, mais à une
w condition. Parmi les hommes de bien que tu
" m'as fait connoître, il n’ en eft aucun qui foit
» aufli digne que toi d’éclairer & de former l’ame
» de mon fils : finis ta carrière par le plus grand
» fervice qu’un homme puiffe rendre aux autres
« hommes j qu ils te doivent un bon maître. Je
connois la corruption de la cour: il ne faut pas
» qu’un jeune prince la refpire ; prends mon fils,
»> & vas l’inftruirë avec le tien dans la retraite ,
» au fein de l'innocence & de la vertu. »
Mitrane partit avec les deux enfans ; & , après
cinq ou fix années , il revint avec eux auprès de
Chofrols, qui fut charmé de revoir fon fils, mais,
qui ne le trouva pas égal en mérite au fils de fon
miniftre. Il fentic cette différence avec une douleur
amère j 8c il s'en plaignit à Mitrane. « O roi ! lui
» »> dit le miniftre, mon fils a fait un meilleur ufage
» que le tien des leçons que jai données à l’un &
*> a 1 autre : mes foins ont été partagés également
» entr'eux ; mais mon fils favoit qu'il auroit befoin
« des hommes / 8c je n'ai pu cacher au tien que les
« hommes auroient befoin de lui. «
Des que Philippe, roi de Macédoine, eut reçu
la nouvelle de la naiffance d‘■ Alexandre-te-Grand^
fon fils, fon premier foin fut de fonger à fon éduca-
*i°n » 8c5 pour remplir cet objet avec fuccès, il
lui choifit pour précepteur le célèbre Arifiote, l’un
des plus fameux philosophes de la Grèce. « Je vous
« apprends , lui écrivit-il, que le ciel vient de me
« donner un fils. Je rends grâces aux dieux, non
95 pas tant du préfent qii’ ils me font, que de me
99 1 avoir fait du temps d'Arifiote. J’ai lieu de me
99 promettre que vous en ferez un fucceffeur digne
» de nous, digne de commander aux Macédo-
99 niens. »
Le légdateur de Lacédémone, Lycurgue, prît
<l euxjPetits chiens de même race, qu’il éleva chez
lui d’une manière bien différente. 11 nourrit l ’un
avec delicatede, 8c forma l’autre aux exercices
de la chaffe. Quand l’âge eut fortifié le corps 8c
lés habitudes de fes deux élèves, il les amena dans
la place publique j fit placer devant eux des mets
friands, 8c lâcha enfuite un l.èyre Aufli-toîi'isflf