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Fontenelle fut fi content de ce qu’il venoit d’entendre
, qu’il lui dit : » Vous devriez écrire, faire
» quelque ouvrage. — « Et fur quoi, lui demanda
M. Duclos ? — M . de Fontenelle répondit : » Sur
» ce que vous venez de me dire «.
Les hommes en général recherchent moins l’inf-
truéfcion que les applaudiffemens. C ’eft donc un
moyen fur de déplaire dans la conversation 3 que
d’y pàroître plus occupé dp foi que des autres, j
L ’ illuftre Racine , dans la vue de- dégoûter un de
fcS fils de la manie'des vers, & dans la crainte,
qu’il n’attribuât à fes tragédies les car elfes dont
quelques grands feigneurs l’accabloientlui difoit
-fouvent : » Ne croyez pas que ce foient mes vers
« qui m’attirent toutes ces careffes ; Corneille fait
» des vers cent fois plus beaux que les miens , &
» cependant perfonne ne le regarde : on ne l’aime
yy que dans la bouche de fes a&eurs j au-lieu que
» fans fatiguer les gens du récit de mes ouvrages , 1
» dont je ne leur parle jamais , je me contênte de
» leur tenir des propos amufans, & de les entret
e n i r de chofes qui leur plaifent. Mon talent
» avec èux n’ eft pas de leur faire fentir que j’ai de
» l’efprit, mais de leur apprendre qu’ils en ont.
» Ainfi , quand vous voyez moniteur le Duc paf-
» fer fouvent des heures entières avec moi , vous
y> feriez étonné , f i vous étiez préfent, de voir que
» fouvent il en fort fans que j’ àie dit quatre paro-
» les j mais peu-à-peu je le mets en humeur de
» cauîer 3 & il me quitte encore plus fatisfaît de
» lui 3 que de moi «.
C O O K ( Jacques ) , né en 1725, mort en 1780.
C et illuftre voyageur c!ê mouffe-eharbonnier s’ élevant
de grade en grade 3 parvint à celui de capitaine
de vailfeau.
I l p a r t i t p o u r f o n p r e m i e r v o y a g e a u t o u r d u
m o n d e , a v e c M M . B a n c k & S o l a n d e r 3 e n j u i l l e t
1 7 6 8 . I l r e v i n t à L o n d r e s e n 1 7 7 1 3 & r e p a r t i t e n
j u i n 1 7 7 2 , a v e c M . F o r f t e r . I l p é n é t r a j u f q u ’ a u
f o i x a n t e - o n z i è m e d e g r é d e l a t i t u d e m é r i d i o n a l e ,
o ù i l f u t a r r ê t é p a r l e s g l a c e s . R e v e n u e n E u r o p e
e n 1 7 7 j- 3 i l r e p a r t i t e n c o r e u n a n a p r è s ; i l a r r iv a
a u m o i s d ’ a o û t 1 7 7 7 d a n s F i l l e d e T a i t ] , o ù il
s ’ é t o i t a r r ê t é d a n s f o n f é c o n d v o y a g e . I l p o u f f a
f o r t l o i n f a r o u t e d u c ô t é d u d 'é t r o it q u i f é p a r e
l ’ A f i e d e l ’ A m é r i q u e 5 m a is d e s m o n t a g n e s d e g l a c e
l ’ o b l i g è r e n t e n c o r e d e c i n g l e r d ’ u n a u t r e c ô t é j i l
d é b a r q u a d a n s F i l l e d ’ O r w h y h e 3 & y f u t m a f f a c r é
p a r l e s i n f u l a i r e s .
Il avoir époufé fa pupile , lorfqu’elle eut atteint
fa quinzième année. À cette occafion , Cook partant
pour un de fes grands voyages 3 difoit à fes
amis : Le printemps de ma vie a été orageux 3 mon
été eft pénible } mais je laijfe dans ma patrie| un
fonds de bonheur qui embellira mon automne. Il ne'
croyoit pas que la mort Fattendoit à trois mille
lieues de fon pays.
C O R
COQ U ETTER IE . C'eft dans les femmes le
defir de plaire à plufieurs hommes. Examinez une
coquette au milieu d’une troupe fémillante de jeunes
gens 5 elle fourit à l’ un 3 parle à l’ oreille à
d’ autre , foutient fon bras fur un troifième 3 & fait
ligne aux deux autres de la füivre.
La Célimène du Mifanthrope , inftruite que fes
amans font jaloux les uns des autres \ les ralfure
tour-à tour par le mal qu’ elle dit à chacun d’eux
de fes rivaux j d’où Fon voit que les coquettes font
toujours fauffes.
On a propofé ce problème de coquetterie :
Chloé., jeune bergère, a deux amans 5 elle les
regarde comme -la gloire de fes charmes j & pour
les retenir auprès d’elle , s’ interdit tout ce qui
pourroit décéler le fecret de fon coeur. Chaque
amant, en particulier, fe croit le plus aimé, &
redouble fes foins pour faire prononcer fa victoire.
Mais la coquette-Chloé éloigne toujours ce moment
fatal. Prelfée à la fin de s’expliquer, elle
leur donne un rendez-vous. Elle v a , dit-elle, dévoiler
fon coeur tout entier. Quel triomphe I quelle
gloire pour l’amant préféré 1 Ils arrivent enfemble
au rendez-vous : l’un d’eux avoit une couronne
de fleurs. Chloé affidé fur un lit de verdure, &
pareillement couronnée de fleurs, fe leve auffi*
tôt quelle les apperçoit, ôte fa couronne, la met
fur la _tête de celui qui n’en avoit pas , & prend
celle de l’autre amant pour s’ en couronner. Chloé
s’ eft expliquée 5 quel eft l’amant favorifé ?'
- On pourroit encore faire ici la même queftion.
Aglaé affife à table avec trois amans , fourit à
l’un , boit^dans le verre de l’autre, & preffe le
pied du troifiêmé.
Madame de C .......... fut une de ces coquettes
célèbres , qui font beaucoup d’honneur à leur
métier par les pratiques illuftres qu’elles ontj l’éclat
de fes intrigues, lui attira une lettre-de-cachet,
qui la relégua dans une ville de province , fort
éloignée de Paris ; elle foupçonna M. de Harlay
de lui avoir caufé cette difgrace 5 elle alla lui
faire fes plaintes. Ce magiftrat peu fenfible à fon
malheur, prit le parti de la railler. » Vous en par-
i j lez hien à votre aîfe, lui dit- elle ; vous feriez
» bien embarraffé, fi on vous reléguoit au fond
» de la baffe Bretagne. ----- Il eft vrai, répondit
» le magiftrat, que mon embarras feroit plus grand
» que le vôtre} car vous pouvez faire votre mé-
» tier par-tout, & je ne puis faire le mien qu’à
» Paris «.
CORDELIER. Un cordelier en v’oyage fe trouva
pris par la nuit, & ayant rencontré lamaifon d’ un
feigneur, il fe perfiiada. qu’ il y feroit bien reçu :
on lui fit en effet un bon accueil ; le- feigneur
cependant voyant fon hôte embarraffé, réfôlut de
fe divertir à fes dépens ; il le pria donc de paffer
le lendemain chez lui, & lui propofa Une partie
C O R
de chaffe : il avoit deffeiri de lui faire monter un
cheval extrêmement fougueux, & qui ne pouvoit
être dompté que par un feigneur voifinj .on lui
avoit donné le nom de diable. Le cordelier eut vent
du tour qu’on vouloit lui jouer ; mais comme il
favoit fort bien fe rendre maître d’un cheval j il
diflimula tout , r & ne monta deffus qu’après bien
des grimaces , affe&ant beaucoup de crainte} mais
enfuite s’étant bien affuré, il commença à piquer
le cheval & à courir au grand galop. Le feigneur
11e pouvant le fuivre, lui cria de s’arrêter j le cordelier
lui répondit d’un ton railleur,.le diable m'emporte
J le diable m'emporte ! Après quoi il fe mit à
courir fur de nouveaux frais, & fe réfugia dans
une maifon de fon ordre, fans que le feigneur ait
jamais eu depuis aucune nouvelle de fon cheval.
CORNEILLE (Pierre) , père de la tragédie en
France, naquit à Rouen en 1606 : il étoit fils de
P ie r reCorneille, maître des eaux & forêts. Il fut
reçu de l’académie françoife en 1647, & mourut
doyen de cette académie en 1684, âgé de foixante
& dix-huit ans..
Corneille étoit affez grand & affez plein , Fair
fort fimple & fort commun , toujours négligé, &
peu curieux de fon’ extérieur. Il avoit le vifage
affez agréable, un grand mz , la bouche belle, les
yeux pleins de feu, la phyfionomie vive , des traits
fort marqués & propres à être tranfmis à la pofté-
rité dans une médaille ou dans un bufte. Sa prononciation
n’étoit pas tout-à-fâit nette. Il lifoit fes
Vers avec force ., mais fans grâce. 11 favoit les
belles-lettres, FhiftoiYè , la politique , mais il les
prenoit principalement du côté qu’elles ont rapport
au théâtre. Il n’avoit pour toutes les autres
connoiffances ni loifir , ni curiofité ni beaucoup
cFeftime. Il parîoit peu , même fur la matière qu’ il
entendoit fi parfaitement. Il h’ornoit pas ce qu’il
difoit, & pour trouver le grand Corneille, il le
falloît lire. Il étoit mélancolique. Il lui falloit des'*
fujets plus folides pour efpéren ou pour fe rejouir,
que pour fe chagriner ou pour craindre. Il avoit
l’humeur brufque, & quelquefois rude en apparence
5 a.17 fond , il étoit très-aifé à vivre , bon ‘
père, bon mari, bon parent, tendre & plein
d’amitié. Son tempérament le portolt affez à l’amour
, mais jamais au libertinage , & rarement
aux grands attachemens. Il avoit l’ame fière &
indépendante, nulle foupleffe, nul manège 5 ce
qui l’a rendu très-propre à peindre la vertu romaine
, & très-peu propre à faire fa fortune. Il
n’ aimoit point la cour, il y apporrôit un vifage
prefqu’inconnu, un grand nom qui ne s’attiroit
que- des louanges , & un mérite qui n’étoit pas le
mérite de ce pays là. Rien n’étoit égal à fon incapacité
pour les affaires, que fon averfion. Les
plus légères lui caufoient de l ’effroi & de la- terreur.
Il avoit. plus d’amour pour l’argent, que,
d’habitude ou d’application pour en amaffer. Il
c o r
ne s’étoit point trop endurci aux louanges à force
d’en recevoir ; .mais , quoique fenfible à la gloire ,
il étoit fort éloigné de-la vanité. Quelquefois il
s’affuroit trop peu fur fon rare mérite , & il
croyoit trop facilement qu’il pût avoir des rivaux.
A beaucoup de probité & de droiture naturelle >
il a joint dans tous, les temps de fa vie beaucoup
de religion > & plus de piété que fon genre d’occupation
n’en permet par lui-même. Il a eu fou-
vint befoin d’être r,affuré par des cafuiftes fur fes
pièces de théâtre, & ils lui ont toujours fait grâce
en faveur de la pureté qu’ il avoit établie fur la
fcène, des nobles fentimens qui régnent dans fes
ouvrages, & de la vertu qu’il a mife jufque dans
l’arhour.
Le grand Corneille fut quelque temps confondu
parmi les cinq auteurs que le cardinal de Richelieu
faifoit travailler aux pièces dont il donnoic
lui-même le plan. C es cinq auteurs étoient l’Etoile,
dont nous avons des mémoires } Bois-Robert, le
bouffon du cardinal (Soljetet, un des plaftions
de Boileau ; Rotrou, qui n’avoit point encore
donné fon Vincejlas ; & Corneille lui-même lubor-
don né aux autres qui Femportoient fur lui, ou par
la fortune ou par la faveur.
Le Cid3 qu’il fit pàroître en 1^36, eut un fuc-
cès fi éclatant, qu’il étoit paffé en proverbe de
dire : Cda eft beau comme le Cid. Corneille avo’t
dans fon cabinet cette pièce traduite dans toutes
les langues de l’Europe , hormis Fefclavonne &
la turque. Cette pièce reçut er.core un nouyeau
luftre de la jaloufie du cardinal de Richelieu. C e
miniftre que toute gloire étrangère offufquoit,
enjoignit expreffément à l’académie'françoife de
faire la critique du Cid. Mais les académiciens ,
fuivant leurs ftatuts, tie pouvoient prononcer de
jugement 'fur l’ouvrage d’un autre académicien ,
leur confrère, fans qu’il y confentît. On fut donc
obligé d’ayoir une efpèce de confehtement de.
Corneille, qu’ il donna par la crainte de déplaire
au cardinal, & qu'il donna pourtant avec affez de
fermeté. — ^ '7
On vouloit l’engager à répondre à cette critique
de l’académie : La même raifon, dit-il ,
qu'on a eue pour la faire , m'empêche d’y répondre.,
Au refte * cette critique eft un modèle de goût
& de politeffe. Elle n’empêcha cependant pas le
public de continuer à admirer le Cid3 parce que
cette pièce renferme des beautés encore fupé-
rieures à fes défauts.
En vain contre le Cid un miniftre'fe ligue ,
Tout Paris pour Chimène a les'yeiix de Rodrigue.
B o i l e a u .
Chimène , comme Fon fait 3 eft l’héroïne de la
pièce, & Rodrigue, fon amant, en eft le héros.
Fontenelle, dans la vie de fon oncle, dit que fi