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*657 , d*une bleffure qu’il avoit reçue au fiége
de Lens.
C e fut un des plus grands guerriers des derniers
fiècles. Infatigable, ardent, intrépide, fon
courage fembloit furmonter tous les obltacles, &
fon nom même étoit redoutable aux ennemis.
Le père du maréchal de Galïion, qui étoit
préfident au parlement de Pau, s’oppofa le plus
qu'il put à la paffion que fon fils témoJgnoït pour
le metier de la guerre. Mais voyant que tous fes
efforts étoient inutiles, il fe rendit enfin & lui
d it: « fouvenez-vous bien , mon fils, de ce que
» je vous ai tant de fois répété fur la délicateffe
» du métier que vous allez faire. Sachez que vous
» m’aurez pour le plus grand de vos ennemis,
» fi vous manquez de coeur , & que je ferai le
» fécond de tous ceux que vous pourrez quereller
» mal-à-propos ».
Madame de Motteville rapporte dans fes mémoires
que GaJJîon lui çontoit que Iorfqu’il for-
tic de la maifen paternelle pour aller chercher
fortune à la guerre, il n’àvoit que vingt ou trente
fols pour faire fon voyage ; & qu'en marchant
dans les chemins , il mettoit fes fouliers au bout
d'un bâton pour les conferver. Mém. de Motte-
ville.
Lôrfqu’ il eut fait une première ,campagne dans
la Valteline, il s'attacha au duc de Rohan qui,
à la tête des calvinittes, foutenoit la guerre civile
avec beaucoup de talens. Quoique bleffé au pont
de Cameretz , il ne voulut pas fe féparer de fon
général. Mais -pourrez-vous nous fuivre ? lui dit le
duc. Qui m’en empêchera ? lui répondit GaJJîon :
vous ri allez Pas f i v^te ^ans vos retraites. Cette répartie
fine & obligeante fit honneur au jeune militaire,
& fixa les yeux fur lui*
Il paffa au fervice du grand Guftave, alors la
meilleure école de l'Europe. Ce prince, charmé
d ’une aétion de vigueur & d'intelligence qu'il lui
avoit vu faire, lui donna une gratification confi-
dérable : elle fut partagée fur Je champ à tous
ceux qui avoient eu part au combat. Cet argent
ri étoit que pour vous , lui dit Guftave ». Et moi,
» répliqua le jeune officier, je l'ai diftribué à mes
» compagnons, pour leur conferver la volonté
» qu'ils ont de mourir pour votre fervice, que je
» dois plus chérir & que j'eftime plus que ma
» vie ».
L'armée de Guftave ayant paffé le Lech, GaJJîon
fut logé à Ausbourg chez le magiftrat, qui en fit
les plus grands éloges au monarque Suédois. Ce
prince, qui avoit déjà pris beaucoup d'eftime &
de tendreffe pour fon brave, ainfi qu'il l'appeloit,
l'envoya chercher, & lui dit avec complaifance :
mi galle y novi te egregium militem , difeo te ejfe
optimum kofpitem ; quid de te pojfum dicere amplius ?
Gaj/îon qui ignoroit le fujet de ces paroles obli-
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géantes, répondit: fore me tecum viHorem, vet
pro te mortuum. Le roi fe tourna vers ceux qui
étoient autour de lui : « voilà , leur dit-il, le
» feul François de qui j'aie oui dire du bien à
» fon hôte ».
L e général ennemi étoit campé à Nuremberg
avec foixante mille hommes. Le roi de Suède,
quLétoit en préfênce avec vingt mille hommes
feulement, ateendoit des fecours de plufieurs côtés»
Il chargea Gajfîon de faciliter leur arrivée. Cet
officier s'acquitta de fa commiflion & battit en
même-temps un corps confidérable d’Autrichiens.
C e fervice étoit fi important que Guftave exigea
que le vainqueur lui demandât une récompenfe.
« Je fouhaite , lui répondit-il, d’être encore
» envoyé au-devant des troupes qui doivent arri-
» ver ». Le roi tranfporté de joie, lui dit en
l’embraffant : « marche ; je te réponds de tout ce
» que tu laiffes ici : je garderai tes prifonniers, 8c
» t'en rendrai bon compte ».
GaJJîon étant entré au fervice de la France fa
patrie, Louis XIII le mena à la chaffe par un
tetpps très-froid. Il ne diffimula point fon fenti-
ment fur les perfonnes de la fuite du roi, que ce
temps faifoit murmurer ; & le roi lui demanda
s’il n'avoit pas plus pitié des foldats que des cour-
tifans. « N o n , fire, répondit Gajfîon y quand ils
» font en quartier, ils ne peuvent pas avoir froid
» au coin du feu ; & quand ils font en campagne »
» le fantaffin n’a pour s’échauffer qu'à marcher ,
» & le cavalier n’a qu’à fe battre ».
Le maréchal dt GaJJîon ne voulut jamais s’em»
gager dans les liens du mariage. Il répondoit à
ceux qui lui propofoient de fe marier, quil rief-
timoit pas ajfez la vie pour en faire part a quel»
qu’un.
G A STO N . ( Jean-Baptifte) Duc d’Orléans,'
fécond fils d’Henri IV & de Marie de M éd ias ,
né en ié o # , mort, en 1660. Haï de Louis XIII
fon frère, perfécuté par le cardinal de Richelieu,,
entrant dans toutes les intrigues, & abandonnant
toujours fes amis ; il fut la caufe de la mort du
duc de Montmorenci, de Cinq-mars, du vertueux
de Thou. A une fête qu’il donnoit il prît le due
de Montbazon par la main pour le faire defcen.dre
d’un gradin ; ce duc offenfé lui dit : je fuis le premier
de vos amis 'que vous ayez ù defcendre de
l ’échafaud.
Mademoifelle, fille de Gafton de France, pré-
tendoit époufer Louis X IV : c ’étoit une digne
prétendante ; cependant, durant les guerres dé
Paris, elle prit parti pour M. le Prince, & fit
tirer, à la bataille de Saint-Antoine fur l’armée du
roi, le canon de la baftille; ainfi elle facrifia cette
grande prétention à M. le Prince. Le jardinai de
Mazarin dit qu’elle avoit tué fon marilTun coup
de canon,
GAUSSERIE*
GAUSSERIE. Un feigneür voyant paffer un
médecin lui d it , oar manière de g au J jer ie : où
allez-vous, Monfieur le maréchal? Monfieur,
répondit auflitôc le médecin, je vais traiter votre
feigneurie.
Dans le temps des vacations, trois procureurs
qui s’ en retournoient chez eux à la campagne,
atteignirent un charretier ; & comme ils étoient
en humeur de rire , ils lui demandèrent, en le
raillant : pourquoi fon premier cheval étoit fi gras
& ceux qui: le fuivoient fi maigres ? C ’eft, répondit
le charretier qui les connoiffoit, que mon
premier cheval eft procureur & que les autres font
fes cliens.
Une jeune vlllageoife couro't après fon âneffe :
un gentilhomme la trouvant affez jolie, lui demanda
d’où elle étoit. — De Villejuif, répondit-
elle ; — mais vous devez connoître la fille de
Nicolas Guilîot, faites-moi l’amitié de lui porter
un baifer de ma part, & en même-temps il chercha
à l’embraffer ; mais cette jeune fille, s’y oppofant
lui dit : Monfieur, fi vous êtes fi preffé, donnez-
le à mon âneffe, elle fera arrivée plutôt que moi.
Et en même-temps elle s’échappa des bras dë ce
galant.
Le marquis de Grancé revenu de l’armée, encore
tout couvert de pouffière & avec un habit
mal propre , étant au Louvre pour faire fa cour
au prince , deux courtifans mufqués qui le rencontrèrent
dans l’antichambre en ce méchant équipage
, lui dirent: « comme vous voilà arrangé,
» vous êtes fait comme un palfrenier : oui, Mef-
w fieurs , tout prêt à vous bien étriller ».
Trois abbés, montés fur des ânes , rencontrèrent
trois cavaliers ; un d’eux leur demanda,
comment vont les ânes , meflïeurs les abbés ?
Monfieur , répondit un des abbés, ils vont à
cheval.
Un payfan qui paffoit à Paris, fur le pont
au change , n’appercevoït point de marchandifes
dans plufieurs boutiques; lacuriofité le prend,
il s'approche d’un bureau de change: Monfieur,
demanda-t-il, d’un air niais, dites-moi ce que
vous vendez. Le changeur crut qu'il pouvoit fe
divertir du perfonnage : je vends; répondit-il, des
têtes d'ânes. — Ma foi lui répliqua le payfan,
vous en faites un grand débit, car il n’en refte
plus qu’une dans votre boutique.
Un écolier voulant entrer en fixième, fut trouver
le préfet pour être examiné. Le père, en fe
promenant avec le petit bonhomme, lui demanda
de dire en latin, je fuis un âne, l’enfant répondit
, fequor afinum.
Certaines demoifelles, fe promenant à la cam-
pagne, rencontrèrent un berger qui portoit un
çh^vreau au marché ; unç d’efttx ç çftç$ $'eii éçapt
£nçyçlopédianq,
approchée » le careffe, & dit à fes compagnes :
regardez comme il eft joli, il n'a pas encore de
cornes. — C ’ell qu’il n'eft pas encore marié, repartit
le berger.
Dans une guerre de France contre l ’Efpagne,
les armées françoifes avoient pris un afeendant décidé
fur les troupes efpagnoles, & étoient en
poffeffibn de les battre. La cour, de Madrid , pour
couvrir, autant qu’il étoit poffible, les fautes de
fes généraux, fe donnoit un àir de victoire après
chaque bataille. Un françois ofa en marquer fa
furprife à la marquife de Grana. Cette dame ainfi
que le rapporte Saint Evrémont, lui dit finement :
« laiffez-les fe contenter; vos feux font des feux
» de joie, & les nôtres font des feux d’arufice »*
G AUSSIN. (Jeanne Catherine) Aftrice célèbre
de la comédie françoife, naquit à Paris en
1711 ; fon goût & fes talens pour le théâtre
s’étoient manifeftés de bonne heure ; & par fon
jeu ainfi que par fa beauté, elle avoit déjà fait
les délices de la fociétë de M. le duc de Gèvres,
qui donnoit des comédies à Saint-Ouen, lorfqu’à
l'âge d’environ dix-fept'ans, elle partit pour Lille
où elle joua près de deux ans; fes fuctès dans
cette ville la firent défirer à Paris, où elle débuta
en 17; 1 , par les rôles de Junie dans Britannicus,
d’Aiicie dans Phèdre, & d’Iphigénie, nous ignorons
lés rôles corniques dans lefquels elle parut
alors; mais dans les deux genres elle annonça de
fi heureufes difpofitions qu’elle fut reçue la même
année , avec l’approbation générale ; fes fuccès
furent éxtraordinaires , elle réuffiffoit furtout dans
les rôles d’amour.
Mademoifelle GauJJîti favoit allier les talens qui
fembloient les plus incompanbles, & lorfqu’elle
vouloir bien déroger au genre noble , & aux
grâces pour 'lêfquelies elle étoit née , elle faifoit
encore le plus grand plaifir : on l ’a vue , pour fe
^prêter aux amufemens de quelques fociétés, jouer
des perfonnages grotefqties , tels que celui de
Caffandre dans plufieurs parades, avec le plus fin-
gulier fuccès.
Mademoifelle Gaujfin époufa, eni 7 f,8, un italien
nommé Toùbigo qui avoit été danfeur à l’opéra^
cinq ans aptes, par un principe de religion, elle
quitta le théâtre, & e,lie mourut en 1767.
Vers de Nivelle de la Chaujfée a mademoifelle
G a u s s i n ,
O t o i , qui m’as prêté les talens enchanteurs,
Aflemblage parfait des dons les plus flatteurs,
Elève & modèle des grâces,
Aimable & cher objet, que Thalie & fes foeurç
Ne peuvent couronner que de ces mêmes fleurs
Que tu fais naître fur tes traces,
Si je n’ai point encor effuyé de revers,
Je p’en (Lois qu’à- tpi feqle un éternel hommage!
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