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Au combat de Fontaine-Françoife, lè roi dégagea
le maréchal de Biron du milieu des arque-
bulades. Un des ferviteurs de fa maiefté lui dit
qu il y avoit trop de hafard à lè jetter aveuglément
au milieu de fes ennemis. <= Il eft vrai dit
le roi ; mais fl je ne le fais, & 1i je ne m'avance ,
maréchal de B ira n s en prévaudra toute fa vie.
A la bataille d'Ivry il commapdoit le corps de
referve, & noyant pu qu'admirer les prodiges de
valeur que le roi venoit de faire, Biron lui dit,
lire , vous avez fait mon perfonnaee & j'ai fait le
votre,
Sa paffion pour le jeu étoit extrême, il y perdit
dans une année plus de cinq cents mille écus.
Henri IV n auroit jamais pu fe réfbudre à laif-
ler périr Ton ancien ami, & celui à qui il avoit
Ï3UV5 lui-même la vie plufieurs fois , fi par fon
obftination il ne fe fut précipité au devant de fa
ruine. Lorfque 1 on commença à donner des foup-
£ons a Henri fur les liaifons de Biron avec les
ennemis de la France, il ne voulut point d'abord
y ajouter foi, Des papiers de la dernière importance
furent remis' entre fes mains par le confident
meme du maréchal. Le plan de la çopfpiration
etoit de rendre le royaume de France élç&ifcomme
} empire, d'y faire autant de fouverainçtés «qu'il y
avoit de gouvern.emens, de réduire le roi à n'avoir
çn France que la meme autorité dont l'empereur
jouit en Allemagne. B'-ron fe flatfoit en particulier
J avoir * ȕfgf Dnppui de la Savoie 8c de FEfpagne,
la fouveraineçc du duché de Bourgogne & de la
Franche-Comté, Henri, fans riçn faire connoître
ce qu'il avoit appris , écrivit au Maréchal qui
etoit pn Bourgogne ? dç fe rendre à la cour. Biron
allégua plufieurs prétextes pour retarder fon voya-
ge$. enfin il fallut partir. Il fi: préfenta au roi qui
ëtoit a Fontainebleau. Àuffi-tôt que ce princé
J apperçut, il s'avança vers lui avec quejquç précipitation
, & l'embraffa en lui difant : « Mon cpn-
p fin, vous ave?, bien de venir ; car autrement
3» je vous allois quérir »». Le maréchal fe répandit
çn e^eufes j m^is le roi, faps lui témoigner le
moindre mécontentement, fe mit à lui parler avec
fa bonté ordinaire. Il le prfe par la main, fe pro
mena aveç lui dans fes jardins, lui détailla fes dif-
férens projet? comme à (on ami & même à fpn
égal. C.e bon prince èfpéroit de Biron que la feule
prefence d un Cbuverain dont il étoit aimé , &
flu il projettoit de trahir, ferqit renaître dan? fon
Coeur ces fentimens de zèle, de fidélité & d’o-
beiffancjc dont le moindre François eft animé pour
fçn roi. Mai?, lorfque ce prince vint à entamer
la grande affaire qui l’agitoit, Biron ne préfumant
pas que le roj filt,auflî bien iijftruit qu'il difoit,
ne fe çoptenta point dp fe tenir modeftement fur
la négative 5 il dit au roi » qjie n’ayant point de
» fautes à fe reprocher i il n'avoit pas befoin de
•é P?.fdon - qu'il n'étoit point venu pour fe juftiT
P f mais pour. fyyq# iç? 4?-
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»3 teurs ; & que fi on ne lui en faifoit pas juftice,
“ “ f^uroit bien fe la faire lui-même Le roi,
bien loin derelever l'infolence d'un pareil difeours,
quand même celui qui le tenoit auroit été innocent
, continua de lui parler avec la plus grande
douceur. Ce prince eut plufieurs conférences pareilles
avec le maréchal, efpé.tant toujours l'ame-
ner a un aveu qui lui donnât lieu d'exercer toute
fa clemence envers ce malheureux feigneur autrefois
fon ami. «A la fin, le roi ennuyé un jour de
»» fes rodomontades & de fon opiniâtreté, le quit-
“ ** 3 w* difant pour dernières paroles : Hé bien t
» i l faudra apprendre la vérité d'ailleurs. Adieu,
» baron de Biron. Ce mot fut comme un éclair
33 avant-çoureur de la foudre qui l'âlloit terraffer $
»> le roi le dégradant par là de tant d’éminentes
»3 dignités dont il 1 avoit honoré. Ce même jour,
»» le comte de Soiffons l'exhorta encore de lapait
» du roi de lui confeffer la vérité, & conclut fa
3. remontrance par cette fentence du fage : Le
** çourrpujs du roi ejt le mejfager de la mort ».
Henri fit affembler fon confeil ; & ayant fait
mettre fur le bureau les différens papiers concernant
la confpiration , il s'énonça en ces termes fur
le compte du maréchal : » Je ne veux point per-
33 dre cet homme } mais il veut fe perdre lui-même
» de fon bon gré : cependant ne me le faitespoint
»3 perdre fi vous n'eftimez qu’il mérite la mort j
>3 je lui veux encore dire que s’il fe laiffe mener
» par juftice, qu'il ne s'attende plus à grâce quel-
»3 conque de moi». Les miniftres du prince pri-,
rent une^connoiffançe exaéie de toutes les pièces
du procès. Ils auroient voulu correspondre à la
bonne volonté^ que le roi avoit toujours pour
Bironj piais, étant fommé? de dire leur avis en
confidence & félon les loix, il n'y eut point de
parcage entr'euxj ils répondirent unanimement
que l'accufé méritoit la mort. Le roi prit à l'inf-
tant fon parti fur cette terrible réponfe. Biron
fut arrêté & fon procès ayant été faii_, il fut
condamne a avoir la tête tranchée fur un échav
faud drelfé dans une des cours de la baftille.
Lorfqu'il fut fur lç point d’être exécuté, il
tira fpn mouchoir de fa poche & fe banda lui-
même les yeux. Il fe mit à genoux : un inftant
après il ôta brufquement le mouchoir 8c jetta fur
l'exécuteur un regard terrible, on crut que c'é?
toit pour lui arracher fori coutelas, mais il ne
ray oit point encore pris. Op annonça au maréchal
qu’il falLoit d'abord que l'exécuteur lui coupât les
cheveux, alors il fe mit en fureur i-qu’on ne m'approche
pas , cria-t-il, je ne faurois l’endurer : fi
l’on me met en fougue j'étranglerai la moitié de
ce qui eft ici. A ,çes mots , prononcés avec énergie j
plufieurs des affiftans çherchoient déjà à mir.
Enfin , Birpn dit à un dg ceux qui Fàyoient gardé
pendant fa prifon, de yenir lui rendre ce fervice,
Eftfrô s':éfanç fajçbandçr Je? ? i) 4iç à
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iCBteur'V dépêche , dépêche , & l’arrêt fut
exécuté.
# Henri IV accorda la confifeation des biens dri
maréchal à fi>n frère y ,8c comme plufieurs maçf-
trats lui repréféntèrênt que de femblables conni-
cations êtoiént contré l’ufage, & qu on ne pou-
yoit prendre trop de mefures pour ecarter des
attentats pareils à celui qui avoit donne heu au
procès : « Ç’eft fort bien raifonner , dit le prince j
» mais j’éfpère que la mort du coupable feryira
de leçon à fon frère , & que ma bonté me 1 attachera.
BLANC. Jean Blanc, bourgeois de Perpignan ,
étoit premier conful en 1474 3 lorfque les hançois
en firent le fiège. Son fils unique ayant été pris
dans une fortie, les généraux ennemis lui firent
dire que s’il ne rendoit la place, ils le feroient
maflacrer à fes yeux. La réponfe de Jean Blanc , !
fut que jfa fidélité pour fon roi , étoit fuperieure a la
tendrejfe pour fon fils. Cette réponfe généreufe fut
pour fon fils un arrêt de mort, & la défenfe qu’il
fit enfuite immortalifa fon nom^& mérita , a Perpignan
, le titre de très-fidèle>
BLANCHE de Caftille, mère de S. Louis.
Cette pieufe reine allaita fon fils avec un foin 8c
une tendreffe qu’elle porta jufqu’à la jaloufie, ne
voulant pas que le petit prince fut nourri d’un
autre lait que le fien. , Elle fût attaquée de maladie,
& dans l’accès de fa fièvre qui dura longtemps
, une dame de 1ï cour qui imitait fa conduite
, & nourriffoit fon fils , donna fa mamelle à
Louis qui la prit avidemment. Blanche, à la fortie
de fon accès, demanda le prince, lui préfenta le
fbin. Surprife qu’il lé refusât, elle en foupçonna.
la caufe , & demanda fi l’on avoit donné a tetter
à fon fils. Celle qui lui avoit rendu ce petit office,
s'étant nommée, Blanche , au lieu de la remercier
, la regarda avec dédain , mit le doigt dans la
bouche du petit prince , & lui fit rejeter le lait
qu'il avoit pris. Comme cette aftion un peu vio^'
lente étonnoit ceux qui la virent: « Eh quoi?,
leur dit-elle pour fe juftifier , prétendez-vous que
je fouffre qu’on m'ôte le titre de mère que je
tiens de Dieu & de la nature » ?
Parmi les preuves de courage que cette prin-
ceffe a données , on peut citer ce qui fe pana au
fiège de Bellême-au-Perche. Cette ville défendue
par le duc de Bretagne & les troupes du roi d’Angleterre
, paflbit pour être imprenable. On étoit
au plus fort d’un hyver extrêmement rigoureux}
Blanche ne fe rebuta point, elle fe préfentoit partout
à côté du roi, fe montroit à la tête de l'ar-
m'e , encourageoit par fes difeours les officiers
& les foldats, 8c contribua infiniment à la reddition
de la place y qui eut enfin lieu après des travaux
8c des fatigues incroyables qu'elle avoit partagés.
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Blanche de Padoue, nommée Porta. Cette
femme d'une grande beauté , perdit fon mari dan*
la défenfe de BafTano , en 1253, & fut prifon-
nière du tyran Acciolin. Le vainqueur voulant la
forcer de fatisfaire fes defirs , elle fe garantit de fes
pourfuites en fe jettant par une fenêtre j elle guérit
bientôt de fes bleffures , excita de nouveau la
paffion effrénée d'Acciolin qui la fit lier fur un lit.
Blanche défefpérée diflimula , & demanda à voir
le corps de fon mari} on lui ouvrit fa tombe ,
elle -s'y précipite & - s'y enfevelit en attirant fat
elle la pierre qui couvjroit le tombeau.
BLANCHET ( Thomas }, né à Paris , l'a»
1617, mort en 1689.
Après avoir terminé les peintures qu’il avoit
entreprifes dans l'hôtel-de-ville de Lyon , Blan-
cket préfenta aux échevins , qui lui demandoient
un état du débourfé de fes couleurs, un mémoire
dans lequel il mit en compte pour cent mille francs
de blanc & de noir. Les échevins comprirent fa
penfée , lui firent un paiement proportionné à fo»
ouvrage, lui accordèrent une penfion considérable
, 8c un logement pendant fa vie à l'hôtel-de-
ville.
BLESSURE. Philippe £ roi de Macédoine, fe
plaignoit quelquefois.de ce qu'il étoit devenu boiteux
d’une plaie reçue dans un combat î « ne vous
fâchez point, lui dit un jour Alexandre fon -fils ,
d’une bleffure qui à chaque pas que vous faites ,
vous fait fouvenir de votre courage 8c de votre
vertu ».
Alexandre le Grand , ayant reçu un coup de
flèche dans un combat , dit à ceux qui l'environ-
noient : Chacun m'appelle immortel, fils de Jupi-r
ter : qu'en dites-vous? cette bleffure ne donne-t-elle
pas le démenti à tous cestflatteurs là? Ce fang qui
coule n'eft point d’une autre couleur que celui
de mes fujets, & il m'avertit que je ne fuis qu'un
homme.
BOCACE/ Jean), écrivain italien né à Cer-
taldo, ville de Tofcane, en 1513 , dé parens pauvres,
mort en 1375 à 61 ans.
Bocace fut d'abord garçon de comptoir} mais
le génie de la poéfie qu» le maîtrifoit, lui fit bientôt
abandonner le calcul aride de la banque pour
s'adonner à la culture des belles-lettres. Il fe mit
fous la difeipline du célèbre Pétrarque, qui aida
fon élève de fes confeils 8c de fa bourfe, & lui
procura des protecteurs. Bocace, inférieur à fon
maîtr-e dans la poéfie, lui eft fupérieur dans la
profe. 14 en créa & fixa la grâce, l'élégance &
l'harmonie. Son Decameron eft l’ouvrage qui a le
plus contribué à fa réputation. C'eft un recueil de
cent nouvelles, remplies d'aventures d'amour fort
piaifaotes & de beaucoup détours de friponneries