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fenfé pour être créé grand prêtre par fes concitoyens
, 8c pour parvenir à un âge avancé à travers
les périls fans nombre dont nos fens feuls peuvent
nous garantir.
Le grand axiome de Pyrrkàn, c’ eft qu’il n’y a
point de raifon qui ne puiiTe être contre-balancée
par une raifon oppofée 8c du même poids. Lorsque
Denis le Tyran offrit à Platon une robe a la
mode dé Perfe , longue & parfumée, ce philo-
fophe la refufa, difwit, «qu’étantné homme il ne
fe vêtiroit pas yolontiers d’une robe de femme > »
mais Arifiippe T’accepta avec cette réponfe; que
nul accoutrement ne pouvait .corrompre un chafte courage.
Ce même Ariftippe voyant Diogène qui la-
voit des choux : « Si tu favois-, lui dit-il, vivre
avec les hommes: , tu ne laverois pas des
•choux,..» 6' f i tu fait ois. vivre de choux, lui repartit
Diogène , tu ne ferais pas la cour a un
tyran. Voilà- y difoit le fceptique Montagne ,
pour appuyer l’axiome de Pyrrhon J comment la
raifon fournir d’apparence à divers effets. Ç ’eft un
pot à deux anfes qu’on peut faifîr à gauche 8c à
dextre.
Pyrrhon foutenoit que vivre 8c mourir étoit la
même chofe. Un de fes difcrples choqué de cette
extravagance, lui ayant dit : Pourquoi donc ne mourez
vous pas ? « C ’eft précifément 'j répondit-il ,
parce qu’il n’y a aucune différence entre la mort
& la vie ,». ‘
Pyrrhon rencontrant un jour Anaxarque, fon
maître, qui étoit tombé dans un foffé, paffa outre
fans daigner lui tendre la main, Mon maître, di-
foir-il en lui même,eft auffi bien là qu’autre part}
& Anaxarque fut le premier à s’applaudir d’avoir
un tel difciple.
Dans un voyage que ce philofophe fit fur mer ,
ion vaifleau fut fur le point de faire naufrage.
- Comme il vit tous les gens de l’équipage faifis
de frayeur, il les pria d’un air tranquille de regarder
un pourceau qui étoit à bord & qui man-
geoit à fon ordinaire : » Vo ilà , leur dit-il, quelle i
doit être l’infcnfibilité du fage *5» •
Quand Pyrrhon parloit dans fon école, il fe
naettoit peu en peine fi on i ’écouto t ou'fi on
ne l’écôutoit point, & il continyoit fes difcours
quoique fes auditeurs s’en allaffent.
C e t homme fingulier cenoit ménage avec fa
fôeur, 8c partageoit avec elle les plus petits foins
domeftiques. On feroit curieux de le fuivre lerf-
qu’ il balayoit la maifon , lorfqu’il engraiflort des
poulets, des cochons 8c Es portoic vendre au
marché, pour fa voir fi fa philofophie ne Taban-
donnoit pas quelque fois.« On le furprit un jour
qu’il fe fâchoit contre fa foeur pour un fujet àffez
léger. Comme on lui remontroit que fon chagrin
ne s’accordoit point avec la tranquiiité d’ame
dont il faifoit profefîîon. Penfez-vous, réponditî
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i l , que je veuille mettre cette vertu en pratique
pour une femme ?
Quelques autres traitspourroient encore prouver
que Pyrrhon dans'le particulier, 8c lorfqu’il fe
croyoït fans témoins, fe relâchoit un peu de fes
principes, 8c favoit fe mettre à fon aife.
P Y R RH U S , roi d’Epire, mort l’an 272 avant
Jéfus-Chrift.
On connoît la réponfe de Cinéas, rapportée
par Plutarque. Ce confident de Pyrrhus voyant
cesprince qui fe préparait à paffer en Italie, 8c le
trouvant un jour dp lbifir 8c de bonne humeur,
il entra librement en convention avec lui.
cc Vous fongez , lui dit-il, à faire la guerre aux
romains. Si les dieux bous font la grâce de vaincre
cette nation beliiqueufe., quel avantage tirerons-
nous de notre victoire? — Les romains une fois
vaincus, répondit Pyrrhus, toute l’Itàiie fera à
nous. ” 7 I f f quand nous en ferons maîtres, con-
. tinua Cinéas, que ferons nous? » Pyrrhus qui ne
voyoït pas encore -où il en vouloir venir : « Voilà,
lui dit-il, la Sicile qui nous tend les bras, &
tu fais de quelle importance eft cette ifle. —
Mais, ajouta Cinéas, la, Sicile prife féra-t-el'.e
la fin de nos expéditions? — L'îon certainement,
répliqua Pyrrhus avec vivacité. Quoi ! nous demeurerions
en fi beau chemin ? Si les dieux nous
accordent la viéloire , 8c que nous réuffiffions, ce
ne feront là que les préludes des plus grandes en-
treprifes. Carthage avec toute l’Afrique, la Macédoine
mon ancien èdmaine, la Grèce entière,
voilà une partie de nos conquêtes futures. — Et
quand nous- aurons tout conquis, que ferons nous ?
-—Ce que nous ferons? Alors, mon ami, nous
vivrons en repos, nous pafferons les jours entiers
en feftins, en conventions agréables, &
nous ne penferons qu’ à nous réjouir. » Cinéas
content de l’avoir amené à cette conclufion :
| » Eh ! feignéur, lui dit-il, qui nous empêche dès
' aujourd’hui de vivre en repos, de faire des
I feltins, de célébrer des fêtes & de nous bi-.n
réjouir ? Pourquoi aller chercher fi loin un
bonheur que nous avons entre nos mains ; &
»acheter fi cher qe que nous pouvons avoir fans
peine? »
Pyrrhus\ à la tête des Tarentins, livra bataille
au conful romain Lævinius près d’Héraclée, &
demeura maître du champ de bataille. C e prince
avoit amené avec lui des éléphans armés en
guerre. La vu e , l’odeur extraordinaire & les
•cris de ces monftrueux animaux, effarouchèrent
les chevaux de l’armée romaine, 8c causèrent
fa déroute plutôt que fa défaite. L e combat fut
meurtrier. Cependant Pyrrhus eut l’avantage }
comme on le félicitoit fur cette vi&oire : « Hélas !
<dit-il, fi nous en remportons encore une pareille,
nous fouîmes' perdus ».
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Pyrrkus défiroît beaucoup la paix, & il envoya
à Rome le philofophe Cinéas pour la pro-
pofer au fénat. Plutarque fait le plus grand éloge
de ce miniffre de Pyrrhus t & ajoute qu’ il confirma
la vérité de ce vers d’Euripide, que l'éloquence
emporte tout ce que le fer pourroit emporter.
Pyrrhus avouoit auffi que les négociations de
Cinéas lui avoient gagné plus de villes, qu’ il n’en
avoit lui-même conquis par les armes. Lqrfqu’il
fe préfenta au fénat de Rome, les fénateurs parurent
d’abord écouter les proportions de cet
ambaffadeur. Mais le célèbre Appius Claudius
ayant élevé la voix fit palier dans le coeur de fes
concitoyens la noble fierté dont il étoit animé. Il
fut répondu d’une voix unanime à Cinéas, <* que
fi Pyrrhus fouhaitoit l’amitié da peuple romain,
il ne devoit en faire la propofidon que quand il
feroit forti d’Italie »..
Ce fut au retour de çette ambaffade que Cinéas
ayant conçu l’idée la plus grande du corps augufte
des fenateurs romains, dit au roi d’Epire , « que
le fénat de Rome lui avoit paru une aifemblée de
rois-»».
Pyrrhuss après plufîeurs expéditions militaires,
entra dans le Péioponèfe pour favorifer le parti
de Cléonime qui l’a voit appelé à fon fecours. 11,
médiça le projêt d’affièger la ville de Lacédémone.
Les, lacédémoniens lui envoyèrent des ambaffa-
deurs, auquels il fit beaucoup de menace.s. L ’un
d’eux lui répondit: « Si tu es un Dieu , nous ne
te craignons point parce que nous ne t’avons
point offenfé : fi tu n’es qu’un homme, tu n’es pas
plus fort que nous ».
Pyrrhus ravagea le territoire de Sparte-, & fur
le foir il campa devant Lacédémone. Cléonime
lui confeilloit de profiter de l'effroi qu’il avoit
jetté dans la ville pour s’en emparer. Mais Pyr-
rhuS' qui croyoit cette prife fûre, anima mieux
différer au lendemain. On comptait fi peu à Lacé^
démone fur ce délai, que les amis 8c les efclaves
de Cléonime préparaient fa maifçn , dans l’efpé-
rance qu’il y viendroît fouper avec Pyrrhus. La
nuit venue on délibéra d’envoyer les femmes en
Crète. L’une d’elles nommée Archidamré faille
une épée, 8c entra dans lefénat : «c-Seigneurs Spartiates
, dit elle fièrement, penfez-vous donc que
nous foyons affez lâches pour furvivre à la perte
de notre patrie l Ne fongez qu’à vous défendre,
nous combattrons avec vous , 8c nous fauve-
rons Lacédémone, ou nous périrons fous fes
débris ».
Le lendemain les filles & les femmes, après
avoir donné elles-mêmes aux jeunes gens leurs
armes 8e les avoir exhortés au combat, vinrent
partager les travaux du fi-ge. Pyrrhus qui ne
s attendoit pas à une telle réfiftance, fe retira pour
3 f,r k- jettcr fur Ie territoire d’Argos. De nouvelles
diflenfipns agitaient cette république, &
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Pyrrhus toujours prompt à fe faifir des moindres
évènemens ,pour tenter de nouvelles aventures ,
fe préfenta à la tête d’une puiffante armée devant
Argos. Les argiens lui avoient envoyé des députés
pour l’engager à ne favorifer aucun des partis
qui divifoient Argos. Il promit tout, & entra la
nuit même dans cette ville dont on lui avoit facilité
l’entrée. Pyrrhus eut l’imprudence de faire
entrer avec lui fes éléphans qui, trop refferrés,
nuifirent beaucoup à EaéHon. Cependant, abandonné
des fiens & prêt à tomber entre les maias
de l’ennemi, il fe fait jour pat fa valeur après,
avoir quitté fon aigrette pour n’être pas reconnu.
Un argien l’ attaque St lui porte un coup de javeline,
qui fut paré par l’épaiffeur de la cuiraffe.
Pyrrhus fe retourne auffirôç contre celui qui l’a-
voit frappé. C ’étoit un fimple. foldat, fils d’une
pauvre femme d’Argos. Cette mère regardoit le
combat de deffus le toît d’une maifon comme
toutes les' autres, femmes. Appercevant fon fils
aux prifes avec Pyrrhus , hors d'elle-même 8c
faifîe de frayieur , .elle prend à deux mains une
groffe tuile , la jette fur Pyrrhus & le renverfe
fans connoiffance. Un certain Zopyre,.qui avoic
déjà porté les armes contre ce prince, le reconnut,
& levant foïï cimettre s’avança pour lui couper la
tete. Dans ce moment Pyrrhus, revenu un peu à
lu i, ouvre les yeux 8e regarde Zopyre d’un air fi
menaçant & fi terrible, que celui-ci effrayé, les
mains tremblantes 8c voulant pourtant exécuter
fon deffein, ne put bien, affener fon. coup. Il le
frappa au deffous de la bouche , lui fendit le
menton } & ce ne'fut qu’avec beaucoup de peine
qü’ il liii fépara enfin la tête du corps. Plutar-
que.
Aînfî périt ce prince qui dut toute fa réputation
à fes qualités perfonnelles. Après lui, on n’a
plus entendu parler du petit royaume d’Epyre.
«, Pyrrhus , fuivant fon hiftonen traduit par
Amyot, ne fît jamais autre chofe entoifce fa vie
que vacquer à la fcience de la guerre & l’étudier
comme celle qui étoit véritablement royale, fans
faire compte de toutes autres fciences gentilles â
favoir. Auquel propos on récite , que quelque
jour en un feftin on lui demanda, qui lui fem-
bloit le meilleur joueur de flûte de Python ou de
Céphéfias, & il répondit que Poliperchon étoit
a fon avis le meilleur capitaine : comme s’il eût
voulu dire que c ’étoit la feule chofe dont un
prince fe doit enquérir & qu’il doit apprendre
8c favoir.
P Y TH A G O R E , philofophe grec, né entre
la quarante-troifîème & la cinquante-troifième olympiade,
mourut entre la foixante - huitième 8c la
foixante-dix-feptième olympiade.
Pythagore avoit acquis une fi grande autorité
fur l’efprit de fes difciples , qu’il fuffifoit qu’ il
eût avancé quelque propofition , pour qu’ ils en
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