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une aux frontières de Champagne, foiis le maréchal
de Châtillon ; une en Languedoc fous les
ordres de M. le Prin«E ; une en Italie, fous
JM. de Longueville, & une en Piémont aux ordres
du cardinal de la Valette.
En 1688, Louis XIV avoit quatre cens cinquante
mille hommes en armes, en comptant les
troupes de la marine ; il avoit plus de cent vaif-
feaux de ligne & foixante mille matelots diftri-
bués par clalfe ; il foutint en même temps la
guerre contre l’empereur, contre l’Efpagne ,
l’Angleterre & la Hollande ; il eut prefque toujours
cinq corps d'armée dans le cours de cette
guerre , quelquefois fix , jamais moins de quatre ;
l'empire Ottoman n’eut jamais de fi grandes forces;
l ’empire Romain en eut toujours moins.
. FORTIGUERRA, (N ico la s ) Prélat de la
cour de Rome, auteur de Riççiardetto 3 mort vers
l ’an 175 y*
C e prélat, né avec le génie enjoué de Pulci
& de l’Ariofte, conçut, pour cesdifférens poètes,
une eftime fingulière qui échauffa fa verve &
l’excha à marcher fur leurs traces. 11 a donné à
l'Italie le dernier poçme épique dans lequel on
trouve la najiveté, l'enjouement, & ces charmes
d'une imagination vive & brillante qui ont fait la
fortune de Morgante , de l'Orlando furiofo , &
autres poèmes épiques que les italiens ont créés.
Du moment que Fortiguerra eut commencé fon
Richardet , il Lavoie toujours avec lui, & tout
lieu lui étoit égal pour y travailler. Dans les vilites
qui emportent à la prélature un temps confidé-
yable, & dans les fondions de toute efpèce qui
çonfument le refte du temps, il arrangeait une
bataille, une rencontre de nuit, un midi, une
aurore, & tous ces morceaux vagues qui font la
Ro'rra dgs poëmes italiens.
Un homme de goût ( Dumourrier ) a traduit lé
Riçhardetto en vers françois ; mais fans trop s’astreindre
à la fidélité du trait, il a donné , aux
figures fantaftiques du poète italien , plus de grâce ,
plus de proportion relative. Le Richardet françois
èft d’ailleurs orné de plufieurs nouveaux tableaux
de génie, où l’on rencontre avec plaifir différentes
gigximes d’un,e morale vive & enjouée.
FO R TU N E . Il n’y a que les miférables qui*
yeconnoiffent le pouvoir de la fo r t u n e car les
perfonnps heureufes attribuent toujours leurs fuccès
à leur prudence & à leur mérite.
Peu de procureurs font parvenus à une fortune
pareille à celle de Jean de Dormans, qui vivoit
en 1267. L’ aîné de fgs enfans fut évêque de Beau- ,
înont, peu de temps après cardinal, enfuite chan- !
Relier de Francç; enfin léga,tdu pape Grégoire: X, j
Pour travailler à la paix entre le roi ÇfiarlôsV i
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& le roi d1 Angleterre ; c’eft lui qui eft le fondateur
du collège de Beauvais.
Le fécond des enfans de ce même procureur
fut d’abord avocat général au parlement de Paris
& puis chancelier de France ; il eut plufieurs enfans
dont Lun eut aufli l’honneur de remplir cette
prenvère placi de la jullice.
Enforte que de la famille d’un procureur, font’
fouis deux chanceliers, un cardinal & un archevêque
: car le troifième fils de Jean de Dormans
eut premièrement l ’évêché de Meaux & bientôt
après l’archevêché de Sens.
II faut, difoit on alois, en pariant du procureur
, que l’aïbre foit bien excellent pour avoir
produit de.s fruits d’un auffi bon acabit.
Wolfejr marcha de pair avec les fouverains
fils d’ un boucher d’Ipfwich , on ne peut trop
s’étonner du rôle qu’ il joua dans le monde. Favori
du roi Henri V I I I , il devint archevêque
d’Yorck, chancelier d’ Angleterre, cardinal, légat
.perpétuel dlatere, l ’arbitre de l’Europe, & abfolii
dans le fpirituel & le temporel La bulle que
Léon X lui envoya lui donnoit droit de nommer
des do&eurs en toutes les facultés, de créer cinquante
chevaliers, cinquante comtes palatins, aur
tant d'acolytes, de chapelains, & de notaires
apoftoliques j enfin de Jégitim.'r des bâtard« . de
délivrer des prifonniers, & d’accorder des dif-
penfes fans bornes. Il étoit au plus haut point
de fa gloire lorfqu’Henri VIII donna ordic de
l’arrêter, il ne put fupporter ce coup, il fe mit au
lit & mourut peu de jours après , avec cependant
plus de courage qu’on n’en devoit attend- e
d’ un homme depuis fi long-temps corrompu par
l’ambition, par la fortune & par la volupté. Les
anglois ayoiént ignoré fa naiffanee, ils né firent
aucun attention à. fa mort: telle eft la deftinéé
des hommes en place qui n’ont fait aucun bien,
M oro , duc de Milan., ayant fait voir à certains
ambaffadeurs florentins fa magnificence &
fes richeffes , qui furpaffoient, dit on , celles de
tous les autres princes de fon temps, leur dit:
et Eh bien, Meflieurs, croyez-vous qu’un homme
» qui poffède tant de tréfors, ait encore quel-
» que chofe à defirer ? Il ne doit fouhaiter, répon-
» dirent les ambaffadeurs, qu’un clou pour fixer
» la roue de la fortune » .’
Ovide employé à peu près cette penfée,
FOU DE COU R . C ’étoit l’ufage autrefois
dans plufieurs cours fouveraines d’avoir un fou
ou une manière de bouffon q ui, par Tes bons
mots, fes plaifan^*r:es j & même fes impertinences
, fervoit de joyet & de paffe - temps
aux p rinces, ;
L ’ hiftoire du neuvième fiècle fait mention que
l’empereut Théophile avoit pour fou uri nommé
Daudery ,
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Daudery, qui, par fon indiferétion , penfa caufer
bien des chagrins à l’impératrice Théodora ; il étoit
entré bruiquement dans le cabinet de cette prin-
ceffe, lorfqu elle étoit à genoux devant un petit oratoire
orné de très-belles images qu’elle avoit grand
foin de dérober aux yeux de l ’empereur qui étoit
icoftoclafte. Daudery, qui n’avoit jamais vu d’imagés
s’avifa de demander à la princeffe ce que c’étoit ;
ce fpnt , répondit Théodora, pour éloigner tout
fpupçons, des poupeés que je prépare pour donner
à mes filles* Daudery ié rendant, quelques heures
après, au dîner de l’empereur, n’eut rien de plus
pieffé que de lui due qu’il avoit vu l’impératrice
baifer les plus jolies -poupées du monde.
L'impératrice eut toutes des peines du monde à
fe retirer de ce mauvais pas > & pour n’y-être
plus expofée elle fit fi bien châtier le fou de
l ’empereur, qu’ elle .e corrigea pour toujours de
parler de ce qui pourroit ia regarder.
L ’ ufagé ridicule d’ avoir un-fou- paffa auffi à
la cour de France} cet emploi y fut même érigé ,
en titre d'office ,' comme on le voit par 1 hiftoire
de Charles V. J
Le fou de Henri II s’appeloit Brufquet. Il avoir
d’abord exercé la médecine ; mais n’y fa fant rien
& voulant faire fortune, il ne conçue pas, comme I
Memnon, le projet infenfe d’être fage $ au contraire,
il forma le projet fenfc d’être fo u , emploi
qui lui valut beaucoup d’argent. C e n'étoit pas
feulem-nt auprès de Henri q j ’il faifoit valoir fes
bouff m; ries'; il s’en fervoit encore pour mettre
à contribution les princes, les ambaffadeurs, &
jufqu’aux moindres gentilshommes. Lorfqü’ il en-
rroit dans une maifon,: & qu’ il appercevoit un
flambeau qu quelques vafes d’ argent, il les fàluoit
comme fi c’étoit des perfonnes de fa connoiffance.
entàmoit la converfation, leur faifoit rtes quef-
tions plaifafites, & ne manquoit jamais de fe faire
répondre des* fbttifes. Alors, entrant dans une
fus eur comique, il tiroit fon épée ; & fous prétexte
d’avoir reçu un dértienti ou quelqu’autre injure,
il frappoit deffus ces vafes d’eftoc & de taille,
& les mettoit en pièces. Ii les fourroit .enfuite
fous fon manteau, & chargé de hutin, il gagnoit
la porte ; c’étoit là le dénouement où il .avoir
toujours foin d’amener fes farces. Il en joua une^
â Bruxelles" qui lui valut beaucoup d’argent. Le
cardinal de Lorraine l’ayoit amené avec lui dans
cette ville où il étoit a ppelé pour jurer la paix
au nom de la France. Un jour que Philippe I I ,
roi d Efpagne , donnoit un grand repas , notre
bouffon entra dans la falle, & s’y plaça derrière
le fauteuil du roj qu’ il amufa de fes contes.
Comme on.alloitdeffecv.irBrufquet, après quelques
pantomimes facétieufes, fauté légèrement
fur la tab'e, fe ,faifit d’ un bout de la nappe ,
s’entortille dedans, & roulant pelé mêle les aflietes,
les couteaux , les corbeilles & les plateaux d’argent,
emporte le tout fans fe blefler ni rien ré-
Encyçlopéd/ana,
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pandre. Tandis que chacun rloit de cete boufforj-
nerie, Brufquet allant fon petit chemin, mit en
fureté fa prife que le roi lui abandonna.
François J , père de Henri I I , avoit eu aufli un
fou nommé TrffiouLt.
François I , déterminé, en montant fur le trône,
à entreprendre le recouvrement du Milanès, con-
fulta fes miniftres fur les moyens de l ’attaquer.
Lorfqu’il fortit de fon conféil, fon bouffon lui dit
qué fes conféillers étoient des fous. Pourquoi, demanda
François? — C ’eft , répondit Tribôulet,
qu’ils ont feulement délibéré comment vous entreriez
en Italie, & qu’ils n’ont pas penfé à voir
comment vous eh fortiriéz. C ’eft ce même bouffon
qui avoit mis fur fes tablettes, Charles-quint au
nombre des fou s, parce que ce prince , fur l’invitation
du monarque françois, fe propofoit de paffer
par la France, pour fe rendre dans les Pays-Bas.
Mais , lui dit François I ,j£ je le laijfe paffer ? — En
ce cas , dit Triboulet, j ’effacerai fon nom de mes
tablettes y & j ’y mettrai le votre,'
Triboulet ayant été menacé par un grând fer-
gneur de périr fous le bâton, pour^avoir parlé
de lui avec trop de harditffe, s\n plaignit au
roi. Si quelqu’un y lui dit le monarque, étoit affe^
hardi pour te tuer, je le ferais pendre un quart
d'heure apres. A h ! Jirè, répliqua Triboulet, s’il
plaifoit a votre majefié de le faire pendre un quart-
d’heure avant.
L ’ Angely3 qui eft le dernier fou dont nçtre hiftoire
faffe mention , appartenoit à Louis X lY .
M. le Prince l’amena des Pays Bas, & le donna i
ce monarque L’Angely étoir un fou fpirituel, mais
malin. Voici ur» trait de lui. M. de*** fe difoit
d’une maifon très illuftre, quoiqu’il tirât Ton origine
d’un fou. L’Angely fe trovant dans la chambre
du roi, après lui avoir parlé debout pendant quelque
temps, « affeyons-nous, monfieur, lui dit-il,
» on ne prendra pas garde à nous, & vous favez
que nous ne tirons pas à confiquence ». L ’Angely
n’étoit nullement dévot} il difoit qu’il n’ alloit pas
au fermon , parce qu’i l naimoit pas le brailler, $?
qu il n entendoit pas le raifohner. Son talent d’amu-
fer lui procura une fortune confidérable. On a
rapporté ce mot de Marigny, qui, étant un jour
au dîner du roi, dit à quelqu’un , en lui montrarit
l’Angely qui amufoit Louis X IV par fes faillies,:
« De tous nous autres fous qui avons fùivi M. le
» Prince, il n’y a que l’Angely qui ait fait fortune ».
Nicolas I I I , marquis d’Eft & de Ferrare,
avoit à fa cour un fou ou bouffon nommé Go-
nelle , qui fe rendit célèbre par fes facéties. C e
maître bouffon favoit toujours tirer un parti avantageux
de Tes. gageures. Un jour qu’il fe trouvoît
au dîner du marquis, on vint à demander, quelle
étoit à Ferrare la profeffion la plus nombreufe ?
Les fentimens fe partagèrent. Le marquis ayant
adreffé la parole à Gonelle. : Monfeigneur, lui
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