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R A B.
R a b e l a i s , ( François ) né vers l’an 14S3 ,
mort en 1 y > 3.
Rabelais e(l bien connu par Ton Pantagruel,
rohian burlefque rempli >1 eiudition, de plaifaiiceries
& de naïvetés. On a dit de lui, que c'eft moins
le bon feus qiii 1 a lait écrire, qu’ une imagination
échauffée'qui a prétendu fe, divertir, aux dépens
de la pudeur de tout le genre humain. C ’eft ,
ajoute un rlluftre sut, tir moderne , un philosophe
ivre qui n'a écrit que dans le temps de fon ivrefle.
Peut-ecre auffi que Rabelais qui craignait que les
critiques, répandues dans (on roman ne lui fuffent
funeltes, affeétuit-il d'y mêler des choies extravagantes
afin de faire paffer ces critiques fans
danger.
Rabelais infinue lui-même dans un de (es prologues
qu'il y a dans (on livre quelque cho(e de plus
que l écorce : « C eft pourquoi faut ouvrir le livre,
& foignsufement peUr ce qui y tft déduit. Lors
conrioitrez que la drogue dedans contenue eft
bien d'autre valeur que ne promettoit la boëte ;
c eft-à-dire que les matières ici traitées ne font tant
folâtres, comme le titre au-deffus prétendait. Ht
pofé le cas qu'au feus littéral vous trouviez matières
allez joyeufes, & bien correfpondarvtes au
nom, toutefois ‘pas- demeurer là ne fout, comme
attachant des fyrènes, mais à plus haut fens inter
prêter ce que pfr aventure cuidtez dit en guaieté
de coeur »’ Rabelais prévenoit en fa faveur par
ƒ On air franc & ouvert, par fon expreïfion vive &
facile par le fon de fa voix qui étoit enchanteur.
La guiité étoit peinte dans Tes yeux, & tout fon
extérieur ânnonçoic un h'-mme aimable.
On lit dans le Moyen de parvenir , que le cardinal
du Belay, dont Rabelais etoit médecin,
étant malade d’une humeur hypocondriaque, il
fut avifé par la doéte conférence des doéteurs ,
qu'il falloit faire à monfeigneur une déco&ion
apéritive. Rabelais, fur cela fort, laiffe ces mef-
heurs achever de caqueter pour mieux employer
l'argent & fait mettre au milieu de la cour un
trépié fur un grand feu, un chaudron de (fus plein j
d'eau, où il mit le plus de clés qu'il put trouver,
& en pourpoint comme ménager, remuoit les clés
avec un bâton, pour leur faire prendre cui/Ton ;
les docteurs defeendus voyant cet appareil, &
s’en enquêtant, il leur dit : Meilleurs, j'accomplis
votre ordonnance, d’autant qu'il n'y a rien tant
appéritif quelles clés 5 & ii vous n'êtes contens,
j'enverrai à l'arfenal quérir quelques pièces de 1
canon , ce fera pour faire la dernière ouyer- I
ture.
Le cardinal du Belay, preiïé de retenir à dîner
un homme de lettres , demanda : cet homme que
vous voulez admettre à ma table, a-t-il lu le livre
entendant par-là, le Pantagruel? N o n , lui répondit
on 5 qu’on le fa (Te donc manger avec mes
®a!1S a rePnc cardinal, ne croyant pas qu'on
put être homme de mérite . > n’avoir point lû
■ Rabelais.
Rabelais parlant de la loi commentée & embrouillée
par les jurifconfultes , d it, que c'étoit
une belle robe a fond d'or, brodée de crotte ;
on peut appliquer cette définition à l'ouvrage de
cet auteur.
Le chancelier Duprat, ayant fait abolir, par
arrêt du parlement, les privilèges de la faculté
de médecine de Montpellier ; Rabelais eut l'adrelfe
de le faire révoquer, & c'eft dit-on, pour cette
raifon, que ceux qui font reçus doéteurs en cetre
umyerfite, portent la robe de Rabelais qui y elt
en grande vénération. L'artifice dont il fe fervit
pour avoir audience -du chancelier eft allez fin-
gulier, s'il eft vrai j il s'adreffa au fuiffe de ce
magiftrat, auquel il parla latin 5 celui-ci ayant
fait venir un homme qui favoit cefîe langue , Rabelais
lui parla grec ; un autre qui entendoit le
grec ayant paru, il lui parla hébreu; & l'on
ajoute qu'il paria encore plufieurs autres langues;
mais on fe trompe au moins en y comprenant
1 arabe, dont il n'avoit aucune teinture. La capacité
de Rabelais Çurprit tellement l'aflemblée,
que l'on courut en avertir le chancelier , qui charmé
de la harangue-qu’il ]pi fit, & de la fcience
| qu il fit parome, rétablira fa conlîdérntion, tous
les privilèges de J’uniyerfué de Montpellier , qui
avoient été. abolis.
Malgré tout ce qu'on a publié contre Rabelais,
qui fut pourvu de la cure de Meudbn, ii eut
les moeurs allés pures, ik. il mourut d'une manière
édifiante ; il faut fans doute mettre au
nombre des fables les circonftances ridicules qu’on
rapporte de fa mort ; telle qu'eft celle du domino,
qu'il voulut mettre dans fes derniers moyens
, parce qu'il eft dit dans l'écriture : Beau qui
in domino moriuntur : & ce que l'on veut qu'il ait
dit au page que le cardinal du Belay lui envoya
pour favoir des nouvelles de fa fante ; dis a monfeigneur
y l état ou tu me vois y je vais chercher un
grand peut être : il eft au nid de la pie, dis-lui qu'il
s y tienne ; & pountoi tu ne feras jamais qu'un fou ;
tlret k rideau, la farce eft jouée : auffi bien que fon
teftament .* Je n ai rien vaillant $ je dois beaucoup »
je donne le refte aux pauvres. Tout cela & plufieurs
R A B
traits femblables ont été imaginés long temps après
fa mort, par des gens qui ne de connoiftoient que
fuivant les préjugés populaires.
Plufieurs beaux efprits de fon ternos lui con-
facrèrei.t des épitaphes: voici celle de Baïfqui fut
la plus eftirnée.
Pluton, prince' du noir empire,
Où les tiens ne fient ja-nais,
Reçois aujourd'hui Rabelais,
Et vous aurez tous de quoi rire.
R A BU T IN , ( Roger de ) comte de Bufti, né
l’an 1622, mort en 1693.
Quelqu'un fe plaignant que le cardinal Maza: in
donnoit de mauvaife grâce 5 Rabutin dit, qu'on
avoir tort de fe plaindre , & qu'on étoit plus
obligé à ce minillre qu'aux autres; parce qu'en
donnant de fi mauvaife grâce, il déchargeât les
gens déjà reconnoilfance.
Rabutin avoit fait un petit livre, r.lliéj proprement
en manière d'heures, où au lieu des images
que l'on met dans les livres de piières, étoient les
portraits en mignature de quelques favoris, dont
les femmes étoient foupçonnées de galanterie : '
ce que dans la fuite il a lui-même condamné tout '
le premier ; il avoit mis au bas de chaque portrait
un petit difeours en forme de prière accommodée
au fujet. Il avoit compofé auffi l'hilloire amou-
reufe des gaules , où- il décrivit d une manière I
très-fatyrique, la galanterie'des principales per-
fonnes de la cour.
On propofa pour femme au comte de Bufti i; une
demoifelie qui lui revenoit fort pour la naiftance
& pour la beauté ; il lie s'agifioit plus que du
bien dans lequel on fa Toit entrer en hgne de
compte la fucceflion d'une jeune demoifelie , qui
étoit au couvent, & qui feroit infailliblement reli-
gieufe. Le-comte de Bufti, époufa trois mois après
cette prétendue religieufe.
Mademoifelle de Scudéry écrivoit au comte de
Bufii : « Votre fille a autant d'éfpric que fi elle
vous voyoit tous les jours, & elle eft auffi fage
que fi elle ne vous avoit js-mais vfi.
Le comte de Bufti amena au commandeur fon
oncle qui étoit à l'extrémité, un augufim de la place
des victoires, pour l'exhorter à la mort. Lorfque ce
bon père fut forti, le comte rentra’pour demander
au malade comment il fe trouvoit dé -fon con-
feffeur : Fort bien , répondit le commandeur ; il
dit que j'ai l’attrition.
Martial a d it, quidquid âmes cupias non pla-
tuijfe nimis : PélilTon a traduit
Voulez-vous être heureux ? «fouhaitez en aimant,
Que ce que vous aimez ne foit pas trop aimablç.
R A C 80?
Le comte de Bufti prétendit que cette penfée
étoit fauffe, parce que quiconque aime, fouirai
te que l'objet auquel il s'attache, foit parfaitement
aimable. Péliffon foutint le contraire,
& cela caiifa une difpute a fiez vive entre ces deux
écrivains.
Le roi permit .au comte de Bufti de travailler
à fon hiftoire. Ce feigneur préfenta quelque temps
après un placet au roi , pour en obtenir une
penfion. Cette demande déplut au prince & à
toute la cour. Bufti honteux de là démarche qu'il
venoit de faire, préfenta un nouveau placer que
le roi ne lut qu'après s'être fait beaucoup prier.
Le fens du placer étoit qu'il avoit fait une faute
indigne de pardon, en demandant une penfion,
& que fi fa maiefté étoit portée à la lui accorder ,
il la conjuroit de n'en rien faire. Ce tour tout à fait
nouveau frappa le roi.
On a appliqué à BuJJi Rabutin 3 le vers d'O-
-Vide.
Ingenio perii qui mifer ipfe meo,
R AC A N , ( Honorât duBeuil, marquis de)
né l'an 1*89, mort en 1670.
Si l’on en croit Coftar , Racan avoit tant d'incapacité
pour la langue latine,qu'il n'avo:t,jamais
pu apprendre fon confiteor, & qîi’il étoit obligé
de le lire quand il alloit à confeCe.
Malherbe difojt que Maynard étoit de tous
fes, difciples celui qui faifoit les meilleurs vers :
mais qui! n'avoit.point de force, que Racan avoit
de la force, mais qu'il ne trayailloit point afiez
fes vers, & que de Maynard & de Racan on feroit
un grand poète.
Deux amis de M. de Racan furent qu’il avoit
rendez-vous pour voir mademoifelle de Goumai :
elle étoit de gafeogne, fort vive, & un peu emportée
de Ion naturel : au refte bel efprit, & comme
telle elle avoit témoigné en arrivart à Paris, beaucoup
d'impatience de voir R.àcan qu'elle ne cor.-
nomoit pas encore de vue. Un de ces meffieurs
prévint d’ une heure ou deux celle du rendez- vous,
& fit dire que c'étoit monfieur de Racan qui de-
mandoit à voir madt moiielîe de Gournay : Dieu
fait comme il fut reçu. Il parla fort à mademoi-
' fellè de Gournay des ouvrages qu’elle avoir fait
imprimer', & qu'il avoit étudiés exprès. Enfin après
un quart d’heure de conversation, il fortit & îaifta
cette demoifelie fort fatisfaite d'avoir vu moa-
fieur de Racan. A peine étoit il à trois pas de
chez elle que l’on vint annoncer un autre M. de
Racan ; elle crut d’abord que c'étoit le premier
qui avoit oublié quelque chofe à lui dire, elle fe
préparoit à lui faire un compliment là-dciTus ,
lorfque l’autre entra & fit le lien. Mademoifelle
de Gournay ne put s’empêcher de lui demander
plufieurs fois s’il étoit véritablement M. dzRacan*