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a adoucir -fes refus, lui dit que le temps n’étoit
guères propre à faire des grâces , & ajouta qu’il
a voit fa paye, une penfîon, & que fi cela ne
fuffifoit pas, fou père, qui avoit reçu plufieurs
bienfaits, pouvoit, de temps à autre, lui envoyer
quelque lettre de change, « De l’argent de mon
*> père, fîre ! répartit promptement le gafcon,
» votre majefté, qui eft toute puilfante, teroit
59 plutôt faire un pet au cheval de bronze que
» de tirer une lettre de change de notre pays »,
Le roi, furpris d’une expreflion fi extraordinaire,
fourit, & accorda au gafcon une partie de ce qu’il
demandoit.
G A SC O N ISM E , façon de parler vicieufe ,
particulière aux gafcons. On a rapporté plufieurs
de ces vices d’élocution dans un livre intitulé les
gafconifmes, corrigés.
Le mot au contraire pour non eft très-ufité
par les gafcons. Les députés des états de Languedoc
étant à Verfailles a l’audience du roi, un
gafcon du cortège trébucha & tomba. Gomme
tout le monde lui demandoit, s’il s’étoit fait mal
en tombant, il dit gaiemént, en fe relevant, au
çontraire. Cette manière de parler fit rire ceux
qui étoient préfens. Les uns pre'tendoient que c’é-
toit un gafconifme, les autres une gafçonade. C ’é-
toit J’un & l’autre.
L ’expreflion a faire trembler eft fi familère aux
gafcons, qu’ils l’emploient à tous propos. Quelqu’un
faifoit obferver ce gafconifme à un officier
gafcçn, qui répondit par cette gafçonade : que
l ’expreflion a faire trembler eft la plus forte qu’un
gafcon puifle employer en teile çirconftanee que
ce foit, parce qu’il n’y a rien dans la nature qui
foie au-deffus de ce qui fait trembler un gafcon.
Les gafcons mettent fouvent T é à la place de
Va 9 & Va à la plate de l’é. Un évêque des
environs entendit dire à un eccléfiaftique de fon
cortège, ras de chauffée j il en badina avec les
?udfe; il demanda quelle efpèçe de rats c’étoit
que les rats de chauffée. Bon, monfeigneur, rér
pondit quelqu’un , il nous en dit bien d’ autres ;
il dit les gradins de l’autel pour dire les gredins
de l'autel. Ce dernier gafconifme fit plrjs rire
que le premier.
G A R TH , (Samuel) poète & médecin anglois.
Il fut adiqis dans le collège des médecins de
Londres en 169.5. Qn doit à fon zèle charitable
la fondation du B i fp e r fa r y où l’on donne aux
pauvres malades des confgitatjpns gratis , & des
jarédecines à bas pri*.
Il a fait en vers le Difyenfary, ou la guerre
§ntre les médecins & les apothicaires, poème en fix
daqs 1^ goût di4.Lutrin de BoiJp.au,
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Lexorde a ete traduit ainfi par Voltaire :
Mufe raconte-moi les débats falutaires
Des médecins de Loftdre & des apothicaires ;
Contre le genre-humain fi long-temps réunis,
Quel Dieu pour nous fauver les rendit ennemis?
Comment biffèrent-ils rèfpirer leurs malades,
Pour frapper à grands coups fur leurs chers cama-
rades ?
Comment changèrent-ils leur coëffure en armèt,
La feringue en canon, la pilule en boulet?
Ils connurent la gloire; acharnés l’un fur l’autre,
lis prodiguoient leur v ie , & nous laifi'oient la nôtre.
GASSENDI, ( Pierre ) profeffeur de mathé-i
matiques au collège royal, à Paris, né eh 1 JQ2„
mort à Paris le 24 oélobre ié y j . v
Uhe fimplicîté ingénue, une politeflTe aifée, une
candeur aimable & une convention également
enjouée & inftruâive., lui gagnèrent l’affeétion de
toutes les perfonnes qui l’avoient connu ; il s’étoit
acquis l ’eftime des favans & des hommes bien nés,
par la beaute & la délicateffe de fon efprit:, par
fon grand fens, par une étude continuelle , par un
travail affidu, par fa méthode fingulière de découvrir
Ja vérité, par la profondeur & la variété,
i de fes çonnoiflances > enfin , par l’excellence de fes
productions & l’intégrité de fes moeurs. Il s’énon-
çoit d’une manière agréable, & avoit des réparties
fines,
Lorfqu’on le prioit de dire fon avis fur quelque
queftjon , il s’exeufoit fur les bornes de fon efprit,
exageroit fon ignorance ; & quand il étoit oblige
de s’expliquer, c’étoit toujours avec une fage défiance.
A l’ arrivée des gens de lettres, il fe con-'
tenroit de leur donner des marques de bienveillance,
fans chercher à ftirprendre leur eftime par
fes difeours. Tpute fon étude ne tendait qu’à devenir
plus favant & meilleur. Aufîi avoit-ii mis
fur fe§ livres ces paroles : Saperé aude.
Il vécut faps ambition & prefque fans fortune;
uhe égalité d’ame admirable le mettoit au~dçflus
de tous les éyénemens de la vie. C ’étoit un vrai
fige, que rien n’étoit capable d’émouvoir. 11 étoit
préparé à tout. Il ne fe mit jamais en colère. On
le trouvoit toujours doux, poli, complaifant,
ennemi des brouilîtries, des divifions, des querelles.
Son érudition étoit prpdigieufe j fes
connoiffances embraffoient toutes les fciences ;
& fon ftyle pur, élégant de nourri de$ bons auteurs
du fiècle d’Augufte , rçridoit agréable tout
ce qu’il écrivoit. Enfin , c’étoit un philofophe par
excellence, auffi vertueux que favant. ( Hiftoire des
philofopkes modernes par Savémen ),
, Çajfendi annonça dès l’enfance ce quftl feroie
un jour. Il n?ayoiç encore g.üe fept ans-du’ on la
îiouvoiç fouyçnt fe relevant 1«* mjit pour çontenw
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pler les aftres. Un foir il s’éleva une difpute fur
Je mouvement de la lune & celui des nuages ,
entre lui & fes camarades. Ceux-ci vouloientque
les nuages fyifent immobiles, & que la lune marchât;
le jeune Gajfendi foutenoit au contraire que
la lune n’avoit. point de mouvement fenfible, &
que c’étoient les nuages qui fe mouvoient avec
tant de promptitude. Ses raifons n’ôpérèrçnt rien
fur l’efprit de ces enfans, qui croyoîent devoir
s’en rapporter plutôt à leurs yeux qu’aux meilleures
raifons qu’on leur donnoit. Il fallut donc
les détromper par les yeux mêmes. Il Jes condujfit
à cette fin fous un arbre y & leur fit obferver
que la lune paroifîoit entre les. mêmes feuilles,
tandis que les nuages fe déroboient à leur vue.
Cette petite anecdote peut encore Tervir à montrer
la meilleure méthode d’inftruire les enfans & les
ignorans.
Gajfendi avoit facrifié à la folie de fon fiècle
en étudiant l’aftrologie judiciaire ; mais il reconnut
bientôt l’illufion de cette fcience chimérique , &
il ,en devint l'ennemi déclaré , arr.fi que de ceux
qu’elle aveugloit. Il rompit même une lance avec
Morin , redoutable partifan de l’afirologie. Celui-
ci , qui fe vit mener un peu rudement, eut recours
aux aftres pour fe venger. Il prédit hautemént
que Gajfendi, qu’il voyoit d’un fanté très-foible,
mourroit fur la fin du mois d’août de 16)0; mais
malheureufement pour l’aftrologie, jamais notre
philofophe ne fe porta mieux que dans tout le
courant de cette année. On fe moqua, à cette
occàfion, de Morin , qui, pour fe-juftifier, répondit
qu’il n’avoit pas pofitivement afîuré la mort
de Gajfendi ; mais qu’il l’avoit feulement averti
d’un péril mortel ; que la peur de la prédi&ion
I’avoit obligé à demander à Dieu, avec plus d’ardeur,
la confervation de fa fanté, & que fes prières
exaucées avoïent arrêté l’influence des aftres qui
n’agifîbient pas néceifairement.
Gajfendi avoit allez de mérite pour être modefte.
Il écrivoit à Galilée : « Je vous fuis infiniment
» inférieur en âge & en favoir. J p ne puis vous
» offrir que mes refpeds, & je ne demande de
» vous qu’un peu de part à cette bonté naturelle
» que vous avez pour les gens de bien qui aiment
l’étude».
Il étoit parti de. Paris pour faire un voyage en
Provence , & avoit pour compagnon de voyage
jit]1 confejiler au grand-confeil , nommé Mandai,
.très-verfé dans les fciences, Ils allèrent enfemble
,a. Lyon 8ç a. Grenoble, & logèrent toujours dans
les mêmes endroits, fans que le confeillerconnût
autrement notre philofophe que par fa qualité de
prévôt de l’églife de Digne, dont il venoit d’être
revêtu. ^■ m
Un jour M. Maridal étant à Grenoble, rencontra
dans la rue un de fes amis, qui, après des
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civilités ordinaires, lui dit qu’il al!oit rendre vifite
à un grand & célébré philofophe, lequel avoit
autrefois demeuré dans cette ville , & qu’on appe*
Ioit Gajfendi. A ce nom, M. Maridal pria fon
ami de fouffrir qu’il l’accompagnât. J’en ai entendu
parler avec tant d’éloges, lui dit- î , & il
y a fi long-temps que je defire de le connoître,
que je ne .bifferai pas échapper cette occàfion.
Mais quelle fut fa furprife lorfque cet ami lui fit
reprendre le chemin-de fon auberge, & qu’ri le
conduifit chez le prévôt de l’églifede Digne, qui
n’étoit autre que Gajfendi! Il ne pouvoi revenir
de fon étonnement, & ne .fe laffoit point d‘ad-
'mirer la modeflie de ce grand homme qui, pendant
tout fon voyage, n’avoit pas dit un mot
qui eût pu lé faire connoître. ( tiift. des philofophes
modernes ).
Quoiqu’il fût fort doux dans la difpute, il ne
put cependant s’empêcher de répondre avec cha •
leur aux extravagances d’un demi-favant qui vouloir
lui prouver le fyftême de Ja métempfîcofe.
» Pythagore, lui répondit^ Gajfendi , foutenoit
>> que les âmes des .hommes entroient, après leur
» mort, dans je corps des bêtes ; niais je ne croyois
ft pas que l’ame d’une bête entrât dans le corps
» aun homme ».
C e philofophe dut bien fentir un jour le ridicule
qu’il y a de vouloir tout expliquer en phyfique ,
fans même s’afifurer auparavant de l’exiftence da
fait fournis à l'examen. Le comte & la comtefle
d’Alaîs, qui demeuroient à Marfeille, l’avoienc
confulté au fujet d’ un fpeélre vu plufieurs fois
pendant la nuit. Gajfendi, apîés avoir profondément
raifonné, conclut que ce fpectre avoit été
formé par des vapeurs enflammées qu’avoit produites
le fouffie du comte & de la comtefle. C e pendant
qu’étoit-ce que ce fpeéhe ? Une femme
de chambre cachée fous le lit qui faifoit de temps
en temps paroître un phofphore. La comtefle foi-
foit Jouer cette parade .pour engager fon mari,
efprit foible, à quitter Marfeille qu’elle n’ ai-
moit pas.
Gajfendi mourut avec toute la tranquillité d’un
fage. Lorfqu’il fe fentit proche de fon dernier
moment, il prit la main d'un de fes amis & la
portant fur fon coeur, il lui diç ces mots qui furent
fes dernières paroles : Voila ce que c eft que la vie
de l'homme.
Gajfendi préféra toujours un état libre & médiocre
aux richefies qu’ il auroit pu tenir de la
libéralité des grands. Il mettoit la liberté d’ un
philofophe à un trop haut prix pour que les fou-
verain-s puflfent jamais l’acheter. H avoit formé
fon fyftême de philofophie de tout ce qu’Epicure
& Démocrite ont dit de plus foutenable.
GASSION. (Jean d e ) Maréchal de France ÿ
né le 20 août 1609, mort à Arras le 2 oétobre