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leur voix perfide pour combattte la vêrtu toujours
foible & chancelante, & les perdre par de fuaef-
tes-'coofcils »
Un' calife, qui faifoit jetter de l’or dans une
citerne , ‘s’étrioit : faffe le ctel qué jé vive aflez
çlour la remplir! A c e s mots-, fon favori frémit
d'indignation & veut s’éloigner: Le calife l’arrêce :
ou vas-tu, lui dit-il'?' Pardonnez-moi, feigneur,
répond le favori ; je me fins reflouvenu d’avoir
accompagné votre- aïeul en ce même lieu; la ci-
rerne etoit pleine j en la voyant, il foupira, des
làrmes coulèrent de feSyeïix, & il dit: O dieu
de Mahomet ! fais-moi vivre aflez, pour employer
ces ricneues à rendre mes fujeis heureux.
. Un roi d’Arabie fit récompenfer un de fes officiers
avec magnificence, non pas que cet officier
eût de grands talens, non qu’il eût rendu de
grands ferviees , mais il .rempli Soit fes devoirs avec
exactitude. L ’exaCtitude eit dans les officiers du
prince, dit le fage Sadi, la marque la plus certaine
d’un empire bien gouverné.
Le feul éloge digne d’un roi, eft celui qui fort
de la bouche d’un homme libre : <* Malheur aux
fbuverains qui commandent a des peuples efclaves,
difoit un roi d’Orient, que la paffion de la gloire
énflâiîimoïi : hélas ! les douceurs d’une jufte louange’
, dont les' dieux & les héros font fi avides ,
iîé foht' pas faites pour eux. O peuplés aflez .vils
pôur avôir perdu le droit de blamèr publiquement
vos maîtres, vous avez perdu le droit de les
louer 1 L’éloge de l’efclave eft fufpêét ; Tinfor-
t'uné qui le régit ignore toujours s’il eft digne
d’ eft:me ou de mépris. Eh! quel tourment pour
tine ame noble, que de vivre livrée .au fùpplice
de cette incé’rtitude ».
Un roi mourut fans jaifler d'héritiers, & par
fon teftament, il donna fa couronne à celui q u i,
après fa mort, entreroit le premier dansJa ville.
Un pauvre fanton , forte de religieux turc, parut
aux portes lorfqne le roi venoit d’expirer, & il fut
couronné. Il eut à foutenir des guerres inteftines
& étrangères, à ranimer le commerce , à diminuer
les impôts, à faire fleurir les arts y & à pourvoir
à la fubfiftance de fon peuple; il étoit rempli
de foins & dévoré d’inquiétudes. Un de fcs.compagnons
vint le voir & lui dit : Grâces foient
rendues au Dieu tout-puiflant, qui vous a élevé
à un fi haut point de gloire & de puiflance! Ah !
mon ami, lui dit le roi, au lieu de rendre grâces
à Dieu de mon élévation , demande lui pour moi
le courage & la patience ; plains moi > au lieu de
me féliciter ; dans mon ancienne condition je ne
fouffrois que de nus befoins; & je fouffre aujourd’hui
du befoin de chacun de mes lujets. ,
Un roi dePerfe avoir un fils très-difforme, mais
doué des vertus les plus éminentes. Cependant fon
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. père le haîfloit & avoit accordé fon amitié à fes
autres enfans, qui bnlloient par leurs qualités
extérieures. La guerre s’éleva, l’armée du roi commandée
par fes enfans, murmuroit fur Pinça-
1 parité de fes, généraux & commençoit à plier. Le
j jeune prince qui avoit en bravoure tout ce qui,lui
manquoit en beauté, dit alors à fes amis: allons,
en combattant nous ne rifquons que nos jours;
: en fuyant nous expofons, farinée & le royaume.
Il marche à l’ennemi & revient vainqueur. Son
i père reconnut fa fauté, & le déclara fon héritier,
1 Ses fières, jaloux & irrités, tentèrent de l’empoi-
i fonner. Il découvrit leur complot & leur dit: Qu’ef-
| perez-vous de ma mort \ Si l’aigle n’exiftqit pas,
: ce fer ois le hibou qui fégneroit fur les oi’ieàùx? Le
■ roi s inftruit de leur crime, les condamna à mourir,
& dit à leur frère qui demandoit leur grace v« Dix
pauvres dorment fur le même fumier, & deux
ro's ne peuvent êtré aflis fur le même trône »,
Un prince demandant à un philôfophe le
moyen de régner long-temps : « C ’efty dit-il,
de faire du bien à to u s ,’ & de fe fier à peu ».
Agis , roi de Sparte, enquis de quelqu’un qui
le voyoit fans aucune fuite , comment un y roi
pcuvoit être en sûreté fans avoir des gardes, ré»
pondit : Qu’il n’y avoit rien à craindre pour lui,
quand il traitoit fes fujets, comme un bon père
traite fes enfans.
Jean II , roi.de Portugal, avoiç coutume de dire
que le prince qui fe laifle gouverner eft indigne
de régner. Lorfqu’il eut perdu fon fils unique,
qu’il aimoit tendrement : «* Ce qui me confble,
dit-il, c ’eft qu’il n’étoit pas propre à régner; &
Dieu, en me l’ôtant, a montré cju’il veut fecourir
mon peuple ».
L’empereur Charles V paflant par un village
d’Arragon,- où, félon la coutume du pays, il y
avoit un roFde Pâques , ce roi fe préferita devant
l’empereur & lui dit : /<* C ’ eft moi ,• feigneur, qui
fuis le roi ». A quoi Charles V répondit: «.En
vérité , mon ami, vous avez- pris un malheureux
emploi ». ' (
Gh'riftpphe I I I , roi de Danemarck, étant mort
fans enfans e;n, 1448, le fénat jetta les, yeux fur
Adolphe, comte de Holftein, qui, par un exemple
de defihtéreflement bien rare,.refufa la couronne
en recommandant- Chriftian, fon neveu, fils de
Théodoric, comte d’Oldemboug. Le fénat députa
fur le champ vers le comte pour le prier de
marquer lui-même le choix du fujet le plus propre
à les bien gouverner. « J’ai trois fils, dit le Comte-
d’Oldembourg, l’ un eft'paflionné pour le jeu &
les femmes ; l’autre eft d’un caractère fi violent
qu’ il, ne refpire que la guerre, & il a des motifs
qui la lui feroient entreprendre ; le troifième eft
d’un caractère modéré, il ne rcfpîré que la paix ,
& n’a peut-être pas fon égal en valeur, en
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gébérofit-é, en bonté ». Ces ambaffadeurs ayant
fait leur ' rapport, le fénat élut celui dont le père
avoit fait un fi bel éloge, & ce fut fous de fi heureux
aufpices que commença la maifon qui règne
fur le Danemarck ».
Chez tin peuple d’Arabie, le jour que le roi
monioit fur le trône, on donnoic des gardiens
à toutes les femmes groflès du pays > & l’enfant
qui venoit le piemierau monde étoit le prince
héritier.
R O L L IN , ( Charles ) né l’an 1661, mort en
1741'
Rollin avoit été reçu maître coutelier, lorfqu’ un
bénédictin des Blancs-Manteaux , dont il fervoit
foùvent la mefle , découvrit en lui des difpoficions
pour les lettrés. Ce bon religieux obtint une bourfe
dans un collège pour ce jeune homme, & le Et
étudier.
Il étoit très-lié d’amitîé avec le célèbre avocat
Cochin qui avait été du nombre de fes difciples ;
& comme il s’iacéreflbit à fes fuceès, il lui promit
lin jour de l’aller entendre au châtelet dans une
de fes caufes les plus célébrés. Cochin avoir à
reprocher à la mémoire d’une mère d’avoir confié
à des mains infidèles l’éducation de fa fille ; il prit
de la occafion d’inférer dans fon difçours l’éloge
de fon ilkftre ami & ancien profefleur. Le public,
le tribunal, & fur - tout le chef furent enchantés
de cette digreffion. Il n’y eut que celui
qui en étoit l ’objet qui fe plaignit « d’avoir été
pris en trahifon par quelqu’ un dont il ne fe feroit
pas défié ce.
J Les ouvrages do Rollin, ont réufîi dans les pays
étrangers comme en France. Le duc de Cumberland
& les princefles fes foeurs, en avoient toujours
les premiers -exemplaires. C ’étoit à qui les
auroit plutôt lus & à qui en rendroit le meilleur
compte. Ce prince difoit : Je ne fais comment
fait M. Rollin : par tout ailleurs les réflexions m’ennuient
, & je les faute à pieds joints. Elles me
charment dans, fon livre ; & je n’en perds pas un
mot.
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barrafle en les donnant au libraire, que de la manière
dont il le dédomageroit, s’ils n’a voient pas
aflez de cours.
1 R O N SA R D , ( Pierre ) né le i ç février jy iy „
mort le 27 décembre ï y 8ƒ.
| Ronfard fut le premier en France qui fit de
grandes pièces de poéfie. Comme il avoit du génie
tte de l’érudirion, on s’emprefla de fon vivant de
lui donner le titre de Prince des poéfies. Il fur
recherché des perfonnes les plus illuftres par leur
mérité ou leur naiflance y & ce qui fans doute n’a
pas p«u contribué à l’accueil que chacun s’em-
prefloit de Im faire, c’eft qu’il étoit d’une phyfio^-
^ijomie agréable & prévenante y qu’il aimoit les-
arts, chantoit agréablement, & favoit s’annoncer
par des procédés généreux. Ses poéfies font peoe
; lue« aujourd’hui, pasce qu’il n’a pas fu s’élever au-
deffus du mauvais goût de fon ûècte. Ronfard> dit
Boileau ;
Réglant to u t, brouilla tou t, fit un arc à fa mode »
Et toutefois long-temps eut un heureux deftin..
Mais fe mufe en françois parlant grec & latin ,
Vit dans l’âge luivant, par un retour grotefquer
Tomber de fes. grands mots le fafie pédantefque,
Art.poët. chant I -
Ronfkrd remporta à Touloufe le premier priV
des jeux floraux qui eft une églantine ; mais cette:
fleur qui eft en argent ayant paru une recompen-fe
trop au-deflous du mérite de l’ouvrage & de læ
1 réputation du poète , la ville de Touloufe fit faire
une Minerve d’argent malîif & d’un prix confidé-
rable qu'elle lui envoya. On accompagna ce beau*
préfent d’un decret par lêquel Ronfard Fut déclaré1
pair excellence le prince des poètes.
Il fut honoré de l’ eftime de Henri II & de François
II. Charles I X , qui aimoit la poéfie;, s’ert-
tretenoit fouvent avec lui, & lui écrivoit en vers*-
On connoît ceux-ci qu’ iieompofa à la. louange du)
poète & de la poéfie en général.
| Le prince royal, depuis roi de Prufle, farfoit
| * honneur à M. Rollin, d'être en grand commerce
dtlettres avec lui : mais quand à fon avenement
au trône, il eut la bonté.de lui en faire part comme
a quelques autres favans du premier ordre, Rollin
lui marqua qu’il refpeéferoit déformais, fes
grandes occupations , & que n’ayant plus de con-
feils à prendre que de fa propre gloire , il n’auroit.
i plus l’honneur de lui écrire..
Rollin, penfoit fi modéftement: de îiii-même
qu’il ne cefloit de s’étonner de ce qu’il étoit devenu
auteur > & loin- d’avoir jamais rien tiré de
f-s ouvrages ,. dont le prodigieux débit auroit
«it la: fortune de tout autre, il ne s’étôit. eut*
Lrart de faire- des v er s, dût on s’en indigner,
Doit être a plus haut prix que celui‘de régner-
Tous deux également nous portons des couronnes >-
Mais roi je les reçois, poëtç tu les donnes.
Marie Stuardy reine d’Ecofle, détenue en Angleterre,
charmoit fès 'ennuis par la lecture des;
ouvrages de ce poète. Elle lui témoigna le plaifisr
qu’elle y avoit pris, en ki-envoyant plufieurs beaux
vafès d’orfèvrerie, entre lefquels il y en avoit un*'
où" le mont Parnafle étoit repréfenté avec ces^
mots r
A. Konfàriïy l’Apollon de. la. fourcç des mufh..