
a fiez étendue , fe fait par l’éîe&ion de !a ville :
fon règne d’un an eft courte mais brillant: un
grand palais bâti pour le loger, & qu’il n’habite
point, lui fert pour les ceremonies. Le jour de
fa réception il y régale la famille royale & les
feigneurs. En 13 56, un maire nommé Picard ,
eut l'honneur de voir à fa table quatre monarques,
Edouard I I I , roi d'Angleterre, le malheureux
Jean f roi de France , David I I , roi
d’Ecofie, & un Lufignan, roi de Chypre.
Anciennement le premier magiftrat de Londres
s’appeloit Porte - Grève. Richard I établit deux
baillis en fa place , & bientôt après le roi Jean
donna aux citoyens un maire pour leur magiftrat
annuel.
■ La chartre de Guillaume le Conquérant à la
ville de Londres s’exprime ainfî : « Guillaume ro i,
» falut à Guillaume évêque, à Godefroi Porte-
» Grève, & à tous les bourgeois de la ville de
» Londres 3 frànçois & angiois : je vous déclare
»» que ma volonté eft que vous viviez tous fous
» la même loi , félon laquelle vous étiez gou-
» vernés du temps du roi Edouard ; que ma vo-
» lonté eft auffi que tout enfant foit héritier de
» fon père, & que je ne fouffrirai pas que l’on
» vous faffe aucun tort 3 & que Dieu vous ait en
» fa fainte garde ».
Un angiois a fait ce tableau de Londres en
1744-
Londres eft une efpèce de grande forêt» habitée
par des créatures fauvages qui errent à l’aventure,
& qui ne fongent mutuellement qu’ à fe détruire.
Les équipages fplendides qu’on y vo it, font les
indices d’une pauvreté prochaine , & des pertes
que le luxe des grands fera efiuyer à l’artifan. Un
quart des mâifons eft entièrement vuide. Si l’on
entre dans celles qui font habitées, on y voit un
air de mécontentement & de mélancolie répandu
généralement fur .toutes les phyfionomies. Ce
n’ eft pas que nous n’ayons beaucoup de théâtres
& de lieux de divertiffement : il y a cent cabarets
pour une églife.
Quelqu’un parcourroit toutes les paroilfes de
Londres , qu’à peine y trouveroit-il vingt per-
fonnes qui fuffent le nom de leur miniftre. J ’ai
vu les gens qui payoient les dîmes depuis longtemps
, aufli embarrafies à cette queftion, qu’un
colonel left à dire le credo, & une comteffe à
répondre fur fon catéchifme,
Londres eft le grand égout de l’univers. Semblable
à l’océan , où les ruifleaux bourbeux fe
déchargent, comme les rivières les plus claires,
cette ville reçoit l’écume & l’ordure des autres
nations. La France nous fournit de danfeurs, de
valets de chambre, de cuifiniérs, & de maîtres
de langue, qui n’entendent pas un mot d’anglois,
L ’ Italie nous donne des mufîciens, des eunuques
& dés gentillâtres admirables pour faire des dettes
, qu’ils oublient très-facilement- de payer.
L’Ecoffe nous remplit de mendiàns & de charlatans
3 l’ Irlande de faux témoins , de voleurs &
de brétailleurs. Outre quantité de gentilhommes
ruinés que le pays de Galles nous envoie, nous
en tirons nos porteurs de chaife, nos laquais &
nos portes-faix , prefque tous gens de bonne
maifdn, qui fe rabaifiept à remplir ces pénibles
emplois, malgré leur ancienne race, & leurs fu-
blimes alliances. \
O h! Londres eft une ville admirable!
LO N G U ER U E , ( Louis Dufour de ) né en
i 6$i 3 mort en 1733.
L ’abbé de Longuerue , doué d’une mémoire
prodigieufe, s’étoit adonné de bonne heure à
1 l’ étude des langues. Avec ce fecours, un efprit
ardenr & un tempéramment fort robufte , il n’y
-eut pas de fciences qu’il ne parvint de cultiver
avec fuccès. Théologie, philofophie , hifioire,
grammaire, antiquités, belles - lettres, tout fut
de fon refibrt. On peut dire, à fa louange, qu’il
n’y eut point de favant plus communicatif^mais
pour avoir part à fes bienfaits, il Falloir lui pafler
fort air tranchant, fon ton décifïf, fes idées
j finguiièrc's, fa critique hardie ; critique qu’ il n’a
que trop Couvent portée fur des matières refpec-
tables. En général , il ne pafloit pas pour avoir
l’efprit de dévotion 5 a.ufii difoit-il qu’il étoit dur
à l’excommunication.
Les moines de faint Jean du Jard, chez qui
il étoit depuis plufieurs mois , lui ayant demandé
qui étoit fon confeffeur-: « Je vous le dirai, leur
« répondit-il , quand vous m’aurez dit qui étoic
» celui de votre père faint Auguftin ».
viï L’abbé de Longuerue gardoit dans fa bibliothèque
le bréviaire romain comme une pièce cu-
rieufe. La légende où il eft parlé du coeur de
faint Philippe de N e ry , dilaté tellement par là
charité, qu’il avoir brifé deux côtes, lui paroi
fioit fur-tout fort plaifante. Un jour, difoit-
il , on voulut faire lire la vie de ce faint au
réie&oire de Saint-Magloire 5 mais on ne continua
pas long - temps : les féminanftes s’étouffoient
de rire.
Si l’abbé de Longuerue n’étoit pas dévot, il
étoit encore moins courtifan. Etant à, la cour î
« Ah ! le bon pays, pour les ignorons., s'écriait-il
« publiquement : comme il n’y a point de livres,
» on peut avancer tout ce qu’on veut ». Il fe"
privoit fouvent de fortir , ?fin d’avoir fes livres à
côté de lui, & être tout prêt à juftifier par les
citations, quand il trouvoit des fois qui contefi-
toient mal-à-propos.
Cet abbé paroifloit fur-tout jaloux de fes con-
noiffances dans les langues favantes, & rapportoit
volontiers cette anecdote. A vingt ans, difoit-il,
étant chez un de mes parens huguenot .4 où fc
trouva le miniftre Claude, comme il vit mon
petit collet, & que ces meflieurs-là ont beaucoup
de mépris pour tous ceux qui le portent, il fe
mit, je ne fais comment , à parler de l’hébreu &
des langues où il entendoit comme un aveugle
aux couleurs. Je m’apperçus bien qu’il ne favoit
ce qu’il difoit, & il croyoit m’en impofer 3 je
l ’entrepris, & je le menai fi rudemenc, que le
pauvre Claude fut obligé de fe radoucir, &
trouva mieux fon compte à fe jetter fur les com-
plimens. Cet homme-là, ajoutoit-il, étoit bon
pour gouverner chez madame la maréchale de
Schomberg, où il régnoit fouverainement 3 mais
il n’étoit pas favant.
La poéfie n’aYoit point de-charmes pour l’abbé
de Longuerue. Lorfqu’après fa mort, on fit l’inventaire
de fa bibliothèque, qui étoit très-confi-
dérabîe, on n’y trouva aucun volume de poéfies,
fi ce n’eft peut-être quelques tomes détachés des
comédies de Molière, & un volume de l’Ariofte.
Ce n’ eft pas qu’ il n’eût lu les poètes; que n’a-
voit-il pas lu ? Mais il ne les eftimoit pas allez
pour leur donner place dans fa bibiothèque :
il en parloit même toujours avec mépris , & les
regardoit comme des écrivains frivoles qui
n’apprennent rien. Il ne parut épargner ,que
l’Ariofte. Pour ce fou la , difoit-il, i l ma quelquefois
amufè.
LO UAN GE . Comme on louoit un prince de
plufieurs vertus qu'il n’avoic pas ; « Je ferai^ tout
» ce que je pourrai, d it- il, pour vous empêcher
» de mentir ».
C ’étoit la coutume à Athènes, que dans les
fpeétacles lyriques on chantât les belles a étions
des grands capitaines. Quelqu’un demanda un
jour à Thémiftocle, quel étoit l’aéteur dont la
Voix lui plaifoic le plus : » C e lu i, répondit-il,
» qui chante mes louanges ».
Les ambafladeurs que les athéniens avoient
envoyés vers Philippe, étant retournés à Athènes,
louoient ce prince de fa beauté, de fon éloquence
, & de fa force à boire beaucoup : ces
louanges , répondit Démofthènes, font fort peu
dignes d’un roi ; le premier avantage eft propre
aux femmes, le fécond aux réthoriciens, & le
troifième aux éponges.
Un académicien avoit rendu compte d’un poème
d’un autre académicien dans un article où la
louange étoit'un peu trop prodiguée : « Quand un
éloge ient trop le confrère, dit M. d’Alembert,
le public n’eft pas le compère.
LOUIS V IL En 1 14 8 , l’arrière - garde de
l’armée françoife eft furprife & taillée en pièces
dans les défilés des montagnes de Laodicée en
Lydie. Le roi Louis V I I , dit le Jeune, après
avoir combattu long-temps , refte fe u l, & n’a
plus d’autre reflource qu’un arbre, fur lequel il
monte pour gagner la pointe d’un rocher. Une
troupe d’ennemis l’attaque 3 il abat la tête ou les
bras à quiconque entreprend de monter fur fon
arbre 3 la bonté de fes armes le garantiflbit des
flèches 5 les aflaillans font forcés de l’abandonner
, & il rejoint heureufement fon avant-garde.
LOUIS V I I I . Matthieu Paris fait mourir
Louis V I I I , roi de France, au fiège d’Avignon,
empoifonné par le comte de Champagne. Guillaume
de Puis-Laurens, auteur contemporain,
dit que les médecins ayant déclaré à ce prince
que fa maladie venoit d’un excès de continence
& de fanté, fes chambriers introduifirent auprès
de fon l i t , tandis qu’il dormoit, une jeune fille
d’une rare beauté, à qui ils recommandèrent bien
de dire qu’e’le ne venoit pas le trouver preflfée
par d’impudiques defirs ; mais uniquement par le
motif généreux d’ une femme qui fer oit charmée
de conferver une vie fi précieufe à l’état. Louis,
en s’éveillant, demanda d’un air gracieux à cette
jeune perfonne ce qu’ elle vouloit 3 elle le lui fit
entendre par fa rougeur, fon embarras & quelques
mots foiblement articulés. N o n , non,
dit-il , j’aime mieux mourir que de commettre un
péché mortel. Il fit éloigner le remède , & dit à
Archambaud de Bourbon, de marier honorablement
la gentille pucelle.
LOUIS IX . Roi de France , né en I 2 i j ',
mort en 1270.'
Saint Louis, dît le père Daniel, â été un des
plus grands hommes & des plus finguliers qui
ait jamais été. En effet, ajoute un illuftre hifto-
,rien , ce prince, d’ une valeur éprouve'e, n’étoit
courageux que pour de grands intérêts. Il falloit
que des objets puiflans, la juftice ou l’amour de
fon peuple, excitaflent fon ame, qui, hors de-là-,
fembloit foibi'e, fimple & timide : c’eft ce qui
fai o t qu’on le voyoït donner des exemples du
plus grand courage , quand il combattoit les rebelles
, les ennemis de fon état, ou les infidèles :
c’ eft ce qui faifoit que, tout pieux qu’ il ctoit, il
favoir réfifter aux entreprifes des papes & des
évêques , quand il pouvoit craindre qu’elles
n’exciraffent des troubles dans fon royaume:
c’eft:ce qui faifoit que, fur l’adminiftration de
la juftice, i l étoit d’ une exa&itude digne d’admiration
3 mais quand il étoit rendu à lui-même ,
quand il netoit plus que .particulier , alors fes
domcftiqnes devenoient fes maîtres 3 fa mère lui
commandoit, & les pratiques de la dévotion la
plus fimple remplifibient fes journées. A la vérité,