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pargner le premier crime déféré à toa fuprême
tribunal». Orang^eb parut céder alors, & ligna
l'arrêt de mort.
Ce defpote avoit également facrifié fes autres
frère? à fes craintes & à fes jaloufies. Mais-ces
attentats n’étaient que des degrés pour un plus
atroce. Le vieil empereur Chah-Jean refpiroi^t encore
dans le fond d’une prifon.
L’impie OrangieB , fans attendre que l’âge ou
là douleur fit mourir ce père infortuné , hâta lui-
même fa dernière heure par le pbifon.
C ’eft après tant de forfaits, &r lorfque fes mains
étoient encore teintes du fang d’un père & de
trois frères , qu’il s’écrïoit : « .C ’eft à vous , dieu
puiffant, que je dois le trône. D ’un pauyre fa-
quir, vous en avez fait le plus grand roi de l’univers
, pour apprendre à tous les hommes que
vous humiliez les fuperbes & élevez les humbles
OrangieB t devenu patfible poffeffeur du trône ,
crut* expier fes atrocités en le bornant au pain
d’orge, aux légumes & à Peau.
C e fcélérat pénitent fut heureux dans toutes-
fes expéditions. Il conquit les royaumes de Dé-
càn , de Vifapbur, de Golc'onde & de Carnate,
& prefque toute cette grande prefqu’ifle que
bordent les côtes de Coromandel & de Malabar.
Il mérita en quelque forte ces fuccès par fa
tempérance, par fa bravoure, par fon activité
au travail. Il fortoit d’une grande maladie, &
travailloit plus que fa foiblefle ne pouvoit lui
permettre.
Un miniftre lui repréfenta combien cet excès
de travail lui étoic dangereux, & quelles fuites il
pourxok avoir. Orang^eb lui lança un regard mé-
prifant & indigné ; 5c fe tournant vers les autres
courtifans , il leur dit ces paroles remarquables :
« N ’avouez-vous pas qu’ il y a des circonftances
où un roi doit hafarder fa v ie , & périr les armes
à la main, s’ il le faut, pour la défenfe de la patrie,
& ce vil .flatteur ne veut pas que je cpn-
facre mes veilles & mes travaux au bonheur de
mes fujets ? C r o it - i l donc que j’ignore que la
divinité ne m’a conduit fur le trône que pour la
félicité de tant de million? d’hommes qu’elle m’a
fournis ? Non > non ; Orang-^eb n’oubliera jamais
le vers de Sadi : Rois, ceffe^ d’çtre rois , ou ré-
ghe^par vous-mêmes.. Hélas! la profpérité & la
randeur ne nous tendent déjà que trop de pièges :
Malheureux que nous femmes, tout nous entraîne
àlamolleffe, les femmes-par leurs careffes; les plai-
fits par leurs attraits. Faudra-t-il que des miniftres
élèvent encore leur voix perfide, pour combattre
la vertu toujours foible oc chancelante des rois,
& les perdre par dç funeftes confeils % .
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Quoique ce prince affeétât beaucoup de zèle
pour l’Alcoran , il paroît qu’ il n’avôit d'autre re»
ligion que le déïfme. Il s’entretenoit fur les di-
verfes religions qui partagent l’univers avec un
rabintrès-favant. A Laquelle, lui dit Orangéel}
doit-on donner la préférence , ou de la chrétienne,
ou de la mufulmane, ou de celle de Moïfe ? « Seigneur
, répondit le doéleur juif qui craignoit les
fuites d’un pareil entretien, un père de famille
avoit un (diamant d’un prix ineftimable ; chacun
de fes fils, au nombre de trois, fouhaitoit avec paf-
fion d’avoir pour partage le diamant î pour prévenir
les querelles après fa mort, le père de fa-
milîefit taillerdeux autres diamans avec tant d’art,
& fi femblable au premier, q ue, quoiqu’ils fuf-
fent faux, il étoit impoflible de ne pas s’y méprendre.
Il les diftribua tous les trois à fes fils :
chacun d’eux crut avoir le véritable. Seigneur,
continua le juif, le créateur de l’univers a donné
à fes enfans trois loix principales ; que deux foient
fauffes ; qu’il n’y en ait qu’une de vraie , c’ eft un
problème difficile à réfoudre. Dieu exigera-t-il
des hommes qu’ils de'mêlent ce qu’ il leur a caché
avec tant de foin »? Je penfe comme to i, dit
Orang^eb : pourvu qu on adore le vrai dieu , il importe
peu par quel culte. (Révolutions des Indes).
ORGUEIL. L’ orgueil a du bon , difoit Voltaire'?
mais quand il eft foutenu par l’ignorance
il eft parfait.
Lorfque le kam des tartares, qui ne poffède
pas'uu.e maifon, & ne vit que de rapines, a
achevé fon dîner, confillant en laitage & en chair
de cheval , il fait publier par un héràult : que
tous les potentats, princes & grands de la terre
peuvent fe mettre à table.
* L ’ hiftoire des voyages fait mention du chef
d’un petit canton de l’Amérique, près des rives
du Mifliffipi , au fond de la Louifiane, qui, tous
les matins, fort de fa cabane & trace au foleil
le chemin qu’il doit parcourir.
Les différentes peuplades de la côte de Guinée
ont chacune leur ro i, dont la trifte majellé
n’a gtières plus d’éclat. Cette canaille royale,
toujours flattée qu’ un de nos marchands la régale
d’eau-de-vie , affeéte fouvent de prendre les noms
de nos princes , ou de quelques grands dont
elle a entendu louer les exploits.
On y voyoit, en 1743, un roi Guillaume, dont
l’augulte époufe s’appelloit la reine Anne.
Un autre fe qualifioit de duc de Malborough.
Le roi Guillaume étoit un petit Çéfar qui fit,
il y a environ vingt ans , une guerre affez comique
à un certain Martin, qui avoit ofé s’égaler
à lui. Il fe donna une .fameufe bataille;, ou
Guillaume perdit trois hommes & fon rival cinq*
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Celui - c î , conflerné de fa défaite , demanda la
paix', qu’il obtint aux conditions fuivantes.
« i° .Qu’il renonceroit au titre de ro i, & fe
eontenterôit de celui de capitaine ».
« 20 Qu’il ne mettrojt plus de bas ni de fou-
lierslorfqu’il iroit à bord des vaiffeaux d’Europe,
& que cette brillante diftinéïion appartiendroit
déformais au roi Guillaume ».
« j 0 Qu’ il donnerait au vainqueur la plus belle
de fes filles en mariage».
Après ce traité glorieux, Guillaume vint en
bas & en fouliers fur un vaiffeau danois, ou il
acheta quelques foieries pour en habiller la reine.
Ayant apperçu un bonnet de grenadier, que
les gens de l’équipage avoient par hafard, il en
fit auflî-tôt l’acquifition, pour en décorer la tête
de la princeffe. Il voulut que Martin la vît dans
toute fa parure ; Martin avoua qu’elle n’avoit jamais
été fi belle.
Ces différens traits prouvent que tous les fou-
verains & tous les peuples ont leur orgueil. Le
canadien croit faire un grand éloge du François,
en difant c’eft un homme comme moi.
ORIGINES. Nous devons nous borner à rapporter
quelques-unes de ces origines. '
Les carroffes parurent en France, pour la première
fois, en 1 jyo. On ne connoiffoit alors que
celui du roi Henri I I , celui de Diane de Poitiers,
& celui du Dauphin de Viennois.
Le lieu appelle le châtelet, .étoit un ancien château
, bâti pour Julien le philofophe, lorfqu’ il étoit
gouverneur des gaules. On l’appelle auflï la porte
de Paris, non parce que c’étoit une porte de la
ville, comme bien des gens le croient; mais parce
que c’ étoit l’abord des bateaux, le port où ils
arrivoient, ou l’apport de Paris.
Quelques favans alfurent que les chiffres que
nous nommons arabes, étoient en ufage'chez les
romains, qui s’en fervirent d’abord pour indiquer
des mots, enfuitedes fyllabes, des poids & des me-
fures, & enfin des nombres. Dès le fécond fiée le,
ces chiffrés lurent'introduits dans l’arithmétique;
Bocce y dans le cinquième fiècle, s’en fervoit ;
Gerbert, depuis pape, fous le nom de Stîveftre II,
qui paffe pour avoir emprunté les chiffres arabesi,
attelle lui-même qu’il les tenoit de Boèee , clii
vivoit trois cens 3 ns avant le paffage des arabes
en Efpagne : ces peuples qui faifoient ufage de çeï
chiffres, les dévoient aux romains, comme le refte
de l’Europe.
Saint Paulin , évêque de Noie, eft l’inventeur
des cloches j mais les groffes ne furent connues
c!Liau fixième fiècle. La coutume de les baptifer
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nous vient du pape Jean X I I I . en 971. Ce fut
l’empereur Othon qui, après fon couronnement,
donna fon nom à la grofl’e cloche de faint Jean
de Latran.
C ’étoit une coutume autrefois de laiffer k-S filles
entre les mains de leurs nourrices jufqu’au temps
de leur mariage. Quand elles commençoient à
grandir, ces nourrices leur mefuroient le tour du
cou tons les matins avec un f il, leur faifantaccroire
qu’elles connoiffoient par-là fi elles avoient
été fages pendant la nuit. Si le cou , difoit-on,
n’étoit pas-gros, c’ étoit une marque que la nuit
s etoit-paffée dans l’ordre; fi au contraire le fil
devenoit trop court, on fuppofoitque les petites
filles avoient fait quelques fottifes. PoUr les convaincre
encore d’avantage que cette épreuve étoit
infaillible, on avoit fom , lorfqu’on en marioit
quelqu’une , de diminuer la longueur du fil le
lendemain de fes noces, afin qu’il ne pût plus
faire le tour du cou. C e ftratagême îéuffiffoit ;
& la crainte du fil en reteroit plufieurs dans le
devoir. Peu-à-peu elles s’accoutumèrent à porter
au cou , comme une marque de vertu , ce fil ,
ou quelqu’autre chofe qui le repréfentoit. C ’eft
ainfi qu’infenfiblementleschofes deftinées à éprouver
la vertu des filles, font devenues pour elles
un ornement & une parure.
Après la conquête de la Grèce, de l’Afie mineure,
de la Syrie & de l’Afrique, les romains
firent tranfporter en Italie toutes fortes de fruits.
Les. abricots furent apportés d’Epire , d’où on
les nomma pommes d’Epire.
Les pêches de Perfe furent nommées pommes
de Perfe.
Les ^citrons de Médie furent appelles pommes
de Médie. Les grenades de Carthage.
Les coins furent tranfpoités d’une ifle de l’Archipel.
Les poires les plus délicates furent tirées d’A lexandrie
, de la Numidie, de la Grèce, & de
Numance.
Les meilleures prunes vinrent de l’Arménie , de
la Syrie, & de Damas.
-Les figues, desmeilleurs terroirs de l’Afie . &
les cerifes furent apportées à Rome par Lucullus*
qui les avoit tirées du royaume de Pont.
Un paffage de Pline, {lib. 1 y , c. 2y ) , nmis
apprend que'les romains ne négbgeoiert pas les
moindres chofts qui pouvoient leur attirer l'amitié-
des nations qu5ils aVoitnt conquifes. Cet auteur
ajoute que les cerifes ne furent connues en Italie
que l’an 640 de Rome. Ce fruit, dit toujours
Pline , devint fi commun dans l'efpace de cent
vingt ans, qu’on le trouvoit dans phfiïurs pays*
& même dans la Grande-Bretagne. Ctmme ks.