Quelquefois M. de Fontenelle; mais telsqu*i!s font,
j aî à vivre avec eux, & je me le fuis dit de bonne
heure ».
Le monde phyfique a fes lois qui le gouvernent,
fon mouvement qui l’entraîne, fes caufes qui le
dominent. Sans doute il en eft de même du monde
moral. Une certaine confufion apparente n’empêche
pas qu’il n’exifteun bel ordre intérieur, fait
pour tranquillifer les mécontens. Voilà ce qui
Faifoit dire à Fontenelle : « tout va affez bien pour
» aller mal ».
M. de Fontenelle dînoit chez une dame avec un
feigneur qui, avec l’air de n’avoir que vingt-cinq
ans, difoit cependant que fa fille venoit d’accoucher
de fon troifième enfant. Monfieur de Fontenelle
dit vivement en caufant avec lui: alle^>
Monfieury vous êtes un grand père ! Le feigneur lui
répondit fur le même ton : allt\ , Monfieur , vous
êtes un grand homme \ & la maîtreffe de la maifon
s’écria : mais . . . . mais f i on les laijfe faire ils en
font aux injures , ils vont fie battre.
Dans une maifon où M. de Fontenelle avoit
dîné, quelqu’un vint montrer à la compagnie un
petit bijou d’un travail fi délicat qu’on n’ofoit le
toucher de crainte de le brifer ; tout le monde
le trouvoit admirable. « Pour moi, dit M. de
»» Fontenelle y je n’aime point ce qu’il faut tant
» refpeéler ». Dans ce moment arrive la mar-
quife de Flamarens; elle l’avoit entendu ; il fe retourne
, l’apperçoit & ajoute : « je ne dis pas cela
» pour vous, Madame ».
Une jeune demoifelle joiie,-& remplie d’efprit,
difcit un foir à M. de Fontenelle que la lumière
incommodoit, & qui pourtant avoit voulu qu’on
allumât les bougies: « mais, Monfieur, on dit
»» que vous aimez l’obfcurité? — Non pas où vous
>» êtes, Mademoifelle, reprit le galant vieillard ».
M. de Fontenelle au lit de la mort, réfléchifloit
fur fon état , comme il l’auroit fait fur celui d’un
autre, & on eut dit qu’il obfervoit un phénomène.
« V o ilà , dit-il, étant très-près de fa fin, la pre-
»» mière mort que je vois » ! Et fon médecin lui
ayant demandé ce qu’il fouffroit & ce qu’il fentoit.
a Je ne fens, dit-il, autre chofe qu’une diffi-
» culté d’être ».
FORBIN. { Claude, chevalier de) Grand ami- i
_ral du rqi de Siam, & chef d’efcadre en France, '
mort en 1733 ».âgé de 77 ans.
, Forbin avoit été major de l’ambaflade que
Louis X IV avoit envoyée auprès du roi de Siam,
en 168y. Le prince fiamois retint Forbin à fon fer-
vice , & le fit fon grand amiral > mais Forbin,
peu fait aux bafleffes en ufage dans cette cour
defpotique, & craignant d’ailleurs la jaloufîe du
f éoois Confiance , -premier miniftre du roi de
iam , profita, en conféquence, de la première
occalîon favorable qui fe préfehta pour retourner
en France , où il fut d’abord lieutenant de
vaiffeau.
Forbin mérita la confiance de Louis X IV &
l’eftime de la nation, par fa bravoure & par fon
application à fes devoirs. Il sattachoit à ceux qui
fervoient fous lui, & ne lafflbit point e’chapper
l’occafiçn de les faire connoître à la cour & de
procurer leur avancement.
Louis X IV rendit, dans une circonftance particulière,
un hommage bien flatteur, à la gèné-
rolité de Forbin. Cet officier avoit obtenu, en
1689 , une récompenfe du roi pour s’être dirtingue
dans une aélion d’éclat.Forbin alla faire fon remer-
ciemeht à fa majefté, comme elle fortoit de là
méfié. Mais cet homme illuftre, moins occupé
de fa propre gloire que de celle d’un officier
' qu'on fembloit avoir oublié, ofa repréfenter au
ro i, que cet officier qu’il lui nomma, n’avoit pa's
fervi fa majefté ayec moins de valeur & moins
de zèle que lu i} le roi s’arrêta, & s’étant tourné
: vers fyl. de Louvoîs qui étoit à fon côté: « le
| » chevalier de Forbin, lui dit-il, vient de faire
» une aélion bien généreufe, & qui n’a guères
» d’exemples dans ma cour ».
Forbin y dans une de fes expéditions, avoit eu
fon vaiffeau frappé par un coup de vent qui le
remplit d’eau. L'équipage effrayé fe lamentoit &
faifoit des voeux à tous les faints ; mais Forbin \
pérfuadé que c’étoit le moment d’agir & non de
prier : courage , mes enfans, s’écria-t-il aux
» matelots j tous ces voeux font bons ; maisfainte
» Pompe, fainte Pompe, c ’eft'à elle qu’ il faut
» s’adrefler j n’en doutez Das, elle vous fauvera ».
II donna l’exemple, & l’equipage fut fauvé.
Il défit, en 1707, la flotte angloife avec Du-
gué-Trouin, & il a laifié , ainfi que cet homme
illuftre , des mémoires -curieux qu’on a rédigés.
Il fut chargé, en 1708, de tranfporter le roi
Jacques en Ecofle $ l’efcadre arriva le 2$ mars à
l’embouchure de la rivière d’Edimbourg; mais
perfonne n’ayant répondu aux fignaux, la flotte
revint à Dunkerque le 7 avril fuivant.
Forbin fe retira du fervice à l’âge de y6 ans,
8r goûta au milieu d’une fociété d’amis choifis
Ce doux repos après lequel tous les hommes fou-
pîrent, mais que très peu favent fe ménager.
FORCE EX TR AO RDIN A IR E. Bien des *
gens s’imaginent que les hommes extrêmement
forts ont toujours été des géans, ou du moins
d’une taille fort au deflus du commun. Ils fe
trompent affurément. 11 ne paroit pas par l’hiftoire
de Samfon , qu’il fut plus haut ou plus grand de
taille que les autres hommes. Scanderberg, Ta-
merlan, Liska, & Uuniade n’étOient pas des
géants. On fait que le roi Pépin a été nommé
ÏJ Bref à caufejde fa petite taille, & il eut la
force & J’adrelfe de feparer la tête du corps à
Un lion ; cependant il eft naturel que ceux qui
Pnt de plus grandes forces aient en même-temps
due taille au-deffus de la commune.
L’hiftoire nous donne plufieurs exemples de
forces, &.fars faire mention ici d'Hercule , je
ne rapporterai que quelques faits remarquables ,
dont les littérateurs nous parlent, comme de tout
autant de vérités inconteftables.
Tritanus y au rapport de Pline, renverfa avec
un do gt un homme qui l ’avoic piovoqué au
combat, & s’érant faifi de lu i, le tranfpoita jufi
ques dans le camp de Pompé:.
* Les forces prodigîeufes de Bujfequa ont fa’t
dire à Milon : Jupiter, ave^ vous donc formé un
autre Hercule ? C e Bujfequa fouleva une pierre
que Milon pouvoir à peine remuer : il la porta
à une dilhnce çonfidérabje, & il lu jetti avec
une merveilltufe facil té. Ce même Bujfequa arrêta
avec urie main un taureau qui avo.t pris fa
- courfe , & qui faifo t tous fes efforts pour fe
dégager : bien plus^ il fe faifit d’un autre taureau
qui paffoit par hafard, & les arrêta âinfi
tous deux en meme, temps.
- On voit dans la phyfica curiofa de Gafpard
Scottus , une infinité d ’exemples de force ; en-
tr’aums il dit que Rhadamante de Manroue rompit
avec les mains un cable de vaiffeau. Ferdinand
Burg montoit fur une montagne , portant
Fur b s épaules un âne chargé de bois. Cardan a
vu d.infer un homme qui en tenoit un autre fous
chacun de f.s bras, avec un autre fur .chacune
de fes épaules, & un cinquième fur le co!.*
Olaiis Magnus rencontra dans les mines, de
Suède, en Gothland, & dans d’autres provinces
de' ce pays, plufieurs hommes qui levoient de
terre, & qui porto:ent affez 'loin, un boeuf ou
un cheval. Il en vit d’autres qui tranfportoient
fort loin un poids de fix cents, de huit cénts ,
& même de mille livres.
Pierre de Portugal levoit avec fa main,
droite un fac.de bled, & le mettoit fur fon
épaule gauche, enfuiic il metroit fur l’épaule
droite un autre fac rempli auffi de bled, qu’il y
plaçoit de la main gauche. Un jr.ur il fe préfenta
a la cour un garçon de vingt-cinq ans, difant
qu’il avoit quelque chofe d’extraorcfnaire à mon-,
tr'er au roi en fait de force. Il obtint d’abord
la liberté de paroître devânr ce prince. Ce garçon
ayant demandé qu’on lui apportât trois facs de
bled, fit des deux^ premiers Tufage que le roi
avoit accoutumé d’en faire; mais il' prit enfuite
le troifième fac rempli de bled avec Tes dents,
& le jetta fur celui qu’il avoit déjà fur l’épaule
gauche. Cela furprit tous les fpeélàteurs, &
étonna le prince, qui ne pouvoit affez admirer
la force & ladrefle de oe garçon. On dit que es
prince effaya inutilement de l'imiter. C e garçon
furpaflbit en hauteur tous les portugais de foj*
temps: il étoit fec & maigre , & c’étoit un grand
mangeur. C e que ce garçon faifoit de plus extraordinaire,
c’eft qu’il arrêtoit un charriot tiré
par fix chevaux ou boeufs. On ne dit pas fon
nom ; on fait feulement qu’il étoit du village de
Freixo , ce qui le faifoit appeler Menino de Freixo.
M. de Saxe étant à Chantîllî, & fe trouvant
un jour de chafle à un rendez vous pour fe rafraîchir,
perfonne n’avoit de tire-bouchon. R
; fc fit.apporter un fort gros clou, & l’ayant tor-
' tillé dans fes doigts, il en fit une mèche avec
laquelle il déboucha fix bouteilles de fuite. Nos
,feigneurs françois en voulurent faire autant, &
ne purent réuflîr. M. de Saxe avoit dans le por*-
gnet une force extraordinaire. S’étant arrêté une
fois dans une foige de vidage pour y faire ferrer
un de fes chevaux, il fe fit apporter cinq ou fix
fers neufs, qu'il rompit les uns après les autres.
Le maréchal, pour fe venger, donna, fans qu’on
s’en apperçût, un coup de cifeau au milieu d’un
écu de fix livres qu’ il avoit reçu en payement ,
& acheva de le caffer avec fes doigts en pré-
fence de M. de Saxe, & lui dit: « Mais, mon-
» feigneur, voilà un écu qui ne vaut pas mieux
» que mes fers ». Lecomte donna un autre écif,
& le maréchal contmtia fon manège ; à . la fin
on s’apperçut de la fupercherie; & M. de Saxe
continua fa route, charmé de n'avoir pas trouvé
fon maître pour la force.
Augufle, roi de Pologne, a pafie pour ufi
prodige de force. A la table de l'empereur , il
prit une affiète d’argrnt cù il y avoit du vin, &
en la ferrant dans fa main, il en fit une boule ,
où lâ liqueur fe trouvoit renfermée ; il la comprima
enfuite tellement, que le vin rejaillit juf-
qu’au plancher.
Une groffe fille, forte & joufflue' , accufoit
un vieux médecin de l’avoir prife par force-, de
demandoic qu’il fût' condamné à l’époufer, finon
à lui payer une fomme confide'rable. Comment»,
b i dit le juge, étant vigoureufe comme vous
êtes , avez-vous permis qu’il s’approchât de vous ?
n aviez-vous pas affez de fo rc epour vous défendre ?
« Ah ! monfieur , répondit-elle , j’ai de la force
» quand je querelle, mais je n’en ai pas quand
*> je -ris ».
FORCES MILITAIRES de Louis XIII &
Fouis XIV.
En 1 ^39, Louis XIII avoit fix armées fur pied,
une dans les Pays-bas, fous M. de la Meilleraye;
une vers le Luxembourg,"[fous M, de Feuquiere§3