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coucher avec lu i , & qui la prie. L’animal reflen-
toit de temps en temps les atteintes qui avoient
tourmenté fon maître. Les goutteux peuvent eflfayer
ce remède. S'il ne les guérit pas, au moins ne peut-
il leur faire aucun mal.
C ’eft dans les mêmes vues qu'un ouvrage périodique,
intitulé la Feuille néceffaire , qui a paru
en 1759, indique, dans la feuille du 27 août,
pour remède de la goutte, fa transplantation du
corps dans un autre , au moyen d’une certaine
bouillie, qu’on appliquera la plus chaude poflible
fur les parties douloureufes ; on fera enfuite lécher
par un jeune ch;en ces mêmes parties. La friéfcion,
dit l’auteur, qu’il exercera avec fa langue fur la
peau du malade, ouvr ra les pores, facilitera 1 introduction
de la falive , la tranfpiration , & confe-
quemment l’évafion des parties de la goutte, les
plus voifînes de l’épiderme, & ainfi de proche en
proche, jufqu’ à ce que toute la matière morbifique
foit détruite. L ’auteur alfure que, de quelque nature
que foit la goutte » par le moyen de fa bouillie,
dans laquelle entre une certaine poudre qu’il ne
nomme pas, mais qu’il dit être bien connue des
médecins, 8c fe trouver chez tous les apothicaires,
ojî ne manquera pas de tranfporter dans le corps du
chien le dépôt goutteux.
M . Default, médecin de Bordeaux, a donné
en 175 f au public un receuil de dilîertations de
médecine , parmi lefquelles ou en trouve une fur
la goutte, qu’il explique finguüèrement. « Quand
« je n’ aurois, dit-il, compofé fur la goutte qu’un
,, roman, dans lequel cependant j’aurois fauvé les
» apparences de la vérité, ou du moins fait entrer
» la poffibilité de la guérifon de cette cruelle mass
ladic , un goutteux dans fon loifîr liroit ma dif^s
m fertation avec complaifance : à plus forte raifon,
» lorfque j’attéfte que tous les faits, fur lesquels
ss je bâtis mon fyftême, font vrais, & que je n’ài
ss voulu tromper perfonne ».
L ’auteur prétend, d’après l obfervatîon de Sydenham
» que les goutteux font pour la plupartgens
d’efprit, & que cette maladie attaque plucot les
perfonnfes fenfées que les-fots, plutôt les riches
que les pauvres. A la bonne heure pour les riches;
la raifon eft facile à deviner. Le même auteur,
page 279, raconte fort agréablement fa difpute
avec un moine , qui trouvoit fort mauvais qu’ il eût
guéri un malade avec du quinquina , diflousdans
une once d*eau-de-vie & trois onces de vin vieux,
parce que ce remède a voit caufé un peu d’ivrefle
au malade.
Aux ifles Antilles les fauvages qui fe Tentent
attaqués de la goutte , font en terre un trou, ou
ils jettent de la braife bien ardente. Ils mettent
delTus des noyaux des fruits du monbain, grand
prunier qui vient dans ces iiles : ils expofent enfuite
deffus la partie malade, & endurent la fumee très-
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chaude, le plus long temps qn'üs peuvent. Si ce
remède fudorifique ne Içs guérit pas, au moins il
les foulage beaucoup; ils appellent cette efpèce.de
fumigation boucaner. M. BolTu dit dans les nouveaux
voyages de l'Amérique Septentrionale , pag.
179, avoir été témoin de l’épreuve qu’a faite un
européen de cet,te' méthode de boucaner. 11 y avoit
environ fix femaines*» qu’il avoit au pied droit
une violente attaque de goutte, avec des douleurs
les plus aiguës. Il réfolut de fe mettre entre les
mains d’un fameux jongleur , de la nation ap-
pellée tonika , qui le traita de la manière fuivante.
Il fit boiiillir dans une chaudière toutes fortes
de fimples, des feuilles de laurier rouge &
blanc , du baume , de la citronelle , des racines
de bois de faffufras, avec des branches de pin &
de cirier, arbrilîeau qui croît dans la Caroline
méridionale & dans la Louifiane. C e fauvage mé •
decin plaça enfuite la chaudière fous une efpète
de dôme fait avec des cerceaux, fur lefqueis il
étendit une peau de cerf paffée , pour concentrer
la fumée des racines & des herbes odiférantes. Il
fit mettre au goutteux le pied malade au-deffüs
de la chaudière. Il répéta plufieurs fois cette opération,
& l’européen fut guéri. « Je l’ai vu de-
» puis, dit M. BolTu, aller à la chalTe, & vaquer
à toutes fes affaires fans relfentir la moindre in-
»> commodité »
Dans un de fes dialogues intitulé : Philopfeudes,
ou U Ami du menfonge , Lucien fe moque de la crédulité
& de la fuperftition des philofophes de fon
temps, à l’occafion de la goutte dont étoit attaqué
un des plus confidérables citoyens d’Athènes,
nommé Eucrates, & auquel chacun confeiiloit un
remède de fa façon. La manière fine & agréable ,
dont Lucien raille ces philofophes, doit engager à
lire ce dialogue dans l’original, avec d’autant plus
de raifon, qu’ à la honte de notre fiècle, la plupart
des railleries de Lucien peuvent encore avoir leur
application à certaines gens , qui par charlantanerie
ou autrement, fe font une occupation méthodique
de preferire de pareils remèdes. C ’ eft fans doute
ce dialogue de Lucien, qui a fourni à Blombeau-
laul, auteur du feizième fiècle ,. l’idée de fa comédie,
toute imitée de Lucien, intitulée la goutte,
laquelle fut repréfentée en 160$, & imprimée la
même année ; elle eft rare & peu connue.
Le maréchal de Colfé mourut en 1582 de la
! goutte y maladie très - habituelle , & héréditaire
alors dans fa famille : quand les douleurs étoienc
très-vives-, ce qui arrivoit Couvent, il juroit &
peftoit de la plus grande force , mais encore moins
contre la goutte même, que contre les médecins
qui l’empêchoient de boire. Un jour il reçut leur
vifite dans ces momens. » Mordieu! dit-il a la
a» compagnie, vous qui êtes mes bons amis , aidez-
» moi à avoir raifon de ces bourreaux de méde-
» cins qui ne veillent pas me laiffer boire du vin
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b» botiri! j pâfdieii j’ en boirai à cette Ketïfê aV i e
» vous, en dépit d’eux ; qu’on en aille quérir, Sc
» lî les médecins viennent, vous qui êtes mes
meilleurs amis, vous les chalferez ». On en
apporta; il en but, & le lendemain les bons amis
crurent devoir venir favoi'r des nouvelles du maréchal.
Mordieu! leur d it- il, je fuis beaucoup'
plus mal, & ces ingrats de médecins difent que
c ’eft parce que j’ ai bu du vin bouru > mais c’eft
qu’ils ne favent pas me guérir. On auroit pu ap-
paifer l’humeur du maréchal, en lui accordant l’un
& l ’autre.
C ’eft peut-être d’après cette hiftoire qu’ont été
fait les vers fuivahs :
Sur peine de la gou tte, un médecin m’ordonne
De quitter l’ufage duWin;
Mais loin de renoncer à ce bon jus divin,
3’achève de vuider ma tonne.
Laquais, v ite , à grands flots remplis-moi ce cryftal:
Si le vin engendre la goutte ,
Boire jufqu’à la lie eft le fecret, fans doute,
De tarir la fource du mal.
Brantôme ayant la goutte, un médecin fut le
trouver pour lui offrir le fecret qu’il avoit de le
guérir. Arrivé chez le malade , il demanda à lui
parler ; un laquais alla avertir fon maître qu’une
perfonne qui guériffoit la goutte le demandoit.
Brantôme vient autant vîte qu’il lui eft poffible
au-devant de cet homme, & dit à fon laquais,
en préfence du médecin , faites entrer le carroffe
de monfieur dans ma cour. Le médecin dit qu’il
n’en avoit point. Quoi 1 lui répliqua Brantôme ,
vous guériffez de la goutte, & vous n’avez pas
de carroffe, je ne fuis pas des vôtres', & le quitta
b.rjufq lie ment., comme voulant dire que fon remède
n’étoit donc pas bien merveilleux, puifque
la goutte étant un mal fi-fort emègne, il n’avoit
pas encore eu l’efprit de gagner de quoi fe faire
voiturer. - -
poncourt ) fuie d une petite niece du celebrc
Callot, graveur, morte en 1758, âgée de 64 ans.
Cette femme, auteur, étoit née férieufe, & fa conv
ention n’annonçoit pas tout l’efprît qu’elle avoii
reçu de la nature. Uu jugement fqlide, un coeui
fenfible & bienfaifant, un çpmmerce doux, éga
& fur, lui avoit fait des amis avant qu’elle penfâi
a fe faire desJefteurs. Quoiqu’elle fe mît à écrirç
dans un âge avancé, elle fit voir beaucoup de docilité
& de modeftip. Se^ amis avoient la liberté de
lui donner leurs avis, & elle les recevoir fans hur
mpur. Elle avoit néanmoins le louable défir d’être
eftimée, fans lequel il n’y a point de véritable talent.
Unç critique, une épîgramme la chagrinoit,
& elle l’avouoit de bonne foi. Elle ne regardait la
poefie que comme une jolie bagatelle, peut-être
Fncyclçpédiana.
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par une fecrette réflexion fur fon peu de talent
dans ce genre, ou par un préjugé de fociété. Lorf
que fes Lettres Péruviennes parurent, on fut fenfible
à cette variété de beaux détails, d’images
vives, tendres, ingénieufes, riches, fortes , légères,
figulièrement tracées; de fentimens délicats
, naïfs, paflionnés; à ces accéle'rations de
ftyle fi bien ménagées : ces mots accumulés de
temps en temps, ces phrafes qui, en fe précipitant
les unes fur les autres, expriment fi heureufement
1 abondance & la rapidité des mouvemens de
Kme;: à ce grand morceau plein d’art, de feu 8c
d’intérêt f ou la péruvienne fe trouve plus que jamais
preffee entre fon cher Aza & le plus généreux
des bienfaiteurs. Mais on reprochoit avec raifoa
à l ’auteur d'avoir fait ufage dans ces lettres d’un
ton de métaphyfique néedfairement froid en
.amour. C e défaut parut d’autant plus fingulier
dans une femme , qu’un homme qui écrit & qui a
des paflàons à maniérer , s’efforce de faire imiter à
fes^ perfonnages les. femmes qui ne généralifent
point, mais tournent toutes leurs penfées en fentimens.
La comédie de Cenie eft un de ces petits
romans dialogues , & appelles Comédies larmoyantes.
Elle eft écrire avec délicateife, ornée de
penfées fines , vivement imaginée, légèrement
tilfué, négligemment finie.
Madame de Grafigny racontort quelquefois avec
chagrin que fa mère, ennuyée d’avoir chez elle
une grande quantité de planches en cuivre, gravées
par le celebrc Callot, fit venir un jour un
chaudronnier, & les livra toutes pour qu’il lui
en fît uue batterie de cuifine.
Cette dame illuftre, veuve d’un mari de U
conduite duquel elle avoit eu fouvent à fe plaindre,
vint a Paris en 174°^ a la fuite de mademoifelle.
de Guife. Madame de Grafigny ne prévoyoit pas
des-lors la réputation qui l’attendoit dans cettë
‘ Capitale, ƒ ufieurs gens de lettres , réunis dans une
fociete Ou elle avoit été admife. l'engagèrent de
fournir quelque pièce ppur le recueil de ces mef-
fieurs, volume in-it qui parut en 174p. Elle leur,
donna une nouvelle efpagnole, intitulée : Le mau.
vais exemple p r o f it autant d( vertus que de vices.
Cette nouvelle ejl feméé de maximes ; & le titre
même , comme on vo it, en' eft unei Le? lettres ‘
Péruviennes & Cénie, qui parurent enfuite, lut
affinèrent un rang dans la république des lettres.
^La fille d'Ariftide, aptre comédie en cinq a êtes,
ne fut repréfentée qu'après Cénie ; mais elle ne reçus
pas If mémo accueil.
Après la chute de cette pièce, on envoya ces
vers à madame de Grafigny :
Bonne maman delà gente Cénie,
A cinquante ans vous fîtes un poupon 5
On applaudit ; on le trouva fort ben ;
On pflfte un miracle en la vie,
R n