
femme , jett 'i t , du haut du balcon, des cris redoublés
; mais ['étiquette retenoit les^ graves espagnols
; cependant deux cavaliers refolurent de
délivrer la princeffe, & malgré la rigueur de
la lo i, l'un fe failit de la bride du cheval, 1 autre
dégagea le pied de fa majefté ; ils fongerent en-
fuite à la peine qu'ils avoiënt méritée pour avoir
violé une loi auflx augufte ; ils profitèrent du
trouble où l’on étoit encore pour fe fauver,
mais la reine demanda la grâce des deux coupables
, & l’obtint.
Avant que Frédéric, roi de Pruflfe , eût mis
la couronne dans fa maifon, M. Beffer fut envoyé
minière de Brandebourg en France ; il arriva
à la cour de Louis X IV en même-temps
qu'un nouvel ambaffadeur de Gênes, avec lequel
il eut une conteftation' pour le rang > ils^ convinrent
que celui qui entreroit le premier à Ver-
failles fe prèfenteroit au roi. Beffer paffa la nuit
dans la galerie de Verfailles, & prévint enfuite
F ambaffadeur génois ; mais celui-ci ayant trouve
la porte de la chambre d’audience entr ouverte.,
s’ y gliffa dans le temps que Beffer s’entretenoit
avec un courtifan ; Befier s’ en apperçut, vole
comme un éclair dans la même chambre , tire
hors de la porte par le pan de fon habit, le génois
qui alloit commencer fa harangue i. il fe met
à fa place & adreffe fon difcours au roi, qui ne
fit que rire de cette efpece de violence faite en
fa préfence.
Le carroffe d’un envoyé extraordinaire du
prince abbé de Fulde fe trouvant engagé dans
un embarras à Vienne , & le rniniftre-refident
du roi de Pruffe lui ayant barré le chemin, cet
envoyé de Fulde mit la tete a la portieie, &
cria au miniftrc pruffien: Monfieur, ordonne^ donc
à votre cocher qu il cede au mien. Monfieur, répondit
celui-ci , je lui donnerais cent coups de bâton
, s'il cédoit a votre maître.
Lorfque le cardinal-de Richelieu traita du mariage
de Henriette de France & de Charles I ,
avec les ambaffadeurs d’Angleterre , 1 affaire fut
fur le point d’être rompue par deux ou trois pas
de plus que les ambaffadeurs exigeoîent auprès
d’une porte ; & le cardinal, arnfi que l’hiftoire le
rapporte , fe mit au lit pour trancher toute difficulté.
Il faut -avouer cependant que le françois
eft moins qu’un autre attaché à l’étiquette, & lorfque
des circonftances l ’obligent de la pratiquer,
il ne fe la rappelle que pour l’oublier enfujte.
14 n’en eft pas de même chez les italiens, 1 importante
affaire du Vunotillio les occupe entièrement,
& c’ eft un des principaux myfteres de leur
grandeur actuelle.
On peut dire la même chofe des petites cours
d’Allemagne. On rapporte à ce fujet , qu'un co lonel
françois à la fôrtie d’une campagne, & né
fachant que faire, voulut aller dans une petite
ville d’Allemagne, à une affemblée qui fe tenoit
chez une princeffe. Vous defirez, lui dit-on, vous
trouver à cette affemblée ; mais il n'y a que des
princes qui aillent là : êtes vous prince ? — V a , .
va, lui dit le colonel, ce font de bons princes}
j’en avois l’année paffée une douzaine dans mon
antichambre, quand nous eûmes pris la ville3 “ s
étaient tous fort polis:
M. de Novion, premier préfident du parlement
de Paris, fous Louis X IV , etoit allé rendre vi-
fite au cardinal Mazarin , premier, miniftre, les
deüx battans des portes furent auffi-tèt ouverts: à
ce magiftrat, comme eela fe pratique > M. de
Novion pénétra jufqu’ à la dernière antichambre,
où il relia , parce qu’ il ne trouva point le carv
dinal de Mazarin venant au-devant de lui; un
valet de chambre avoit déjà annonce le premier
préfident à fon éminence, qui travaillôit. en ce
moment & qui fe contenta de dire, faites entrer.
Le domeftique l’annonça une fécondé fo is , ofi
comme le miniftre répétoit, faites entrer, le valet
de chambre lui dit que M. de Novion s e.-
toit arrêté dans l’antichambre , le cardinal fentit
alors ce que cela fignifioit; il fe leva au p.us
v ite , & frappant de-grands coups fur la table,
il dit : allons, ce petit homme eft opiniâtre ; &
il marcha pour l’aller chercher dans 1 anti-chambre
où ‘ il-étoit refté.
M. de Mêmes tint la même conduite à l’égard
du cardinal Dubois : le premier préfident ne
voyant point fon éminence fortir de fon cabinet,
fe mit dans un fauteuil à la porte de la première
antichambre, & répondit au valet de chambre
qui le prefloit d’entrer, je fuis fort bien ic i,
& j’y attendrai fort commodément que fon emi-
nejice ait le loifir ; & il attendit effeûivemetit
qu'elle vint au-devant de lui pour fe mettre en
mouvement & entrer avec elle dans fon cabinet.
M. de Saintot, maître des cérémonies .d a n s
un lit de iuftice, ayant falué lê roi.Louis X IV ,
puis les princes du fang, enfuite les prélats,,
enfin le parlement ; M. de Lamoignon, premier
préfident, qui prétendoit que Je parlement Mt
falué immédiatement après les princes, lui oit :
« Saintot, la cour ne reçoit pas vos civilités ».
Le roi fe tournant vers le prefident, dit: “ je
» l'appelle fouvent M. de Saintot » ; M. de Lamoignon
répondit : « Sire, votre bonté vous dn-
„ penfe quelque fois de parler en maître ; mais
» votre parlement ne vous fera jamais parler
» qu'en roi ” •
Vétiquette, ainfi que la gravité, a fouvent été
dédaignée par le vrai mérite. Lorfquen if is j 1,
Sobteski, roi de Pologne , eut oblige les Turcs
de lever le liège de Vienne, l'empereur, qui
s’étoit éloigné de cette capitale, y rentra, & fit
dire qu’il défiroit paflionnément de voir le roi
polonois & de l’embraffer. L 'étiquette caufa de
l’embarras : on demanda comment cet empereur
devoit recevoir un roi eleétif : a bras ouverts,
s 'il a fauvé l’empire , dit lé duc de Lorraine,
dont la grande ame dédaignoit ces petites & mi-
férables formalités.
Au Tunquin il ne faut avoir ni chauffes ni
iouliers quand on fe préflnte devant lé" ro i, qui
feul fe fert de pantoufHes; on l'aborde avec gravité
& on le quitte en courant.
ÊTRE. C ’est a ssez que d’être. C'étoit.
un. moc de Madame de la Fayette, quf enten-
doit par-là que pour être heureux il falloit vivre
fans ambition & fans paffton. *
ÉTRENNES. Pendant la fortune de l’abbé
Dubois , • il avoit un intendant dont les fripo-
neries lui-étoient connues; au jour de l’an cet
intendant venoit rendre fes devoirs à l'abbé Dubois
: au lieu de lui donner des étrennes comme
à t us fes autres domeftiques, celui-ci fe con-
teritoit de lui dire : Monfieur, je vous donne ce
que vous m avei volé} & l’intendant faifoit une
profonde révérence & fe retiroit.
, E P Madame de Thiange voulant flatter
Louis X IV , donna en étrennes une chambre toute
dorée , grande comme un# table , à Monfieur le
duc du Maine : au-defius de la porte il y avoit
en groffes lettres , chambre du fublime, au-dedans
un lit & un baluftre , avec un grand fauteuil dans
lequel etoit affis Monfieur le duc du Maine fait
en cire, fort reffemblant, auprès de lui Monfieur
de la Rochefoucault auquel il donnoit des vers
pour Jes examiner ; autour du fauteuil Monfieur
de Marcillac , & Monfieur Boffuet alors évêque
de Condom j à l’autre bout de Falcove Madame
de Thianges & Madame de la Fayette lifoient
des vers enfemble; au-déhors du baluftre, Def-
preaux, avec une fourche, empêchoit fept ou
huit mechans poètes d'approcher; Racine étoit
auprès de Defpréaux, & un peu plus loin la Fontaine
auquel il faifoit ligne d'avancer; toutes ces
figures étoient de cire en petit, & chacun de
ceux qu elles reprefentoient avoit donné la Tienne.
ÉTUD E. On cherche depuis long-temps une
panacee univerfelle ; ceux qui aiment Yétude l’ont
trouvée; elle adoucit nos ipaux, diffrpe noscha-
gnns , vivifie toutes les facultés de notre ame
& lui donne ( qu on nous paffe cette expreffron)
un certtain embonpoint que ne lui procureroient
jamais les autres plaifirs auxquels elle pourroit
le livrer. C eft la fans doute ce que le duc de
Vivonne voulut faire entendre, lorfqu'ih répondit
a Louis XIV qui lui demandoit à quoi lui fervoit
de lire : « Sire, la leélure fait à mon efprit,
» ce que vos perdrix font à mes joues ».
Le duc de Vivonne avoit beaucoup d’efprit &
les plus belles couleurs du monde.
C 'd l une grande erreur de croire que Y étude
foit contraire à la fanté. On voit autant vieillir
de gens de lettres que de toute autre profeilion:
1 hilloire en fournit une infinité d’exemples ; en
effet, cette vie réglée, uniforme, pailible, n’entretient
elle pas la bonne conllitution, ik n'é-
Joigne-t-elle pas toutes les caufes qui peuvent
l'altérer? Pourvu que la chaleur naturelle foit
d’ailleurs excitée par un exercice modéré, & ne
foit pas étouffée fous une quantité d’alimens dif-
proportionnée au befoin de la vie fédentaire.
EVENEMENS SINGULIERS. En 1674, le
prince d'Orange attaque & prend.Grave. Parmi les
divers événemens qui ont rendu ce fiège mémorable
, il y en a un tout - à - fait fingulier.
Chamilly, qui commande dans la place, manque
d’argent, & craint pour les orages qu’on
avoit pris en Hollande, & qu’on avoit imprudemment
laiffés dans cette ville. Il fait part de
s cette double inquiétude à d'Eftrade, gouverneur
de Maflrich. L e comte, inflruit que, quoique
le fiège foit commencé depuis plus de deux mois,
les lignes ne font pas encore achevées, détache
un officier brave & intelligent, nommé Melin,
avec fix cens hommes de fa garnifon. Melin entre
par l'endroit qui étoit mal gardé, traverfe
le camp des Hollandois, paffe dans Grave avec
fa troupe , donne à Chamilly tout l’argent dont
il a befoin , & amène avec lui les otages, en
traverfant de nouveau le camp 'ennemi 3 fans
que perfonne fe mette en état de s’y oppofer.
Les habitans de Villefranche, en Périgord,
ayant formé, durant les guerres de religion, le
projet-de furprendre Montpazier, petite ville voi-
fine, ils choififfent pour cette expédition la
meme nuit que ceux de Montpazier, fans en
rien favoir , ont prife aufïi pour tâcher de s'em-
pa^ec de Villefranche. Le hazard fait encore,
qu ayant pris un chemin différent, les deux trou-
pAS/ne ^ rencontrèrent point. Comme des deux
côtés les murs font demeurés fans défenfe, les
deux entreprifes réuffiffent. On pille, on fe gorge
de butin, on fe croit heureux. Mais au point
du' jour tout le monde connoît la méprife. La
compofition eft , que chacun s’en retourne chez
lui & que tout foit remis dans fon premier état.
C eft là une image de la manière dont les fran-
çois de ce temps - là fe faifoieritla guerre. ( Mé-
moires de Sully. )
Le jour que Henri III fut affaffine à Saint
U o u d , la foudre tomba fur la Saiute-Chapelle