
»barbets.................... Parbleu! allons au bal de
» Topera faits comme nous fortunes : ce bifarre
» équipage nous épargnera la peine de nous maf-
qéuer >•». ~ La propolition parut bien folle , 8c
fut acceptée avec tranfport. Cependant on defi-
roit un carroffe, quand la troupe joyeüfe entendit
xout-à-coup le bruit d’une voiture. — « Eft-ce un
» fiacre que le Tort daigne nous envoyer ?'s’écriè-
« rent-iis d’une commune voix. — ** Oui meilleurs,
» j’en fuis un pour mes péchés , répondit le co-
» cher 3 qui pouvoir à peine faire mouvoir deux
» roffes étiques, étrillées en vain de piufieurs
» coups de fouet : je fuis chargé j mais lî vous
» vouiez, me fuivre, je ne vais qu’à quatre pas
» 8c vous pourrez me faire rouler toute la nuit.
*» - , Voyons quels font ceux qui fe donnent les
>2 airs d’être en voiture, tandis que nous fommes
» à pied, reprit le chevalier^ d e . . . ; ils feront
» peut-être afiez polis pour nous céder leur place».
Alors cette jeuneffe pétulante faifit les rênes des
fantômes de chevaux , & le chevalier ouvre la
port è^e, allonge le bras , tâte légèrement-: —
2» Oh ! oh ! mes amis , d it - ilje fens des meubles,;
» voici, je crois, dçs paiilaffes ou des matelas:'
»> c’eft un déménagement fécret j gardons-nous dé
» le troubler, Puifque ce maraud nous allure qu’il
?» va tout près d’ ici,, accompagnons-le jufqu’à
»2 Tendroit où il doit s’arrêter <«, — Il referme la
portière, & le cocher commue â fouetter fesharidelles
, dont il écoit facile de fuivre au petit pas
je grand trot. La voiture s’arrêta devant une petite
porte qui fervoit d’entrée à une allée longue &
pbfcurç',.dans laquelle le chevalier, trop ferré
contre le mur, fut contraint de fé ' jetter. L’obf,
purité empêchant de Tapperçevoir, Je cocher
defeendit de fon fiège, 6c fe mit en devoir de
travailler à débarraffer le carrodie. Alors la portière
s’ouvrit, un homme fauta promptement à
terre, porta fur fes épaules un paquet, dont jl
heurta rudement le chevalier, en le pofant à
quelques- pas de" lui. M. de . . . fut heurté &
froiîfé de la forte , tarît qu’il y eut quelque ehofe
dans la voiture, & meut pas la force d e s ’en
plaindre, parce que la- frayeur lui ôta Tufage de
la voix , quand il .s’apperçut avec la dernière
furprife , que les prétendus meubles n’étoient autre
chpfe que des corps-morts à demi eûVeloppés
dans de vieux lambeaux de toile. Tantôt il recevoir
un coup de pied çTun des cadavres j tantôt il
fcntoit une main froide lui paffer fur le vifage.
Saifi d’horreur, il fe te-noit collé contre la muraille
j il fe faifoit le plus mince qu’il lui étoit pof*
% fible. L’homme qui étoit forti du carroffe avoir
une lanterne fourde qu’il ojivrpiï par intervalles j
& ne croyant pas qu’il y eût quelqu’un dans
J’ allée , il ivexaminoit heureufement que fon horrible
fardeau. C e fut à la lueur vacillante de cette
lanterne 'fourie, que le pauvte chevalier découvrit
les trilles objets dont il étoit environné j ce
giiî redoubla foi} çjfroi J fut de Voir lç cadavre
d’un enfant, qui, à fon vifage rouge 8c enflam-
me, paroiffoit fraîchement étranglé. La mauvaife
mine de Taffaftin augmentoit encore les terreurs du
chevalier }scet homme avoit tout l’air d’un coupe-
jarrêc j fon oeil étoit hagard, & fa phyfionomie
dure & féroce : M. de . . . découvrit même fous
fon ample redingote, des épées & des poignards.
Le cocher Tàidôit a décharger la voiture, & ils
plaifantoient enfemble fur les morts qu’ils jet-
toient dans l’ allée : — « Celui-ci eft prefque en-
>» core tout chaud , difoient-ils. En voilà un bien
»2 robufte, qui n’a pas quitté la vie fans peine 2».
Le chevalier parvint enfin à pouffer un cri de
frayeur ; fes amis , qui fe tenoient de l’autre côté
de la rue, l’entendirent, & fe hâtèrent de'volej à
fon fecours j ils mirent l’épée à la main , dérangèrent
un peu les chevaux qui leur fermoient lç
paffage, & fe précipitèrent dans l’ allée où le
chevalier croyoit toucher à fa dernière heure.
Comme le particulier venoit d’ouvrir fa lanterne ,
ils furent d’abord interdits de l’affreux fpeétacle
Puijvs’offrit à leurs yeux. — « Vous voyez ,
>2 s écria M. de . . . , un infâme affaffin' , qui
»> vient cacher* ici les meurtres qu’il a faits. Çe
” miférable cocher, en le fécondant, ofe.parta-
>2 ger fes crimes 22. — A ces mets, les jeunes gens
leur fautent au collet. - «A h ! Meilleurs , ayez
22 pitié de moi, s’écria l’homme rdèfceodû du
»2 fiacre , je vais vous découvrir la vérité. Je fuis
J3«un pauvre étudiant en chirurgie j j ’ai déterré
>2 ces cadavres pour les ~diffiquer , moi & plu-*
23 fieurs de mes confrères. Tout eftTi cher ac,
» tuellement, qu’il n’y a- pas jufqù’âux corps
33 morts , que nous* n’achetions autrefois des
33 foffoyeurs que douze à quinze francs, qui ne
V nous coûtent plus cfu double de leur valeur.
32 Cet honnête cocher a bien voulu m’aider,
23 moyennant un éeti de fix livres. Vous voyez
.23 que mon crime eft exeufable, puifque je ne
33 trouble la cendre des morts que pour procurer
»j la faute aux vivans. Cependant il eft bon que
»? Ton. ne fâche rien- de mon innocent manège,
: 33 parce que l’on pourroit me tenir quelque temps
>3 en prifon.- — r.t ces poignards qui font cachés
39 fous votre redingote ? -s’ écria, le chevalier , res
133 mis de fa frayeur, mais un pey piqué de n’avoir
*3 eu qu’une terreur panique : — Hélas f répondit
33 l’ élève de Saint-Gôme , ce font des inftrumens
33 de chirurgie, que je viens de prendre chez lç
s» coutellier ». "
Une belle nuit d’ é té , un Marquis des mieux
faits & des plus qualifiés de France, ne' pouvant
dormir, fe releva à une heure après minuit,
commanda de mettre les chevaux au çatToffe,. &
à la faveur de la lune qui .étoit fort claire, fe fit
mener du côté de MéniJ-montant. En.paffanr par1
un chemin bordé de deux haies vives,
en déshabîiié, fur du gafoa au . oiçd d’un
voyant Je •çâh’cjie fe Jev.T
cromptsment, & demanda : « Eftrce vous, mon-
» fleur le marquis? vous vous faites long-temps
»> attendre 3»? Le marquis qui n’étoit point préparé
-à cette rencontre , ne laiffa pas de répondre :
n O u i, Madame, c’eft moi »5 * -3c de defeendre au
plus vite du .carroffe. La dame qui d abord le reconnut,
& qui en étoit connue de meme , lut
embarrafféc, parce que ce n’étoit pas lui qu elle
attendoiL Quand elle fe fut un peu remife : « Eh
» bon Dieu , monfieur le marquis , lui dit-elle ,
op que venez-vous chercher ici à l’heure qu’il eft ?
•»--Mais vous-même , madame, lui répondit le
» marquis , qu’y cherchez-vous ? — M o i,_ répli-
» qua-t-elle, je cherchois . . . . je cHerchois . .
» — hé q u i, madame , lui répartit le marquis ?
» je vous en conjure , j’ ai trop de refpeôt pôur
•» vous pour abufer de votre confidence : fi je ne
» fuis pas affez heureux pour mériter des grâces,
» je fuis affez généreux pour ne point envier
» celles que l’on fait. à d’autres, & affez diferet
•3 pour les enfevelir dans un éternel oubli. —Eh,
2> que voulez-vous que je vous dife , reprit-elle ?
» vous'pouvez bien penfer qu’une femvne comme
» moi n’ eft point ici à l’heure qu il eft fans avoir
» qiielques vues : je vous ai déjà dit que .je cher-
» chois. . . ; ». Le marquis voyant que fa prëfence
■ lui caufoit de la confufion, ne voulut pas lui en
faire davantage, &: fe contenta de lui dire, avec
autant de malice que d’efprit : « Adieu, majjamè,
» adieu , je ne voudrois pas, pour mille piftoles ,
» avoir perdu ce que vous cherchez ». Après
quoi il remonta dans fon carroffe , & la laiffa
-chercher ce qu’ apparemment elle trouva.
33 départ, j’ étois dans la cour fur les cinq heu-
3» res du foir , lorfqu’un homme y entra , me-
33 nant fon cheval par la bride. — Prend foin de
33 mon cheval, dit-il au valet d’écurie.^— Nous
>3 n’ avons pas de lit, lui répondit ce valet} ainfi
33 monfieur , cherchez une. autre auberge. —- Gela
33 eft jufte, reprit cet homme, il faut donner
33 quelque chofe au valet, &• j’ aurai foin de toi
13 demain matin. — Je ne vous dis pas cela, re-
» prit ce garçon, je vqus avertis que nous n’a-
33 vons point de place, 8c que je. ne puis mettre
33 votre cheval à l’écurie, qui eft pleine, — Cela
m fuffit, reprit cet homme ; tu as l’air d’un brave
33 gacçôn, aie bien foin de ma bête. — Je crois
»3 que ce diable d’homme-là eft fo u , s écria je
33 valet > voyant l’étranger prendre - le chemin
33 de la cuifine : que veut-il que je faffe de fon
33 cheval? — Je penfe qu’il eft fourd-, dis-je au
: 33 valet : prenez garde que fon cheval ne forte ,
-33 vous en feriez refponfable. — Je fuivis ^cet
»3,homme à la cuifine: L’hôteffe lui fit le même
23 compliment que fon valet 5 il lui répondit qu il
33 lui étoit bien obligé} mais qu’il la pnoit de
>3 ne point le fatiguer à lui faire des compli-
>2 mens , parce qu’il étoit f i . fourd , qu’il n en-
33 tendroit pas tirer le canon : & tout de fuite,
3s il prit une chaife , 8c s’ établit auprès du feu,
33 comme s’il eût été chez lui. L hoteffe tint
33 confeil avec fon mari 8c le çuifinier} 8c vil
.33 qu’il n’y avoit pas moyen de faire fortir cet
si homme de force, il fut décidé qu’il couche-
55 roit fur fa chaife. J’entrai dans la falle, ou
>3 je racontai à la compagnie l’embarras de Thô-
55 leffe: on en r it , 8c moi tout le premier, qui
» ne croyois pas que je fer ois la dupe de 1 a-
33 vanturé. On fervit} & notre homme entra à
» la fuite des plats, & s’ affit auprès de la ta-
35 ble, vis-à-vis de la porte. Comme nous étions
! 35 en fociété, on lui ait qu’ il pouvoit fe mettre
55. à la table d’hôte, & que nous ne voulions
v pas d’ étranger. On lui avoit fait ce compli-
35 ment à tue - tête : il crut apparemment qu’ on
55 vouloit le faire mettre à ’la place diftinguée}
33 car il répondit qu’il étoit fort bien , & qu'il
» favoit trop bien vivre, pour fe mettre au haut
3> bout de la table. Voyant qu’il n’étoit pas
23 poflible de nous faire entendre, il fallut pren-
23 dre patience} .il mangea comme quatre 5 8c ,
33 lorfqu’on , apporta la carte de la dépenfe, il
35 tira trente fous. de fa poche, & les mit fur
33 la table. La dépenfe'de chacun de nous éto t
La veuve d’un fous-lieutenant, accompagnée de
fes quatre fils , prefenta, au mois de Septembre
1784, un placet à l’Empereur pour obtenir une
penfion. Le placet étoit figné du nom de .cette
veuve , & fous ce nom on lifoit ces deux mots :
premier lieutenant. Sa majefté furprife de cette fin-
gulière fignature , en demanda la raifon. « Je fuis !
»•effectivement, répliqua la fuppliante ^premier ;
» Lieutenant, quoique veuve légitime d’un fous-
» lieutenant. Après avoir fervi long-tëmps dans
» un de vos régimens de campagne, une bleffure
découvrit mon fexe. Je me fuis enfuite mariée
avec un fous-lieutenant dont j’ ai eu quatre enfans
mâles. L’empereur, touché du fort de cette héroïne
j lui donna une gratification de cinquante
ducats , lui accorda une penfion de trois cents
florins, 8c fit placer fes quatre enfans dans une
maifon de fondation.
Un jeune homme de Paris .qui , avec une
compagnie nombreufe alloit à Lyon,, pour jouir
de la fatisfàÇtio® de voir cette fécondé ville
du royaume , raconte ainfi l’aventure qu’il y
eut : k Nous étions logés à la Petite-Notre-
» Dame , & nous -étions- liés avec une fort bonne
32 compagnie qui étoit dans l’auberge, enforté
» que nous mangions enfemble. La veille de notre
3> bien plus forte} ce qu’on tâcha de lui faire
>3 comprendre 5 mais il répondit toujours qu’ il
33 n’étoit pas Homme à fouffrir qu’on payât fon
» écot, & qu’il nous étoit trop obligé de voi *
os loir le défrayer} que quoiqu’ il fût mal mis, il
» avoit le gouffet garni : ce qu’ il difoit, fans dou-
3> te , parce qu’on lui rendoit fa mohnoie pour
50 qu’ il donnât davantage. Sur ces entre-faites >
» ayant vu monter u*e baffinoire.,_il fit Une rc