
ao8 B RO
excès de v in , vers l’ an 178 avant Jéfus-Chrift.
Les poètes grecs répandirent que les dieux avoient
eux - mêmes veillé au falut de la Grèce , qu’ ils
avoient vu Apollon rouler fur les gaulois dJénormes
rochers , & que Pan les avoit frappés d’une
terreur li fubite qu’ils s’entre-tuoient les uns les
autres. C ’ eft de là qu’eft venu le mot de terreur
panique.
II. y eut ua autre général gaulois , nommé
Brennus , qui après avoir vaincu les romains,
vint former à Rome le blocus du Capitole. Le
tribun , Sulpitius, au lieu de repoulfer les gaulois
par le fe r , promit de leur payer, s’ils fe re-
tiroient, mille livres d’or. Brennus accepta,
mais au moment où l’on pefoit le montant du
traité, il jetta fon épée & fon bouclier dans
la balance pour augmenter le poids qu’il exigeoit,
en difant pour juftifier cette injüftice, malheur
aux vaincus ! mais Camille étant accouru, annulla
ce traité honteux, livra bataille & força les gaulois
à prendre la fuite. •
BRISSON. Barnabé Brijfon occupa fous Henri
III les charges d’ avocat général & de prélîdent à
mortier au parlement de Paris. Il eut la réputation
d’ un homme d’une grande érudition. Après la
mort de Henri I I I , il parla fortement en faveur
de l’autorité royale, mais la faétion des feize l’ayant
fait conduire au Petit-Châtelet, il y fut pendu à
la poutre de la chambre du confeil, le 1 y novembre
15-91.
BROOR j ou B R A UW E R , ou BRAUR
( Adrien ) , né à Oudenarde , l’ an 160&, mort en
'1646.
■ Conduit parle feul inftinét de la nature, Broor,
ù peine forti de l’enfance, s’occupoit à repréfen-
ter des fleurs & des oifeaux, fur de petits morceaux
de toile ; & fa mère pour fublîfter, les vendoit aux
femmes de la campagne , qui -les employoient à
leur parure.
François Hais , habile peintre , pafla par hafard
dans l'endroit où demeuroit le jeune Broor , & ,
frappé de fes talens naiflfans, il lui propofa de l’inf- |
truire. Broor , charmé de cette heureufe rencon- j
tre , ne balança point à le fuivre. Mais ce qu’il re- .
gardoit comme un extrême bonheur , fut pour lui,
pendant long-temps, lafource d’une infinité de
chagrins & de peines. L’avarice de Hais & de
fa femme les portoit à profiter des talens du
jeune infortuné dont ils paroiffoient plaindre
le trifte fort. Dès qu’ils l’eurent en leur pouvoir
, ils fe mirent à l’excéder de travail, & le
faifoient prefque mourir de faim. Maigre , exténué
, à peine avoit-il la figure d’une créature humaine
; les haillons dont il étqit couvert, ache-
voientdelui donner l’ air du dernier miférable. Tandis
qu’il manquait dunéceflaire, les petits tableaux
b r o
auxquels il travailloit jour & nuit, étoient vendu«
fecrettement un très-grand prix. L’avidité de fes
maîtres ne faifant que croître à mefure qu’eile trou-
voit le moyen de fe fatisfaire , ils l’enfermèrent
dans un grenier, afin qu’il put produire un plus
grand nombre d’ouvrages.
Cette féparation infpira de l’inquiétude ou de
la euriofité à fes camarades, élèves de Hais,
qui épièrent le moment de fon abfence, pour découvrir
çe que faifoit Broor dans fa prifon. Ils
montèrent chacun à leur tour ; & , par une petite
fenêtre, ils virent avec furprife que cet elève,
pauvre & méprifé , étoit un peintre habile, quf
compofoit de fort jolis tableaux. Un de ces jeunes
gens lui propofa de peindre les cinq fens , à quatre
fous la pièce. Broor y réuflit fi bien, qu’un autre
lui demanda les douçe mois de l'année, au mêrâ^
prix.
Notre prifonnier fe trouvoit très-heureur, &
regardoit comme une bonne fortune la vente des
petits fujets qu’ il traitoit à la dérobée & dans quelques
momens de loifir. Mais les profits confidé-
rables que fes ouvrages rapportoient, déterminèrent
Hais & fa femme à l’obferver de li près, qu’il
ne lui reftoit plus une feule minute dont il pût dif-
pofer j la furveillante fur-tout, non fatisfaite de
î’ épuifer de travail, diminuoit encore chaque jour
le peu de vivres dcftinés pour fa fubfiftance.
Cette fituation affreufe alloit enfin le mettre au
défelpoir, lorfqu’ un de fes camarades lui confeilla
de fe fauver , & lui en facilita même les moyens.
Dépourvu de tout & prefque nud, Broor erra
dans la ville, fans favoir où il alloit, ni quelferoit
fon fort. Après avoir long-temps marche, il s’arrêta
dans la boutique d’un marchand de pain d’épice,
en fitprovifion pour toute la journée, en dé-
penfant l’argent qu’il pofledoit, & courut fe placer
fous les orgues de la grande églife. Pendant
qu’il cherchoit dans fon imagination comment il
fe procureroit un état moins malheureux, il fut
reconnu par un particulier, qui le ramena chez fon
maître , lequel s’étoit donné beaucoup de mouve-
mens pour le retrouver, & promit de le mieux
traiter à l’avenir.
Hais fe piqua de tenir parole ; il lui acheta un
habit à la fripperie , & le nourrit un peu mieux.
Broor y encouragé, fe mit à travailler avec plus
d’ardeur', mais toujours au profit de fon hôte,
qui vendoit fort cher dés tableaux qu’il avoit prefque
pour rien. Broor ignoroit feul fes talens , &
les relfources qu’ ils lui auroient procurées. Inftruit
enfin par fes camarades du prix de fes tableaux ; il
s’échappa plus adroitement que la première fois ,
& fe réfugia dans la ville d’Amfterdam, où il arriva
dénué d’amis & d’argent. Son heureufe étoile le
eonduifit chez un honnête marchand de tableaux ,
qui lui accorda un afyle. Qu’on juge du plaifîr
avec lequel Broor apprit que fes ouvrages étoient
connus
B R O
connu dans Amfterdam, & qu’ils fe vendoiefit un
prix çonfidérable.
Il en auroit peut-être douté, fi un amateur ne
lui eût donné environ cent ducats d’Un de fes tableaux.
Aufli-tÔt que Broor, qui avoit demandé
cette Tomme en tremblant, fe vit poflefleur d un
tel tréfor, il le répandit fur fon lit , & , tranf-
po'rté de joie d’avoir tant d’argent , il fe roula
deflus.
Dix jours pafles dans la débauche, avec des
gens de la lie du peuple, lui firent bientôt trouver
la fin de fes richeues. Il revint enfuite , joyeux
& content, chez le marchand de tableaux où il
logeoit, qui lui demanda ce qu’il avoit fait de fon
argent : — « Je m’en fuis heureufement débar-
>• rafle ,. répondit-il, afin d’être plus libre•-»>. —
Cette alternative de travail & de diflipation,
fixa le plan de fa conduite pour tout le refte de
fa. vie. Il ne fongeoit à prendre le pinceau que
lorfqu’il n’avoit plus d’ argent. Il entroit dans toutes
les querelles des ivrognes, après avoir bien
bu avec eux. Son attelier étoit ordinairement
dans un cabaret, où il lui arrivoit fouvent d’être
obligé , pour payer fa dépenfe, d’envoyer vendre
fes ouvrages aux amateurs.
Broor fe livroit à un tel enthoufiafme, en travaillant,
qu’on l’entendoit fouvent parler Efpa-
gnol, Italien ou François , comme s’ il eût été
avec les perfonnages qu’il peignoit.
Rien de plus amufant Épie les aventures que
Broor éprouvoit chaque jour. Dans une de fes
courfes , il fut entièrement dépouillé par des voleurs.
N ’ayant point d’argent pour fe former une
nouvelle garde-robe, il imagina de fe faire un habit
de toile, fur lequel il peignit des fleurs dans le
goût des robes indiennes. Les dames y furent,
trompées , & s’emprefîerent d’avoir une étoffe
& un deflîn pareils. Broor s’avifa, pour les défa-
bufer, de monter fur un théâtre, à la fin d’une
pièce; & , prenant une éponge imbibée d’eau,
il effaça, devant elles, toutes les peintures de
fon habit.
Lorfque la guerre défoloit entièrement la Flandres
, Broor eut envie d’aller à Anvers. Malgré
les repréfentations de fes amis, il ne put réfifter
à fon impatience, & fut pris dans cette ville pour
un efpion. Renfermé dans la citadelle , il eut le
bonheur d’y rencontrer le duc d’Aremberg, qu’il ;
informa de fa profeflion. Le duc , qui recevoit
quelquefois la vifite de Rubens, pria ce grand
artifte de faire donner à un prifonnier tout ce
qu’il falloit pour peindre. Rubens n’eut pas plutôt
jetté les yeux fur le tableau que fit le prétendu
efpion, qu’il s’écria : ce tableau eft de Broor ! &
voulut abfolument le payer fix cents florins.
Rubens employa tous fes amis pouï tirer Broor
E ncyclopédiana»
B R U 209
de prifon ; il fe rendit même fa caution ; & ,
ayant obtenu fon élargiflement, il l’habilla, s em-
prefla de le loger, & lui donna fa table. Loin de
répondre à tant de foins généreux , Broor fe
fauva précipitamment de la maifon de fon illuftre
bienfaiteur, afin de-jouir de fa liberté.
Broor s’apperçut enfin que fes parens le mé-
prifoient, parce qu’il étoit toujours mal vêtu.
Senfible aux marques de leur dédain , il acheta
un habit de velours fort propre. Un de fes cou-
fins , le voyant fi bien mis, le pria de venir à
fes noces. Broor ne manqua pas de s’y rendre ;
& , comme pendant le repas la compagnie loua
le bon goût & la propreté de l’habit de notre
peintre, il prit un plat rempli de faufle, le répandit
entièrement fur lui, 8t barbouilla de graifle
toute fa. belle parure, en difant qu’elle de voit
faire bonne-chère, puisqu'elle feule étoit invitée ,
& non pas fa perfonne.
Après cette équipée, il jetta fon habit au feu ,
en préfence des convives, & alla fe renfermer
dans un cabaret, où la pipe & l’eau-de-vie lui
tenoiei.t lieu des richefles & des grandeurs de ce.
monde.
' Las de ne tenir à rien, Broor fe retira chez
un boulanger de Bruxelles, dont la femme étoit
jolie. Il fut fe faire aimer & de la femme & du
mari , fingularité qui arrive tous les jours. C e
boulanger, qui faifoit aufli le métier de brocanteur
, logeoit, nourrifloit fon nouvel ami. Broor ,
par reconnoiflance, lui apprenoit à peindre, &
rendoit. à la dame d’autres fervices. La liaifon
entre ces deux hommes, fut tellement intime ,
leur, caractère avoit tant de reflemblance , qu’ils
fe quittoient à peine un feul inftant. Ils pouffèrent
leurs communs défordres jufqu’à fe compromettre
avec la juftice ; accident qui les obligea
de prendre la fuite.
Après avoir erré pendant quelque tems , Broor
revint à Anvers : réduit à la dernière mifère, il
y tomba malade, & n’eut d’autre afyle que l’hôpital
, où il mourut au bout dé deux jours.
Rubens l’honora de fes larmes, fit retirer fon
corps du cimetière dans lequel il avoit été enterré ,
le fit ifihumer de nouveau avec une pompe éclatante
; & la ville d’Anvers lui éleva un tombeau
magnifique.
BRU LÂR T (Pierre), iparquis dePuifieux, mort
en 1640. Un jour que le cardinal de Richelieu l’ a-
voit invité à dîner, on fe mit apres le repas à jouer
à la prime , le cardinal gagnoit ; il furvint un coup
de dez qu’on fit juger par les fpe&ateurs ; Brulart
fut condamné tout d’une voix : outre- de la deci-
fio.n, il dit tout bas , en payant ; tous les corfaires
ne Jonc pas Jur mer. Cependant le cardinal l’entendit
, & lui prenant doucement la tête , comme il