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Marivaux a £n dans Ton ftyle une forte & affectation
qui lui étoit particulière, on a dit de lui
flu'il s'amufoit à pefer des riens dans des balances
de toile d'araignée.
L * affectation de Fonténelle étoit la plus fuppor-
table de toutes, elle confiftoit à rechercher des
tours ingénieux & finguliers. Il difoit, par exemple,
our exprimer la refiemblance du portrait ci un
omme taciturne ; on dirait qu'ilfe tait. Il difoit au
cardinal Bubois :vous avez travaillé dix ansji vous
rendre inutfie. Voici réloge qu'il faifoit de La
Fontaine : il étoit fi bête qu'il ne favoit pas qu'il va-
loit mieux qu'Efope8c Phèdre.
AFFAIRES. Combien de gens fe font des affaires
de tout, parce qu'fis ne favent s'occuper de
tien.
AFFECTION. Il exifte” dans une prifon de police
à Mofcow un gentilhomme qui y eft renfermé
pour avoir fait mourir quelques payfans à coups
de fouet. Une femme âgée d'environ foixante 8c
dix ans, a bâti, auprès de la porte de cette prifon,
une miférable cabanne ou elle peut à peine fe
défendre des injures de l'air. C'eft-là qu elle habite
uniquement par compaflion pour le prifon-
nier. Elle a? été. fa nourrice, 8c elle continue à
lui rendre tous les. fervices qui dépendent d'elle.
Il feroit difficile de trouver un pareil exemple
d‘affeâion aufli «défintérelfé j car le gentilhomme,
attendu l'énormité du crime qu'il a commis', n'a
aucune efpérance d'être remis en liberté. Cette
bonne femme ne peut donc attendre d'autre
récompense que le plaifir de lui faire du bien.
M . William Coxe qui raconte' ce fa it, donna
à la vieille une petite pièce de morinoie qu’elle alla
aufli-tôt porter au prifonnier.
A G A TE . La pierre qu’on nomme fimplement
agate, offre quelquefois , par le mélange ou la
variété des teintes, des figures bifarres & fouvent
întéreffantes.
Telle étoit la fameufe agate de Pyrrhus , roi
d'Albanie, fur laquelle on voyoit, au rapport de
Pline, Apollon avec fa lyre & les neufs mufes,
chacune avec fes attributs j ou Y agate dont Boëce
de Boot fait mention, elle n'étoit que de la grandeur
de l'ongle , 8c on y voyoit un évêque
avec fa mitre : 8c en retournant un peu la pierre,
le tableau changéoit , il y paroifloit un homme
8c une tête de femme. L'imagination a fouvent
beaucoup dé part aux raretés qu'on prétend découvrir
fur un grand nombre d‘agates. *
AGESIL AS I I , roi de Sparte, mort Y an 3 j 6
avant J. C .
Il étoit petit, boiteux.& de mauvaife mine,
mais courageux, grand guerrier, 8c un des hommes
les plus célèbres de l'antiquité.
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v On demandoit à Agéfilas s'il préféroit la valeur
à la juftice. w La valeur feroit inutile, répondit-il,
» fi tous les hommes étoient juftes x>.
Les Ephores , jaloux de l'amour que les Lacédémoniens
avoient pour ce bon r o i , le condamnèrent
à l'amende , parce qu'// s'appropriait y par
fes vertus, les citoyens qui appartiennent a la république.
Il difoit du roi de Perfe : ce roi que Vous appelle:£
Grand, peut-il l’être plus que moi, a moins
qu’i l ne foie plus jufie.
Cynifca, fa foeur, fut la première femme qui
remporta le prix de la courfe aux jeux olympiques
fur des chevaux qu'elle avoir dreffés elle-même
à la prière de fon frère.
C e roi ayant défait les Corinthiens, on lui proposa
de détruire Corinthe ; non, dit-il, i l faut
laiffer a la Grèce des barrières contre les barbares.
Les peuples^ de la Grèce qu'il avoit défendus
voulurent lui ériger des ftatues ; mais il les refufa ,
en difant qu'// ne faut pas d'autres monumens k
l’homme de bien que fes aBions mêmes.
AGIS I I , roi de Sparte, mort vers l’an 397
avant J. C .
Un fophifte, grand parleur, pour exalter fon
art devant Agis I I , roi de Sparte, difoit que le
difeours étoit la chofe du monde la' plus excellente.
«c Quand tu ne parles point, lui répliqua
» le mona rque tu n'as donc aucun mérite»».
Un député d'une ville alliée lui fit un difeours
fort ennuyeux, 8c demanda fâ réponfe : Dis à
ceux qui t’ont envoyé, que tu as eu bien de la peine
a finir & moi à t’entendre.
AGIS IV , roi de Sparte , mort fur un échafaud,
vers l’an 241 avant J. C . Il entreprit d'abolir
les dettes & de partager, par égales portions, les
terres entre tous les citoyens. Cn brûla dans la
place publique tous les titres 8e les contrats de
propriété, il s’écrioit, que jamais i l n’avoit vu
de feu fi beau ; maïs les mécontens le firent condamner
à la mort. Il dit à fes amis , qui pleuroient
fon infortune : effuye^yos larmes y puifque je fuis
innocent, & garde^-les pour ceux qui me font
mourir injufiement.
À G N O D IC E , jeune & belle Athénienne, eut
tant de paflion pour la médecine, qu'elle fe tra-
veftit en homme, pour étudier 8e pour exercer
cette fcience. Cn f it , en fa faveur, une loi particulière
pour, lever la défenfe qui interdifoit la
médecine aux femmes.
AG RA . Cette grande ville d'Àfie eft la capitale
du royaume du Mogol 5 elle eft bâtie en forme
de demi-lune, avec un mur de pierres rouges ^
A G R
& un fofie. de cent pieds de large. On y admiré
le maufolée de Tadgemehal, femme du mogol
Cha-gean, qui employa vingt ans a le faire bâtir.
Mais ce qui eft d’une magnificence unique, c eit
le palais des empereurs mogols, qui s'élève en
forme de château au milieu de vingt autres palais
de feigneurs > c'eft là qu'on voit ce trône 8c
cés tréfors fameux, 8c cette treille dont il y a
quelques ceps d'or avec les feuilles émaillées de
leurs couleurs naturelles., & chargée de grappes,
d'émeraudes, de rubis 8e de grenats.
t AGRICULTURE. V agriculture y cette puif-
fance créatrice qui fournit a tout l’exiftence 8e la
vie ; cette puiflance abfolue qui ne dépend d'aucune
autre , 8e dont au contraire toutes les autres
dépendent} cette puiflance néceflaire, qui a droit
de prétendre aux faveurs accordées aux autres arts
8e aux talens ; oubliée, mépriféë , perfécutée ,.par
l'efprit de fyftême , n'offre plus que le trifte fpec-
taçle d'un accablement général : on arrache à l'infortuné
plébéien les alimens les plus néceflaires-
à la vie 5 8e le champ qu'il arrofe de fes larmes,
ïa vigne qu’il baigne de fes fueurs, lui portent
fouvent des fruits que fes yeux voient pafier en
des mains étrangères.
Difeours couronné.
Socrate appelloit Y agriculture la mère 8e la nourrice
de tous les arts.
M. de Sully s’en exprimoit à-peu-près comme
Socrate, quand il difoit que le labourage 8e le
pâturage étoient les deux mamelles dont un état
eft alimenté.
• : Tous les peuples ont témoigné la plus grande-
reconnoiflance envers ceux qui leur avoient enfeigné
l’ art de rendre la terre fertile. Chez les anciens,
Y agriculture a fait les délices des plus grands hommes.
Cyrus, le jeune, avoit planté lui-même la plupart
des arbres de fon jardin 8c les cultivoit avec foin.
Celui qui tuera un boeuf deftiné au labourage,
porte une loi d'Athènes , ou celui qui volera quelques
outils d’agriculture fera puni de mort.
- Les romains, fur-tout , fe font diftingués par
leur amour pour Y agriculture. Quel fpe&acle im-
pofant de voir Quintus-Cincinnatus quitter la pièce
de terre qu il cultivoit pour la nourriture de fâ
famille, marcher a 1 ennemi en qualité de dictateur,
Vainc te , recevoir les- honneurs du triomphe, 8c
revenir après feize jours reprendre fes travaux ruf-
. fiques.
Apres la prife de Carthage on diftribua aux rois
.amis de Rome , les livres des différentes bibliothèques
, la république ne Confeirva pour elle que
les 28 livres d'agriculture compofées par le capitaine
Magon.
f tX a to n étudia la culture des champs 8c «n écrivit.
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Par quelle fatalité , dit Voltaire , F agriculture
n'eft-elle véritablement honorée qu'à la Chine? Tout
miniftre d'état en Europe^doit lire avec attention
le mémoire fuivanf d’un jéfuite , qui n'a jamais été
contredit par aucun autre miffionnaire, & entièrement
conforme à toutes les relations que nous
avons de ce vafte empire.
Au commencement du printemps chinois, c'eft-
à-dire, dans le mois de février, le tribunal des mathématiques
ayant eu ordre d'examiner quel étoit le
jour convenable à la cérémonie du labourage ,
détermina le 24 de la onzième lune, 8c ce fut par
le tribunal des rites que ce jour fut annoncé à
l’empereur dans un mémorial, où le même tribunal
des rites marquoif ce que fa majefté devoït
faire pour fe préparer à cette fête.
Selon ce mémorial, i° . l'empereur doit nommer
les douze perfonnes illuftres qui doivent l’accompagner
8e labourer après lui y favoir, trois princes
8c neuf préfîdens des cours fouveraines. Si quelques
uns des pféfidens étoient trop vieux ou infirmes
, l'empereur nomme fes affefleurs pour tenir
leur place.
2°. Cette cérémonie ne confifte pas feulement
à labourer la terre pour exciter l’émulation par
fon exemple, mais elle renferme encore un facri-
fieeque l'empereur, comme grand pontife, offre
au Chang-ti, pour lui demander l'abondance en
faveur de-fon peuple. O r , pour fe préparer à ce
fàcrifice, il doit jeûner 8c garder la continence les
trois jours précédens. La même précaution doit
être obfervéç par tous ceux qui font nommés pour
accompagner fa majefté, foit princes, foit autres ,
foit mandarins de lettres, foit mandarins de guerre.
30. La veille de cette cérémonie, fa majefté choifit
quelques feigneurs de la, première qualité, & les
envoie à la falle de fes ancêtres fe profterner devant
la tablette 8c les avertir, comme ils feroient
s'ils étoient encore en vie, que le jour fuivantfi
offrira le grand fàcrifice.
Voilà , en peu de mots, ce que le mémorial du
tribunal des rites marquoit pour la perfonne de
l'empereur. Il déclaroit aufli les préparatifs que les
différens tribunaux étoient chargés de faire. L ’un
doit préparer ce qui fert aux facrifices. Un autre
doit compofer les paroles que l'empereur récite
en faifant le fàcrifice. Un troifième doit faire porter
8c drefler les tentes fous lefquelles l'empereur
dînera, s'il a ordonné d'y porter un repas. Un
quatrième doit affembler quarante ou cinquante
vénérables vieillards, laboureurs de profeflîon,
qui foient préfens , lorfque l'empereur laboure la
terre. Qn fait venir aufli une quarantaine de laboureurs
plus jeunes pour difpofer la charrue , atteler
les boeufs, 8c préparer les grains qui doivent être
femés. L'empereur sème cinq fortes de grains y
qui font cenfés les plus néceflaires à la Chine, 8ç