
93 vérence & fortit , en nous laiffant tous écla-
» ter de rire. Une minute après , la fervante
•»s defeendit & me dit d'aller défendre mon lit3
33 dont cet homme s’étoit faifi fans vouloir en-
93 tendre fes raifons. Nous y montâmes tous ; mais
33 d avoit barricadé la poste , 6c no'us fentîmes
33 qu’il feroit inutile d’y frapper. Gomme il parloit
»2 feul, nous prêtâmes l’oreille.-— Que ma con-
53 dition eft miférable , difoit-il ! on pourroit eh-
» foncer ma porte-fans que je i’éntendiffe je
a» n’ai d’autre reffource que de veiller toute la
33 nuit avec ma chandelle allumée , pour faire ufage
33 de mes piftolets fi on entreprenoit de me voler.
33 11 n’en eut pas la peine , je palfai la huit au-
33 près du feu , & je pardonnai de bon coeur à
:33 cfet homme qui me paraiffoit fort à plaindre.
33 II fe leva le lendemain de bonne-heure, donna
*'M trente fous pour la dépenfe de fon cheval, &
.33 étant monté deffus <, il m’adreffa la parole : —
33 Je vous demande pardon ,, me dit-il, d’ avoir
»3 pris votre lit. Un de mes amis , à qui on avoit
33 refufé un logement ici , a gagé vingt louis que
33 je n’jr coucherois pas : cette fomme valoir bien
33 la peine d’être fourd. Au refte 3 monfieur , j’ai
33 compris , • par votre difeours , que vous allez ;
33 prendre la diligence d’eau.; je vous y trouve^,
33 rai * 8c vous prierai d’accepter un bon déjeû-
33 ner ; pour réparer la mauvaife nuit que vous
33 avez paffée. — Il piqua des deux en achevant '
»3 ces mots & nous laiffa fort étonnés du fang-
32 froid avec lequel il avoit joué fon rôle 33. _
Un homme d’une grande qualité étant entré
dank une hôtellerie où il devoit dîner 3 l’hoteffe ,
qui ne le connoiffoit point , 'voyant qu’il avoit
une affez méchante figure , lé pria de l’aider à
apprêter le repas pour un gros feigneur qu’ on
attendoit. Il y confentit : les gentilshommes de
fa fuite furvinrent, 8c l’ayant vu travailler de '
la forte j lui. demandèrent ce qu’il faifoit : «Je
33 paie , leur dit-il en riant , l’ intérêt de ma
»3 mauvaife mine.--»/
Un mandarin de Nankin paffoit pour le
plus .riche particulier- de la Chine.- L ’empereur
Kam-hi , qui fe propofoit de lui enlever
une partie- de- fes - tréfors , lui fit dire de venir
le trouver dans le parc où il fe promenoit. Il
lui ordonna d'e prendre la bride d’un âne qu’il
monta j 8c de le conduite autour du parc ; le
mandarin ob éît, & reçut une pièce d or pour
récompenfe. L’empereur - voulut , à- fon tour, lui
donner le même amufement, ehvain le mandarin
s’én ex eu fa , il fallut fouffiir que fon maître
lui rendît l’office de palfrenier. Après cette bi-
zare promenade 3 combien de fois , -lui dit l’empereur
, fuis-je plus grand 8c plus puiffant que
toi ? le-mandarin fe profterna à . fes pieds ,, lui
répondit qu’on ne pouvoit faire, entre eux, aucune
comparaifqn: 3» £h bien,lui di Kam-hi, je
vais la faire y je fuis vingt mille fois plus grand
| 33' que toi; aiijfî tu paieras ma'peine à propor-
>3 tion du- prix que j’ai cru devoir mettre à Sa
33 tienne 33. Le mandarin paya ' vingt?'mille pièces
d’or en fe félicitant, fans doute de la modéra,-
tion de l'empereur, qui étoit bien le maître de
fe croire cent mille fois plus grand & plus
-puiffant que lui.
Deux étudians, allant \à Ségovie, virent un
-tombeau fur lequel étoit gravée cetté infeription :
ici eft enterrée lame du. licentié Pierre Gardas.
L ’un d’eux plaifantà fur l’abfurdité de c.es paroles
, comme f i une ame , difoit-il, pouvoit être
enterrée. Son camarade conçut, au contraire,
qu’elles pourroient cacher un fens raifonnable.
Il laifla gagner les devants à fort compagnon,
leva la pierre fur laquelle l’infeription étoit gravée
3 fouilla dans la terre, y trouva un tréfor
& une autre infeription fur laquelle il lut ces
mots : fois mon héritier, toi qui as eu ajfe£ d* ef-
prit pour comprendre le fins des paroles de l'infeription
, & fais un meilleur ufage que moi de
mon argent, l’écolier , fort fatisfait, reinit la
pierre, & continua fon chemin avec l’ame du
licentié. '
Un cochon, fort gras & fort méchant, dé-
foloit un chairoiitier de Paris, qui réfolut de
s’en débarraffer en le tuant. En conféqùenee de
fon projet, il attacha l’animal à un des barreaux
du foupirail de fa cave, & alla chercher fon
gqmd couteau pour lui couper le cou. Pendant
ce temps-là le cochon rompit le lien, qui. le re-
tenoit, fe fauva- dans une rue voifine, entra
dans une allée & monta ju(qu’au troisième étag
e , il trouva" la porte d’une chambre Ouverte ,
dans laquelle demeuroit une vieille femme, qui
venoit d’en fortir pour ,aller chercher du feu
chez fà Voifine. Le cochon pénétra dàns cette
-chambre, découvrit derrière la porte un panier
plein d’ ordures 5 8c comme il s’amufoit à y fouiller
, en fe démenant il fit fermer la porte. La
bonfte femme, revenant fur ces entrefaites, fut
très-furprife de trouver fa porte fermée, dont
elle avoit, laiffée la clef fur fa table. Comme elle
entendoit un certain bruit, elle . cria qu’on lui
ouvrît, le cochon fe mit alors à-grogner, &
elle crut qu’on lui répondoit, non ; faifié de
frayeur, ellè, s’imagina qu’il y avoit. un voleur
dans fon appartement & courut chercher le com-
miffaife '& fa garde; l’officier de police demanda
à Ton tour qu’on lui ouvrît ; le cochon recommença
à grogner, & tous les auditeurs' crurent
auffi qu’ on leur.répondoit, non. Auffi-tôt la porte
eft enfoncée; le cochon effrayé veut- fe fa'uver,
paffe entre les jambes du commiffaire, s’embar-
raffe dans fa robe, & roule avec lui tous les
efcalièrs. Il fe dépêtré enfin de fa longue-robe
n o i r e s ’ enfuit à toutes jambes dans la rue,
■ en jettant des,cris affreux, laiffant l’ officier public
bîic perfuadé qu’un million de diable? venoit de
lui faire faire une furieufe culbute.
Le *pîus fur moyen de fe guérir bientôt de
l'amour, c’ eft d’époufer la perfonne que l’on aime :
& ce qui eft encore plus bifarre, c’eft que
• I on préfère de laides maîtreffes à de belles femmes,
qui auroient mille charmes', fi elles n’ a-
voient pas le nom d’époufes. Un homme de
eonfidération , qui avoit une femme fort belle.,
jeuneriche & de bonne mâifon , ceffa de l’aimer
dès qu’il l’eut époufée, 8c eut un attachement
fort grand pour une femme âgée, laide, 8c d’une
nailfance fort douteufe & fort incertaine. Pour
régaler fa femme il lui difoit tous les jours,que
fi elle n’étok pas fa femme, il feroit tout fon,
poffible pour avoir fes bonnes grâces , mais qué,
l’ayant epoufée il ne* poüvoit aimer comme un
plaifir une chofe qui ne lui donnôit point dé
peine; c ’étoit le langage qu’i l lui tenoit ordinairement.
Un jour il fe trouva aux Tuilieries avec
un de fes amis, pour faire ce qu’on y fait, qui
eft de cenfurer les habits , la • beauté, l ’air , &
très-fouvent,les moeurs 8c la conduite. Ge mari,
qui avoit la vue fort baffe, cenfuroit comme les.
autres , & ne trouvoif ; ce foir-là, aucune femme
digne de fes regards. Comme il parloit avec fon
ami, il en paffa une très-belle & très-bien faite
à fon gré, qu’il ne connut point, & qui étoit
fa femme : fon ami la falua, & l’autre lui demanda
-s’il la connoiffoit; cet amf, qui eut envie
de Te divertir , lui dit que c’étoit une provinciale,
qu’il avoit -vue autrefois à Montpellier,
8c qui étoit- venue à Raris pour plaider contre
Ton époux, qui- avoit d’autres inclinations. 11 approuva
le deffein de la. femme , il dit qu’ elle
étoit trop jolie pour vivre avec un tel animal,
& en même, temps il offrit de la Tervir de Ton
crédit & de Ta bourfe , après quoi i l preffa fon
ami de le - préfenter à elle pour la fa!lier. L ’ami
feignit d’abord beaucoup de difficultés, lui di-
fant que cette femme étoit fort retirée, que fon
mari la faifok épier , 8c- que la moindre vifite
qu’elle recevro.it d’un homme , feroifc un préjugé
contre elle de fa mauvaife conduite ; cependant
que pour le fatisfaire, il aïloit lui demander fi
elle agréeroit fes. offres & fes complimens. Au
moment i l alla raconter à la dame ce que fon
mari venoit de lui dire, Tans oublier l’ardeur
qu’il fentoit pour elle, la prenant pour une femme
■ de Montpellier. L ’ami revint & lui dit qu’elle
étoit trop-heureufe de trouver ün homme conmie
lui qui voulût entrer dans fes intérêts. Là deffus
il courut lui faire beaucoup de fades compîi-
mens , qu’ elle écouta, Ta coéffe baiffée, pour
n’ être pas fî-tôt reconnue, & pour faire durer
plus long-temps la comédie. Ennn elle Te découv
r it le vifage, & il reconnut Ta femme. Elle le
railla fans lui donner le temps de lui répond
re : les'dames qui ‘étoient avec eHe le plaifan-
E n cyclop édiana.
tèrent à leur tou r , 8c ce jour, contre fon ordinaire,
il entendit affez la raillerie ; il trouva fa
femme jolie plus qu’ il n’avoit encore fait, mais
il n’ofa faire paroître fa tendreffe. Voici ce
qu’i l fit. Il quitta fon ami , & courut chez
lui ; il fit auffi-tôt appeller fés gens* pour le mettre
en robe de chambre, 8c en bonnet de nuit,
puis il dit à un d’eux de courir aux Tuilleriés,
dans une-telle allée , où £a femme Te - promenoit,
§c de lui dire qu’il avoit une affaire très-importante
à lui communiquer. Le valet-de-chambre,
qui ne Tavoit rien de l’hiftoire , s’acquita de la
commiffion. La dame craignant cu’il ne lui fût
arrivé quelque chofe de fâcheux, demanda fi fon
mari étoit feul ; il lui dit qu il etoit deshabille,
en robe de chambre 8c eh bonnet de huit. -1 outes
ces dames fe mirent à rire , 8c devinèrent d a-
bord de quoi il s’agiffoit. Elles allèrent toutes
cnfemble voir le mari, qu’ elles recommencèrent
à railler-comme auparavant, elles voulurent faire
une nouvelle noce , 8c on prépara un fouper m’a-
. gnifique, après quoi on coucha la mariée avec
autant de cérémonies que la première nuit de fon
mariage. Le lendemain ce mari retomba dans le
: dégoût pour fa femme , avec ' qui il vivoit pour-
; tant'honnêtement,-mais fans lui donner aucune
marque d’inclination. Le jour fuivant il alla voir
fa maîtreffe, qui favoit l’aventure; à peine fut-
il entré qu’elle prit dés pincettes, avec quoi
elle le pourfuivit dans fa chambre, le menaçant
de Taffommer, s’ il ne lui juroit de ne plus tomber
dans une pareille fragilité : il le jura à genoux;
8c, fa repentance finit la conteftation.
Ladiflas , roi de Naples -, avide de faire des
conquêtes fur le beau fexe, affiégea Florence
qui étoit à la veille de fe rendre. Il fit dire aux
àffJgrés que fi on lui livroit une jeune florentine,
dont la renommée avoit répandu par-tout
la beauté, illèveroit le liège. On fut obligé d’ac-
îcepter la condition :1a,belle étoit fille d’ un médecin
, 8c pouvoit avoir quinze à feize ans. Elle
Te para de fes plus beaux atours pour paroître
encore plus belle aux yeux du prince, que la
renommée ne la lui avoit .annoncé. Son père,
fans lui faire part de Ton deffein, lui mit autour
du cou un mouchoir de prix, qu’ il lui
noua avec tant de force qu’on auroit plutôt déchiré
le mouchoir que de rompre le noeud. Le
roi fut tranfporté en la voyant ; fon impatience
amoureufe lui fit franchir le cérémonial : -il fut
à peine au comble de fes voe u x , qu’il fut entre
les bras de la mort, dont l’embufeade étoit dref-
fée dans le mouchoir empoifonné. La belle eut
le même Tort.
Aventure ftnguliere , écrite par ~M....... a un
de fis amis.
Je vais te confier, cher ami, un fecret affreux,
que je ne puis 'dire qu’ à "toi. La noce-de